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L’Exploitation économique des territoires occupés de Palestine - La réponse du Droit à un crime.

La défense des droits des Palestiniens passe par la sanction de l’exploitation économique illicite des territoires occupés. C’est l’affaire des Palestiniens, mais dans un monde de civilisation, c’est l’affaire de tous. Le dernier mot ne doit pas revenir à la force, mais au droit.

Plan

Chapitre 1 : Ce que dit le droit international humanitaire

I - Le règlement de La Haye 1907
 A - Caractère applicable
 B - Dispositions pertinentes

II - Quatrième Convention de Genève
 A - Caractère applicable
 B - Dispositions pertinentes

III - L’exploitation économique, un crime de guerre

Chapitre 2 : L’application du droit international en Palestine

I - La contestation formée par Israël
 A - L’interprétation erronée de l’article 2 de la Convention de Genève
 B - La réécriture du droit international, au profit d’un « principe de proportionnalité »

II - Le rejet de ces contestations
 A - La Cour Internationale de Justice en 2004
 B - Autres instances internationales
 - Les Etats parties à la Quatrième Convention de Genève
 - Le CICR
 - Les organes de l’ONU

Chapitre 3 : Le droit européen

I - Le cadre général
 A - L’Europe et la défense des droits
 B - L’accord UE / Israël
 1 - Le texte de l’accord
 2 - L’application de l’accord

II - Une politique illégale
 A - L’affaire Brita
 B - Un procédé de certification inefficace
 C - La violation du droit international humanitaire

Chapitre 4 : Vers une application effective du droit

I - La nécessaire réécriture de l’accord européen
 A - Contexte
 B - Recours contre l’accord de 2000 et sa modification de 2009
 1 - Compétence juridictionnelle
 2 - Procédés
 - Parlement
 - Groupes menacés de concurrence
 - Société civile
 - Négociations vis-à -vis des autres partenaires

II - La sanction des violations du droit
 A - Poursuite de la colonisation
 B - Complicité de crime de guerre par les entreprises qui participent à la colonisation
 - Plainte pénale
 - Commercialisation illicite
 - Application du droit douanier
 - Fraude quant à l’origine du produit
 - Concurrence déloyale


EN QUELQUES MOTS….

Les territoires occupés

1. 1967 / 2009 : la colonisation, qui suivit l’occupation des territoires palestiniens après la guerre de 1967, dure depuis plus de 42 ans, et elle tend à devenir une sorte d’option politique, du registre du négociable. Or, il n’y a pas de doute. La colonisation, c’est-à -dire le transfert de population dans les zones occupées et leur développement, est une des violations les plus graves du droit international : la terre conquise est le butin de la guerre.

2. Après une opération militaire, l’Etat peut rester dans des territoires qui ne sont pas les siens. Mais, il ne peut le faire que dans la perspective d’un règlement pacifique, et en respectant le droit international humanitaire. La puissance occupante n’est pas chez elle, et pendant le temps de cette occupation elle doit se contenter de gérer, sans s’approprier quoi que ce soit. Personne ne peut acquérir les richesses d’autrui par la force armée. Les textes ne laissent aucun doute : le règlement de La Haye de 1907 et la 4° Convention de Genève de 1949 reconnaissent à la Palestine la qualité de territoire occupé, et donc interdisent l’implantation de population et l’exploitation économique. Le statut de la Cour Pénale Internationale, de 1998, en tire les conséquences et qualifie ces faits de crime de guerre.

3. Aussi, des actions déterminées sont nécessaires pour mettre fin à cette violation flagrante du droit international, et le droit européen offre un terrain privilégié.

Le droit international

4. Le premier volet est le droit international. Le Ministre de la Justice de Palestine a donné compétence à la Cour Pénale Internationale pour tous les crimes commis depuis 2002. Il a parfois été compris qu’il ne s’agissait que d’une plainte faisant suite à l’opération militaire Plomb Durci, de décembre 2009 et janvier 2010. Non, la déclaration de compétence place tous les territoires de Palestine sous la protection de la Cour, et dans ce cadre général, des plaintes doivent être déposées, contre toute nouvelle implantation. Il pourrait en être ainsi pour toute destruction de maison à Jérusalem-Est. Ce serait une faute que de dissocier l’opération militaire et la colonisation, car l’opération militaire est la condition et la cause de la colonisation.

5. Ensuite, vient la responsabilité des entreprises, israéliennes ou européennes, qui participent et profitent de la colonisation, sous l’angle de l’aide aux collectivités ou de l’exploitation des ressources. Sous le premier angle, elle soumissionnent à des marchés publics lancés par les collectivités installées dans les colonies : ce faisant elles deviennent directement acteur de la colonisation, qui est un crime. Sous le second angle, elles permettent le développement et la prospérité des colonies. Or, chacun sait que la question est décisive car la réussite économique est la condition de la colonisation, et elle est une ruine pour les palestiniens, à commencer pour l’eau et les productions agricoles.

6. Ces entreprises, qui participent à la colonisation, sont complices de crimes de guerre, au sens des articles du statut de la Cour Pénale Internationale. Il faut s’adresser solennellement à elles, pour leur rappeler une situation juridique qui a pu leur échapper, et les inviter à en tirer les conséquences. Mais si la situation reste inchangée, il faudra déposer des plaintes devant la CPI contre les dirigeants, qui sont souvent des européens, relevant sans réserve de la compétence de la Cour.

Le droit européen

7. La question doit se jouer aussi sur le terrain européen, c’est-à -dire à partir des règles de droit européen, devant la Cour de Justice de l’Union européenne et devant les juridictions internes, car nombre de règles sont d’application directe.

8. Ici, Israël est engagé par un texte, le traité d’échange économique avec l’Union Européenne, et il s’agit d’imposer le strict respect des clauses de ce traité : les importations ne peuvent concerner que les produits issus de l’intérieur des frontières de 1967. Toute production sous label israélien issue des territoires occupés de Palestine est illicite, car elle procède de l’exploitation des territoires conquis par la force armée. Les produits issus des colonies doivent être exclus de l’accord UE/ Israël, et frappés d’interdiction à la vente.

9. Les instances européennes ont toujours eu conscience des abus des exportateurs israéliens, qui cachent sous un certificat d’origine israélien des produits issus des territoires occupés, mais la réponse est restée équivoque, et pour deux raisons : il n’a pas été mis en place de procédé contradictoire de contrôle, ce qui revient à encourager le fraudeur à être malin, et parce que la réponse serait de taxer les produits venant de territoires occupés. Non. Tout ceci doit changer, pour en revenir à la lettre et à l’esprit du droit européen. Il faut imposer des procédés de contrôle contradictoire, et interdire purement et simplement toute exportation issue des territoires palestiniens, et non contrôlée par les Palestiniens. C’est une responsabilité pour les européens.

