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Le "temps disponible" qui abolit le travail !

«  Nous arrivons au point précis qu’annonçaient les premiers visionnaires de l’après-capitalisme quand, au-delà de l’ordre industriel naissant, ils entrevoyaient une société différente : l’efficacité des machines y abolirait le travail, le règne du capital et de la marchandise pour faire apparaître le «  temps disponible » comme mesure de la «  vraie richesse ».

La révolution micro-électronique nous entraîne vers tout cela et pourtant nous continuons misérablement d’attendre que l’avenir nous rende le passé, que le capitalisme se relève de son agonie, que l’automatisation procure plus de travail qu’elle n’en supprime.
La gauche est sur le point de mourir faute d’imagination. »

André GORZ

André Gorz est mort il y a peu de mois.

Pour ma part, je suis pas de «  gauche », je me pense communiste, et c’est sans doute pour cela que je fréquente «  les premiers visionnaires de l’après- capitalisme » auxquels André Gorz fait référence, annonciateurs, tout à la fois, de l’abolition du travail, du règne du capital et de la marchandise au profit du «  temps disponible » comme valeur de notre temps !

Je suppose que André Gorz comptait Marx au nombre de ces «  premiers visionnaires ».
Pour ma part encore, c’est l’auteur du «  Manifeste » que je citais, en septembre 2008, dans un article que j’avais intitulé : «  De quel travail parle-t-on ? », en réponse d’ailleurs à un autre militant communiste qui semblait ignorer ce contenu du communisme qui continue de hanter l’Europe comme l’a si bien rappelé Alain Badiou pour qui «  l’hypothèse de l’émancipation, fondamentalement, reste l’hypothèse communiste », ce premier point pouvant trouver des formes d’élaboration et en comprenant ensuite «  qu’il s’agit là d’une idée au sens fort. » Aussi propose-t-il de «  la travailler » comme telle.

QUE DIT LE MANIFESTE !

Que dit donc Le Manifeste au sujet du travail ?

«  La condition essentielle de l’existence et de la domination de la classe bourgeoise est l’accumulation de la richesse entre les mains des particuliers, la formation et l’accroissement du capital ; la condition d’existence du capital, c’est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre-eux. »

Plus avant, Marx insiste : «  Mais est-ce que le travail salarié, le travail du prolétaire crée pour lui de la propriété ? Absolument pas. Il crée le capital, c’est-à -dire la propriété qui exploite le travail salarié, et qui ne peut s’accroître qu’à la condition de produire davantage de travail salarié pour l’exploiter de nouveau. Dans sa forme actuelle, la propriété oscille entre ces deux termes antinomiques : le Capital et le Travail. »

La conclusion du Manifeste sur ce point ?

«  Le communisme n’enlève à personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux ; il n’ôte que le pouvoir d’asservir à l’aide de cette appropriation du travail d’autrui.

«  On a objecté encore qu’avec l’abolition de la propriété privée toute l’activité cesserait, qu’une paresse générale sévirait.

«  Si cela était, il y a beau temps que la société bourgeoise aurait succombé à la fainéantise, puisque dans cette société, ceux qui travaillent ne gagnent pas et ceux qui gagnent ne travaillent pas.

«  Toute l’objection se réduit à cette tautologie qu’il n’y a plus de travail salarié lorsqu’il n’y a plus de capital. »

TAUTOLOGIE !

Tautologie ?

Selon le dictionnaire que je consulte une «  tautologie », c’est une «  proposition toujours vraie » ou encore «  une répétition inutile. »

En vérité, je ne pense pas que la répétition soit inutile, tout au contraire !

La tendance principale aujourd’hui, même si elle peut sembler s’inverser avec le «  retour à Marx » qui accompagne l’approfondissement de la crise du capitalisme, est encore à ignorer le contenu réel de l’oeuvre de Marx dans ses principaux aspects !

Saluons en conséquence, et sans faire la fine bouche, Alain Badiou que j’évoquais ci-dessus et son effort renouvelé pour mettre en évidence l’actualité de «  l’Idée communiste », Idée avec un «  I » majuscule !

Décidément les «  ringards », ainsi que l’on appelle volontiers les partisans de ce retour aux sources, commencent à apparaître tout autrement quand la réalité du capitalisme se révèle dans toute sa négativité et que les seules perspectives qui s’expriment en dehors d’une «  moralisation du capitalisme » ou la resucée de son «  amélioration », sont justement celles-là  !

D’AUTRES PISTES QUE LE «  TRAVAILLER PLUS » !

Dès lors, on commence à s’apercevoir qu’il existe bien d’autres pistes que celle du «  travailler plus » du plus récent des «  chefs d’orchestres » chargés d’exécuter au mieux les partitions des compositeurs du capital de notre temps, ou que celles de tous ceux qui aspirent à tout prix à pouvoir trouver un strapontin dans l’orchestre et dont la revendication s’inscrit seulement dans les modulations de ce «  travailler plus » du chef d’orchestre, tels ceux qui réclament «  un travail pour tous » au lieu de se proposer de changer la partition !

