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L’article qui a fait chuter le général McChrystal

Le général qui sortait du rang (Rolling Stone)

photo : Général Stanley A. McChrystal

Voici la traduction complète de l’article (long) qui a valu le limogeage du Général McChrystal, ex-commandant des forces US et de l’OTAN en Afghanistan. Où on apprend des choses énoncées avec une certaine candeur et d’autres qu’il faut lire entre les lignes. Précision qui peut avoir son importance : selon l’auteur de cet article, le général avait révisé le texte et n’a demandé aucune modification. (Nota : le langage parfois cru est dans le texte original)

« Comment me suis-je fait baiser pour ce dîner ? » demande le Général Stanley McChrystal. Nous sommes un jeudi du mois d’avril (2010), et le commandant de la totalité des forces US et de l’OTAN est assis dans une suite quatre étoiles de l’hôtel Westminster à Paris. Il est en France pour vendre sa nouvelle stratégie à nos alliés de l’OTAN - et surtout pour préserver la fiction que nous avons des alliés. Depuis que McChrystal a pris le commandement il y a plus d’un an, la guerre en Afghanistan est devenue l’affaire exclusive des Etats-Unis. L’opposition à la guerre a déjà fait tomber le gouvernement hollandais, provoqué la démission du président de l’Allemagne et poussé l’Allemagne et le Canada à annoncer le retrait de leurs 4500 soldats. McChrystal est à Paris pour empêcher les français, qui ont perdu plus de 40 soldats en Afghanistan, de flancher.

« Le dîner fait partie des contraintes du métier, mon général » lui dit son chef de cabinet, le Colonel Charlie Flynn.

McChrystal se retourne vivement sur sa chaise.

« Hé, Charlie, » demande-t-il, « et ça, ça fait partie des contraintes du métier ? »

McChrystal lui fait un doigt d’honneur.

Le Général se lève et balaie du regard la suite que les 10 membres de son personnel qui l’accompagnent ont transformé en un véritable QG. Les tables sont encombrées de Toughbooks argentées de marque Panasonic, et des câbles bleus s’entrecroisent sur le tapis épais de l’hôtel, connectés à des antennes paraboliques qui transmettent des communications cryptées. Habillé en civil - cravate bleue, chemise et pantalon de ville - McChrystal est loin d’être à l’aise avec ce code vestimentaire. Paris, selon un des ses conseillers, est « la ville la plus anti-McChrystal qu’on puisse imaginer. » Le Général déteste les restaurants chics, et refuse tous les établissements avec des bougies sur les tables en disant qu’ils sont trop « Gucci ». Il préfère la bière Bud Light (sa bière préférée) au vin de Bordeaux, Talladega Nights (son film préféré) à Jean-Luc Godard. De toute façon, le général n’a jamais été à l’aise en public : avant d’être nommé par le président Obama à la tête de la guerre en Afghanistan, il avait passé cinq ans à diriger les opérations clandestines les plus secrètes du Pentagone.

« Quoi de neuf sur les attentats à Kandahar ? » demande le général à Flynn. La ville a été secouée par deux énormes attentats à la voiture piégée au cours de la seule journée d’hier, remettant en question ses affirmations selon lesquelles il pouvait reprendre la ville aux Talibans.

« Nous avons deux soldats morts au combat, mais ça reste à confirmer. » dit Flynn.

McChrystal jette un dernier coup d’oeil à la ronde. A 55 ans, il est grand et mince, un peu comme Christian Bale dans le film Rescue Dawn. Ses yeux bleus ardoise ont la troublante capacité de vous transpercer lorsqu’ils vous fixent. Si vous avez déconné ou si vous l’avez déçu, il peut vous détruire l’âme sans même hausser le ton, rien qu’avec ces yeux là .

«  Je préférais me faire botter le cul par toute une foule que de me rendre à ce dîner, » dit-il. Une pause, puis il ajoute : « malheureusement, personne dans cette pièce n’en serait capable. »

Sur ces paroles, il franchit la porte.

J’interroge un de ses assistants : « Avec qui va-t-il dîner ? »

« Un ministre français quelconque, » me répond-il. « un foutu truc de pédés » (it’s fucking gay - sic).

(Note du Grand Soir : après discussions, la phrase qui précède a été corrigée le 7 juillet - la version initiale reflétant insuffisamment la haute tenue de la réplique...)

Le lendemain matin, McChrystal et son équipe se rassemblent pour préparer le discours qu’il donnera à l’Ecole Militaire. Le général se vante d’avoir la langue mieux pendue que quiconque, mais son franc-parler a aussi un prix : bien qu’il ne dirige la guerre que depuis moins d’un an, il a déjà réussi à sérieusement contrarier tous ceux concernés de près ou de loin par ce conflit. A l’automne dernier à Londres, au cours d’une séance de questions/réponses suivie d’un discours, McChrystal a balayé la stratégie de contre-terrorisme défendue par le vice-président Biden en la qualifiant de « stratégie à court terme », et en déclarant qu’elle mènerait vers un « Caos-nistan ». Ses remarques lui ont valu un rappel à l’ordre du Président lui-même, qui a convoqué le général pour une réunion en tête-à -tête à bord de l’avion présidentiel Air Force One. Le message à McChrystal était clair : « Ferme ta gueule et file doux ».

A présent, tout en consultant ses fiches pour son discours à Paris, McChrystal se demande à voix haute quelle question sur Biden lui sera posée cette fois-ci, et comment il devra y répondre. « Je ne sais jamais sur quoi je vais tomber devant tous ces gens, c’est ça le problème » dit il. Ensuite, parce que c’est plus fort qu’eux, lui et son équipe se mettent à imaginer le général en train de rabrouer le vice-président avec une réplique bien sentie.

« Vous me posez une question sur le vice-président Biden ? » dit le général en riant. « Mais qui est-ce ? ». « Biden ? » suggère un haut conseiller. « Vous avez dit : « Bite me » ? » (jeu de mots intraduisible. Proche de « fume, c’est du belge » - NdT)

Lorsque Barack Obama a pris ses fonctions, il s’est immédiatement attelé à la réalisation de sa promesse électorale la plus importante en matière de politique étrangère : la reprise en main de la guerre en Afghanistan et la raison pour laquelle nous avons envahi ce pays. « Je veux que le peuple Américain comprenne, » avait-il annoncé en mars 2009. « Notre objectif est clair et précis : démanteler et détruire Al Qaeda au Pakistan et en Afghanistan. » Puis il ordonna l’envoi de 21.000 troupes supplémentaires à Kaboul, soit la plus forte augmentation depuis le début de la guerre en 2001. Après consultation avec le Pentagone et le Chef d’Etat major, il a aussi limogé le général David McKiernan - commandant des forces US et de l’OTAN à l’époque - et l’a remplacé par un homme qu’il ne connaissait pas et qu’il n’avait rencontré que brièvement : le général Stanley McChrystal. C’était la première fois depuis plus de 50 ans qu’un général se voyait limoger en temps de guerre, depuis que Harry Truman a limogé le général Douglas Mac Arthur en pleine guerre de Corée.

