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Palestine : Entretien avec Pierre Barbancey

Crédit photo : Latuff 2005 (CC)

En vue du débat du dimanche 6 juillet à la Fête du Château de Nice, "60 ans sans Etat. Palestine : la paix par le droit", voici l’interview de Pierre Barbancey, grand reporter à l’Humanité. Seront présents à ses côtés Sonia El Quadi, pharmacienne à l’Hopital d’Hébron, ainsi que Safwan Qassem, président de l’AFPS 06.

Shyankar : Le titre du débat est : « 60 ans sans État. Palestine : la paix par le droit ». Quelle est, à votre avis, la meilleure solution : deux états ou un état bi-national comme nous en entendons de plus en plus parler ?

Pierre Barbancey : Je m’appuies sur ce que demande le peuple palestinien. Les représentants de l’Organisation de Libération de la Palestine (l’OLP) et le peuple palestinien demandent deux états. On ne peut pas dire que dans l’avenir il n’y aura pas de possibilités de voir un état avec deux peuples, mais je crois qu’aujourd’hui les relations sont telles et le contentieux est tellement énorme depuis 60 ans qu’on peut, de manière utopique, se dire qu’il y aura un état pour deux peuples. Mais je crois que la réalité politique et le bon sens politique veulent que ce soit deux états pour deux peuples. Bien évidemment j’entends dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-est comme capitale, et avec la prise en compte du droit au retour des réfugiés palestiniens ; c’est à dire prendre en compte la feuille de résolution de l’ONU.

S. : Palestine ou l’apartheid : adhérez-vous avec la thèse de Marwan Bishara et, dans une moindre mesure, avec celle de Jimmy Carter ?

P. B. : Il faut toujours faire attention avec l’utilisation des mots, comme génocide ou apartheid. Je ne suis pas pour utiliser le mot génocide mais plutôt celui d’épuration ethnique.

S. : Comme l’entend Illan Pappé dans son dernier ouvrage ?

P. B. : Illan Pappé en parle surtout de manière historique, en particulier sur ce qui s’est passé en 1947 et 1948. Cela montre et prouve effectivement une réalité.

Pour en revenir au terme d’apartheid, la construction du mur en Cisjordanie, que les Palestiniens appellent d’ailleurs le mur de l’apartheid, procède à une espèce de nettoyage ethnique dans les territoires palestiniens. Ils sont obligés de quitter ces zones là , autant leurs habitations que les champs qu’ils cultivaient. Alors je pense que oui, d’une certaine manière, on peut en arriver à dire qu’il y a une sorte d’apartheid qui est en train de se développer, d’abord vis-à -vis des Palestiniens, mais aussi des Arabes-israéliens qui n’ont pas totalement les même droits que les israéliens.

S. : Parlons maintenant d’Annapolis. Enterré avant même d’être signé, enterré depuis l’opération « Hiver chaud », ou pas totalement ?

P. B. : J’étais envoyé spécial de l’Humanité à Annapolis quand il y a eu cette conférence. J’étais très sceptique au départ, mais en même temps le scepticisme ne veut pas dire qu’il ne faut pas accompagner, qu’on ne peut être des jusqu’au-boutistes. Il ne faut pas oublier que la population palestinienne souffre depuis 60 ans, et que c’est d’abord à elle qu’il faut penser sur les « pas en avant » qui sont possibles. Alors quand les Palestiniens disent « il faut y aller », il faut tenter quelque chose. Je pense vraiment qu’il faut les suivre et tenter.

Avec ce qu’il s’est passé avant Annapolis c’est vrai que l’on peut avoir quelques doutes. De même qu’avec ce qu’il s’est passé pendant.

Je parlais avec Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, qui me disait : « Vous ne comprenez pas, c’est un moment historique ». Grand moment historique ? Est-ce que Israël à lancé le désengagement derrière les frontières historiques ? Ce n’est malheureusement pas le cas. Et puis, surtout, le problème c’est qu’on voit bien l’attitude américaine, de G. W. Bush en particulier, qui a voulu arranger l’ensemble des choses alors même qu’il existait déjà la feuille de route lancée par le Quartet. Ce qui se passe c’est que Bush a annoncé qu’Annapolis se passait sous supervision américaine. Hors je crois que c’est bien là le problème, c’est là où le bât blesse. Depuis des années et des années on a laissé autour de la table les Palestiniens, les Israéliens et les Américains. Au bout du compte, les Palestiniens se sont retrouvés tout seul face à deux interlocuteurs. C’est bien ça qu’il faut aujourd’hui rompre.

