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Violences, viols, enlèvements, assassinats : le Mexique ignoré de nos médias.

Mexique : Marche nationale pour la justice

Du 5 au 8 mai, des Mexicains vont marcher, de Cuernavaca (Etat de Morelos) à la capitale du pays, distante de 85 kilomètres. Elles et ils seront probablement très nombreux. Dans un communiqué, par exemple, l’EZLN annonce une importante manifestation silencieuse à San Cristóbal de Las Casas (Jobel), le 7 mai.

Organisée à l’initiative du poète Javier Sicilia, suite à l’assassinat fin mars de son fils et de six autres jeunes habitants de cette ville, la manifestation, intitulée «  marche nationale pour la justice et contre l’impunité » a pour objectif d’initier un vaste mouvement de refus de la violence qui a causé plus de 40.000 morts depuis l’arrivée au pouvoir, voici 5 ans, du président Felipe Calderón Hinojosa.

Une violence qui, comme la journaliste Gloria Muñoz l’a rappelé le 1er avril dernier, devant 200 personnes réunies à La Chapelle de Toulouse, vise principalement les femmes, les jeunes, les migrants et les peuples indigènes. Il s’agit d’une véritable guerre, a-t-elle précisé, dont les objectifs, derrière le prétexte de la lutte «  contre le narco-trafic », sont l’établissement de la terreur et la militarisation de l’ensemble des régions du pays où la population persiste à s’opposer aux méga-projets de l’agro-industrie, des grands barrages, de l’exploitation minière systématique, de la déforestation et du tourisme.

Victimes de cette guerre qui ne dit pas son nom, les centaines de femmes enlevées, violées, dépecées par leurs assassins à Ciudad Juárez, les jeunes mitraillés au cours de fêtes ou de rencontres sportives, les migrants d’Amérique Centrale, harcelés, séquestrés, rançonnés aussi bien par les bandes de délinquants que par des membres des forces de l’ordre (au cours du dernier mois on a découvert 183 cadavres à San Fernando, dans l’Etat du Tamaulipas, et 96 autres dans celui de Durango, cf La Jornada du 28 avril 2011), les peuples indiens que l’on tente d’expulser des territoires sur lesquels ils tentent de vivre de manière digne et autonome, au Chiapas et ailleurs... L’offensive contre les communautés zapatistes en résistance connaît une recrudescence impressionnante. Elle cherche à briser l’unité d’un monde refusant la marchandisation de la terre et de ses habitants. Elle prétend imposer la construction d’autoroutes, comme celle de San Cristóbal-Palenque, à créer des zones d’exclusivité touristique, au détriment des cultures vivrières et des modes de vie traditionnels, à développer les cultures industrielles pour les agro-carburants, à déplacer des villages entiers, au nom de la «  sécurité » ou du «  développement »...

Voici tout juste un an, des tueurs appartenant au groupe paramilitaire UBISORT abattaient froidement deux militants des droits humains venus soutenir la commune autonome de San Juan Copala, dans l’Oaxaca. La Mexicaine Betty Cariño et le Finlandais Jyri Jaakola sont ces jours-ci dans toutes les mémoires.

Pourtant, on le voit, de larges secteurs du Mexique «  d’en bas » ne se résignent pas encore à être la proie d’un système économique, de politiques corrompus et pressés de mettre la main sur les ressources dont le capitalisme industriel commence à manquer.

C’est la lecture que l’on peut faire de cette «  marche pour la justice et contre l’impunité ». Dans notre pays, alors que l’ «  Année du Mexique en France » a sombré dans une grotesque querelle de coqs présidentiels, nous ne devons pas oublier la responsabilité et la complicité des politiques et entreprises qui participent d’une façon ou d’une autre à la guerre menée contre les peuples du Mexique. Notamment les multinationales de l’armement, de l’informatique et de l’aéronautique militaire et civile (groupe Safran, Eurocopter, Airbus), dont les affaires contribuent directement au pillage et à la destruction de l’environnement et de la société mexicaine. Ensuite, les trusts du ciment et du bâtiment (Lafarge, groupe Schneider), qui participent au bétonnage massif du pays, à travers de grands travaux permettant une reconversion facile de l’argent du narco-trafic, lavé dans les infrastructures aéroportuaires, autoroutières, touristiques...Les entreprises de ces secteurs, comme les précédentes, étaient les principaux «  sponsors » de l’Année du Mexique en France.

Enfin, n’oublions pas la coopération étroite et multiforme dans le domaine de ce que l’on appelle les «  technologies convergentes », biotechnologies et nanotechnologies. Des activités industrielles aux nombreuses applications militaires et aux débouchés économiques alléchants, mais dont les dangers sur l’environnement et la santé, sur ce qui nous reste de liberté et d’autonomie individuelle et collective, ont de quoi nous inquiéter sérieusement, ici comme là -bas.

C’est pourquoi il semble difficile de condamner le gouvernement de Felipe Calderón, et d’exiger qu’il mette fin à la guerre actuelle contre les populations civiles, sans en appeler à la réflexion et à une prise de conscience de la part de tous ceux qui travaillent, dans notre pays, pour les industries destructrices et mortifères de l’armement, du contrôle, de la «  construction », du tourisme...

Jean-Pierre Petit-Gras

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