Bien qu’il ait voté pour Obama, le courant n’est jamais passé entre McChrystal et son nouveau Commandant en Chef. Le général a rencontré Obama pour la première fois une semaine après sa prise de fonctions, lorsque le président s’était réuni avec une douzaine d’officier supérieurs dans une salle au Pentagone baptisée le Tank. Selon des sources proches de la réunion, McChrystal a trouvé qu’Obama paraissait « gêné et intimidé » par une salle remplie de militaires gradés. La première rencontre en tête-à -tête s’est déroulée dans le Bureau Ovale quatre mois plus tard, après que McChrystal ait été nommé en Afghanistan, et ce n’était pas mieux. «  Ce fut une opération de comm’ qui a duré 10 minutes, » a dit un conseiller de McChrystal. «  Obama à l’évidence ne savait rien sur lui, ni qui il était. Il avait devant lui type qui allait diriger sa putain de guerre, mais il n’avait pas l’air très impliqué. Le Patron était plutôt déçu. »

Depuis le début, McChrystal était déterminé à laisser sa marque personnelle sur l’Afghanistan, à s’en servir comme un laboratoire pour une stratégie militaire controversée appelée « contre-insurrection » ou COIN. Cette théorie est la nouvelle doctrine des gradés du Pentagone et elle prétend concilier la préférence des militaires pour la violence high-tech avec une demande croissante de guerres prolongées dans des états en déliquescence. COIN requiert l’envoi de très nombreux soldats sur le terrain pour non seulement détruire l’ennemi mais aussi pour vivre parmi la population civile et reconstruire lentement, à partir de zéro, un nouveau gouvernement - un processus qui peut durer, même d’après les plus farouches partisans de la théorie, plusieurs années, voire décennies. Pour l’essentiel, cette théorie redéfinit le rôle de l’armée et étend son autorité (et son financement) jusqu’à la prise en charge des aspects diplomatiques et politiques de la guerre : imaginez des bérets verts en train de jouer à des Peace Corps armés. En 2006, après que le général David Petraeus ait expérimenté sa théorie au cours de son « offensive » en Irak, celle-ci a convaincu un noyau dur de partisans au sein des groupes de réflexion, des journalistes, des officiers de l’armée et d’officiels civils. Appelés « COINdinistas » en allusion à leur ferveur (allusion idiote probablement aux Sandinistes du Nicaragua qui n’avaient de ferveur que celle de défendre leur pays attaqué par les US - note dubitative du Traducteur), ce milieu influant pensait que leur doctrine s’appliquerait parfaitement à l’Afghanistan. Tout ce dont ils avaient besoin était un général avec suffisamment de charisme et de jugeote en politique pour la mettre en oeuvre.

McChrystal a fait pression sur Obama pour procéder à une escalade de la guerre avec la même hardiesse qu’il avait montré dans la traque de terroristes en Irak : découvrir le mode opératoire de l’ennemi, être plus rapide et plus brutal que lui, puis éliminer ces fils de pute.

Lorsqu’il est arrivé en Afghanistan au mois de juin dernier, le général a mené sa propre révision de politique générale, demandée par le Secrétaire à la Défense, Robert Gates. Le désormais célèbre rapport est tombé entre les mains de la presse et ses conclusions étaient sinistres : sans l’envoi de 40.000 soldats supplémentaires - ce qui représentait une augmentation de 50% des troupes stationnées en Afghanistan - il y avait un « risque d’échec ». La Maison Blanche était furieuse. McChrystal, pensaient-ils, tentait de forcer la main d’Obama en l’exposant à des accusations de faiblesse en matière de sécurité nationale s’il ne cédait pas aux exigences du général. C’était Obama contre le Pentagone, et le Pentagone était décidé à botter les fesses du président.

A l’automne dernier, alors que son général demandait plus de troupes, Obama a lancé une enquête de trois mois pour réévaluer la stratégie à employer en Afghanistan. « L’attente était pénible » m’a confié McChrystal lors d’une des longues interviews qu’il m’a accordées. « Je défendais une position indéfendable. » Pour le général, cet épisode à été comme une formation éclair sur les arcanes du monde politique - une bataille où il s’est retrouvé face à des politiciens aguerris comme le vice-président Biden, qui a dit qu’une campagne de contre-insurrection prolongée en Afghanistan plongerait l’Amérique dans un bourbier sans pour autant affaiblir les réseaux terroristes internationaux. « Toute la stratégie COIN est une arnaque envers le peuple américain » a dit Douglas Macgregor, un colonel à la retraite et farouche critique de la contre-insurrection, qui a fréquenté (l’école militaire) West Point avec McChrystal. « L’idée que nous allons dépenser un milliard de dollars pour changer la culture du monde musulman est totalement absurde ».

Au final, McChrystal a obtenu pratiquement ce qu’il voulait. Le 1er décembre, lors d’un discours prononcé à West Point, le président a présenté toutes les raisons pour lesquelles la guerre en Afghanistan était une mauvaise idée : Elle est coûteuse et nous sommes en pleine crise économique ; un engagement qui durerait 10 ans saperait la puissance des Etats-Unis ; Al Qaeda a déplacé sa base d’opérations au Pakistan. Puis, sans jamais prononcer les mots « victoire » ou « gagner », Obama a annoncé qu’il allait envoyer 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan, presque autant que le nombre réclamé par McChrystal. Le président a pesé de tout son poids, non sans hésitations, pour satisfaire les partisans de la contre-insurrection.

Aujourd’hui, alors que McChrystal se prépare à une offensive majeure dans le sud de l’Afghanistan, les perspectives d’une victoire quelconque paraissent minces. Au mois de juin, le nombre de soldats américains tués a franchi la barre des 1000, et le nombre d’engins explosifs a doublé. La dépense de centaines de milliards de dollars dans le cinquième pays le plus pauvre du monde n’a pas réussi à gagner le soutien de la population civile dont l’attitude envers l’armée US oscille entre franchement méfiant et ouvertement hostile. Le plus grosse opération militaire de l’année - une offensive violente déclenchée en février pour reprendre la ville de Marjah dans le sud du pays - n’en finit pas, au point que McChrystal la décrit comme un « ulcère saignant ». Au mois de juin, l’Afghanistan a officiellement détrôné le Vietnam comme la guerre la plus longue de toute l’histoire des Etats-Unis - et Obama a discrètement commencé à repousser la date du retrait des troupes US à juillet de l’année prochaine. Le président se retrouve coincé dans une folie pire qu’un bourbier : un bourbier volontaire, dans lequel il s’est aventuré sciemment, bien qu’il s’agisse précisément du genre d’opération gigantesque, époustouflante par son ampleur, couvrant plusieurs générations, dont il avait explicitement dit qu’il n’en voulait pas.

Même les partisans de McChrystal et de sa stratégie de contre-insurrection savent que quel que soit le résultat obtenu par le général en Afghanistan, celui-ci ressemblera plus au Vietnam qu’à l’opération Tempête du Désert. «  Ca ne ressemblera pas à une victoire, ça n’aura pas l’odeur de la victoire ni le goût de la victoire, » dit le général major Bill Mayville, chef des opérations sous McChrystal. « Tout ça va finir par une bagarre. ».

