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"Donne un cheval à l’homme qui a dit la vérité. Il en aura besoin pour s’enfuir" (proverbe arabe).

Alors que débute le procès de Bradley Manning, évaluons l’impact des informations que le jeune soldat aurait divulguées

Jeudi 29 novembre, et pour la première fois depuis son arrestation il y a deux ans et demi à Bagdad, Bradley Manning a témoigné devant la justice.

Cette journée marque également le deuxième anniversaire du Cablegate et des nombreuses manchettes qui en ont fait état. Bien entendu, le Cablegate fait référence à la fuite de 251.287 câbles diplomatiques du Département d’État des États-Unis -c’est-à -dire à la divulgation non autorisée des messages transmis entre les ambassades, consulats et missions diplomatiques américaines à travers le monde. En collaboration avec plus de 100 journaux et périodiques, WikiLeaks a ainsi révélé l’étendue des techniques et procédés utilisés pour projeter la puissance de ce pays sur la scène internationale. Depuis ce temps, le jeune analyste du renseignement Bradley Manning demeure détenu puisqu’il serait la « taupe » à la source de cette fuite.

WikiLeaks a également été la cible d’attaques sans précédent, lorsque des politiciens américains et des personnalités bien en vue de la droite n’ont pas hésité à nous qualifier de terroristes et réclamer que nous soyons officiellement désignés comme tels. Certains ont même réclamé mon assassinat et l’enlèvement de mes collègues. Le vice-président Joe Biden, en entrevue à l’émission Meet The Press, m’a traité de « terroriste high-tech », tandis que le sénateur Joe Lieberman a réclamé que nous soyons poursuivis en vertu du U.S. Espionage Act. Le porte-parole du Département de la Justice Dean Boyd a admis récemment, en juillet 2012, que l’enquête au sujet de WikiLeaks se poursuit toujours. Le Pentagone a quant à lui réitéré ses menaces à notre endroit le 28 septembre, en résumant notre travail à un « crime en cours de perpétration ». Avec pour résultat que l’Équateur m’a accordé l’asile diplomatique et que je suis maintenant confiné à l’ambassade équatorienne de Londres, cerné de toutes parts par des policiers armés. En décembre de l’année dernière, la portion de l’enquête qui relève du FBI atteignait un total de 42.135 pages.

Plus tôt cette semaine, WikiLeaks a divulgué des documents de la Commission européenne qui allèguent que le sénateur Lieberman et le représentant au Congrès Peter T. King sont intervenus directement auprès de PayPal, Visa et MasterCard pour que ces plateformes de paiement bloquent les dons à WikiLeaks. L’organisation a ainsi perdu plus de 95% de ses dons en ligne depuis décembre 2010. La semaine dernière, le Parlement européen avait cependant émis le souhait que la Commission agisse pour prévenir ce genre de blocus arbitraire.

Mais revenons à Bradley Manning. Le jeune soldat a témoigné pour la première fois ce jeudi lors d’une audience préliminaire et a enfin pu s’exprimer au sujet de ses conditions de détention. Des conditions que le Rapporteur spécial des Nations Unies Juan Mendez a qualifiées au minimum de "cruelles, inhumaines, dégradantes, et contrevenant à l’article 16 de la Convention contre la torture". Le capitaine William Hoctor - psychiatre à l’emploi du gouvernement américain depuis 24 ans, et qui a eu l’honneur d’évaluer M. Manning à la base de Quantico en Virginie - a déclaré que les dirigeants de la prison avaient ignoré ses recommandations au sujet des conditions de détention. Selon lui, une telle situation ne s’était jamais produite auparavant, y compris à la prison de Guantánamo.

Bradley Manning demeure détenu sans procès depuis maintenant 921 jours. Pour un soldat américain, il s’agit de la détention préventive la plus longue depuis la guerre du Viêt Nam. En guise de précision, la loi martiale américaine stipule que la détention préventive ne doit pas se prolonger au-delà de 120 jours.

Les informations que Bradley Manning aurait permis de divulguer font état des procédés subversifs et antidémocratiques que les États-Unis utilisent à travers le monde, ainsi que de l’impunité totale de ce pays en matière de crimes contre l’humanité. Notre archive des câbles du Département d’État a servi à alimenter des dizaines de milliers d’articles, de livres et de travaux universitaires, et a illustré la véritable nature de la politique étrangère des États-Unis. Deux ans après le début du Cablegate, je tiens donc à souligner quelques-unes des histoires les plus significatives qui en ressortent.