D’autres pistes ?

Pour aujourd’hui, je me contenterai d’une seule, telle qu’elle s’exprime dans les écrits ou propos de Jacques Marseille tels qu’ils sont relatés dans une interview à «  L’Est Républicain » le 30janvier dernier.

Comme je suis loin, très loin, de partager l’ensemble des opinions de Jacques Marseille, je souligne en conséquence qu’il s’agit bien d’une piste à travailler dans une perspective qui n’est pas la sienne !

L’UTOPIE DE THOMAS MOORE

Je cite :

L’Est Républicain : «  Quand le Bureau international du travail prédit 50 millions de chômeurs en plus dans le monde à cause de la crise, n’y a-t-il pas matière à s’inquiéter ? »

Jacques Marseille : «  Je ne prends pas cette précision plus au sérieux que celle de Michel-Edouard Leclerc annonçant une baisse des prix de 2,3% en 2009 ! Tout cela contribue à dresser une belle dépression qui rend les gens anxieux alors que la lecture d’un bon livre d’histoire devrait leur éviter d’acheter des antidépresseurs et des psychotropes.

L’Est Républicain : «  Vous avancez un remède, l’allocation universelle. Expliquez-vous ?

J M. :«  Cette idée de Thomas Moore, développée dans «  L’Utopie » en 1516, puis par d’autres, consiste à redistribuer à chacun une partie du dividende de notre héritage collectif. Je l’ai chiffrée. Je propose de donner 750 euros par mois, à chaque individu, qu’il travaille ou pas, de l’âge de 18 ans à sa mort, 375 euros entre la naissance et 18 ans. En échange toutes les autres prestations seraient supprimées ( allocations familiales, chômage, au logement, bourses étudiantes, retraites, à l’exception de l’assurance santé ).

«  J’ai calculé qu’un couple de smicards toucherait 3500 euros par mois (deux Smic à 1000 euros, plus deux allocations universelles à 750 euros ).

S’il capitalise chaque mois ce qui lui est aujourd’hui prélevé, il disposera à la retraite nettement plus que ce qu’il peut espérer.

«  Imaginons que cette allocation soit appliquée à tous les Français, cela représenterait 578 milliards d’euros, 30% du PIB français, alors que déjà l’on consacre 30% du PIB à des dépenses sociales avec l’inefficacité et l’iniquité que l’on connaît. Il n’y a qu’un Etat américain pour l’instant qui l’applique, l’Alaska ! »

QUE DEVIENNENT LES RICHESSES PRODUITES PAR LE TRAVAIL !

Je me répète, je n’ai ni l’imagination, ni la logique politique et sociale de Jacques Marseille.

Mais voilà toutefois qui m’incite à m’interroger pour savoir comment sont utilisées les richesses produites par le travail des salariés français, lesquelles sont appropriées d’une façon ou d’une autre par les capitalistes, que ces salariés travaillent dans une entreprise publique ou privée !

On connait la part, qui est en diminution, des salaires dans cette richesse. On peut savoir la part de ces richesses qui est investie en France, plus ou moins utilement d’ailleurs.

On ignore souvent l’importance de la part destinée à l’exportation (des capitaux) et que les capitalistes d’origine française sont les premiers exportateurs de capitaux, capitaux produits par le travail des salariés de notre pays !

Et on comprendrait bien mieux le fonctionnement du système (capitaliste) si l’on pouvait appréhender la part de ces richesses que les capitalistes consacrent à la spéculation financière où souvent les taux de profit sont bien supérieurs à ceux qu’ils trouvent dans la production ! Spéculation qui dévoie ainsi vers une activité parasitaire une large part du résultat du travail qui pourrait être, au contraire, investi utilement !

TRAVAILLER MOINS !

Au total, on mesure bien que l’on pourrait faire tout autre chose , socialement profitable, avec les résultats du travail.

Alors que l’on est entré dans une autre révolution constituée par l’automatisation et l’informatisation de toute la vie active, ce n’est pas de «  travailler plus » dont les salariés français, et d’autres d’ailleurs, ont besoin, mais au contraire de «  travailler moins » en laissant travailler les machines dont la productivité s’est déjà multipliée ces dernières décennies !

Et je pense, comme André Gorz, qu’il est aujourd’hui nécessaire et possible de réduire massivement le temps de travail.

Déjà , à la fin du 19eme siècle, Paul Lafargue, dont une rue de Bordeaux porte le nom, qui était aussi le gendre de Marx et un des fondateurs du Parti socialiste, considérait, dans «  Le droit à la paresse », qu’on aurait pu limiter la durée du temps du travail à trois heures par jour !

Et, à plus forte raison, dès aujourd’hui où nous ne sommes plus dans les temps «  l’ordre industriel naissant », et sans attendre les temps meilleurs du communisme, mais également dans cette perspective, n’est-il pas urgent de mettre cette exigence au coeur des luttes ?

Le proche 1er mai ne pourrait-il ainsi être fécondé ?

Michel Peyret
27 avril 2009

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