La veille de son discours prononcé à Paris, McChrystal et son personnel se sont rendus au Kitty O’Shea, un pub irlandais pour touristes, tout près de leur hôtel. Son épouse, Annie, l’a rejoint pour une visite exceptionnelle : depuis le début de la guerre en Irak en 2003, elle a vu son mari moins de 30 jours par an. Bien que ce soit leur 33eme anniversaire de mariage, McChrystal a invité son cercle le plus intime à dîner et à boire à l’endroit le moins « Gucci » que ses assistants ont réussi à dénicher. Son épouse n’est pas étonnée. « Il m’a emmené une fois dans un Jack in the Box (fast-food - NdT) alors que je m’étais habillée pour sortir, » dit-elle en riant.

Le personnel du général est composé d’une sélection précise de tueurs, d’espions, de génies, de patriotes, de politiciens et de types franchement dérangés mentalement. On y trouve un ancien chef des Forces Spéciales Britanniques, deux commandos de la Marine (Navy Seals), un commando des Forces Spéciales Afghanes, un avocat, deux pilotes de chasse et au moins une vingtaine de vétérans et experts en contre-insurrection. En plaisantant, ils se désignent comme Team America, en référence à une série d’animation satirique (de South Park - NdT) qui désigne ainsi une bande de militaires complètement paumés, et ils se vantent de leur attitude « rentre dedans » et de leur mépris pour toute forme d’autorité. Lors de leur arrivée à Kaboul l’été dernier, Team America s’est attelé à provoquer un changement culturel au sein de l’ISAF (International Security Assistance Force), qui désigne la mission dirigée par l’OTAN. (Les soldats américains se moquent régulièrement de l’ISAF en disant que ces initiales signifient « I Suck At Fighting » - je suis nul au combat - ou « In Sandals And Flips-Flops » - en sandales et tongs.) McChrystal a banni l’alcool dans l’enceinte des bases militaires, expulsé Burger King et autres symboles trop américains, étendu la participation aux comptes-rendus matinaux à plusieurs milliers d’officiers et réorganisé le centre de commande en Salle de Veille, une sorte de plateforme traversée par un flot discontinu d’informations, sur le modèle des bureaux du maire de New York, Mike Bloomberg. Il a aussi imposé un rythme de travail d’enfer à ses hommes et est entré dans la légende comme quelqu’un qui ne dort que 4 heures par nuit, qui effectue une course à pied de plusieurs kilomètres tous les matins, et qui ne prend qu’un seul repas par jour. (Pendant le mois que j’ai passé auprès du général, je ne l’ai vu s’alimenter qu’une seule fois.) Une sorte d’image de super héros s’est construite autour de lui et qu’on retrouve dans tous les profils publiés dans les médias, comme si sa capacité à se passer de sommeil et de nourriture pouvait lui donner la capacité de résoudre le problème afghan à lui tout seul.

A minuit chez Kitty O’Shea, une bonne partie de Team America était complètement bourrée. Deux officiers effectuaient une danse irlandaise mélangée à une danse matrimoniale afghane tandis que les hauts conseillers de McChrystal chantaient bras dessus bras dessous une chanson de leur propre composition : « Afghanistan ! » hurlaient-ils. « Afghanistan ! ». Ils l’appellaient leur chanson afghane.

McChrystal s’est écarté du groupe pour observer toute son équipe. « Tous ces hommes, » me dit-il, « Je donnerais ma vie pour eux. Et ils donneraient la leur pour moi. »

Le groupe peut ressembler à une bande de vétérans de la guerre en train de se défouler, mais en réalité cette équipe soudée représente la force la plus influente sur la politique des États-Unis en Afghanistan. Alors que McChrystal et ses hommes sont sans aucun doute en charge des aspects militaires de la guerre, il n’y a pas d’équivalent du côté politique ou diplomatique. A la place, on trouve tout un assortiment d’intervenants officiels qui se font concurrence sur le dossier afghan : l’ambassadeur US Karl Eikenberry, le Représentant Spécial en Afghanistan Richard Holbrooke, le Conseiller à la Sécurité Nationale Jim Jones et le Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, sans oublier environ 40 ambassadeurs de la coalition et une flopée de gros pontes qui essaient d’ajouter leur grain de sel à toute cette pagaille, de John Kerry à John McCain. Toute cette incohérence diplomatique a laissé le champ libre à l’équipe de McChrystal pour mener les choses à sa guise et a gêné les efforts de construction d’un gouvernement stable et crédible en Afghanistan. « Elle met en danger la mission, » dit Stephen Biddle, du Council on Foreign Relations qui soutien McChrystal. «  L’armée à elle toute seule ne peut pas réformer le gouvernement. »

Une partie du problème est structurelle : le budget du Département de la Défense dépasse les 600 milliards de dollars par an, tandis que le Département d’Etat reçoit 50 milliards. Mais une autre partie du problème est un problème de personnes : en privé, l’équipe McChrystal aime dégueuler sur de nombreux hauts fonctionnaires de l’administration Obama. Un assistant qualifie Jim Jones, un général quatre étoiles à la retraite et vétéran de la Guerre Froide, de « clown » qui est « resté coincé en 1985 ». Des politiciens comme McCain et Kerry, dit un autre assistant, « se pointent, ont une réunion avec Karzai, le critiquent à la conférence de presse à l’aéroport, puis rentrent (aux Etats-Unis) pour participer aux Talk Shows du dimanche. Franchement, tout ça n’est pas d’une très grande aide. » Seule Hillary Clinton trouve grâce aux yeux du cercle rapproché de McChrystal. « Hillary a protégé Stan pendant le révision de politique générale, » dit un conseiller. « Elle a dit, « Donnez-lui ce qu’il demande. »

McChrystal exprime un scepticisme tout particulier en ce qui concerne Holbrooke qui est officiellement chargé de la réinsertion des Talibans. « Le Patron dit qu’il est comme un animal blessé, » déclare un membre de l’équipe. « Holbrooke n’arrête pas d’entendre des rumeurs qu’il va se faire virer, ce qui le rend dangereux. C’est un type brillant, mais il se contente de venir et d’actionner un levier, le premier qui lui tombe sous la main. Mais ici c’est COIN, et on ne peut pas avoir quelqu’un comme ça ici qui vient semer sa merde. »

A un moment donné pendant sa visite à Paris, McChrystal a vérifié son Blackberry. « Oh, encore un email de Holbrooke, » a-t-il dit. «  Je n’ai même pas envie de l’ouvrir. » Il a cliqué sur le message et l’a lu à voix haute, puis il a enfourné le Blackberry dans sa poche arrière, sans chercher à cacher son mécontentement.

« Faites gaffe à ne pas vous tâcher avec, » plaisante un de ses assistants, en référence au courrier électronique.