La guerre est une forme de terrorisme

La "guerre contre le terrorisme" menée par les États-Unis a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes, a contribué à exacerber les tensions sectaires et a réduit le droit international à l’insignifiance la plus totale. Les victimes de cette guerre et leurs familles luttent pour la reconnaissance de leurs souffrances, mais l’impunité dont bénéficient les responsables des crimes de guerre américains constitue un déni implicite de leur humanité. Les États-Unis effectuent de plus en plus d’opérations militaires clandestines, à l’abri de toute supervision gouvernementale. Par conséquent, cette guerre prolongée devient de plus en plus détachée du processus démocratique. Le président Obama, par exemple, avait promis aux électeurs américains de mettre un terme à la guerre en Irak dès 2008. Mais les troupes n’ont commencé à être retirées de ce pays qu’en 2011, après qu’un câble ait remis à l’avant-plan leurs pratiques abusives. Désormais, le gouvernement irakien refuse d’accorder l’immunité aux soldats américains pour les gestes répréhensibles qu’ils se garderont bien de poser.

En 2007, l’ambassade américaine à Bagdad a obtenu une copie du rapport d’enquête final du gouvernement irakien, concernant le massacre de 17 civils commis le 16 septembre de cette même année sur la place Nisour. Ce rapport stipulait que l’incident était une attaque délibérée contre des citoyens non armés. Il demandait une compensation de 8 millions de dollars pour chaque décès, et de 4 millions de dollars pour chaque personne blessée. Enfin, il exigeait que la compagnie de sécurité privée Blackwater se retire dans un délai de six mois. Malgré tout, Blackwater a continué ses opérations en Irak pendant deux années supplémentaires, et la compensation versée par l’ambassade des États-Unis n’a été que de 10.000 dollars par décès et 5000 dollars par personne blessée. Cinq ans ont passé, et les mercenaires de Blackwater ont réussi à s’en tirer à bon compte. Puisqu’ils ont quitté l’Irak, les tentatives de les traduire en justice aux États-Unis se sont soldées par des non-lieux et une entente hors cour dont les termes n’ont pas été rendus publics. Le Journal de guerre divulgué par WikiLeaks, qui contient 391.832 rapports de terrain rédigés par l’Armée américaine, nous apprend que Blackwater a ouvert le feu sur des civils dans 14 autres cas, sans compter les autres formes de violence. Ce journal fait également état, avec force détails, des méthodes de torture pratiquées sur les prisonniers capturés par les soldats américains. Mutilations, électrocution, attaques à la perceuse, tout y passe...

Les victimes du massacre de la place Nisour et leurs familles n’ont connu aucune forme valable de justice. Il n’y a rien d’étonnant à ce que les États-Unis réclament l’immunité pour leurs soldats à l’étranger, et qu’ils se moquent de la justice une fois que ceux-ci sont rentrés au bercail.

Ces événements - et en particulier l’exécution sommaire de 10 civils irakiens, dont quatre femmes et cinq enfants, ainsi que l’attaque aérienne qui a servi à détruire les preuves - ont forcé les États-Unis à se retirer de l’Irak en 2011. De plus, l’exécution d’un prisonnier menotté et la tentative de dissimuler ce geste disgracieux ont suscité le dégoût partout à travers le monde, au moment même où les États-Unis tentaient de négocier la prolongation de leur séjour. Encouragé par la couverture internationale de cet incident, le gouvernement irakien a relancé son enquête et a refusé d’accorder l’immunité aux soldats américains à partir de janvier 2012. Avec pour résultat que les troupes se sont retirées du pays en décembre 2011.

Cette violence systématique et les tentatives de la dissimuler se perpétuent actuellement en Afghanistan. En 2009, des rumeurs ont fait surface au sujet d’un bombardement nocturne qui aurait causé la mort de 100 civils dans le village de Granai. Le commandement américain a alors affirmé publiquement que la plupart des morts étaient des combattants associés aux Talibans. Un câble du Département d’État, rédigé peu après l’incident, résume une rencontre qui a eu lieu entre Reto Stocker, chef de la Croix Rouge pour l’Afghanistan, et l’ambassadeur américain Carl Eikenberry. M. Stocker y est décrit comme « l’une des sources non partisanes et objectives les plus fiables pour toute information relative à l’Afghanistan ». Ce câble nous apprend ensuite que la Croix Rouge a compté 89 morts et 13 blessés parmi les civils. Malheureusement, nila Croix Rouge, ni le gouvernement américain n’ont daigné divulguer ces statistiques aux médias.

