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Mensonges médiatiques Venezuela : réponse à l’article « L’opportunisme humanitaire de Chávez » publié par Libération, par G. Brustier et C. Ventura.

Un relevé des contrevérités et des omissions s’impose

22 novembre 2007.

Dans son édition du 19 novembre, Libération a publié une tribune présentée
par 22 universitaires, intellectuels, écrivains, philosophes,
journalistes, artistes, diplomates internationaux (soutenue par 42 autres
« personnalités internationales ») dénonçant la supposée dérive
anti-démocratique du président vénézuélien Hugo Chávez et demandant aux « 
démocrates du monde de ne pas laisser mourir l’une des plus anciennes
démocraties d’Amérique latine ».

Quoi que les uns et les autres pensions de la personnalité du président
vénézuélien et de la nature de la « révolution bolivarienne », il convient
de ne pas tricher
avec les faits qui, respectés, doivent être portés au
jugement du lecteur afin qu’il puisse, librement et en conscience, se
forger une opinion sur un sujet concernant un pays situé à des milliers de
kilomètres des rédactions parisiennes. De la qualité de l’information
dépend celle du débat démocratique. La négliger au profit d’une démarche
partisane maltraite le débat d’idées. En proposant ce texte truffé de
contrevérités, les auteurs - dont certains sont des intellectuels reconnus
dans l’espace public français - abusent les lecteurs et le débat
démocratique.

- Sur le projet de réforme de la Constitution vénézuélienne

La première preuve du caractère anti-démocratique d’Hugo Chávez est
évidente : (son) « projet de réforme (a été) rédigé sans consultation ».

C’est tout simplement faux. Préparée par le président de la République
bolivarienne du Venezuela et l’Assemblée nationale du pays, cette réforme
a donné lieu à l’élaboration d’un projet adopté par le Congrès le 2
novembre. Dans le cadre de son mandat, l’Assemblée nationale a procédé à 
des consultations des secteurs organisés de la société (partis, syndicats,
étudiants, patronat, secteur agricole, mouvements indigènes etc.).

Ici, les auteurs et les signataires omettent volontairement de préciser
qu’une large consultation a eu lieu dans tout le pays entre le 15 août et
le 15 octobre. Plus de 9 000 ateliers publics ont notamment été organisés
(auxquels ont participé, localement, des forces de l’opposition). Des
dizaines de milliers de communications téléphoniques (un numéro spécial a
été créé à cet effet) ont également été traités.

Bien qu’ayant largement boycotté ce processus de débat public au niveau
national, l’opposition, via les porte-parole de ses principales forces
(Acción democrática et Movimiento al socialismo - sociaux-démocrates -,
Primero justicia -droite ultra - , Fedecameras - le syndicat patronal -),
sont intervenus devant les parlementaires en session.

Le projet aurait également été élaboré « sans respecter la procédure
établie par la Constitution en vigueur ». C’est un mensonge. La procédure
a rigoureusement été suivie. Elle est établie par les articles 342 et 343
de la Constitution qui précisent que « l’initiative de la réforme de la
Constitution est prise par l’Assemblée nationale après le vote de la
majorité de ses membres, par le Président ou la Présidente de la
République en Conseil des ministres ou à la demande d’un nombre qui ne
peut être inférieur à moins de 15% d’électeurs ou électrices inscrites au
registre civil et électoral » et qu’elle est « transmise par l’Assemblée
nationale . ( qui approuve) . le projet de réforme constitutionnelle dans
un délai supérieur à deux ans à partir de la date à laquelle elle est
informée et la demande de réforme approuvée. » Enfin, « le projet de
réforme est considéré approuvé après approbation des deux tiers des
membres de l’Assemblée nationale ».



- Un texte « rejeté » ?

Les auteurs et les signataires affirment que ce nouveau texte est « rejeté
par la majorité des Vénézuéliens. » . Aucune enquête d’opinion au
Venezuela ne permet de prononcer une telle sentence. Partagés, les
sondages pronostiquent, pour la plupart, une victoire du « oui » au projet
soumis par le président vénézuélien. Ceci dit, les sondages importent peu.
En effet, contrairement aux dispositions existantes dans beaucoup de pays,
au Venezuela, toute Constitution ou réforme constitutionnelle doit, in
fine, être approuvée par une majorité de citoyens par référendum national.