Mais bien plus importante - et tendue - est la relation entre McChrystal et Eikenberry, l’ambassadeur des Etats-Unis. Selon les proches de ces deux hommes, Eikenberry - un général trois étoiles à la retraite qui a servi en Afghanistan de 2002 à 2005 - ne supporte pas de voir aux commandes son ancien subalterne. De plus, il est furieux que McChrystal, soutenu par les alliés de l’OTAN, refuse d’accorder à Eikenberry le rôle pivot de vice-roi en Afghanistan, ce qui aurait fait de lui l’équivalent diplomatique d’un général. Ce rôle a été confié à l’ambassadeur britannique Mark Sedwill - une manoeuvre qui a renforcé l’influence diplomatique de McChrystal en écartant un rival puissant. « En réalité, pour avoir du poids, un tel poste doit être confié à un américain, » dit un fonctionnaire américain proche des négociations.

Leur relation a encore été ternie en janvier, lorsqu’un télégramme classifié et rédigé par Eikenberry est tombé entre les mains du New York Times. Le télégramme était aussi violent que prémonitoire. L’ambassadeur s’y livrait à une critique virulente de la stratégie de McChrystal, tout en affirmant que le Président (afghan) Hamid Karzai « n’était pas un partenaire stratégique adéquat, » et il a émis des doutes quant au plan de contre-insurrection qui serait « insuffisant » pour déloger Al Qaeda. « Nous allons nous enfoncer encore plus profondément ici et sans moyens pour nous en sortir, » a prévenu Eikenberry, « à moins de laisser le pays s’enfoncer de nouveau dans le chaos. »

McChrystal et son équipe ont été rendus furieux par ce télégramme. « J’apprécie Karl, je le connais depuis des années, mais c’est la première fois qu’il dit des choses pareils » a dit McChrystal, qui a ajouté qu’il s’est senti « trahi » par cette fuite à la presse. « En voilà un qui tente de se couvrir pour la postérité. Maintenant, si nous échouons, il pourra dire « je vous l’avais dit » ».

L’exemple le plus frappant du rôle diplomatique pris en charge par McChrystal est sa gestion de Karzai. C’est McChrystal, et non les diplomates comme Eikenberry ou Holbrooke, qui entretient la meilleure relation avec l’homme sur lequel les Etats-Unis comptent pour diriger l’Afghanistan. La doctrine de contre-insurrection exige un gouvernement crédible, et puisque Karzai n’est pas considéré comme tel par son propre peuple, McChrystal a travaillé dur pour inverser cette perception. Au cours des derniers mois, il a accompagné le président dans plus de 10 voyages à travers le pays, se tenant à ses côtés lors de meetings politiques, ou shuras, à Kandahar. En février, à la veille de l’offensive vouée à l’échec de Marjah, McChrystal s’est même rendu au palais du président pour lui faire signer ce qui s’annonçait comme la plus grande opération militaire de l’année. Mais le personnel de Karzai a insisté que le président dormait pour récupérer d’un rhume et qu’il ne pouvait pas être dérangé. Après plusieurs heures de palabres, McChrystal a finalement trouvé l’assistant du ministre afghan de la défense pour convaincre les gens de Karzai de réveiller le président.

C’est là un des défauts majeurs de la stratégie de contre-insurrection prôné par McChrystal : la nécessité d’un gouvernement crédible nous place à la merci de la marionnette que nous avons mis en place - un danger contre lequel Eikenberry nous a explicitement mis en garde dans son télégramme. Même Team McChrystal a reconnu en privé que Karzai ne constitue pas le partenaire idéal. « Ca fait un an qu’il s’est enfermé dans son palais, » se lamente un des hauts conseillers du général. Parfois, c’est Karzai lui-même qui sape la volonté de McChrystal de lui confier la charge. Au cours d’une visite récente au centre médical Walter Reed Army Medical Center, Karzai a rencontré trois soldats US qui avaient été blessés dans la province d’Uruzgan. « Général, » a-t-il fait remarquer à McChrystal, « je ne savais même pas qu’il y avait des combats à Uruzgan ! »

Élevé comme un enfant de militaire, McChrystal a démontré tout au long de sa carrière ce mélange d’intelligence et de suffisance qui deviendra sa marque. Son père a combattu en Corée et au Vietnam, il a pris sa retraite comme général deux étoiles, et ses quatre frères ont tous rejoint les forces armées. Régulièrement réaffecté d’une base militaire à une autre, McChrystal se consolait dans le baseball, un sport où il ne faisait aucun effort pour cacher sa maîtrise. (suivent quelques descriptions de prouesses de jeu totalement obscures pour moi - NdT)

McChrystal est entré à West Point en 1972, à une époque où la côte de l’armée américaine était à son plus bas niveau historique. Sa promotion a été la dernière avant l’admission des femmes. « La Prison sur le Hudson », comme on l’appelait à l’époque, était une puissante mixture de testostérone, de hooliganisme et de patriotisme réactionnaire. Les cadets se livraient périodiquement à des combats avec la nourriture et les anniversaires étaient célébrés par une tradition appelée « rat fucking » qui se concluait souvent par le jeune homme se retrouvant dehors dans la neige ou la boue et couvert de mousse à raser. « C’était assez incontrôlable », dit le Lieutenant général David Barno, un camarade de classe qui a servi comme commandant en chef en Afghanistan entre 2003 et 2005. Cette classe, remplie de ce que Barno appelle « d’énormes talents » et « d’ados fous emplis d’idéaux », a également vu passer le général Ray Odierno, l’actuel commandant des forces US en Irak.

Fils de général, McChrystal était aussi le meneur des dissidents du campus - un rôle qui lui a appris à survivre dans un environnement rigide et hiérarchisé tout en défiant l’autorité à chaque occasion. Il a accumulé plus de 100 heures de punitions pour usage d’alcool, fêtes et insubordination - un record qui a fait dire à ses camarades de classe qu’il était « l’homme du siècle ». Un camarade, qui a demandé à garder l’anonymat, se souvient comment il a découvert McChrystal ivre mort sous la douche après avoir descendu une caisse de bière qu’il avait cachée sous l’évier. Son indiscipline a failli le faire expulser et il a passé des heures en marches forcées dans la Zone, une cour pavée où les cadets rebelles étaient matés. « Je venais lui rendre visite, et je finissais par passer mon temps à la bibliothèque tandis que Stan se voyait confiné dans la Zone, » se souvient Annie, qui a commencé à fréquenter McChrystal en 1973.