WikiLeaks et le Printemps arabe

Les câbles diplomatiques en provenance de Tunisie faisaient état de la corruption endémique et du manque total de transparence du régime de Ben Ali. La famille étendue du dictateur y était décrite comme profondément impliquée dans toutes sortes d’affaires frauduleuses. Son style de vie luxueux était alimenté par des activités telles que « l’expropriation immobilière et l’extorsion de pots-de-vin ». Nous avons pu apprendre, en outre, que les actifs de la famille Ben Ali incluaient une compagnie aérienne, plusieurs hôtels et une station de radio. Un autre câble décrivait la censure appliquée au seul satellite de télédiffusion privé du pays, ainsi que la « taxe surprise » de 1,5 million de dollars imposée à la station qui l’opérait.

Dans son Rapport annuel de 2011, Amnesty International a félicité WikiLeaks et ses partenaires médiatiques pour avoir servi de catalyseur à la révolution tunisienne :

La « Révolution du jasmin » tunisienne n’aurait certes pas eu lieu sans le long combat, ces 20 dernières années, de courageux défenseurs des droits humains, mais le soutien dont elle a bénéficié à l’extérieur s’est peut-être trouvé renforcé par la diffusion sur WikiLeaks de documents concernant la Tunisie, qui permettaient de mieux comprendre la source de la colère de la rue. Certains de ces documents montraient notamment de façon très claire qu’un certain nombre de gouvernements de la planète étaient au courant de la répression politique et de l’absence de perspectives économiques dont souffrait une grande partie de la population, mais s’étaient généralement bien gardés d’intervenir pour que les choses changent.

Lorsque le nouveau président de Tunisie Moncef Marzouki s’est entretenu avec moi dans le cadre de mon émission télévisée The World Tomorrow, il a remercié WikiLeaks : « Je suis très reconnaissant de tout ce que vous avez fait en faveur des droits humains et de la vérité. Je soutiens pleinement vos efforts. »

Peu après la révolution tunisienne, des émeutes ont éclaté en Libye. Un nouvel ensemble de câbles a aussitôt dévoilé que les États-Unis avaient longuement appuyé le régime de Mouammar Kadhafi pour toutes sortes de raisons stratégiques. En Égypte, des câbles ont révélé que Hosni Moubarak souhaitait mourir en fonction et qu’il préparait son fils à lui succéder. Un peu plus tard, au moment où le vice-président Suleiman devait prendre les rênes du pays, de nouveaux câbles ont détaillé son rôle de chef des services secrets ainsi que sa proximité avec Israël. Ces informations sont devenues un élément essentiel de la révolution égyptienne, encore active au moment d’écrire ces lignes.

Une firme internationale de consultants, ou un escadron de la mort ?

Pendant plusieurs années, l’organisation WikiLeaks a fait l’objet de nombreuses accusations, de la part de politiciens et de commentateurs américains, à l’effet qu’elle rendait le monde « moins sûr », et que la divulgation de secrets embarrassants pouvait mettre certaines personnes en danger. En fait, nos câbles ont démontré que la torture et les exécutions sommaires n’étaient pas des incidents isolés, mais plutôt la manifestation tangible d’une politique extérieure agressive, menée au nom des intérêts stratégiques et commerciaux des États-Unis à travers le monde.

La loi américaine interdit explicitement l’entraînement et la coopération militaires avec des unités qui ont commis des violations des droits de la personne. Sur le terrain par contre, cette loi est souvent contournée. Par exemple, la force d’élite de l’armée indonésienne, baptisée Kopassus, a brutalement réprimé le mouvement pour la libération de la Nouvelle-Guinée occidentale (un territoire occupé illégalement par l’Indonésie depuis 1963). Ces atrocités ont été largement documentées par Human Rights Watch. Malgré tout, les diplomates américains en poste à Jakarta ont jugé, en 2007, qu’il fallait relancer la coopération avec Kopassus au nom des « intérêts commerciaux » et de la « protection des représentants du gouvernement américain ».