10. L’Union européenne a également signé un accord avec l’Autorité Palestinienne. Les flux commerciaux restent faibles, et pour cause. Aussi, des processus spécifiques de contrôle doivent être mis en place pour que les exportations palestiniennes soient toutes reconnues comme telles, notamment lorsqu’elles arrivent sous de faux certificat israéliens, imposés dans le contexte local. En l’état actuel, on tolère un système qui est une fraude institutionnalisée, faisant perdre aux Etats européens d’importants montants de taxes, et on entérine un système qui asphyxie l’économie palestinienne. Le droit européen est plus vigilant sur les contrefaçons de marques que sur l’exploitation criminelle des territoires occupés : c’est inacceptable.

Revoir le processus de contrôle

11. Il faut prendre acte de la fraude organisée, et revoir le processus de contrôle. Ce doit être l’une des priorités de la Commission européenne, et le Parlement devrait engager une enquête pour mesurer exactement les réalités du terrain, et les montants de douanes qui sont à rétablir, pour compenser les exonérations illicites des dix dernières années.

12. Les produits arrivant dans l’espace européen et issus des colonies sont illicites par nature lorsqu’ils bénéficient d’un certificat d’origine israélien. Aussi, des actions doivent être conduites pour obtenir leur retrait du marché. Mais il va falloir agir avec discernement, et l’Union européenne doit imposer une véritable traçabilité des produits, pour rétablir les droits des Palestiniens exportateurs, lorsqu’ils sont contraints, vu le contexte sur place, de passer par des intermédiaires israéliens. Les règles doivent être d’une grande précision pour garantir la traçabilité depuis le premier stade de la production.

Une concurrence déloyale

13. Se pose aussi la question de la concurrence internationale. Il n’y a pas de concurrence loyale lorsque l’exportateur profite des conditions imposées par la violation du droit international. Quelle concurrence avec l’exportateur qui ne paie ni la terre, ni l’eau, ni les salaires, ni les douanes ? L’Union européenne a les moyens de se saisir de cet aspect.

14. Sont directement concernées les entreprises qui souffrent de cette concurrence déloyale.

15. Sont également concernés les autres pays signataires d’accord du même type. Comment accepter que le processus de Barcelone, c’est-à -dire une série d’accords entre l’Union Européenne et les pays méditerranéens, entérine le « deux poids, deux mesures » ? Sont concernés l’Algérie, Chypre, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, Malte, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité palestinienne. Il est urgent que la règle redevienne la même pour tous. L’impact de cette fraude organisée pendant dix ans doit être évaluée, pour envisager des mesures de compensation, et un ajustement des conditions des traités.

L’interdiction à la vente de produits illicites

16. Enfin, sur le terrain, à l’initiative des entreprises et des producteurs atteints par cette concurrence déloyale, des actions s’imposent, car le droit doit être le même pour tous. Des groupes issus de la société civile ayant pour objet la défense du droit et de la cause palestinienne, européens ou palestiniens, ont également des actions à conduire, contre des productions illicites, et qui ne peuvent rester sur le marché.

* * *

17. C’est un plan déterminé et diversifié qui doit être engagé, pour mettre fin aux profits du crime, rétablir les réalités économiques dans les territoires occupés, et conforter la viabilité économique de l’Etat Palestinien par la réappropriation de ses richesses.

18. Ces règles de droit existent depuis longtemps. Ce qui a changé, c’est qu’il existe désormais des processus pour contraindre à leur application. Ce qui change tout. L’affaire Brita, plaidée le 29 octobre 2009 devant la Cour Européenne de Justice sera le signe des temps qui changent. La société Brita a fait l’objet d’une taxation des douanes allemandes, pour avoir importé des produits de la société Soda-Club, entreprise israélienne implantée dans une colonie. Ce qui est attendu, c’est l’arrêt d’une Cour internationale qui dira que la seule frontière d’Israël est celle de 1967, qu’au delà ce n’est pas Israël, et que toute production israélienne y est illicite.

20. C’est l’affaire des Palestiniens, mais dans un monde de civilisation, c’est l’affaire de tous. Le dernier mot ne doit pas revenir à la force, mais au droit.

CHAPITRE 1 : CE QUE DIT LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

21. Les territoires occupés de Palestine… Une réalité de 42 ans, qui semblent devenir une donnée acquise. Une telle durée, cela crée une spécificité militaire et politique, oui. Mais juridiquement, le régime de droit applicable est bien connu : il s’agit de territoires occupés, et tout transfert de population y est interdit. L’Etat d’Israël, avec la jurisprudence complaisante de la Haute Cour de Justice, conteste l’application de ce qui fait les bases du droit international humanitaire. Mais ces théories en forme d’alibi ne trompent personne, ni les instances internationales, ni les acteurs du droit international, et la Cour Internationale de Justice a balayé ces arguties dans son avis rendu en 2004 à propos de la construction du mur.

22. Le droit international humanitaire applicable aux territoires occupés de Palestine repose sur deux textes clés, le règlement de la Haye de 1907 (I) et la 4° Convention de Genève (II), avec désormais des sanctions prévues dans le traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale (III).

I - Le règlement de La Haye 1907

23. Il convient de s’interroger sur le caractère applicable de ce texte (A) avant d’analyser les dispositions pertinentes (B).

A - Caractère applicable

24. Le règlement de La Haye de 1907, qui est une annexe de la Quatrième Convention de La Haye du 18 octobre 1907, traite dans sa section III de l’autorité militaire dans les territoires occupés. Israël n’est pas partie à cette Convention, mais cette application est acquise sous l’angle du droit coutumier et, par renvoi, de la 4° Convention de Genève.

25. Aux termes de la convention de 1907, comme l’a relevé la Cour de Justice Internationale, ce règlement avait pour objet de « réviser les lois et coutumes générales de la guerre » telles qu’elles existaient à l’époque. Dès 1946, le Tribunal militaire international de Nuremberg avait d’ailleurs jugé :

"Les règles définies dans la convention étaient reconnues par toutes les nations civilisées et étaient considérées comme une formulation des lois et coutumes de guerre." (1)

26. Les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont ainsi acquis un caractère coutumier, comme la Cour Internationale de Justice l’a démontré en examinant les droits et devoirs des belligérants dans la conduite des opérations militaires. (2)

27. De plus, conformément à l’article 154 de la Quatrième Convention de Genève, le règlement de La Haye a été complété en ses sections II et III par les dispositions de la convention de La Haye qui inclut le règlement de 1907. Or, la Quatrième Convention de Genève a été ratifiée par Israël le 6 juillet 1951.

B - Dispositions pertinentes

28. La section III du règlement de La Haye, qui concerne « l’autorité militaire sur le territoire de 1’Etat ennemi », définit la notion de territoire occupé en son article 42, et la Cour internationale de Justice conclut de manière nette, en référence au droit international coutumier tel que reflété à l’article 42 :

" Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et l’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer." (3)

29. Les articles 43, 46 et 52 sont reconnus par la CIJ particulièrement pertinents au cas des territoires occupés de Palestine. (4)

30. L’article 43 donne à l’occupant le devoir de prendre « toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays ».

31. L’article 46 ajoute que la propriété privée doit être « respectée » et « ne peut pas être confisquée ».

"L’honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée, ainsi que les convictions religieuses et l’exercice des cultes, doivent être respectés.