McChrystal est sorti 298eme sur 855 de sa promotion, un résultat médiocre pour un homme généralement considéré comme quelqu’un de brillant. Son oeuvre la plus marquante a été réalisée à titre personnel : en tant que directeur du The Pointer, le magazine littéraire de West Point, McChrystal a écrit sept nouvelles qui semblent étrangement prémonitoires sur les embûches qui l’attendaient tout au long de sa carrière. Dans une de ces nouvelles, un officier fictif se plaint des difficultés rencontrées pour former des troupes étrangères ; dans une autre, un soldat de 19 ans tue un garçon qu’il prend pour un terroriste. Dans « Brinkman’s Note », une oeuvre de suspense, le narrateur anonyme semble être engagé dans une lutte contre un complot visant à assassiner le président. En fait, c’est le narrateur lui-même qui est l’assassin et il réussit à infiltrer la Maison Blanche : « Le Président entra en souriant. De la poche droite de l’imperméable que je portais, j’ai lentement tiré un pistolet calibre 32. L’échec de Brinkman était ma victoire. »

Après son diplôme, le 2eme Lt Stanley McChrystal est entré dans une armée qui était au bord de l’effondrement au lendemain de la guerre au Vietnam. « Nous pensions réellement faire partie d’une génération pacifique, » se rappelle-t-il. « Il y avait bien une guerre dans le Golfe, mais même là nous ne sentions pas qu’il y avait de quoi en faire toute une histoire. ». Alors McChrystal a passé sa carrière au coeur de l’action : il s’engagea dans l’école des Forces Spéciales et devint un commandant de régiment du 3eme Bataillon des Rangers en 1986. C’était un poste dangereux, même en temps de paix - dans les années 80, près d’une vingtaine de Rangers ont été tués au cours de séances d’entraînement. Sa carrière aussi a suivi un chemin inhabituel : la plupart des soldats qui aspirent à grimper les échelons pour devenir général ne s’engagent pas dans les Rangers. Toujours avec son penchant pour réformer les systèmes qu’il considère comme obsolètes, McChrystal a voulu révolutionner le programme de formation des Rangers. Il y a introduit les arts martiaux, a exigé que tous les soldats se forment au tir avec des lunettes de vision nocturne, et leur a forgé une endurance par des marches forcées hebdomadaires.

A la fin des années 90, McChrystal a intelligemment corrigé son plan de carrière en passant un an au Harvard’s Kennedy School of Government et ensuite au Council on Foreign Relations, où il a co-rédigé un essai sur les avantages et inconvénients de l’interventionnisme humanitaire. Mais tout en grimpant les échelons, McChrystal comptait sur ce qu’il avait appris comme troublion à West Point : savoir jusqu’où aller avec la hiérarchie sans se faire virer. Il a découvert qu’être un dur à cuire intelligent pouvait le mener loin - surtout dans le chaos qui a suivi le 11 septembre. « Il était très concentré sur ses objectifs », dit Annie. « Même lorsqu’il n’était qu’un jeune officier il semblait savoir ce qu’il voulait. Je ne crois pas qu’il ait changé depuis toutes ces années. »

A certains égards, la carrière de McChrystal aurait du s’interrompre au moins à deux reprises. Comme porte-parole du Pentagone au cours de l’invasion de l’Irak, le général apparaissait plus comme la voix de son maître à la Maison Blanche que comme un commandant avec la réputation de posséder un franc-parler. Lorsque le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld prononça son célèbre « ces choses-là arrivent » lors du pillage de Bagdad, McChrystal l’a soutenu. Quelques jours plus tard, il fit écho à la « Mission Accomplie » du président (Bush) en annonçant la fin des combats en Irak. Mais ce n’est qu’à son poste suivant - à la tête des unités les plus élitistes de l’armée, dont les Rangers, les Navy Seals et Delta Force - que McChrystal participa à l’étouffement d’une affaire qui aurait démoli la carrière d’un autre homme que lui.

Lorsque le caporal Pat Tillman, ex-champion de football américain devenu Ranger, fut accidentellement tué par ses propres soldats en Afghanistan en avril 2004, McChrystal a activement tenté de créer l’impression que Tillman avait été tué par les Talibans. Il a signé une recommandation truquée pour une Silver Star (décoration militaire - NdT) ce qui laissait entendre que Tillman avait été tué au combat. McChrystal affirmera plus tard qu’il n’avait pas lu attentivement la recommandation - une excuse étrange pour un commandant connu pour l’attention scrupuleuse qu’il porte aux moindres détails. Une semaine plus tard, McChrystal envoya une note à sa hiérarchie, pour mettre en garde le Président George W. Bush de ne pas faire mention de la cause du décès de Tillman. « Si les circonstances de la mort du Caporal Tillman devaient être rendues publiques, » a-t-il écrit, cela pourrait devenir une cause « d’embarras » pour le président.

« La version des faits que McChrystal a clairement aidé à inventer minimisait les véritables actions de Pat, » a écrit la mère de Tillman, Mary, dans son livre «  Boots on the Ground by Dusk ». McChrystal s’en est tiré, a-t-elle ajouté, uniquement parce qu’il était le « golden boy » de Rumsfeld et Bush qui adoraient sa détermination à aller jusqu’au bout du travail, même s’il fallait pour cela violer le règlement ou court-circuiter la hiérarchie. Neuf jours après la mort de Tillman, McChrystal fut promu Major-Général.

Deux années plus tard, en 2006, McChrystal fut touché par un scandale concernant les mauvais traitements et tortures infligés au camp Nama en Irak. Selon un rapport de Human Rights Watch, les prisonniers du camp étaient soumis à la désormais célèbre litanie de mauvais traitements : positions physiques stressantes, traînés nus à travers la boue... McChrystal n’a pas été sanctionné pour ce scandale, même si un enquêteur a signalé que McChrystal avait été vu à plusieurs reprises en train d’inspecter la prison. Mais l’expérience se révéla suffisamment pénible pour que McChrystal tente par la suite d’éviter d’avoir des prisonniers sous sa responsabilité en Afghanistan, les considérant comme un « terrain politique miné, » selon un officiel US. En mai 2009, tandis que McChrystal se préparait aux auditions préliminaires à sa nomination, son personnel l’a préparé pour des questions difficiles sur Camp Nama et l’affaire Tillerman. Mais ces scandales ont à peine provoqué quelques vaguelettes au sein du Congrès, et McChrystal s’est rapidement retrouvé en route pour Kaboul pour y diriger la guerre.

Les médias, pour une large part, ont eux aussi contribué à l’impunité de McChrystal dans ces deux affaires. Alors que le général Petraeus fait figure d’une sorte de fayot diplômé avec une formation de Ranger, McChrystal lui est perçu comme un genre de rebelle bouffeur de serpents, un commandant « Jedi », selon le magazine Newsweek. Le général n’a rien dit lorsque son fils adolescent est rentré à la maison un jour avec les cheveux teints en bleu et une coupe Iroquois. Il dit ce qu’il pense avec une candeur rare pour un haut gradé. Il consulte les autres et paraît réellement intéressé par la réponse. Il reçoit des comptes-rendus sur son iPod et écoute des livres enregistrés sur cassette. Il transporte avec lui un jeu de nunchakus faits sur mesure et gravés de son nom et de quatre étoiles, et tout son parcours semble être marqué par une citation de Bruce Lee. (« Il n’y a pas de limites. Il n’y a que des paliers, et il ne faut pas en rester là , il faut aller au-delà . ») Il a participé à des dizaines de patrouilles nocturnes durant sa mission en Irak, ce qui est sans précédent pour un haut commandant, et il s’est présenté par surprise à des missions, pratiquement sans escorte. « Les gars adorent Stan McChrystal, » dit un officier britannique en poste à Kaboul. « Vous pouviez être au beau milieu de Nulle Part, en Irak, et quelqu’un venait se poser à côté de vous, et un caporal gueulait « mais c’est qui ce mec ? » et le mec en question était Stan McChrystal. »