Un câble transmis en novembre 2009 mentionne dans une note marginale que les paramilitaires d’extrême-droite colombiens ont tué un total de 257.089 personnes - un chiffre qui va bien au-delà des estimations faites par les militants locaux des droits humains. Cela n’a nullement empêché le gouvernement américain d’offrir une aide généreuse à l’armée colombienne. Amnesty International, qui a réclamé la cessation complète de toute aide militaire à ce pays, estime que les sommes versées par les États-Unis en 2006 totalisaient 728 millions de dollars et que 80% de ces sommes avaient été versées directement sous forme d’assistance militaire et policière. En 2012, l’assistance militaire à la Colombie est encore d’actualité.

De tels exemples sont symptomatiques de l’interprétation très libérale des lois concernant le respect des droits humains. Dans un câble transmis en 2008, des officiers américains ont admis que l’escadron de la mort du Bangladesh, nommé Rapid Action Battalion (RAB), avait commis toutes sortes d’atrocités. Ils espéraient néanmoins améliorer les pratiques de cet escadron et polir son image auprès du public. Ils ont ensuite vanté ses « succès dans la lutte au terrorisme et dans la réduction de la criminalité, qui en font la force de police la plus respectée du Bangladesh. » En 2009, un autre câble a précisé que le Royaume-Uni entraînait cet escadron depuis 18 mois, dans des domaines tels que les techniques d’interrogatoire et les règles d’engagement.

Les espions du Service extérieur des États-Unis

En 2009, Hillary Clinton a fait parvenir une directive aux services de renseignements de 33 ambassades et consulats américains à travers le monde. Cette directive demandait aux diplomates de recueillir des informations au sujet des employés des Nations Unies, incluant si possible leurs numéros de carte de crédit et leurs profils Internet. Un câble similaire a par la suite exigé le même type d’informations au sujet de politiciens de la République démocratique du Congo, du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda. Si possible, les diplomates devaient tenter de mettre la main sur des échantillons d’ADN, des scans de l’iris et des mots de passe appartenant à ces personnes.

Toujours en 2009 et selon un autre câble du Département d’État, une taupe travaillant au gouvernement allemand agissait à titre d’espion pour l’ambassade américaine à Berlin. Cette taupe transmettait régulièrement des informations au sujet des tractations politiques entre le parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel et le FDP de Guido Westerwelle, relativement à la formation d’un gouvernement de coalition. Helmut Metzner, alors cadre du ministère des Affaires étrangères d’Allemagne, a admis être la taupe en question lorsque la nouvelle a paru dans les médias. Il a été promptement limogé.

Le lobby de l’impunité - La manipulation du système judiciaire des pays étrangers

Les crimes de guerre sont souvent présentés par leur auteurs comme étant l’exception plutôt que la règle. Par la suite, nos dirigeants nous assurent que la justice prévaudra si des crimes ont bel et bien été commis. Toutefois, les câbles diplomatiques ont démontré que le système judiciaire de nombreux pays a été perverti par l’intervention et la coercition des États-Unis. Avec le recul, il est évident qu’une politique d’impunité a été mise en place de manière concertée.

Lors de l’invasion de l’Irak, au printemps 2003, deux journalistes - dont l’espagnol José Couso - ont été tués et trois autres blessés lorsqu’un char d’assaut américain a visé l’hôtel Palestine au centre-ville de Bagdad. L’Espagne a aussitôt mené une enquête, et un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre des trois soldats impliqués dans cette affaire. Or, les câbles diplomatiques ont révélé que les États-Unis avaient fait des pressions auprès des autorités espagnoles. Selon l’ambassadeur américain Eduardo Aguirre, « Nous avons pris la précaution de montrer notre respect envers le journaliste Couso et l’indépendance du système judiciaire espagnol. Mais en coulisses, nous avons lutté bec et ongles pour que les poursuites soient abandonnées. » Malheureusement, cette perle a été supprimée des reportages publiés dans El Paà­s et Le Monde.

Toujours en 2003, un citoyen allemand d’origine libanaise nommé Kalid el-Masri a été kidnappé lors de vacances en Macédoine, extradé vers l’Afghanistan par la CIA, puis torturé durant quatre mois. Lorsque ses geôliers se sont rendu compte qu’il était innocent, ils l’ont mis à bord d’un avion en partance pour l’Albanie. M. el-Masri a été abandonné dans ce pays, sur le bord d’une route, sans aucune forme d’excuse ou d’explication. En 2007, un câble a révélé qu’un procureur allemand avait émis des mandats d’arrêt contre les agents secrets impliqués dans cet enlèvement. L’ambassadeur américain à Berlin a aussitôt menacé les autorités allemandes de répercussions. Jusqu’à maintenant, aucune arrestation n’a encore été effectuée et Kalid el-Masri réclame toujours que justice soit faite.