La propriété privée ne peut pas être confisquée."

32. L’article 52 autorise dans certaines limites des réquisitions en nature et des services pour les besoins de l’armée d’occupation.

"Des réquisitions en nature et des services ne pourront être réclamés des communes ou des habitants, que pour les besoins de l’armée d’occupation. Ils seront en rapport avec les ressources du pays et de telle nature qu’ils n’impliquent pas pour les populations l’obligation de prendre part aux opérations de la guerre contre leur patrie."

33. Aux termes de l’article 55 :

"L’Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l’Etat ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit."

II - Quatrième Convention de Genève

34. Il convient de s’interroger sur le caractère applicable de ce texte (A) avant d’analyser les dispositions pertinentes (B).

A - Caractère applicable

35. La Quatrième Convention de Genève a été ratifiée par Israël le 6 juillet 1951. La Jordanie y est aussi partie depuis le 29 mai 1951. Aucun des deux Etats n’a formulé de réserve pertinente au cas particulier des territoires occupés.

36. La Palestine s’est par ailleurs engagée unilatéralement, par déclaration du 7 juin 1982, à appliquer la Quatrième Convention de Genève. La Suisse, en qualité d’Etat dépositaire, a estimé valable cet engagement unilatéral. En revanche, elle a conclu qu’elle « n’était pas - en tant que dépositaire - en mesure de trancher le point de savoir si la demande de l’Organisation de libération de la Palestine, au nom de l’Etat de Palestine, d’adhérer notamment à la Quatrième convention devait être considérée comme un instrument d’adhésion ».

37. Le champ d’application de la Quatrième Convention de Genève est défini par l’article 2, commun aux quatre conventions du 12 août 1949 :

"En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente convention s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles. La convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire."

"Si l’une des puissances en conflit n’est pas partie à la présente convention, les puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées par elle dans leurs rapports réciproques. Elles seront liées en outre par la convention envers la dite puissance, si celle-ci en accepte et en applique les dispositions."

38. Selon le premier alinéa, la convention est applicable dès lors que deux conditions sont remplies, à savoir l’existence d’un conflit armé, que l’état de guerre ait ou non été reconnu, et la survenance de ce conflit entre deux parties contractantes. Si ces deux conditions sont réunies, la convention s’applique, et en particulier dans tout territoire occupé au cours d’un tel conflit par l’une des parties contractantes.

39. Le deuxième alinéa n’a pas pour objet de restreindre le champ d’application de la convention ainsi fixé par l’alinéa premier, en excluant de ce champ d’application les territoires qui ne relèveraient pas de la souveraineté de l’une des parties contractantes. Il tend seulement à préciser que, même si l’occupation opérée au cours du conflit a eu lieu sans rencontrer de résistance militaire, la convention demeure applicable. (5)

40. La CIJ a ainsi reconnu l’application de la 4° Convention de Genève aux territoires occupés de Palestine, et cette analyse a été unanimement approuvée, sauf par Israël.

B - Dispositions pertinentes

41. En son article 6, la Quatrième Convention distingue entre les dispositions applicables lors des opérations militaires ayant conduit à l’occupation et celles qui demeurent applicables pendant toute la durée de l’occupation.

"La présente convention s’appliquera dès le début de tout conflit ou occupation mentionnés à l’article 2."

"Sur le territoire des parties au conflit, l’application de la convention cessera à la fin générale des opérations militaires."

"En territoire occupé, l’application de la présente convention cessera un an après la fin générale des opérations militaires ; néanmoins, la puissance occupante sera liée pour la durée de l’occupation - pour autant que cette puissance exerce les fonctions de gouvernement dans le territoire en question - par les dispositions des articles suivants de la présente convention : 1 à 12, 27, 29 à 34, 47, 49, 51, 52, 53, 59, 61 à 77 et 143."

"Les personnes protégées, dont la libération, le rapatriement ou l’établissement auront lieu après ces délais resteront dans l’intervalle au bénéfice de la présente convention."

42. Ainsi, les opérations militaires qui conduisirent en 1967 à l’occupation des territoires occupés ayant pris fin, seuls demeurent applicables les articles visés à ce troisième alinéa de l’article 6. Parmi ces dispositions, sont pertinents les articles 47, 49, 52, 53 et 59.

43. L’article 47 :

"Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé."

44. L’article 49, et ses très importants alinéas 1 et 6 :

"Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif."

"Toutefois, la puissance occupante pourra procéder à l’évacuation totale ou partielle d’une région occupée déterminée, si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent. Les évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes protégées qu’à l’intérieur du territoire occupé, sauf en cas d’impossibilité matérielle. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin."

La puissance occupante, en procédant à ces transferts ou à ces évacuations, devra faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que les personnes protégées soient accueillies dans des installations convenables, que les déplacements soient effectués dans des conditions satisfaisantes de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’alimentation et que les membres d’une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.

"La puissance protectrice sera informée des transferts et évacuations dès qu’ils auront eu lieu."

"La puissance occupante ne pourra retenir les personnes protégées dans une région particulièrement exposée aux dangers de la guerre, sauf si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent."

"La puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle."

45. L’article 52 :

"Aucun contrat, accord ou règlement ne pourra porter atteinte au droit de chaque travailleur, volontaire ou non, où qu’il se trouve, de s’adresser aux représentants de la puissance protectrice pour demander l’intervention de celle-ci."

"Toute mesure tendant à provoquer le chômage ou à restreindre les possibilités de travail des travailleurs d’un pays occupé, en vue de les amener à travailler pour la puissance occupante, est interdite."

46. L’article 53 :

"Il est interdit à la puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à 1’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales et coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires."

47. L’article 59 :

"Lorsque la population d’un territoire occupé, ou une partie de celle-ci, est insuffisamment approvisionnée, la puissance occupante acceptera les actions de secours faites en faveur de cette population et les facilitera dans toute la mesure de ses moyens."

"Ces actions, qui pourront être entreprises soit par des Etats, soit par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité International de la Croix-Rouge, consisteront notamment en des envois de vivres, produits médicaux et vêtements."

"Tous les Etats contractants devront autoriser le libre passage de ces envois et en assurer la protection."

"Une puissance accordant le libre passage d’envois destinés à un territoire occupé par une partie adverse au conflit aura toutefois le droit de vérifier les envois, de réglementer leur passage selon des horaires et itinéraires prescrits, et d’obtenir de la puissance protectrice une assurance suffisante que ces envois sont destinés à secourir la population dans le besoin, et ne sont pas utilisés au profit de la puissance occupante."

III - L’exploitation économique, un crime de guerre

48. La question doit être examinée au regard des fondamentaux du droit. Le statut de la Cour Pénale Internationale, article 21, souligne le lien étroit entre le statut et le droit international général. La Cour applique en premier lieu le Statut, en second lieu les traités applicables et les principes et règles du droit international et à défaut, les principes généraux du droit dégagés par la Cour à partir des lois nationales représentant les différents systèmes juridiques du monde.