Et le fait aussi que McChrystal avait été très efficace à la tête de la Joint Special Operations Command (JSOC), la force d’élite qui dirige les opérations clandestines les plus secrètes du gouvernement, ne pouvait pas lui faire du tort. Lors de l’offensive en Irak, son équipe a tué et capturé des milliers d’insurgés, dont Abu Musab al-Zarqawi, le dirigeant d’Al Qaeda en Irak. « La JSOC était une machine à tuer » dit le général Mayville, son chef des opérations. McChrystal était aussi très ouvert aux nouvelles méthodes pour tuer. Il cartographiait systématiquement les réseaux terroristes, et visait des insurgés précis et les pourchassait - souvent avec l’aide de cyber-geeks qui étaient généralement moqués par les militaires. « Le Patron trouvait un gamin de 24 ans avec un anneau percé dans le nez, et titulaire de je ne sais quel putain de diplôme du MIT, assis dans un coin au milieu de 16 écrans d’ordinateurs qui ronronnaient, » dit le commando des Forces Spéciales qui a travaillé avec McChrystal en Irak et fait partie à présent de son équipe à Kaboul. «  Alors il nous disait, « Hé, vous qui avez des muscles à la place du cerveau et seriez incapables de trouver votre déjeuner sans assistance, vous feriez mieux de travailler avec ce gars-là . » »

Même dans son nouveau rôle de grand apôtre de la contre-insurrection, McChrystal a toujours un instinct de chasseur de terroristes. Pour mettre la pression sur les Talibans, il a augmenté le nombre d’unités de Forces Spéciales en Afghanistan pour les passer de 4 à 19. «  Vous avez intérêt à faire une sortie cette nuit pour frapper quatre ou cinq objectifs, » disait McChrystal à un Navy Seal croisé dans un couloir au QG. Puis il ajoutait, « cela dit, je serai obligé de vous engueuler le lendemain. » En fait, le général se retrouve souvent en position d’avoir à présenter des excuses pour les conséquences désastreuses de la contre-insurrection. Au cours des quatre premiers mois de cette année (2010), les forces de l’OTAN ont tué au moins 90 civils, soit une hausse de 76% par rapport à la même période de 2009 - un record qui a provoqué un profond mécontentement parmi la population dont la théorie COIN est censée gagner les coeurs. En février, un raid nocturne des Forces Spéciales s’est soldé par la mort de deux Afghanes enceintes et des accusations de tentatives pour étouffer l’affaire, et au mois d’avril des manifestations ont éclaté à Kandahar lorsque les forces US ont tiré par accident sur un bus et tué cinq Afghans. «  Nous avons tué un nombre impressionnant de gens » a récemment avoué McChrystal.

Malgré les tragédies et les méfaits, McChrystal a édicté les directives les plus strictes que l’armée US ait jamais connues afin d’éviter les victimes civiles en zone de guerre. C’est « les maths de l’insurgé », comme il l’appelle - pour chaque innocent que vous tuez, vous créez 10 nouveaux ennemis. Il a ordonné aux convois motorisés de corriger leur conduite (les convois étaient réputés pour leur conduite dangereuse qui faisaient de nombreuses victimes le long des routes - NdT), imposé des restrictions sur l’usage de frappes aériennes et fortement limité les raids nocturnes. Il présente régulièrement ses excuses à Hamid Karzai lorsque des civils sont tués, et réprimande les commandants responsables de morts civils. « Pendant un certain temps, » dit un officiel US, «  l’endroit le plus dangereux en Afghanistan était le bureau de McChrystal après la mort de civils. » Le commandement de l’ISAF a même réfléchi à des récompenses qui seraient accordées dans le cas où quelqu’un n’aurait pas été tué. On parle de créer une nouvelle médaille pour « retenue courageuse », un terme qui a peu de chances de rencontrer du succès dans la culture du « tirer d’abord, discuter ensuite » de l’armée US.

Mais aussi importantes qu’elles aient été, les nouvelles mesures imposées par McChrystal ont provoqué la grogne parmi les troupes. Leur demander de faire preuve de retenue au combat, se plaignent les soldats, c’est les mettre en danger. « La vérité ? » dit un ancien membre des Forces Spéciales qui a passé des années en Irak et en Afghanistan. «  J’aimerais donner à McChrystal un coup de pied dans les couilles. Ses mesures mettent en danger la vie des soldats. Tout véritable soldat vous dira la même chose. »

Au mois de mars, McChrystal s’est rendu à l’avant poste JFM - un petit campement dans les environs de Kandahar - pour affronter directement ces accusations. C’était un geste osé, typique du général. Deux jours avant, il avait reçu un mail d’Israel Arroyo, un soldat de 25 ans qui avait demandé à McChrystal si ce dernier voulait partir en patrouille avec son unité. « Je vous écris parce qu’il paraît que vous ne vous préoccupez pas des soldats, et que vous nous avez rendu la tâche de nous défendre plus difficile, » a écrit Arroyo.

Quelques heures plus tard, McChrystal a répondu personnellement. « Je suis désolé par de telles accusations, car je pense que tout soldat le prendrait mal aussi bien à titre personnel que professionnel - du moins en ce qui me concerne. Mais je sais que la perception des choses dépend de votre point de vue à un moment précis, et je comprends que chaque soldat peut avoir le sien. » Puis il s’est rendu au campement d’Arroyo et a participé à une patrouille avec les soldats - non pas une opération de relations publiques à la con à distribuer des poignées de main - mais une véritable patrouille dans une zone de guerre dangereuse.

Six semaines plus tard, juste avant le retour de McChrystal de son voyage à Paris, le général a reçu un deuxième mail d’Arroyo. Un caporal âgé de 23 ans du nom de Michael Ingram - un des soldats avec qui McChrystal avait effectué la patrouille - avait été tué la veille par un engin explosif. C’était le troisième homme que la section, qui en compte 25, perdait cette année, et Arroyo écrivait pour savoir si le général assisterait au service funèbre. « Il avait commencé à avoir une haute estime de vous, » écrivit Arroyo. McChrystal a répondu qu’il essayerait de s’y rendre le plus tôt possible pour lui rendre un dernier hommage.

