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Le travail au noir, ou un hold-up de plus du capital sur le travail.

Lors d’une des mes périodes d’inactivité bien méritées, je me suis souvenu d’un pamphlet publié par le journal fakir au printemps dernier « le hold-up tranquille » (d’ailleurs disponible sur leur site internet fakirpresse.info). Il était expliqué très clairement et de manière pédagogique la régression de la part du travail au profit du capital dans le PIB de la France, ces 20 dernières années. Habitant en Hongrie depuis deux ans, j’ai donc décidé de me renseigner sur la situation ici et en Europe en général. Premier pas : questionner les gens, savoir ce qu’ils pensent de ce sujet, ce qu’ils en savent. Cela ne fut malheureusement pas très fructueux donc je me suis finalement décidé á regarder les données statistiques officielles de l’UE. Logiquement, la tendance est dans tous les pays à la baisse de la part des salaires dans le PIB. Depuis 1983, la moyenne européenne donne une baisse de la part des salaires de 8,5% environ. En France les salariés reçoivent 9,3% en moins comparé à 1983 (la part des salaires dans la valeur ajoutée était de 74% à cette date, 65% aujourd’hui)… La particularité française est que ce phénomène s’amorce sous un gouvernement dit « socialiste ». Je me suis également renseigné sur la Hongrie, et la situation s’avère similaire : Le PIB a augmenté de 66% depuis 1993, et la part des salaires est passée de 63% de la valeur ajoutée à 53%. Autant d’argent redistribué en profits.

Le cas de la Hongrie (et je généraliserais sans trop prendre de risque aux autres pays d’Europe du sud et de l’est, souvenez vous de la crise grecque) est tout de même assez différent de celui de la France, dans la mesure où similairement à la Grèce, une part importante des salaires n’est pas comptabilisée dans ces statistiques mais est détournée par ce que l’on appelle communément l’économie « au noir ».

Il est important de préciser que pour chaque travailleur ayant recours au travail au noir, il existe également en parallèle une part légale à ce travail. En effet le salaire dit « au noir » fait plutôt figure de complément au salaire légal, du moins la plupart du temps. D’où la difficulté (et encore il s’agit à la base d’une simple question de volonté politique) que peut rencontrer l’état à lutter contre ce phénomène.

Le recours au travail au noir est donc très rependu dans ces pays là , et ce pour une raison simple qui est la stagnation, voire la diminution des faibles salaires. Comment s’y prennent donc les employeurs pour faire accepter le recours au travail au noir ? L’employeur fait miroiter une hausse (bien réelle) du salaire NET au travailleur, en lui faisant comprendre qu’il lui coûte trop cher, que ce qu’il doit cotiser pour lui est trop élevé et ne lui permet pas de l’augmenter. Si le salarié consent à recevoir un salaire légal inférieur, un complément salarial illégal lui sera distribué.

Par exemple, un salarié Français recevant disons 3000 euros brut mensuels (le travail au noir de concerne pas seulement les faibles salaires) de salaire légal, soit un salaire net de 2356 euros, se verra proposer une diminution vers un salaire brut légal de 2500 euros mensuels (le salaire net diminuera), avec un complément de 500 euros d’argent liquide. Le travailleur se réjouira de recevoir plus d’argent en main propre qu’avant. Ce que l’employeur ne dit pas à ce travailleur (non averti ?) est que son salaire total, c’est-à -dire son salaire net AINSI que ce qu’il recevra de manière indirecte en termes de service public, passera de 4317 euros à moins de 4000 euros mensuels, le patron ne payant aucune cotisation sur l’argent liquide versé « au noir ». Les cotisations étant indexées sur le salaire, mais se prélevant sur le profit, la part du profit augmente à mesure que les cotisations diminuent, le recours au travail au noir étant une façon d’augmenter la part du profit dans la valeur ajoutée.