Les auteurs soulignent que ce « rejet » existe aussi « à l’intérieur
même du camp du président ». Il est vrai que des avis divers s’expriment
au sein de la mouvance bolivarienne. Cela prouve que le « camp du
président » n’est pas un bloc monolithique et qu’une diversité de courants
façonne le consensus bolivarien. Certains, pour des raisons différentes
(question du statut des élus locaux et provinciaux et de leur articulation
avec le gouvernement, du niveau des transferts de compétences, de la
collecte et de la distribution de l’impôt, du niveau de socialisme -certains pensent que la notion est trop floue, d’autres que le projet ne
va pas assez loin, d’autres encore que le mot ne devrait pas apparaître
dans la Constitution - etc.) appellent à l’abstention, d’autres au « non
 », d’autres encore à un « oui critique ».



- Vers la dictature ?

Pour les auteurs, « ce nouveau texte constitutionnel propose la réélection
indéfinie du président ». Le terme « réélection indéfinie », largement
colporté par les médias internationaux, n’apparaît dans aucun article du
texte. Ce concept n’existe pas dans le cadre de la réforme, même lorsqu’il
s’agit de l’article relatif au mandat présidentiel. Controversé, celui-ci
ne propose pas une « réélection indéfinie » mais revient, il est vrai, sur
une disposition de la Constitution de 1999 prévoyant de limiter le mandat
présidentiel à deux exercices maximum. Ainsi, l’article 230 stipule que « 
la période du mandat présidentiel est de 7 ans. Le président ou la
présidente peut être réélu ou réélue ». Ni plus, ni moins. Cette
proposition, si elle devenait réalité au lendemain du vote du 2 décembre,
ferait du Venezuela un pays fonctionnant sur le même mode qu’une vingtaine
de pays de l’Union européenne. à ceci près que la Constitution
vénézuélienne, contrairement à l’ensemble des constitutions des pays
européens, prévoit la possibilité de révoquer le président à mi-mandat
(article 72).

Le projet « entend supprimer tout contrôle des pouvoirs de l’État sur les
actions de l’exécutif. Il constitue une véritable entorse aux principes
fondamentaux de la démocratie et de l’État de droit. » Par rapport à la
Constitution de 1999, la réforme ne propose aucune modification allant
dans le sens d’une remise en cause du rapport entre l’exécutif et les
autres pouvoirs. Par exemple, l’article 16 dresse la liste de plusieurs
pouvoirs présidentiels soumis à l’accord du Parlement et l’article 73
définit les conditions permettant au Parlement de soumettre directement
des projets de lois à référendum.

Par ailleurs, tous les principes fondamentaux de la démocratie et de
l’état de droit sont réaffirmés dans ce projet de réforme
constitutionnelle. Il garanti le jeu de la démocratie représentative, du
pluralisme des partis et des opinions, et de la compétition électorale (« 
tous les citoyens et citoyennes ont le droit de s’associer à des fins
politiques » (article 67)).



- Des consultations populaires malhonnêtes ?

«  La tenue d’un référendum ne garantira pas l’expression d’un suffrage
impartial car, depuis des années déjà , le Conseil national électoral,
instance chargée de superviser les processus électoraux au Venezuela, est
placé sous la coupe du gouvernement et de ses partisans. Quant au vote
électronique, instauré dans le pays depuis 2004, il se prête à toutes les
manipulations. »

Ces arguments, utilisés au Venezuela par la frange la plus radicale des
opposants au processus bolivarien, ne résistent pas à l’épreuve des faits.
Toutes les élections et consultations au Venezuela ont été jugées libres
et honnêtes par tous les observateurs internationaux, qu’il s’agisse de
ceux du Centre Carter (mondialement respecté pour ses actions en faveur
des processus de démocratisation et de l’observation d’élections), de
l’Organisation des Etats américains ou de l’Union européenne. Teodoro
Petkoff lui même avait d’ailleurs critiqué ouvertement une partie de
l’opposition lors des élections présidentielles de 2006 lorsqu’elle
affirmait que le scrutin n’était pas valide. Quant à la fiabilité du vote
électronique, l’étude statistique scientifique menée par les équipes du
Centre Carter a prouvé que le procédé est incontestable.



- Opportunisme humanitaire ?