La nuit précédent la visite prévue au bataillon du sergent Arroyo, je me suis rendu à Combat Post JFM pour discuter avec les soldats qui avaient patrouillé avec le général. JFM est un petit campement, entouré de murs résistant aux explosifs et de plusieurs tours de guet. Pratiquement tous les soldats ici ont régulièrement participé à des patrouilles en Irak et en Afghanistan et ont assisté à certains des pires combats des deux guerres. Mais ils sont particulièrement révoltés par la mort d’Ingram. Ses commandants ont constamment demandé l’autorisation de démolir une maison où Ingram a été tué, en faisant remarquer que celle-ci était souvent utilisée comme position de combat par les Talibans. Mais à cause des nouvelles restrictions de McChrystal destinées à ménager la population civile, la demande avait été rejetée. « Ces maisons sont abandonnées, » fulmine le sergent Kennith Hicks. « Personne ne reviendra les habiter. »

Un soldat me montre la liste des nouvelles restrictions que le bataillon a reçue. « Patrouiller uniquement dans des zones où vous pensez avec un degré raisonnable de certitude que vous n’aurez pas à vous défendre avec des moyens létales, » peut-on lire sur le carton. Pour un soldat qui a fait le tour de la planète pour combattre, c’est comme demander à un flic de ne patrouiller que dans des zones où il sait qu’il ne procédera pas à des arrestations. « Ca n’a pas de sens, » dit Jared Pautsch. « On devrait larguer une bombe sur cet endroit. Du coup, on se pose la question : qu’est-ce qu’on fait ici ? »

Les règles distribuées ici ne sont pas celles de McChrystal - elles ont été déformées en passant entre différents maillons de la chaîne de commandement - mais ça ne calme pas pour autant la colère des soldats sur le terrain. « Merde alors, lorsque je suis arrivé ici et que j’ai entendu que McChrystal était aux commandes, je pensais qu’on allait faire le coup de feu, » dit Hicks, qui en est à son troisième contrat avec l’armée. « Et je me retrouve face à COIN et tout ça. McChrystal vient nous voir, nous explique la chose, ça a l’air de tenir debout. Mais ensuite il s’en va et lorsque ses directives nous parviennent après être passées entre les mains de la grande bureaucratie militaire, ça devient un gros bordel - soit parce que quelqu’un au passage essaie de se couvrir, soit parce qu’ils n’ont tout simplement rien compris. En attendant, nous sommes en train de perdre cette putain de guerre. »

McChrystal et son équipe arrivent le lendemain. Sous une tente, le général discute pendant 45 minutes avec une vingtaine de soldats. L’ambiance est tendue. « Je vous demande ce qui se passe à votre niveau, et je crois qu’il est important pour vous tous de comprendre aussi le contexte global, » commence McChrystal. « Comment va la compagnie ? Quelqu’un s’apitoie-t-il sur son propre sort ? Personne ? Est-ce que quelqu’un pense que nous sommes en train de perdre ? » demande McChrystal.

« Mon général, certains pensent que nous sommes en train de perdre, » répond Hicks.

McChrystal hoche la tête. « C’est la force qui nous guide lorsque nous ne voulons plus guider, » dit-il aux hommes. « Vous guider par votre exemple. C’est notre boulot. Surtout lorsque les temps sont vraiment durs, et que cela vous fait souffrir. » Il passe 20 minutes à parler de la contre-insurrection, tout en dessinant des schémas sur un tableau pour expliquer ses concepts et ses principes. Avec lui, COIN paraît comme une évidence, mais il prend soin de ne pas mener ses hommes en bateau. « Nous sommes jusqu’au cou dans une année décisive, » dit-il aux hommes. Les Talibans, insiste-t-il, n’ont plus l’initiative - « mais je ne crois pas que nous l’ayons non plus. » Son discours ressemble à celui prononcé à Paris, mais il n’arrive pas convaincre ses soldats. McChrystal tente une plaisanterie : « Ca c’est la partie théorique qui est très convaincante dans les think tanks (groupes de réflexion - NdT) ». « Mais elle ne remporte pas le même succès auprès des compagnies d’infanterie. »

Au cours de la séance de questions/réponses, la frustration éclate. Les soldats se plaignent de ne pas pouvoir employer leurs armes et d’avoir à libérer des prisonniers faute de preuves. Ils veulent pouvoir se battre - comme ils l’ont fait en Irak, comme ils le faisaient en Afghanistan avant McChrystal. « Nous ne leur foutons plus la trouille, aux Talibans » dit un soldat.

«  Avec COIN, pour gagner les coeurs et les esprits il faut avoir la tête froide, » dit McChrystal, citant au passage une maxime souvent répétée qu’on ne peut pas se frayer une sortie d’Afghanistan en tuant tout sur son passage. « Les Russes ont tué un million d’Afghans, et ça n’a pas marché ».

« Je ne dis pas qu’il faut sortir et tuer tout le monde, mon général, » insiste le soldat. « Vous dites qu’on a brisé l’élan de l’insurrection. Je ne crois pas que ce soit le cas par ici. Plus nous reculons, plus nous faisons preuve de retenue et plus ils se renforcent. »

« Je suis d’accord, » dit McChrystal. « Dans cette zone, nous n’avons probablement pas accompli beaucoup de progrès. Il faut montrer sa force, faire usage de ses armes. Ce que je vous dis c’est que l’usage des armes a un prix. C’est quoi votre objectif ? Éliminer toute la population ici et la réinstaller ailleurs ? »

Un soldat se plaint que selon les nouvelles directives, tout insurgé non armé est automatiquement considéré comme un civil. « C’est la règle du jeu, » dit McChrystal. « Elle est compliquée. On ne peut pas décider comme ça, ça c’est les bons, ça c’est les méchants, et je vais tuer tous les méchants. »

Alors que la discussion tire à sa fin, McChrystal sent qu’il n’a pas réussi à les convaincre. Il fait une dernière tentative en parlant de la mort d’Ingram. « Je ne peux rien dire pour soulager votre douleur, » leur dit-il. « Il n’y a rien à dire, rien qui puisse faire disparaître cette douleur... Mais je vais vous dire ceci : vous faites du bon travail. Ne vous laissez pas emporter par la frustration. » Le séance prend fin sans applaudissements, sans véritable résolution. McChrystal a peut-être réussi à vendre la contre-insurrection à Obama, mais ses propres hommes ne sont pas convaincus.

Lorsqu’il s’agit de l’Afghanistan, l’histoire ne joue pas en faveur de McChrystal. Le seul envahisseur qui a remporté un succès ici fut Gengis Khan - et lui n’était pas embarrassé par des choses telles que les droits de l’homme, le développement économique ou le regard de médias. Bizarrement, la doctrine COIN est inspirée par certains des plus gros échecs militaires occidentaux de l’histoire récente : la vilaine guerre de la France en Algérie (perdue en 1962) et la mésaventure américaine au Vietnam (perdue en 1975). McChrystal, comme d’autres partisans de COIN, reconnaît volontiers que les campagnes de contre-insurrection sont intrinsèquement sales, coûteuses et faciles à perdre. « Même les Afghans ont du mal à comprendre l’Afghanistan, » dit-il. Mais même s’il réussit, par un moyen ou un autre, après des années de combats sanglants contre des gamins afghans qui ne représentent aucune menace pour les Etats-Unis, la guerre n’affectera pas vraiment Al Qaeda qui s’est déplacée vers le Pakistan. Déployer 150.000 soldats pour construire de nouvelles écoles, des routes, des mosquées et des canalisations autour de Kandahar serait comme combattre la drogue au Mexique en occupant l’Arkansas et en construisant des églises Baptistes à Little Rock. « Sur le plan politique, c’est très cynique, » dit Marc Sageman, un ancien officier de la CIA qui a beaucoup d’expérience dans la région. «  L’Afghanistan ne représente pas un intérêt vital - il n’y a rien ici pour nous. »