Maintenant quelles seraient les conséquences d’un recours massif à ce genre de pratiques ? Nous avons vu que, bien qu’il reçoive plus d’argent en main propre, le travailleur voit une partie de ce qu’il produit non pas reversé vers la société sous forme de cotisations, mais directement transférée au capital. L’état voit donc ses recettes décimées et ne peut donc plus trouver autant d’argent qu’avant pour financer les services publics. Soit il s’endette de façon à assurer la survie de ces services publics et a ensuite recours au FMI qui proposera un retrait de l’état de ces services, soit il se sert du prétexte du déficit directement pour mieux privatiser ces même services (les deux vont très souvent de pair, seule la méthode diffère légèrement). Le pauvre travailleur qui se retrouve avec son salaire substantiellement augmenté avec le recours au travail au noir, se verra refuser des soins, une éducation, car son augmentation, comparée à la baisse du financement public des hôpitaux et des écoles par exemple, fait figure d’une goutte dans l’océan.

Le capital quand à lui, non seulement voyant sa part dans la valeur ajoutée augmenter, se verra ouvrir de nouveaux marchés qui lui garantiront une croissance certaine pour un certain temps.

Mais doit on blâmer les travailleurs qui se font avoir, consciencieusement ou pas d’ailleurs, au chantage du travail au noir ? Cela serait, à mon sens, une erreur. Certes, certains font preuve d’un cynisme à toute épreuve et n’hésitent pas á rétorquer ceci : « de toute façon, que cet argent aille à l’état ou au profit, on n’en verra jamais la couleur ». Il est inutile de débattre plus longtemps sur cette affirmation infondée. Et puis de toute manière, admettons. Oui, admettons que l’état remplisse les poches de ses serviteurs ou dépense tout l’argent dans le domaine militaire. Une chose doit être soulignée : dans la société actuelle, il reste une marge de manoeuvre démocratique plus importante en ce qui concerne le rapport avec le capital d’état, plutôt qu’avec le capital privé. C’est indéniable et il faudrait systématiquement le rappeler. Bien que la destruction de l’état soit un objectif de toute personne voulant la liberté, le remplacer par une tyrannie privée totalitaire est inconcevable.

Il faut donc blâmer les institutions qui permettent le travail au noir et le font accepter, plutôt que les travailleurs désespérés qui y ont recours. D’après la démonstration précédente, les arguments individualistes l’emportent sur tout projet solidaire ou collectif : « on est dans la merde, c’est a qui s’en tirera le mieux ». Il semble donc que l’acceptation du travail au noir par les travailleurs soit en premier lieu le résultat d’une victoire idéologique de la bourgeoisie et du capital. En effet, la lutte des classes semble être niée par nombre de travailleurs alors que la bourgeoisie est au fond d’elle consciente du combat qu’elle mène. Je rappellerai cette citation de W. Buffet, 3ème fortune mondiale, dans le New York Times du 26/11/2006. « « Il y a une guerre des classes en Amérique, c’est sur. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui fait la guerre et nous sommes en train de gagner » ». Cette victoire idéologique est possible à cause de diverses raisons, mais les deux raisons les plus importantes me semblent être les médias et l’éducation. Combien de personnes accèdent au bac sans avoir aucune idée de ce que sont les notions économiques de bases telles que la valeur ajoutée, son partage entre capital et travail et les répercussions que cela entraine dans la société, les mécanismes du PIB etc. sans cette culture économique de base alors la porte est grande ouverte aux mensonges diffusés par la propagande des médias dominants. Ils leur incomberaient idéalement de diffuser au plus de monde possible ces notions là , oubliées par le monde scolaire. Mais cela ne se passera pas sans une redéfinition au préalable de l’organisation des médias, qui devront être mis avant tout au service de la population plutôt qu’entre les mains du capital.

Le capital se sert donc des conséquences même de son existence pour se renforcer au détriment des exploités, il est absolument nuisible et il n’est pas raisonnable de concéder plus longtemps quoi que ce soit á son développement. Blâmer les travailleurs ne ferait qu’aggraver le problème en accentuant les divisions qui les séparent et qui permettent au capital de régner sans partage. Il faut redonner une conscience de classe aux travailleurs, car ils ne pourront atteindre leur émancipation qu’en étant conscient des chaines qui les en empêche aujourd’hui.

Mehdi

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