RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Amazon : une manipulation qui tourne à la mauvaise farce ?

Amazon n’est pas franchement connu pour être tendre avec ses fournisseurs. Mais désormais ses pratiques virent carrément à la manipulation. Une attitude aussi grotesque que risquée, pour Amazon sans doute, mais aussi, plus inquiétant, et plus immédiatement, pour le secteur culturel qui en est aujourd’hui la victime.

Amazon champion du e-commerce... et des méthodes de pression

Amazon est le leader mondial du e-commerce. Et le champion incontesté pour faire pression sur ses fournisseurs en tirant partie de son hégémonie. L’affaire dont la presse américaine vient de se faire l’écho est édifiante... et sidérante (1). Pour faire pression sur un éditeur, en l’occurrence Hachette Book Group, avec lequel Amazon souhaiterait renégocier ses contrats à son avantage, le site de vente en ligne s’en prend à la distribution de ses ouvrages, en décourageant les acheteurs. Plusieurs auteurs ont ainsi vu les prix de leurs livres s’envoler sur Amazon US, et avec eux les délais de livraison qui sont passés des habituels 1 ou 2 jours à plusieurs semaines.

Encore une illustration de la philosophie d’Amazon vis-à-vis de ses fournisseurs-éditeurs, qui vient compléter un tableau déjà peu glorieux. Brad Stone (2) a par exemple récemment expliqué comment Amazon, avec son « projet Gazelle », tel qu’il était désigné en interne, avait prévu « d’approcher les petits éditeurs comme un guépard s’approche d’une gazelle » (3). Les « proies » concernées sauront goûter la métaphore. D’autant que le prédateur se préoccupe bien peu des victimes collatérales, auteurs et lecteurs en tête. Une réalité que dénonce Philip Jones, qui édite The Bookseller (4). Il considère que l’affaire avec Hachette est révélatrice des méthodes d’Amazon, qui accepte de désavantager clients et lecteurs si cela lui permet de faire pression sur les éditeurs : « [it shows] how Amazon is more than willing to disadvantage its customers and authors in order to put the squeeze on its supliers », s’insurge-t-il.

De la pression à la manipulation, il n’y a qu’un pas...

Sauf que, quoiqu’en pensent certains, les lois du commerce ne sont pas les lois de la jungle. Et que désormais, en plus de bafouer allègrement les principes éthiques des relations distributeur/ fournisseurs, Amazon flirte carrément avec l’illégalité. Car jouer de façon factice sur les prix et les délais de livraison peut être assimilé à un abus de position dominante, quand l’entreprise en question représente plus du tiers des ventes de livres dans son pays. Et on pourrait même parler de détournement de clientèle quand, en plus, un outil de recommandation, celui-là même qui a contribué à la réputation du site, propose, à la place des ouvrages plus chers et plus longs à obtenir, des produits « similaires »... une fois que le client a constaté combien il lui serait difficile d’obtenir le produit initial.

D’autant que tout cela se fait en toute opacité. Amazon s’est bien gardé de s’expliquer sur le sujet. Et les ouvrages concernés ne sont pas supprimés du catalogue, ils sont juste plus difficile à obtenir – sans justification. Car il ne faudrait pas non plus que le client soit tenté de commander ailleurs... Mais combien d’éditeurs subissent des pressions similaires ? Le groupe éditorial allemand Bonnier vient déjà de faire savoir, dans la foulée des remous suscités par ces révélations, qu’il était lui aussi victime des mêmes « punitions » de la part d’Amazon (5).

Une mauvaise farce... qui fait froid dans le dos

Ces pratiques pourraient presque prêter à rire (jaune), s’il ne s’agissait pas d’une atteinte sérieuse au secteur culturel dans son ensemble. Car il est ici question d’un grossiste qui s’accorde, grâce à sa position de leader, le pouvoir de sélection, voire de vie ou de mort, sur les biens culturels qu’il distribue. Et cela fonctionne... plusieurs auteurs ont vu les ventes de leurs ouvrages plonger à cause des agissements d’Amazon (6) ! Comme le rappelle Sherman Alexie, un auteur américain, Amazon, « comme tout régime totalitaire, veut contrôler complètement votre accès aux livres »...

Or c’est une attitude qui n’a de sens ni d’un point de vue éthique, encore moins d’un point de vue culturel, mais pas non plus d’un point de vue commercial. Car à long terme aucun secteur économique ne survit quand un prédateur détruit tout sur son passage, dans une démarche que le New York Times qualifie à juste titre de « scorched-earth tactics » - politique de la terre brûlée. En exerçant de telles pressions sur les prix, et en position d’imposer ses conditions (aux États-Unis le réseau de librairies indépendantes a presque disparu), Amazon risque au final de tuer ses fournisseurs, et d’empêcher le financement de sa filière toute entière. Ce qui ne pourra conduire qu’à sa destruction.

Une voie sans issue ?

A défaut de pouvoir se justifier, les actions d’Amazon peuvent au moins s’expliquer par le business model dans lequel il s’est enfermé, et qui n’est lui-même pas durable. En tirant les prix vers le bas sans arrêt, Amazon a grossi, et son chiffre d’affaire avec lui. Mais le bénéfice reste ridiculement petit : il s’élevait à 274 millions de dollars en 2013, pour un CA de 75 milliards ! Alors les actionnaires s’impatientent, et Amazon ponctionne ses fournisseurs pour augmenter ses marges... Or ce business model qui a fait son succès pourrait aussi causer sa perte. En espérant qu’il ne fasse ni trop, ni plus, de victimes collatérales au passage...

Daniel Fournier

(1) Le New York Times a révélé l’information le premier : http://www.nytimes.com/2014/05/09/technology/hachette-says-amazon-is-d...

(2) Brad Stone est l’auteur de « La boutique à tout vendre », un ouvrage qui raconte l’histoire... et la face cachée d’Amazon

(3) Voir l’article d’ActuaLitte : http://www.actualitte.com/international/projet-gazelle-la-chaine-du-li...

(4) Important magazine anglais sur l’industrie du livre

(5) http://www.actualitte.com/international/marges-amazon-pressurise-maint...

(6) Maria Heller explique ici comment son livre sur la perte de poids a chuté dans les statistiques de vente suite à son augmentation de prix et délai de livraison augmenté : http://www.nytimes.com/2014/05/10/technology/writers-feel-an-amazon-ha...;: « The Hachette author Marla Heller, who wrote “The Dash Diet Weight Loss Solution,” said Amazon’s actions “dramatically impacted” her sales »


URL de cet article 25838
  

Libye, OTAN et médiamensonges
Michel COLLON
Les « armes de destruction massive », ça n’a pas suffi ? Le martyre de l’Irak, frappé d’abord par les médiamensonges et ensuite par les bombes, on n’en a pas tiré les leçons ? Non, on n’en a pas tiré les leçons. On sait que les Etats-Unis ont menti sur le Vietnam, l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan et Gaza, mais on croit que cette fois-ci, sur la Libye, ils disent la vérité. Etrange. La majorité de nos concitoyens croient encore ce que l’Otan a raconté sur la Libye. Y compris les Arabes car cette fois, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Moins vous êtes, plus vous avez... Ainsi, toutes les passions et toutes les activités sont englouties dans la cupidité.

Karl Marx

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.