Au milieu du mois de mai, deux semaines après une visite aux troupes de Kandahar, McChrystal s’est rendu à la Maison Blanche pour une réunion au sommet avec Hamid Karzai. C’était un moment de triomphe pour le général, un moment qui prouvait qu’il était bien aux commandes - à Kaboul comme à Washington. Dans la salle East Room, remplie de journalistes et de dignitaires, le Président Obama a chanté les louanges de Karzai. Les deux dirigeants ont parlé de leur excellente relation et de la douleur qu’ils ressentent pour les morts civils. Ils ont prononcé 16 fois le mot « progrès » en moins d’une heure. Mais personne n’a prononcé le mot "victoire". Néanmoins, la réunion a constitué le plus fort engagement d’Obama depuis des mois en faveur de la stratégie de McChrystal. «  Je ne peux nier les progrès accomplis par le peuple afghan ces dernières années - dans l’éducation, la santé et le développement économique, » a déclaré le président. « Après avoir vu les lumières de la ville au moment d’atterrir à Kaboul - des lumières qui n’auraient pas été visibles il y a quelques années seulement. »

La remarque d’Obama est déconcertante. Pendant les pires années en Irak, lorsque l’administration Bush n’avait aucun progrès à offrir, les officiels faisaient appel à cette même image pour tenter de démontrer qu’il y avait un progrès. « Ce fut une de nos premières impressions, » a déclaré un officiel du Parti Républicain en 2006, après avoir atterri à Bagdad au sommet de la guerre civile sectaire (entre Chiites et Sunnites - NdT). « Toutes ces lumières qui brillaient. » Ainsi, l’administration d’Obama emploie le même langage que celui employé pour la guerre en Irak - parler de progrès, des lumières des villes, d’indices telles que la santé et l’éducation. Une rhétorique dont ils se seraient moqués il y a encore quelques années. « Ils essaient de manipuler les perceptions parce qu’il n’y a pas définition pour la victoire - parce que la victoire n’est même pas définie ni identifiable, » dit Celeste Ward, un haut analyste en matière de défense auprès de la Rand Corporation qui a été conseiller politique auprès des commandants US en Irak en 2006. « C’est ce qui se joue en ce moment. Ce dont nous avons besoin, pour des raisons stratégiques, c’est de créer l’impression que la situation est toujours sous contrôle. Mais la situation sur le terrain n’est pas terrible, et elle ne va pas s’améliorer dans un avenir proche. »

Mais les faits sur le terrain, comme l’histoire l’a démontré, ont peu d’influence sur une armée déterminée à maintenir le cap. Même les plus proches de McChrystal savent que la montée de l’opposition à la guerre parmi la population américaine ne reflète pas le véritable merdier qui règne en Afghanistan. « Si les Américains prenaient du recul et prêtaient attention à cette guerre, elle deviendrait encore moins populaire, » dit un haut conseiller de McChrystal. Néanmoins, un tel réalisme n’empêche pas les défenseurs de la contre-insurrection de rêver en grand : au lieu de commencer le retrait des troupes l’année prochaine, comme Obama l’a promis, les militaires espèrent escalader leur campagne contre-insurrectionnelle. « Il est possible que nous demandions une nouvelle offensive des forces US l’été prochain s’il y a un espoir de succès, » me dit un haut officiel de l’armée à Kaboul.

De retour en Afghanistan, moins d’un mois après la rencontre à la Maison Blanche avec Karzai et toutes ces belles paroles sur le « progrès » accompli, McChrystal a reçu le plus gros coup contre sa politique de contre-insurrection. Depuis l’année dernière, le Pentagone planifiait une opération militaire majeure cet été à Kandahar, la deuxième ville du pays et fief d’origine des Talibans. Cette offensive était censée être le point tournant décisif de la guerre - la raison même pour laquelle McChrystal a obtenu plus de troupes l’année dernière. Mais le 10 juin, tout en reconnaissant que l’armée avait encore des choses à préparer sur le terrain, le général a annoncé que l’offensive était repoussée à l’automne. Plutôt qu’une seule grande bataille, comme Falloujah ou Ramadi (en Irak - NdT), l’armée US lancera ce que McChrystal appelle une « marée montante de sécurité ». La police et l’armée afghane entreront dans Kandahar pour tenter de prendre le contrôle des banlieues, tandis que les Etats-Unis déverseront 90 millions de dollars d’aide pour tenter de gagner les coeurs de la population civile.

Même les partisans de la contre-insurrection on du mal à expliquer ce nouveau plan. « Il ne s’agit pas d’une opération classique, » dit un officiel militaire US. « Ce ne va pas être (comme dans le film) Black Hawk Down. Il n’y aura pas de portes enfoncées, » D’autres officiels US insistent pour dire qu’il y aura bien des portes enfoncées, mais que l’offensive sera plus douce, plus gentille que le désastre de Marjah. «  Les Talibans ont verrouillé la ville, » dit un officiel militaire. « Il faut les déloger de là , mais d’une manière qui ne contrarie pas la population. »

Lorsque le vice-président Biden a été informé dans le Bureau Ovale de ce nouveau plan, des témoins affirment qu’il a été choqué de constater à quel point ce plan ressemblait au sien, plus progressif, de contre-terrorisme qu’il avait lui-même proposé à l’automne dernier. « On dirait du contre-terrorisme bis ! » a-t-il dit, selon des témoins de la réunion.

Quel que soit la véritable nature de ce nouveau plan, le délai demandé ne fait que souligner les défauts inhérents à la contre-insurrection. Après neuf années de guerre, les Talibans sont tout simplement trop bien retranchés pour que l’armée américaine se lance dans une attaque frontale. Ces mêmes personnes que COIN prétend gagner - le peuple afghan - ne veulent pas de nous. Notre soi-disant allié, le Président Karzai, use de son influence pour retarder l’offensive et l’injection massive d’aide préconisée par McChrystal ne fera probablement qu’empirer les choses. « Jeter de l’argent sur un problème que fait qu’accentuer le problème, » dit Andrew Wilder, expert à l’université Tufts qui a étudié les effets de l’aide dans le sud de l’Afghanistan. « Un tsunami d’aide alimente la corruption, délégitime le gouvernement et crée un environnement où nous désignons les gagnants et les perdants » - un processus qui alimente le ressentiment et l’hostilité de la population civile.

Jusqu’à présent, la contre-insurrection n’aura réussi qu’à créer une demande illimitée de la matière première dont les militaires sont les fournisseurs : la guerre sans fin. Il y a une raison pour laquelle le Président Obama évite soigneusement de prononcer le mot « victoire » lorsqu’il parle de l’Afghanistan. La victoire, semble-t-il, n’est pas vraiment possible. Même avec Stanley McChrystal aux commandes.

Michael Hastings

Traduction Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» http://www.rollingstone.com/politics/news/17390/119236
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