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Affaire Julian Assange : lettre à Harriet Harman, députée britannique

Rt Hon Harriet Harman QC MP
Member for Camberwell and Peckham
House of Commons
London SW1A 0AA

Londres, le 15 Décembre 2018

Chère Harriet,

Je vous écris au sujet d’une violation continue des droits de l’homme au cœur de Londres ; la situation du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, qui demeure à l’ambassade de l’Équateur dans des conditions intolérables. En mars de cette année, il a été mis au secret et son traitement a été comparé par beaucoup à l’isolement cellulaire. Son état de santé se détériore en conséquence.

Je suis un ressortissante allemande, vivant en permanence au Royaume-Uni, et je n’aurais jamais imaginé qu’un être humain puisse être soumis à un tel traitement dans un pays comme la Grande-Bretagne, gouverné par des législateurs qui condamneraient avec véhémence de telles violations des droits humains dans toute autre partie du monde. En tant qu’électrice de votre circonscription, je vous demande de soulever d’urgence cette question au Parlement.

Assange s’est réfugié à l’ambassade d’Équateur en juin 2012. Ses avocats craignaient son extradition vers les États-Unis par le biais de l’"affaire suédoise", qui s’est finalement révélée sans fondement. Elle a été abandonnée en 2017, après des années de retards causés par les systèmes juridiques suédois et britannique. Le ministère public britannique a joué un rôle particulièrement troublant dans ce retard, comme l’a découvert la journaliste d’investigation Stefania Maurizi à travers ses demandes d’accès à l’information.

Assange s’est vu accorder l’asile par le précédent gouvernement équatorien, qui a résisté aux pressions américaines. En 2010, WikiLeaks a exposé les crimes de guerre commis par les troupes américaines et publié des câbles diplomatiques américains exposant la corruption et le fonctionnement interne de l’État américain et des services de renseignement. WikiLeaks a continué à publier des fuites sur tous les principaux acteurs mondiaux, y compris l’Allemagne, la Russie, l’UE, Israël et bien d’autres, mais a embarrassé le pouvoir américain, à plusieurs reprises, il n’est donc pas étonnant que ce dernier soit "en colère".

Le mois dernier, les médias ont appris que les procureurs américains du district Est de Virginie avaient révélé, par inadvertance, que des accusations secrètes avaient effectivement été portées contre Assange. C’est exactement ce que les avocats de WikiLeaks ont toujours craint. Ces accusations sont la raison précise pour laquelle Assange a cherché refuge à l’ambassade en 2012 et pour laquelle le précédent gouvernement de l’Équateur lui a accordé l’asile. Pendant ce temps, Assange demeure prisonnier à l’ambassade. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a indiqué en 2015 qu’Assange était détenu arbitrairement, qu’il devait être libéré immédiatement et indemnisé. Le gouvernement britannique a choisi d’"ignorer" leurs conseils.

Le 28 mars dernier, le nouveau gouvernement équatorien de Lénine Moreno a coupé les communications d’Assange avec le monde extérieur, violant ainsi son statut de réfugié. Tout indique que l’Equateur se prépare à expulser Assange de l’ambassade vers la police britannique et/ou la justice américaine où il ne peut s’attendre à une procés juste et équitable, ni à un traitement humain. Tout ce que la Grande-Bretagne aurait à faire pour résoudre cette situation est de donner une garantie crédible aux avocats d’Assange, et même à la communauté internationale, de ne pas arrêter Assange pour un délit mineur datant de 2012, qui est resté "en suspens" d’une autre affaire dans laquelle Assange n’a jamais été inculpé. On pourrait régler ce problème en lui infligeant une simple amende.

Par conséquent, le Royaume-Uni devrait également garantir qu’il n’extradera pas Assange vers les États-Unis, où d’autres violations des droits de l’homme sont une certitude, et où l’emprisonnement à vie ou même la peine de mort sont possibles, s’il devait être accusé et poursuivi en vertu de la loi obsolète de 1917 sur l’espionnage. Cette législation dépassée de la première guerre mondiale a été excessivement utilisée ces dernières années par les tribunaux américains pour punir sévèrement, et faire taire, les lanceurs d’alerte.

Il convient de souligner qu’Assange n’est pas lui-même un lanceur d’alerte. WikiLeaks a fourni une plate-forme et un "lieu sûr" pour les lanceurs d’alerte, par définition ils sont des éditeurs comme The Guardian, le New York Times, le Washington Post, Süddeutsche Zeitung, etc. Même les critiques virulents de WikiLeaks ont récemment demandé quel précédent serait crée, au niveau international, pour la liberté de la presse et la liberté d’expression si Assange ou WikiLeaks étaient poursuivis pour avoir publié des informations véridiques.

Il semble absurde d’avoir à dire cela, mais les États-Unis n’ont aucune juridiction sur un citoyen australien/équatorien, et ils n’ont aucune juridiction au Royaume-Uni. Depuis juin 2016, le Royaume-Uni se prépare à son plus grand changement historique et sociétal depuis la Seconde Guerre mondiale, en négociant sa sortie de l’Union européenne ; tout cela pour retrouver sa souveraineté. Où est la souveraineté de la nation en ce qui concerne la question de WikiLeaks et Assange ? Si Assange devait être arrêté par le Royaume-Uni et extradé pour être poursuivi aux États-Unis, cela aurait un impact dévastateur sur les éditeurs et les journalistes du monde entier. Le Royaume-Uni veut-il vraiment jouer un rôle moteur dans la suppression de la liberté de la presse ?

J’espère qu’il y aura des politiciens courageux - tant à la Chambre des communes qu’à la Chambre des Lords - qui pourront empêcher que cela ne se produise ; et j’espère que vous en ferez partie.

Sincèrement vôtre

Sabine von Toerne @BeeBeeHoneyBee

Traduction "l’évidence même, et pourtant..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

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