Les auteurs accusent le président vénézuélien d’avoir, « pendant des
années, (.) ignoré le sort des Vénézuéliens otages des Farc et (de) ne
(s’être) nullement soucié de leur famille. »

Jusqu’à aujourd’hui, personne ne sait si des Vénézuéliens comptent
effectivement parmi les otages des Forces armées révolutionnaires de
Colombie (Farc). En 2002, Hugo Chávez s’était pourtant préoccupé du sort
de Richard Boulton, homme d’affaires vénézuélien, que tout le monde
pensait otage de la guérilla colombienne. Il a même réussi, en juillet
2002, à organiser une opération de sauvetage qui a abouti à la libération
de M.Boulton. C’est alors que les autorités ont découvert qu’il avait en
réalité été repris aux paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie
(AUC).



- La question de la course aux armements

Pour les auteurs, « le Président se livre à une course aux armements que
rien ne justifie, mettant en péril la paix et la sécurité du pays et de la
région, au lieu d’utiliser les ressources pétrolières pour un
développement durable du pays et résoudre les graves problèmes économiques
et sociaux du peuple vénézuélien. » De même, « le Président a créé une
milice civile armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes, dépassant
en nombre les effectifs de la Force armée nationale, dans le but de
contrôler la société vénézuélienne. »

S’il est vrai que le gouvernement vénézuélien a récemment acheté 25 avions
de chasse russe, c’est pour remplacer la flotte de F-16 qui n’était plus
utilisable à cause de l’embargo d’équipements militaires imposé par les
Etats-Unis. De même, 100 000 fusils d’assaut Kalachnikov ont bien été
achetés pour remplacer un stock de vieux fusils belges périmés.

Par ailleurs, la tradition d’intervention militaire des Etats-Unis dans la
région et l’existence d’un « plan d’urgence » contre le Venezuela lancé en
2005 par l’administration Bush constituent deux facteurs qui peuvent
expliquer la décision vénézuélienne.

Cependant, il est difficile de parler de « course aux armements » quand on
sait que le Chili et la Colombie ont dépensé bien plus que le Venezuela
pour leur armement ces dernières années. Il faut aussi rappeler que le
Venezuela du président Chávez dépense beaucoup moins pour son budget
militaire que ce ne fut le cas avec les gouvernements précédents.

Quant aux « graves problèmes économiques et sociaux du peuple vénézuélien
 », il convient de rappeler aux auteurs que les budgets consacrés aux
dépenses sociales ont plus que doublé depuis 1998.

Enfin, l’existence d’une « milice civile armée de plusieurs centaines de
milliers d’hommes, dépassant en nombre les effectifs de la Force armée
nationale » dont l’objectif serait de « contrôler la société vénézuélienne
 » ne répond à aucune observation objective. On se souvient aussi que parmi
les rédacteurs, certains dévoilaient déjà aux yeux du monde l’existence de
la quatrième armée du monde en Irak.



- Le retour de l’idée socialiste au 21ème siècle, le vrai problème ?

Dans leur conclusion, les auteurs affirment que « les Vénézuéliens ont
vécu en démocratie depuis 1958 ». C’est formellement vrai, mais faut-il
rappeler aux auteurs que deux partis politiques - Acción Democrática (AD)
et Copei - se sont partagés sans relâche les rênes d’un pouvoir corrompu
qui a appauvri la majorité de la population pendant 40 ans jusqu’à ce que
la démission forcée du social-démocrate Carlos Andrés Pérez (AD) en 1993
amorce l’explosion du système politique du pays, ouvrant la voie à la
reconstruction d’un espace public en 1998 ?


Au fond, la crainte majeure des auteurs, dissimulée au milieu d’un texte
truffé de contrevérités soigneusement élaborées, concerne le retour, par
le Venezuela, de l’idée du socialisme au 21ème siècle.

Ceci est un sujet de débat théorique et politique majeur, mais la
prestation des auteurs montre que là n’était pas leur préoccupation.

Gaël Brustier et Christophe Ventura, militants altermondialistes.






Reporters sans frontières contre Hugo Chávez, Salim Lamrani.




Venezuela, référendum du 2 décembre - De l’intelligence des ânes, par Thierry Deronne.



Enfin ! TOUTE la vérité sur l’affaire Chavez / Zapatero / Ortega / Juan Carlos, par Romain Migus.



Venezuela : Les paradoxes de la révolution bolivarienne, par Pierre Beaudet.






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