Les manigances des États-Unis ont même touché le Royaume-Uni. En effet, un câble a révélé que durant une enquête menée par Sir John Chilcot sur le rôle de ce pays en Irak, le ministère de la Défense avait « mis en place des mécanismes » pour protéger les intérêts américains. Les grandes puissances détruisent les solidarités environnementales et tentent de tirer profit des changements climatiques

En matière d’environnement, les câbles ont démontré que les États-Unis se contentent de gestes symboliques et n’entreprennent aucun projet sérieux de lutte aux changements climatiques. La priorité absolue est de faire pencher les accords internationaux en faveur de leurs intérêts commerciaux.

Dans les mois précédant la Conférence de Copenhague de 2009 sur le climat, la Secrétaire d’État Hillary Clinton a demandé aux ambassades américaines de recueillir des informations relatives à la préparation de ce sommet. Elle a exigé qu’on lui fournisse les biographies détaillées des négociateurs chinois, français, japonais, mexicains, russes et de l’Union européenne. Les câbles démontrent que les États-Unis ont influencé l’issue des pourparlers en offrant des « cadeaux » aux pays les plus pauvres, de manière à saboter l’éventuelle opposition à l’accord faiblard proposé par les puissances occidentales. En 2010, l’ambassadeur des Maldives auprès des États-Unis a souligné l’importance, pour les petits pays, de recevoir une « aide tangible » de la part des économies les plus développées. Par conséquent, l’accord final a offert des compensations monétaires aux pays pauvres souffrant des effets des changements climatiques.

Lors d’une visite au Canada effectuée en 2009, le coordonnateur du Département d’État aux Affaires énergétiques David Goldwyn a abordé la question des sables bitumineux, et plus précisément de l’assistance en matière de relations publiques que les États-Unis pourraient apporter à cette industrie. M. Goldwyn a proposé de faire appel à des universitaires et des think tanks pour « augmenter la visibilité des nouvelles positives » à son sujet. Ce câble a été utilisé par les environnementalistes dans leur lutte contre l’oléoduc Keystone XL, qui doit transporter le pétrole brut du Canada au Texas. Au début de 2012, le président Obama a rejeté le tracé proposé, mais s’est dit ouvert à un tracé différent. Par la suite, nous avons appris que M. Goldwyn avait quitté son poste de fonctionnaire pour aller travailler chez Sutherland, un cabinet de relations publiques faisant la promotion du projet Keystone XL.

Selon les câbles diplomatiques, les États-Unis se préparent à tirer un profit maximal de l’extraction d’hydrocarbures et de minéraux dans l’Arctique, aussitôt que le réchauffement climatique permettra ce type d’activité. Les diplomates américains ont même proposé d’aider le Groenland à déclarer son indépendance du Danemark, en échange d’un plus grand accès à ses ressources naturelles. Ces dernières années, les États-Unis ont surveillé de près les agissements de la Russie, qui est son compétiteur principal dans l’Arctique. Mais la prétention du Canada à exercer sa souveraineté sur le passage du Nord-Ouest est un autre enjeu de taille.

Accords secrets et contournement du processus démocratique

Les câbles diplomatiques du Département d’État ont révélé que les États-Unis et ses alliés établissent systématiquement des accords secrets avec divers gouvernements, en cachant leurs détails non seulement au public américain, mais parfois même aux politiciens, aux ministres et aux organes de contrôle du pays hôte.

En 2009, Jeremy Scahill et Seymour Hersh ont publié un article dans The Nation sur les missions de combat des forces d’élite américaines et les attaques de drones au Pakistan. Interrogé à cet effet, le porte-parole du ministère de la Défense Geoff Morrell a qualifié le contenu de cet article de « théories de la conspiration ». A peine un an plus tard, les câbles publiés par WikiLeaks ont confirmé la version des journalistes. Ces câbles citaient le premier ministre pakistanais disant à ses interlocuteurs américains : « Je m’en fous s’ils le font, tant qu’ils atteignent les bonnes personnes. Nous ferons mine de protester à l’Assemblée nationale, puis nous ignorerons la question. » Des articles basés sur des câbles du Département d’État ont également révélé l’existence d’accords entre les États-Unis et le Yémen, dans lesquels le gouvernement yéménite accepte de revendiquer les attaques lancées par les États-Unis sur les milices locales. La parution des câbles du Département d’État a permis une transparence totale à l’égard de cet aspect de la guerre contre le terrorisme.