49. Le statut de la Cour Pénale Internationale revient, au titre de la définition des crimes de guerres, sur ces notions. Le statut entend par « crimes de guerre » les infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, « à savoir l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

"Article 8, 2, a, iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire."

"Article 8, 2, a, viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante, d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire."

50. L’article 25 pose le principe de la responsabilité pénale individuelle. La Cour est compétente à l’égard des personnes physiques, et quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au Statut.

51. C’est l’alinéa 3 qui définit l’étendue de la responsabilité pénale, les alinéas c) et d) traitant de la facilitation ou de la contribution.

"Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si :

a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou tentative de commission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;

d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas :

- i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour ;
ou

- ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime."

CHAPITRE 2 - L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL EN PALESTINE

52. L’Etat d’Israël conteste l’application du droit international humanitaire dans les territoires occupés (I) mais cette contestation ne résiste pas à l’analyse, comme l’a dit la Cour Internationale de Justice (II).

I - La contestation formée par Israël

53. L’Etat d’Israël soutien deux types de contestation, l’une reposant sur une interprétation de l’article 2 de la Convention de Genève (A) et l’autre sur la jurisprudence de la Haute Cour de Justice (B).

A - Une interprétation erronée de l’article 2 de la Convention de Genève

54. Dans l’affaire du mur, les autorités israéliennes ont déclaré qu’en fait elles appliquaient de manière générale les dispositions humanitaires de la Quatrième convention de Genève dans les territoires occupés (6) , mais que cette convention ne serait pas applicable de jure dans ces territoires car, conformément au deuxième alinéa de son article 2, elle s’appliquerait seulement en cas d’occupation de territoires relevant de la souveraineté d’un Etat contractant partie à un conflit armé. Israël a soutenu que la Jordanie était certes partie à la Quatrième convention de Genève en 1967 et qu’un conflit armé a alors éclaté entre Israël et la Jordanie, mais il ajoute que les territoires occupés par Israël à la suite de ce conflit ne relevaient pas auparavant de la souveraineté jordanienne. (7)

55. La Cour internationale de Justice a écarté cette interprétation :

"Les rédacteurs du deuxième alinéa de l’article 2 n’avaient nullement l’intention, en insérant cet alinéa dans la convention, d’en restreindre le champ d’application. Ils entendaient seulement couvrir le cas d’occupation sans combats, comme par exemple celle de la Bohême et de la Moravie par l’Allemagne en 1939." (8)

56. Cette analyse est confirmée par les travaux préparatoires de la convention. La conférence d’experts gouvernementaux convoquée par le Comité International de la Croix-Rouge au lendemain de la seconde guerre mondiale en vue de la préparation des futures conventions de Genève recommanda que ces conventions soient applicables dans tout conflit armé, « qu’il soit reconnu ou non comme état de guerre par les parties », et « dans les cas d’occupation de territoire auxquels il serait procédé sans qu’il existe un état de guerre ». (9)

B - La réécriture du droit international, au profit d’un « principe de proportionnalité »

57. Siégeant en tant que Haute Cour de Justice, la Cour suprême d’Israël a compétence pour statuer sur la légalité des décisions adoptées par les autorités publiques, notamment à l’initiative des Palestiniens des territoires occupés. Or, la Haute Cour de Justice écarte les références du droit international et conteste l’autorité de la Cour Internationale de Justice, pour recréer un régime qui laisse à l’Etat une grande liberté de manoeuvre. Elle a théorisé un principe de proportionnalité, et lorsque la limite de cette « proportion » provient des raisons de sécurité, elle refuse son contrôle, affirmant que cette question est exclusivement politique. Ainsi, sous un discours flatteur, la Haute Cour de Justice opère essentiellement comme une légitimation de la politique du gouvernement. (10)

Il est permis d’analyser l’action de la plus haute juridiction israélienne comme constituant un mode de légitimation de la politique d’occupation de l’État d’Israël, légitimation destinée tant à l’opinion publique interne qu’internationale. Il s’agit en effet de présenter l’image d’un État démocratique qui, même dans ses décisions concernant les territoires occupés, soumet son administration à la règle de droit et au contrôle judiciaire de ses tribunaux. (11)

58. La base du raisonnement revient à nier la réalité juridique de territoires occupés. La Haute Cour estime qu’Israël n’exerce pas de contrôle sur la population des territoires palestiniens, de telle sorte qu’il n’y a pas d’occupation, ce qui permet d’écarter l’application de la section III du règlement de La Haye et des dispositions de la Quatrième Convention de Genève relative aux territoires occupés. (12)

If the army takes de facto and effective control of a certain area, the temporary nature of the presence in the area or the intention to maintain only temporary military control cannot derogate from the fact that such conditions give rise to the application of those provisions of the laws of war that address the consequences that also arise in the belligerent occupation. Moreover, the application of the third chapter of the Hague Regulations and the application of the corresponding provisions in the Fourth Geneva Convention are not dependent upon the establishment of a special organizational system that takes the form of military rule. The duties and powers of the military force that derive from the effective occupation of a certain territory come into existence as a result of the military control of the territory, i.e., even if the military force exercises its control solely through its ordinary combat units, without setting up and designating a special military framework for administration purposes . (13)

59. Dans le même temps, et c’est logique à partir du moment où la notion de territoires occupés est niée, la Cour suprême estime que l’article 43 du Règlement de La Haye de 1907 justifie les mesures destinées à assurer la sécurité des Israéliens résidant en territoire palestinien, sans avoir à dire si cette présence était légale au non. (14)

60. Cette interprétation peut apparaitre comme un discours balancé, alors qu’elle est irrémédiablement fausse, car elle écarte le droit international humanitaire.

The immediate challenge faced by Israel’s security system is, on one hand, the urgent need to act in order to halt the attacks, this being part of the basic responsibility of every state to ensure the security of its citizens. On the other hand, the state must carry out these operations pursuant to the law and within the framework of the rule of law in a democratic state.

The problem of balancing security and liberty is not specific to the discretion of a military commander of an area under belligerent occupation. It is a general problem in the law, both domestic and international. Its solution is universal. It is found deep in the general principles of law, which include reasonableness and good faith. (15)

61. Il est très symptomatique de voir comment, dans l’affaire du mur, la Haute Cour ignore la Cour Internationale de Justice. Elle évacue le débat sur le principe du mur, justifié au nom des mesures de sécurité que la Cour se refuse à apprécier, et se contente d’apprécier les modalités d’implantation du mur (16). Ce qui permet à la Haute Cour de refuser toute autorité à l’avis de la Cour internationale de Justice.

Our answer is as follows : the Supreme Court of Israel shall give the full appropriate weight to the norms of international law, as developed and interpreted by the ICJ in its Advisory Opinion. However, the ICJ’s conclusion, based upon a factual basis different than the one before us, is not res judicata, and does not obligate the Supreme Court of Israel to rule that each and every segment of the fence violates international law. (17)

62. De ce fait, c’est toute l’application du droit qui est en fait remise en question. Ainsi, la Haute Cour met en avant les questions de sécurité, pour justifier la construction du mur malgré l’avis de la Cour Internationale de Justice.

