Plus célèbre pour sa vie amoureuse que pour ses qualités professionnelles, Virginia a été une vraie diva. Courtisée par des hommes de pouvoir et d’argent, elle tomba profondément amoureuse en 1982 d’un autre personnage singulier : le narcotraficant Pablo Escobar, chef du cartel de Medellàn. Celui-ci fut son amant pendant plus de cinq ans.
Dans la tièdeur de l’intimité, la présentatrice de télé eut connaissance de la vie et des oeuvres de son chef de groupe bien aimé. Et elle y découvrit aussi l’activité de nombre de ses amis, hommes politiques importants compris.
Pablo Escobar mort, elle garda le silence pendant 20 ans. Jusqu’à ce qu’en 2007, elle publie Amando a Pablo, un livre qui fait scandale, non en raison des aventures sentimentales qu’elle y narre, mais parce qu’il présente une radiographie des liens entre drogue et politique en Colombie.
Exilée à Miami, elle déclara l’an dernier au journal El Paàs que "l’état narco rêvé par Escobar en Colombie est plus actuel que jamais". D’après elle, "les narcotraficants prospèrent en Colombie non qu’ils soient des génies, mais parce que les présidents qui se sont succédés étaient des tocards.
Virginia Vallejo assure que Pablo Escobar idolâtrait Alvaro Uribe. A l’époque où le président actuel était directeur de l’Aéronautique Civile, il octroya des dizaines d’autorisation pour des pistes d’atterrissage et des centaines de permis d’avion et d’hélicoptère, ce qui offrit une base à l’infrastructure du narcotrafic. "Pablo avait l’habitude de dire - déclare-t-elle au journal espagnol - : si ce garçon ne nous était pas tombé du ciel, il aurait fallu aller à Miami à la nage pour y porter la drogue aux gringos."
Elle a reconnu auprès de l’agence de presse espagnole EFE que Carlos Holguin, ministre de la justice, est une tête de pont des narcotraficants du cartel de Cali dans le gouvernement colombien, et que le conseiller présidentiel José Obdulio est cousin de Pablo Escobar.
Les témoignages de la diva sur le président colombien rejoignent les conclusions d’un bon nombre d’enquêtes. Quelques années plus tôt, en 1987, le journaliste Fabio Castillo avait publié : Los jinetes de la cocaàna (Les Cavaliers de la Cocaïne). Dans ce livre, il établit comment, lorsqu’Uribe était maire de Medellàn en 1982, il inaugura un programme de logements bon marché de Pablo Escobar.
En mars 2002, le journaliste Al Giordano signa dans Narco News un reportage intitulé : "La subida de Uribe desde Medellàn : el precursor del narcoestado" (L’Ascension d’Uribe depuis Medellàn : le précurseur de l’état narco"). Entre autres révélations, Giordano y montrait un document signé du chef de la DEA Donnie R. Marshall, le 3 août 2001, qui faisait part de la capture de plusieurs avions chargés de produits permettant la production de cocaïne. Ces avions qui avaient pour destination Medellàn se chargeaient du transport pour l’entreprise G.M.P. Productos Quàmicos. Les 50 tonnes de précuseur chimique aurait permis de fabriquer 500 tonnes d’hydroclorate de cocaïne, dont la valeur à la vente dans la rue aurait été de 15 millards de dollars. Cette entreprise appartient à Pedro Juan Moreno Villa qui a été chef de la campagne présidentielle, ex-secrétaire de gouvernement, et, pendant longtemps, main droite d’Alvaro Uribe.
En 2004, la revue Newsweek a publié un rapport du Département de la Défense des Etats-Unis qui met Alvaro Uribe à la 82ème place dans une liste de 104 personnages liés au commerce de la cocaïne en Colombie. Selon ce document, le président actuel « a travaillé pour le cartel de Medellàn et est aussi ami proche de Pablo Escobar ».
Les journalistes Joseph Contreras et Fernando Garavito ont publié en 2002 Biografàa no autorizada de Alvaro Uribe, el señor de las sombras (Biographie non autorisée d’Alvaro Uribe, le seigneur des ombres), une enquête détaillée de la trame secrète du pouvoir derrière le pouvoir du président colombien. L’enquête conte avec un grand luxe de détails les relations d’Uribe avec le narcotrafic. La parution du livre obligea Fernando Garavito à s’exiler.
Pourquoi est-ce que les Etat-Unis ne font rien contre lui malgré les preuves multiples des liens du président colombien avec le trafic de cocaïne ? Tout simplement parce qu’il est le principal et le plus fidèle allié de l’administration Bush dans la région.
Ce n’est pas le cas de toute la classe politique américaine. En 2007, Al Gore, aujourd’hui prix Nobel, refusa de participer à une conférence sur l’environnement qui se tenait à Miami pour ne pas s’asseoir à côté d’Alvaro Uribe en raison des liens du président avec les groupes paramilitaires.
Le « seigneurs des ombres » est aussi le meilleur ami, en Amérique du sud, de Felipe Calderón, le président du Mexique. Malgré les constantes déclarations de Los Pinos (la résidence présidentielle mexicaine) sur la guerre sans pitié contre le narcotrafic, la politique colombienne de « sécurité démocratique » est donnée comme exemple à suivre à l’administration du président Calderón. C’est pourquoi la chancellerie mexicaine n’a exprimé aucune protestation lors de l’assassinat de quatre jeunes en Equateur par l’armée colombienne. Une honte.
Traduction Nathalie Privat pour le Grand Soir