Des câbles du Département d’État ont aussi révélé que les États-Unis ont collaboré avec l’Australie pour amoindrir la portée d’un accord international interdisant l’utilisation des bombes à fragmentation - c’est-à -dire des bombes qui projettent des milliers de bombes plus petites sur une vaste étendue. Sur les quelque 13.000 victimes des bombes à fragmentation enregistrées par Handicap International, plus de 98 pour cent sont civiles et un tiers de celles-ci sont des enfants. Malgré tout, des câbles ont révélé que le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni de l’époque, David Miliband, avait sciemment fermé les yeux sur un vide juridique permettant aux États-Unis de stocker des bombes à fragmentation sur le territoire britannique, en dépit du fait que le Royaume-Uni est signataire de la convention les interdisant. Pour leur part, les États-Unis ne sont pas signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions. Ils ont même tenté, en 2011, de faire lever leur interdiction par l’ONU.

En 2007, l’ancien vice-premier ministre du Canada, John Manley, a demandé à des responsables américains qu’on lui fournisse des drones de type Predator pour aider à consolider l’appui des Libéraux à une présence soutenue du Canada en Afghanistan. A l’époque, M. Manley était à la tête d’un comité gouvernemental chargé de déterminer le rôle futur du Canada en Afghanistan. En août 2012, le Ottawa Citizen a indiqué que le gouvernement canadien prévoit de dépenser jusqu’à un milliard de dollars pour acquérir une flotte de drones armés dernier cri.

Les câbles ont également révélé qu’en janvier 2010, le premier ministre du Canada Stephen Harper a secrètement promis à l’Otan que le Canada demeurerait en Afghanistan pour assurer la formation militaire, même après la fin officielle de sa mission en 2011. En état de choc, le public canadien n’a été informé du prolongement officieux de la mission qu’en novembre 2010. Harper a exprimé sa crainte aux diplomates américains, à l’effet qu’un départ précipité des Forces canadiennes passerait pour un « retrait » suscité par l’hostilité du public envers cette mission.

En 2008, les États-Unis ont proposé un « accord informel » aux représentants du gouvernement suédois pour un échange d’informations sur les listes de surveillance du terrorisme. Des responsables du gouvernement américain ont expliqué qu’ils craignaient qu’un examen plus attentif de ces listes par le Parlement suédois mettrait en péril « l’application de la loi et la coopération antiterroriste. » En 2009, des câbles ont aussi révélé que les États-Unis ont repris leurs échanges de renseignements avec la Nouvelle-Zélande. Ces échanges avaient été limités en guise de représailles à la fermeture des ports néo-zélandais aux navires à propulsion nucléaire et aux frégates militaires. Les deux gouvernements ont convenu que la reprise de leur coopération devait être tenue secrète.

La realpolitik du lobbying commercial

Les câbles du Département d’État démontrent que les dirigeants américains et leurs partenaires commerciaux considèrent comme un « droit acquis » leur accès aux ressources naturelles et leur domination des marchés internationaux.
Dans un câble envoyé en 2007 au Représentant américain au commerce, l’ambassadeur Craig Stapleton a proposé de tenir la ligne dure envers l’Union Européenne, compte tenu de sa résistance aux produits et aux aliments génétiquement modifiés américains. Selon l’ambassadeur Stapleton, le refus de la France d’adopter les OGM et la biotechnologie agricole pourrait entraîner un rejet général des OGM partout en Europe. M. Stapleton a suggéré des représailles, afin que les Français voient les choses différemment : « Notre équipe en poste à Paris recommande que nous établissions une liste de représailles ciblées qui causera certaines souffrances à l’UE - car il s’agit d’une responsabilité partagée - et qui ciblera les pires coupables. Nos mesures devront faire preuve de retenue plutôt que de brutalité, et elles devront être appliquées à long terme. Il ne faut pas s’attendre à une victoire rapide. »

Les câbles ont aussi démontré que les États-Unis ont révoqué les visas du candidat à la présidence de l’Équateur de l’époque, Xavier Neira, ainsi que de sept autres personnes impliquées dans une poursuite contre la compagnie pharmaceutique américaine Pfizer pour concurrence déloyale. La révocation des visas a coïncidé avec les élections présidentielles et le jugement imminent de la cour sur cette affaire. Pour justifier la révocation, les responsables américains citent la « corruption » et le procès contre Pfizer.