On the basis of all the material at our disposal, we have reached the conclusion that the basis for the decision to erect the fence is a security consideration, of preventing terrorist infiltration into the State of Israel and into the Israeli communities in the area. The separation fence is a central security component in Israel’s battle against Palestinian terrorism.

Our conclusion is, therefore, that the military commander is authorized to construct a separation fence in the area for the protection of the lives and security of the Israeli settlers in the area. For the purpose of this conclusion, it is irrelevant to examine whether this settlement activity conforms to international law or defies it, as determined in the Advisory Opinion of the International Court of Justice at the Hague. (18)

II - Le rejet de ces contestations

63. Ces contestations ont été rejetées par la Cour Internationale de Justice (A) et par les autres instances internationales (B).

A - La Cour Internationale de Justice en 2004

64. Pour la CIJ, selon le droit international coutumier tel que reflété à l’article 42 du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Quatrième convention de La Haye du 18 octobre 1907, un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et l’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer.

"Les territoires situés entre la Ligne verte et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante."

"Les événements survenus depuis lors dans ces territoires (19) n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeure des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante." (20)

65. La CIJ conclut, sans réserve, à l’application de la Quatrième Convention dans les territoires occupés.

Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la Quatrième convention de Genève est applicable dans tout territoire occupé en cas de conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs parties contractantes. Israël et la Jordanie étaient parties à cette convention lorsqu’éclata le conflit armé de 1967. Dès lors ladite convention est applicable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflit à l’est de la Ligne verte, et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupés par Israël, sans qu’il y ait lieu de rechercher quel était auparavant le statut exact de ces territoires. (21)

B - Autres instances internationales

- Les Etats parties à la Quatrième convention de Genève

66. Les Etats parties à la Quatrième convention de Genève ont retenu l’application du texte aux territoires occupés, lors de la conférence qu’ils ont tenue le 15 juillet 1999. Dans la déclaration finale, ils « ont réaffirmé que la Quatrième convention de Genève était applicable au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Puis, le 5 décembre 2001, les Hautes Parties contractantes, eu égard notamment à l’article 1° de la Quatrième convention de Genève de 1949, ont réaffirmé une nouvelle fois « l’applicabilité de la convention au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Elles ont en outre rappelé à leurs obligations respectives les Parties contractantes participantes à la conférence, les parties au conflit et l’Etat d’Israël en tant que Puissance occupante. (22)

- Le CICR

67. Le CICR, dont la situation particulière en ce qui concerne l’exécution de la Quatrième convention de Genève doit être « en tout temps reconnue et respectée » par les parties conformément à l’article 142 de la convention, a, lui aussi, pris parti sur l’interprétation à donner à la convention. Le CICR a toujours affirmé l’applicabilité de jure de la IV° Convention de Genève aux territoires occupés depuis 1967 par 1’Etat d’Israël, y compris Jérusalem-Est. (23)

- Les organes de l’ONU

68. L’Assemblée générale a pris position dans le même sens dans de multiples résolutions :

"La convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, est applicable au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et aux autres territoires occupés par Israël depuis 1967." (24)

69. Le Conseil de sécurité a dès le 14 juin 1967 considéré :

"Les parties impliquées dans le conflit doivent se conformer à toutes les obligations de la convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre." (25)

70. Par la résolution 242 (1967), du 22 novembre 1967, le Conseil de Sécurité a souligné « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d’oeuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité » et exigé le retrait des forces israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit.

71. Le 15 septembre 1969, il a confirmé cette analyse.

"Le Conseil demande à Israël d’observer scrupuleusement les dispositions des conventions de Genève et du droit international régissant l’occupation militaire." (26)

72. Le 22 mars 1979, le Conseil de sécurité s’est prononcé sur la politique et les pratiques israéliennes consistant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967.

"Il a estimé que celles-ci n’ont « aucune validité en droit » et affirmé « une fois encore que la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles..., du 12 août 1949, est applicable aux territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem » ; il a demandé « une fois encore à Israël, en tant que puissance occupante, de respecter scrupuleusement » cette convention." (27)

73. Le 20 décembre 1990, le Conseil de sécurité s’est encore prononcé dans le même sens.

Il a engagé « le Gouvernement israélien à reconnaître l’applicabilité de jure de la convention ... à tous les territoires occupés par Israël depuis 1967 et à se conformer scrupuleusement aux dispositions de la convention ». Il a demandé en outre « aux Hautes Parties contractantes à ladite convention de veiller à ce qu’Israël, puissance occupante, s’acquitte des obligations qu’il a contractées aux termes de l’article 1 de la convention ». (28)

74. Le Conseil a encore réaffirmé sa position en ce qui concerne l’applicabilité de la Quatrième convention de Genève dans les territoires occupés. (29)

CHAPITRE 3 - LE DROIT EUROPEEN

75. Le cadre général de la coopération (I) a donné naissance à une politique illégale (II).

I - Le cadre général de la coopération

76. Le cadre général repose sur deux axes : L’Europe et la défense des droits (A) et un accord technique de coopération économique (B).

A - L’Europe et la défense des droits

77. Toute la construction européenne est tendue vers l’objectif qu’est le respect du droit, comme le rappelle le Préambule :

"Confirmant leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et de l’Etat de droit."

78. L’Union Européenne, qui aux termes de l’article 3-1 a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples, s’est fixée des engagements stricts en son article 3-5, notamment vis-à -vis de la Charte des Nations Unies :

"Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la Charte des Nations Unies."

79. Le PESC reprend des objectifs similaires, en son article 21 :

"1. L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement, principes qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’Etat de droit, l’universalité, et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international.

2. L’union s’efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations Unies.

3. L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et oeuvre pour assurer un haut de degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :

c- de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations Unies, ainsi qu’aux principes de l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures ;"

80. On peut encore citer l’article 205 du Traité sur le fonctionnement de l’UE :

"L’action de l’Union sur la scène internationale, au titre de la présente partie, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visées au chapitre 1 du titre V du traité sur l’Union Européenne."

B - L’accord UE / Israël

81. Il convient d’analyser le texte de l’accord (1) et son application (2).

1 - Le texte de l’accord

82. Le processus de Barcelone, de 1995, a conduit à des partenariats de l’Union européenne avec les pays du bassin méditerranéen : Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Autorité palestinienne. C’est ainsi qu’a été conclu à Bruxelles, le 20 novembre 1995, l’accord CE Israël approuvé le 19 avril 2000, entré en vigueur le 1er juin 2000. (30)

83. Le préambule proclame l’importance que les parties attachent « au principe de la liberté économique et aux principes de la Charte des Nations Unies, en particulier le respect des droits de l’homme et de la démocratie, qui constituent le fondement même de l’association ».

84. L’article 2 de l’accord d’association UE-Israël dispose :

"Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord."