S. : Encore un espoir dans ce cas ?

P. B. : Je crois que quand on se bat il ne faut jamais perdre l’espoir, les choses peuvent toujours avancer. Je crois qu’il faut retrouver l’unité du mouvement palestinien. Historiquement, les Palestiniens ne se sont jamais retrouvés dans une telle situation, c’est à dire avec une division géographique et en même temps une division politique. C’est une situation très grave qui ne fait que servir les intérêts de l’occupant et qui ne permet pas aux Palestiniens de s’exprimer totalement. Je crois aussi, que l’Union européenne, la France en particulier et les peuples en Europe se bougent beaucoup plus pour faire entendre la voix de la raison. Cette voix de la raison ce sont les résolutions des nations-unies. Ils ont fait en sorte que le Kosovo soit indépendant aujourd’hui, c’est donc des choses qui sont possibles. Ces actions politiques sont possibles et n’ont jamais lieu quand il s’agit des Palestiniens. Quand on en voit certains qui s’activent, de manière à mon avis très politicienne, comme Robert Ménard par exemple ; j’aimerais qu’il en fasse tout autant pour les Palestiniens et évidemment il ne le fait jamais.

Mais encore une fois, je crois que des avancées sont possibles. On voit aujourd’hui qu’il y a une volonté politique claire d’isoler l’Iran. Pour ce faire, ils sont décidés à calmer un certain nombre de conflit potentiels ou de foyers de tensions dans la région : on peut parler du Liban, on peut parler de la Syrie ; mais sans jamais résoudre totalement le problème palestinien.

La trêve, un nouveau coup d’épée dans l’eau ?

P. B. : Il faut être clair sur ce point. Rien n’est gagné, rien n’est joué d’avance. Il faut prendre la trêve pour ce qu’elle est : un ballon d’oxygène pour les 1 500 000 Palestiniens qui sont coincés dans la bande de Gaza et qui doivent survivre au blocus israélien. Il faut espérer que dans les jours qui viennent, dans les semaines qui viennent, le blocus se lève. Que ce soit totalement on ne peut pas l’espérer mais au moins partiellement pour qu’ils puissent enfin vivre un petit peu mieux et sans avoir constamment des incursions israéliennes. Évidemment là où c’est compliqué c’est que cette trêve se passe avec le Hamas, ce qui redonne un sursaut politique au Hamas face à Mahmoud Abbas qui est incapable d’avoir une trêve de ce type là en Cisjordanie.

Il y a des questions politiques qui se posent et encore une fois, rien n’est complètement contradictoire. Les contradictions peuvent être utilisés pour avancer. Cette trêve est bénéfique pour les Palestiniens qui sont à Gaza et je crois que ça c’est à prendre en compte. Malheureusement Israël a déjà prévenu qu’il préparait quand même une opération de grande envergure. C’est bien là le problème...

Évidemment il y a aussi l’histoire du soldat Gilad Shalit, détenu par le Hamas depuis quasiment 2 ans : les israéliens veulent le faire libérer parce qu’ils en ont besoin d’un point de vue politique, à un moment où le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, est affaibli par des affaires de corruptions. Le paradoxe aujourd’hui est que pour qu’il y est une survie politique, il faut qu’il y ai une espèce de « fuite en avant » d’un processus de paix ou d’un processus de négociation avec l’ensemble des pays qui sont en partie occupés par Israël aujourd’hui.

Voilà la situation, et encore une fois, il faut des actions politiques fortes. On le voit dans un mauvais sens politique aujourd’hui mais il faut pousser les choses et il faut maintenant inverser la balance et progressivement se bouger beaucoup plus qu’ils ne le font actuellement.

Vous parliez de Mahmoud Abbas, souvent décrié, voire rejeté. Mahmoud Abbas est-il trop en manque de légitimité pour paraître crédible autour d’une table de négociation ?

P. B. : Je dirais qu’il n’est pas en manque de légitimité. Mahmoud Abbas a été élu à une élection présidentielle relevée par l’ensemble des observateurs internationaux comme démocratique. Mahmoud Abbas a une légitimité aujourd’hui incontestable. Le seul problème, c’est que la stratégie qu’il a choisi aujourd’hui, qui est de poursuivre les discussions et les négociations avec Israël, ne porte pas ses fruits. De fait, il donne raison au Hamas qui préfère une confrontation directe voire armée avec Israël. Là , il y a de grandes discussions au sein de l’OLP, justement pour demander à Mahmoud Abbas de suspendre toutes négociations tant qu’Israël continue à maintenir son blocus sur Gaza et tant qu’Israël continue à agresser des Palestiniens. Mahmoud Abbas n’est donc pas complètement déligitimé, j’entends que l’ensemble du peuple palestinien est pour les négociations dans le but d’arriver à la création d’un état palestinien. Maintenant ce qu’il faut dire c’est qu’Annapolis parlait de la création de cet état à la fin 2008 début 2009, donc vers la fin du mandant de G. W. Bush. On avait déjà dit ça malheureusement avec la feuille de route pour 2005 et ça ne s’est toujours pas produit, mais prenons les au mot : chiche, la création d’un état palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-est comme capitale fin 2008, et il faut vraiment se mettre au travail pour que cela soit réalité.

Propos recueillis par Shyankar, rédacteur de Comprendre ce là -bas

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