La société Shell Oil a un passé lourd et sordide au Nigeria, et ses représentants ont parlé ouvertement des activités dans le pays. Lors d’une réunion tenue en 2009, des représentants de Shell ont dit aux responsables américains qu’ils seraient capables d’influencer le projet de loi de 2009 sur l’industrie pétrolière du gouvernement nigérien en fonction de leurs intérêts.

Des câbles de 2005 mettent en lumière la détermination américaine à « améliorer le climat d’investissement » pour les sociétés minières au Pérou. Des représentants du Canada, du Royaume-Uni, de l’Australie, de la Suisse et de l’Afrique du Sud se sont réunis pour élaborer des moyens de contourner les manifestations organisées par les ONG, l’Église catholique et les peuples autochtones péruviens. Lorsque les manifestations ont tourné à la violence, les États-Unis s’en sont servi comme prétexte pour surveiller Oxfam et Les Amis de la Terre, puis ont demandé au gouvernement péruvien d’augmenter la sécurité en prenant le contrôle des routes et des zones de transit.

Dans bien d’autres cas, des responsables de l’ambassade américaine ont aidé à faire des pressions, pour ou contre certains textes législatifs, en fonction des intérêts commerciaux américains. En Russie, les responsables américains ont fait pression au nom de Visa et de MasterCard contre un projet de loi qui aurait créé un système de carte nationale de paiement, ce qui aurait soutiré des parts de marché à Visa et MasterCard.

Une duplicité stratégique envers les droits humains et la liberté de presse

Un câble résumant une rencontre avec un directeur d’Al-Jazeera démontre que les Américains souhaitaient que la chaîne modifie l’un de ses reportages, afin d’en retirer les images troublantes d’Irakiens blessés. Dans un autre câble, ce même directeur a été invité à justifier sa piètre couverture des élections iraniennes et des manifestations qui en ont résulté, par rapport à sa couverture plus complète des événements à Gaza.

Il convient de rappeler que la Cinquième flotte de la Marine américaine est basée dans le royaume de Bahreïn, et que les États-Unis ont maintenu une relation bénéfique avec les dirigeants de ce pays au cours des dernières années. Dans un câble, l’ambassadeur américain à Bahreïn a louangé ce pays et son roi, en soulignant que les compagnies américaines y avaient obtenu des contrats importants. Or, ce régime a brutalement réprimé les manifestations du Printemps arabe et n’a pas hésité à fermer des sites web et des publications dissidentes. Le Département d’État américain a condamné sévèrement la répression des manifestations qui ont suivi les élections iraniennes de 2009, mais est demeuré étrangement silencieux au moment où les massacres de Bahreïn sont survenus.

La monarchie thaïlandaise mise à nu

La loi thailandaise sur le crime de lèse-majesté interdit à quiconque de critiquer ouvertement la monarchie, sous peine de punition sévère. A cet effet, les rapports portant sur l’évolution politique du pays sont censurés et le public souffre d’une méconnaissance totale de l’environnement politique du pays. Les câbles du Département d’État révélés par WikiLeaks illustrent non seulement l’impact profond de la monarchie sur la vie politique du pays, mais aussi les relations étroites entre la Thaïlande et les États-Unis. Le journaliste américain Andrew Marshall MacGregor a d’ailleurs quitté son emploi chez Reuters pour écrire un livre intitulé Thailand’s Moment of Truth. Grâce aux câbles de WikiLeaks, ce livre a exposé pour la première fois les aspects obscurs et tabous de la politique, de l’histoire et des relations internationales de la Thaïlande.

Les États-Unis visent à imposer leur vision globale de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur

Les groupes de pression américains travaillent main dans la main avec les responsables du Département d’État, partout dans le monde, pour faciliter l’adoption de lois et d’accords commerciaux qui favorisent les entreprises américaines comme Google, Facebook, Apple et Microsoft, ou encore les grands studios de cinéma tels que Disney, Paramount, Sony et Warner.