85. L’article 8 instaure une exonération des droits de douane à l’importation et à l’exportation entre la Communauté et Israël. Est instauré un conseil d’association, chargé d’examiner les problèmes importants qui se posent dans le cadre de cet accord, (31), qui peut être saisi de tout différend relatif à l’application ou à l’interprétation de l’accord CE Israël. (32)

86. L’article 79, paragraphe 2, prévoit qu’une partie est en droit de prendre des mesures appropriées si elle considère que l’autre partie n’a pas satisfait à une obligation découlant dudit accord, à condition, toutefois, de fournir au préalable au Conseil d’association toutes les informations pertinentes nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de la recherche d’une solution acceptable pour les parties.

87. Le champ d’application territorial de l’accord CE Israël est défini à l’article 83, en lien avec le protocole n° 4. Sont considérés comme produits originaires d’Israël les produits entièrement obtenus en Israël ainsi que les produits obtenus en Israël et contenant des matières qui n’y ont pas été entièrement obtenues, à condition, toutefois, que ces matières aient fait l’objet en Israël d’ouvraisons ou de transformations suffisantes au sens de l’article 5 du protocole.

88. Au titre de l’article 32, les produits bénéficient des dispositions de l’accord sur présentation d’un certificat de circulation, délivré par les autorités douanières de l’État d’exportation, et lorsque les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes sur l’origine des produits, elles peuvent solliciter un contrôle a posteriori.

2 - L’application de l’accord

89. La mise en oeuvre de cet accord, qui s’inscrivait dans l’expérience acquise par l’important niveau d’échanges, a toujours prêté à discussion. En effet, l’accord n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre des frontières reconnues internationalement d’Israël, c’est-à -dire les frontières de 1967. Les produits obtenus dans les territoires occupés sous administration israélienne depuis 1967 ne doivent pas ouvrir droit au régime préférentiel.

90. Les autorités européennes ont à plusieurs reprises fait part de leurs doutes existant au sujet de la validité des certificats, et ce dès 1997 : Avis aux importateurs du 8 novembre 1997 (JO C 338, p. 13), du 23 novembre 2001 (JO C 328, p. 6) mais également lors de la deuxième session du Conseil d’association UE Israël du 20 novembre 2001.

91. Le point de vue de la Commission résulte d’un avis aux importateurs n° 2005/C 20/02, applicable au 1° février 2005, qui pose des règles d’apparence correcte, mais qui en réalité permettent tous les abus car elles ignorent les bases du droit international.

92. L’avis pose le principe essentiel, mais il était difficile de faire autrement, à savoir la reconnaissance de la frontière de 1967, mais il n’en tire pas les conséquences : « Selon la Communauté, les produits obtenus dans les territoires placés sous administration israélienne depuis 1967 ne leur ouvrent pas le bénéfice du régime préférentiel défini dans l’accord d’association UE-Israël. .

93. L’avis indique que sera exigé à compter du 1er février 2005 sur tous les certificats de circulation « le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d’origine ». La Commission reconnait la fraude généralisée en ajoutant : « Cette indication permettra de réduire considérablement le nombre de cas pour lesquels il existe des doutes raisonnables quant au statut d’origine des produits importés d’Israël ».

94. Et la Commission annonce la sanction : « Le régime préférentiel sera refusé aux produits pour lesquels la preuve d’origine indique que la production conférant le statut d’origine a eu lieu dans une ville, un village ou une zone industrielle placé sous administration israélienne depuis 1967. »

95. A première lecture, cet avis, qui a tout d’une disposition réglementaire, paraît satisfaisant, car il fait référence aux frontières de 1967, et à la nécessité d’un certificat précis pour l’origine. En réalité, cette protection est parfaitement inefficace.

II - Une politique illégale

96. Le caractère illégal de cette politique, mis en lumière par l’affaire Brita (A), repose sur un procédé de certification inefficace (B) et la violation du droit international humanitaire (C).

A - L’affaire Brita

97. Il se trouve que frontalement la question a été posée par les douanes allemandes à propos de l’entreprise allemande Brita qui avait importé des produits fabriqués par la société Soda Club, installée dans une colonie illégale. La société Brita s’est vue imposer les droits de douane, qu’elle a contestés devant le tribunal d’Hambourg, lequel a saisi la Cour Européenne de Justice de Luxembourg d’une question préjudicielle. L’affaire est venue à l’audience en octobre 2009, et l’avocat général a affirmé que ces produits ne pouvaient pas bénéficier de l’accord douanier. L’arrêt est attendu pour les premières semaines de 2010.

98. Après une démonstration particulièrement étayée, l’avocat général a conclu :

"Au vu de ce qui précède, la Cour ne peut, nous semble t il, que constater que les territoires de Cisjordanie et de la bande de Gaza ne font pas partie du territoire de l’État d’Israël." (33)

99. Le Conseil avait déjà indiqué que l’accord ne s’appliquait qu’au territoire de l’État d’Israël, « dans le cadre de ses frontières reconnues sur le plan international conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies à ce sujet ». (34)

100. La perspective à court terme est donc un arrêt de la Cour de Justice, reconnaissant la frontière de 1967, et privant Israël de tout droit à l’exploitation sur les territoires occupés.

B - Un procédé de certification inefficace

101. L’avis du 1er février 2005 demande que les certificats de circulation mentionnent « le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d’origine ». Ce processus est d’une efficacité très faible, et les conclusions de M. Bot identifient la cause de l’échec du processus : l’accord s’en remet à l’entreprise exportatrice et aux autorités israéliennes pour établir ce document. La Commission ne se donne aucun moyen de contrôle contradictoire sur place. Dans l’affaire Brita, la localisation de la production ne fait pas de doute, mais avec un processus de fabrication plus complexe, ou plus dissimulé, la valeur du certificat devient aléatoire. L’avis encourage à la sophistication des procédés, alors que l’expérience devrait conduire à imposer un contrôle contradictoire.

C - La violation du droit international humanitaire

102. Lorsqu’un produit issu des colonies est identifié, la seule réponse de la Commission est d’imposer le droit de douane, de telle sorte que la Communauté légitime l’exploitation économique des territoires occupés. La contrariété de l’avis de 2005 avec le droit international humanitaire, intégré dans l’ordre communautaire par les traités constitutifs, est double.

103. La Commission a recours à la formulation ambiguë, et juridiquement inexacte, de « sous administration israélienne de 1967 », en évitant celle de territoire occupé. Or, l’occupation de territoires est admise comme conséquence d’une opération de guerre, dans le respect du droit international humanitaire (La Haye 1907 et Genève 1949) : un simple rôle d’usufruitier, pas de transfert de population, pas d’exploitation des richesses, pas d’implantation d’un nouveau régime juridique. Aussi, il peut y avoir des exportations depuis un territoire occupé (situation de l’Allemagne d’après guerre), mais à condition que le droit international humanitaire soit respecté.

104. Les décisions de la Commission sont illégales, car elles se limitent à l’application du droit douanier communautaire, et ignorent le droit international humanitaire. Ainsi, il ne s’agit pas d’appliquer les droits de douanes sur des productions illicites, mais d’interdire ces exportations lorsqu’elles sont clairement illicites, l’objectif étant de conduire à la réappropriation des richesses économiques par les Palestiniens.

105. L’obligation de l’Union européenne, et des Etats-membres, à imposer le respect du droit n’est pas contestable et la CIJ l’a rappelé solennellement dans l’affaire de l’avis sur le mur :

"Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction ; tous les Etats parties à la Quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l’’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention." (35)

CHAPITRE 4 - VERS UNE APPLICATION EFFECTIVE DU DROIT

106. Pour défendre les principes du droit international humanitaire, il convient de réécrire l’accord européen (I) et d’engager des actions pour sanctionner ces violations du droit (II).

I - La nécessaire réécriture de l’accord européen

107. L’analyse du contexte (A) conduit à engager des recours contre l’accord de 2000 et sa modification de 2009 (B).

A - Contexte

108. L’accord de 2000, signé entre l’Union Européenne et l’Etat d’Israël, prévoit en son article 2 que le but est l’avancée de la défense des droits de l’homme et la démocratie. Cet objectif n’est pas réalisé dès lors que cet accord sert de cadre à Israël pour exploiter les territoires occupés. C’est de notoriété, et la démonstration dans l’affaire Brita est éclatante.

109. De plus, Israël a commis l’un des crimes contre l’humanité les plus graves de ces dernières décennies avec l’opération Plomb durci , faits établis par les rapports de John Dugard, au nom de la Ligue arabe et de Richard Goldstone, au nom du Conseil des droits de l’Homme.

110. L’accord UE/ Israël permet à Israël d’exporter des quantités importantes de produits issus des territoires occupés, et, par l’utilisation illégale qui en est faite, il assure ainsi la pérennité économique de cette occupation illégale. La Cour Européenne de Justice a reconnu dans un arrêt de septembre 2008 que toutes les actions européennes sont marquées par le respect du droit constitutionnel européen, lequel inclut la défense des droits et libertés fondamentaux.

111. Or, c’est dans ce contexte que vient d’être adopté un rehaussement de l’accord UE/Israël, par la décision du Conseil du 20 octobre 2009, visant une libéralisation réciproque en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche .

112. Ce renforcement de l’accord UE-Israël devra s’accompagner d’un vigilance renforcée. Il est tout de même assez rare de voir une instance de l’UE déplorer la mauvaise application d’un accord, comme permettant des fraudes de grande ampleur, et une autre accepter le renforcement de cet accord dans le sens d’une plus grande libéralisation.

B - Recours contre l’accord de 2000 et sa modification de 2009

113. La compétence juridictionnelle est établie (1) et plusieurs procédés sont possibles (2).

1 - Compétence juridictionnelle

114. La Cour de Justice de Luxembourg ayant une compétence de principe, définie par l’article 263 alinéas 1&2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

"La Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers."

"A cet effet, la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission."

115. S’ouvrent ainsi de nombreuses perspectives de recours, liées à la diversité des situations rencontrées. Mais dans le même temps, est nécessaire la mise en lumière de ses travers, bien connus par les acteurs économiques, mais ignorés du grand public. Les faits gagneront à être établis par des enquêtes civiles, pour décrire les mécanismes, déterminer des vraies solutions de contrôle et évaluer le montant des sommes fraudées par des exonérations indues.

2 - Procédés

- Parlement

116. Le Parlement européen est en mesure d’engager cette démarche, et notamment d’ouvrir une enquête, dans les termes de l’article 128 de son règlement intérieur :

"1. Dans les délais fixés par les traités et par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour le recours des institutions de l’Union européenne ou de personnes physiques ou morales, le Parlement examine la législation de l’Union et les mesures d’exécution pour s’assurer que les traités, notamment en ce qui concerne les droits du Parlement, ont été pleinement respectés.

2. La commission compétente fait rapport au Parlement, au besoin oralement, lorsqu’elle présume qu’il y a violation du droit de l’Union.

3. Le Président introduit un recours devant la Cour de justice au nom du Parlement conformément à la recommandation de la commission compétente."

117. Il s’agit de s’engager, sur le terrain politique et juridique, et sur celui de la mauvaise application du traité de coopération, la fraude aux certificats d’origine étant établie. La Commission et le conseil d’association ont constaté ces abus, massifs, et dans l’affaire Brita, l’avocat général a décrit les mécanismes. Une inaction de la commission justifierait d’un recours en carence.

118. Une enquête parlementaire justifierait d’une mission pertinente : analyse des procédés mis en lumière par l’avocat général, des travaux du conseil d’association ou de la Commission, initiatives des douanes nationales, étude sur le terrain pour analyser les processus actuels et pour mettre en place de véritables procédés de traçabilité, et enfin chiffrage des droits de douanes fraudés depuis la signature du traité.

- Groupes menacés de concurrence

119. Les groupes économiques, européens ou non, dont les intérêts sont directement atteints par la concurrence illicite qu’induisent la mise en oeuvre de l’accord et son renforcement, ont qualité à agir.

- Société civile

120. Les groupes de la société civile pourraient agir dans le même sens, à savoir identifier les problèmes sur place, définir les circuits des produits, et proposer des solutions pour une vraie traçabilité. Ces groupes peuvent obtenir l’accès aux documents publics établis, retraçant les difficultés d’application de l’accord, et ayant conduit à adopter trois avis successifs, ces avis reconnaissant l’existence des fraudes. Ce travail d’information est tout à fait essentiel, et les réseaux de la société civile peuvent apporter un concours d’une grande efficacité, avec à terme la publication de travaux de qualité, que les instances européennes ne pourront ignorer.

- Négociations vis-à -vis des autres partenaires

121. L’examen des faits laisse apparaître que l’Union européenne a été négligente, et que l’accord UE / Israël a été l’occasion d’organiser une concurrence déloyale. Loin de tirer les leçons de ces fraudes sur l’origine des produits, l’Union européenne vient de conclure un accord qui facilite les échanges. Une évaluation de la situation s’impose, avec de nécessaires ajustements des accords, pour parvenir à une concurrence loyale.

II - La sanction des violations du droit

122. La colonisation, qui doit être analysée d’abord au regard des grandes règles du droit international humanitaire, répond à deux qualifications criminelles retenues par le statut de la Cour.

« iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire. »

« viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire. »

Il s’agit de sanctionner la poursuite de la colonisation (A) et la complicité de crime de guerre par les entreprises qui participent à la colonisation (B).

A - Poursuite de la colonisation

123. La colonisation se poursuit sous nos yeux, et notamment dans Jérusalem Est.

124. La Cour est compétente en fonction du lieu où ont été commis les crimes ou de la nationalité des auteurs. L’Autorité palestinienne a donné compétence à la Cour pour les territoires de Palestine depuis 2002. Mais cette déclaration de compétence n’est pas limitée à l’opération militaire Plomb durci. Elle donne le cadre pour toute plainte concernant des crimes commis sur ces territoires, et définis par le Traité de Rome.