Un câble de 2006 provenant du Japon a fait état d’un projet visant à établir un « étalon or » en matière d’application du copyright. Ce système appelé ACTA était destiné à octroyer aux détenteurs de propriété intellectuelle des pouvoirs élargis, au détriment de la vie privée des citoyens et de la règle de droit. L’ACTA a été négocié en secret, loin des regards, jusqu’à ce que WikiLeaks en divulgue la version préliminaire en 2008. Nous avons également révélé que le lobbyiste principal de l’industrie cinématographique américaine avait conspiré avec son homologue australien afin d’établir un précédent juridique, en tenant un fournisseur d’accès Internet responsable des violations du droit d’auteur commises par ses clients.

Que nous réserve cette agitation en coulisses ? Un environnement mondial où la loi et les précédents juridiques serviront les détenteurs de propriété intellectuelle riches et puissants, au détriment du bien commun.

Briser le monopole de l’influence

Les exemples que je présente ci-dessus ne représentent qu’une petite fraction de ce qui a été révélé par WikiLeaks. Depuis 2010, les gouvernements occidentaux ont tenté de dépeindre WikiLeaks comme une organisation terroriste, ce qui permet une réponse disproportionnée de la part des personnalités politiques et des institutions privées. Il est vrai que les publications de WikiLeaks peuvent changer le monde et l’ont changé en certains cas, mais ce changement a clairement été bénéfique. Deux ans plus tard, aucune poursuite en dommages individuels n’a été intentée et les exemples ci-dessus démontrent clairement qui a du sang sur les mains.

Dans les grandes démocraties occidentales, le discours politique a été contrôlé si étroitement et depuis si longtemps, qu’il n’est plus étonnant de voir des experts occidentaux prendre la parole au nom des victimes du Tiers-monde, ou de voir un président américain accepter le prix Nobel de la Paix tout en poursuivant la guerre. On ne peut plus prendre pour acquis qu’un média comme le New York Times reproduira à nouveau son exploit de 1971, année où Daniel Ellsberg a divulgué les Pentagon Papers.

Lors d’une table ronde portant sur les Pentagon Papers, avec Daniel Ellsberg et la rédactrice en chef du New York Times Jill Abramson, M. Ellsberg a critiqué le New York Times pour avoir obéi à l’administration Bush et repoussé après les élections de 2004 la publication de l’article de James Risen sur les écoutes clandestines non mandatées de la NSA. Mme Abramson a tergiversé : « Vous savez, lorsque le gouvernement dit qu’en publiant cette histoire nous nuisons à la sécurité nationale et nous aidons les terroristes - je veux dire par là qu’il y a encore des gens aujourd’hui qui soutiennent que le programme de la NSA était le joyau de la couronne, le meilleur programme de lutte antiterroriste de l’administration Bush, et que le Times a commis une grave erreur de publier l’article de M. Risen. »

A cette même table ronde, Daniel Ellsberg a dit à propos des Pentagon Papers que « le caractère secret de ces documents a condamné à mort plus de 30 000 Américains et plusieurs millions de Vietnamiens. Et le fait qu’on continue à les garder secrets va sans nul doute coûter la vie à des dizaines de milliers d’autres Américains. Je crois que c’est vrai. Mais cela est soulevé dans le cas de WikiLeaks présentement. »

Depuis le Cablegate, WikiLeaks demeure en activité malgré le blocus financier qui l’afflige, en divulguant des documents d’entreprises qui vendent des unités d’interception de masse aux agences d’espionnage ; les profils des détenus de la prison de Guantánamo ; des manuels sur les politiques de détention des prisonniers militaires dans la guerre contre le terrorisme ; des bases de données de renseignements provenant de la firme privée Stratfor ; et des millions de documents du gouvernement syrien. Les informations que nous avons divulguées contredisent le discours des médias établis et des gouvernements occidentaux, et freinent leurs tentatives de manipuler le public.

Nous continuerons notre lutte contre le blocus financier et nous continuerons de publier régulièrement. Les menaces du Pentagone à notre endroit ne rendent pas service aux États-Unis, alors nous les ignorerons.

Je remercie WikiLeaks Press pour le travail de recherche.

Julien Assange - Le Huffington Post

URL : http://www.huffingtonpost.fr/julian-assange/bradley-manning-wikileaks-assange_b_2216565.html

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