125. Peuvent être envisagées des plaintes devant la Cour Pénale Internationale sur le fondement de l’article 15.1 qui permet à toute personne d’adresser au Procureur des informations sur des faits susceptibles de constituer des crimes sanctionnés par la Cour.

B - Complicité de crime de guerre par les entreprises qui participent à la colonisation

126. Les responsables de sociétés participant à cette exploitation relèvent, pour un grand nombre, de pays européens ayant ratifié le Traité de la CPI.

127. Or, ces entreprises s’inscrivent étroitement dans l’action criminelle, au titre de la complicité . Dans le premier cas de figure, elle soumissionnent à des marchés publics, et répondent directement aux besoins des colonies. Dans le second cas, elles produisent de la richesse, à partir des territoires occupés. L’aspect le plus criant est l’utilisation de l’eau, mais le phénomène est général, et surtout, cette production de richesse est la condition et la cause de la poursuite de la colonisation, car sans exploitation économique des territoires occupés, les colonies n’ont plus d’avenir.

128. Il serait opportun d’engager un campagne d’explication et d’adresser des mises en demeure aux entreprises concernées en rappelant le caractère criminel de leur activité et en annonçant que si elles ne renoncent pas d’elles-mêmes, il n’y aura pas d’autre solution que d’agir en justice, pour mettre fin à cette complicité de crime. Rappelons que le crime de guerre est considéré d’une gravité telle qu’il menace la paix, ce qui oblige à le condamner.

129. Il s’ensuivrait une série d’actions.

- Plainte pénale

130. Le maintien de la situation en l’état conduirait inéluctablement à déposer plainte auprès du Procureur près la Cour Pénale Internationale, pour complicité de crime de guerre. L’action ne connaîtrait pas de débat sur la recevabilité, dès lors que les personnes visées par les plaintes seraient des ressortissants de pays européens, ayant ratifié le traité.

- Commercialisation illicite

131. Sous l’angle civil, les marchandises et produits obtenus dans ces conditions sont illicites, comme le seraient les marchés tendant à la commercialisation finale de ces produits. Des syndicats de producteurs et les groupes militants sont tiers aux contrats, mais ils ont un droit d’action, sur le plan civil, en concurrence déloyale ou au regard de l’objet de ces contrats qui est fondamentalement illicite, car il s’agit d’exploiter un crime de guerre, et qui rentre dans l’intérêt à agir de ces groupes.

- Application du droit douanier

132. Les services des douanes peuvent être saisis de plaintes, et une réaction résolue sera attendue, compte tenu des conclusions de l’affaire Brita.

- Fraude quant à l’origine du produit

133. Le droit pénal prévoit une infraction spécifique, à savoir la fraude sur la qualité du produit par une information erronée sur l’origine du produit. L’infraction est établie pour des produits marqués « Made in Israël » alors que toute l’origine du produit est en réalité palestinienne. S’agissant des productions agricoles, le critère central est celui de la terre, ce qui donne un critère simple d’appréciation. Ceux qui sont directement victimes de l’infraction, à savoir les producteurs palestiniens et européens, peuvent se constituer partie civile.

- Concurrence déloyale

134. Sont envisageables des actions en concurrence déloyale devant les juges nationaux à l’initiative des syndicats de producteurs palestiniens et français en dommages et intérêts. Il faut souligner le caractère stratégique de cette procédure, au regard des incidences économiques.

135. Dans ce cadre, doivent être envisagées des mesures conservatoires tels que la saisie des productions ou des blocages d’avoirs bancaires.

Notes de lecture :

(1) Tribunal militaire international de Nuremberg, 30 septembre et 1° octobre 1946, p. 65.

(2) CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C. I. J. Recueil 1996 (I) , p. 256, par. 75.

(3) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 78. Adam Roberts, « Prolonged military occupation : the Israeli occupied territories since 1967 », American Journal of International Law, vol. 84 (1990), p. 55 à 57 et 95 ; O. Ben-Naftali, A. M. Gross and K. Michaeli, « Illegal occupation : framing the Occupied Palestinian Territory », Berkeley Journal of International Law, vol. 23, no 3 (2005), p. 551 à 614.

(4) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 89

(5) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 95.

(6) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 93.

(7) Rapport de M. Le secrétaire général de l’ONU dans l’affaire du mur, avis par. 90.

(8) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 95.

(9) Rapport sur les travaux de la conférence d’experts gouvernementaux pour l’étude des conventions protégeant les victimes de lu guerre, Genève, 14-26 avril 1947, p. 8.

(10) David Kretzmer, The Occupation of Justice : the Supreme Court of Israel and the Occupied Territories, State University of New York Press, 2002, 262 p.

(11) François Dubuisson, La légitimation de la construction du Mur, Pour la Palestine n°48, 20 janvier 2006.

(12) Articles 1à 12, 27, 29 à 34, 47, 49, 51, 52, 53, 59, 61 à 77 et 143.

(13) HCJ 102/82 Tzemel v. Minister of Defence [1983] IsrSC 37(3) 365 ; HCJ 69/81 Abu Ita v. IDF Commander in Judaea and Samaria [1983] IsrSC 37(2) 197.

(14) HCJ 7957/04, Zaharan Yunis Muhammad Mara’abe v. The Prime Minister of Israel, 15 septembre 2005,

(15) HCJ 7957/04 Beit Sourik Village Council c. Governement of Israël, 2 may 2004, par. 36 et 37.

(16) HCJ 2056/04, Beit Sourik Village Council v. Government of Israel, 30 juin 2004, par. 36.

(17) HCJ 7957/04, Zaharan Yunis Muhammad Mara’abe c. The Prime Minister of Israel, 15 septembre 2005, par. 74.

(18) HCJ 7957/04, Alfey Menashe c. Prime Minister of Israel 21 juin 2005 ; HCJ 5591/02, Halel Yassin c. Commander of the Kziot Military.

(19) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 75 à 77.

(20) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 78.

(21) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 101.

(22) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 96.

(23) Déclaration du 5 décembre 2001, rappelée par CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 97.

(24) Assemblée générale, Résolution 56/60 du 10 décembre 2001 et 58/97 du 9 décembre 2003.

(25) Conseil de sécurité, résolution 237 (1967).

(26) Conseil de sécurité, résolution 271 (1969).

(27) Conseil de sécurité, résolution 446 (1979).

(28) Conseil de sécurité, Résolution 681 (1990).

(29) Conseil de sécurité, Résolutions 799 (1992) du 18 décembre 1992 et 904 (1994) du 18 mars 1994.

(30) De jurisprudence constante, les accords d’association font partie de l’ordre juridique communautaire. La CJUE s’estime compétente pour les interpréter.

(31) Article 67.

(32) Article 75.

(33) CEJ, Brita GmbH c. Hauptzollamt Hamburg Hafen C 386/08, conclusions Y. Bot, avocat général, le 29 octobre 2009, par. 112.

(34) Question écrite P 2747/00 de M. Lipietz.

(35) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 159.

(36) JOUE, 28 novembre2009, L 313/81

(37) Voir par. 51.

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