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Biocarburants, changements climatiques et spéculation : le développement durable de la famine

« Aujourd’hui Moise dit aux barons : Après les années de vaches grasses ce seront des années de vaches encore plus grasses ! Et son directeur de la communication aux peuples : Dans ces années de vaches maigres, il va falloir vous serrer la ceinture 5 ans ! Et après, crient les peuples ! !!! Après, vous serez habitués !!! » - Coluche

Ca y est ! Nous avons dépassé « l’over shoot day », «  le jour du dépassement » qui mesure l’empreinte écologique de l’activité humaine durant une année. En 2012 nous venons, le 22 août, de dépasser le patrimoine qu’a mis la nature à notre disposition pour une année ! En clair à partir de cette date, nous vivons à crédit, c’est comme si nous avions 1,4 planète à notre disposition. Résultat. La Terre n’en pouvant plus, nous le fait savoir par ses colères récurrentes en terme de sécheresses inondations et autres fonte de la calotte glaciaire

L’insécurité alimentaire deviendra structurelle

Cette injustice dans l’utilisation des ressources se double naturellement d’une injustice climatique et les conséquences sont visibles dans l’insécurité alimentaire qui frappe d’abord les plus pauvres. Au coeur de la crise globale se profile le lourd risque d’une autre crise : celle de l’insécurité alimentaire et de la faim. Dans de multiples zones déjà , des millions de personnes sont dépourvues de nourriture et d’eau potable. Ceci risque d’aller en s’amplifiant avec la hausse brutale des prix des matières premières agricoles. Le pain comme la viande dépendent des prix des céréales et de l’augmentation de l’énergie qui flambent si rien n’est fait pour les contrecarrer.

Hausse du prix des céréales, du prix du cours du riz... Les aliments les plus consommés au monde n’en finissent plus de subir une inflation qui touche toutes les régions du monde et tous les secteurs. La sécurité alimentaire mondiale serait pire que la décennie précédente, en raison d’une inflation incessante et chronique. Cette année encore, la FAO souligne également une hausse généralisée pour le mois de juillet de l’indice des cours des produits alimentaires en 6%. La situation inquiète d’autant plus que plane l’ombre des émeutes de la faim de 2008 et 2011. Les pays occidentaux affichent la plus haute sécurité alimentaire. Les Etats-Unis, le Danemark et la France détiennent les meilleurs indices dans le « Global Food Security Index », la classification suivie par Economist Intelligence Unit. Les craintes sont plus du côté de l’Asie, l’Afrique affiche également un bilan critique, elle est le continent le plus sujet à une instabilité alimentaire. L’Afrique du Nord avec le Maroc, la Tunisie et surtout l’Algérie observent une insécurité alimentaire croissante, que liée à la volatilité des prix, une spécialité nord-africaine. Ces trois pays sont parmi ceux qui subissent le plus de fluctuations des prix des matières premières agricoles, car leur production n’est pas assez importante par rapport à la demande.(1)

Quelles sont les causes de l’insécurité alimentaire ?

Pour Patrick Le Hyaric, les causes de cette augmentation sont connues. Il y a la vague de sécheresse qui touche le sud de l’Europe et surtout les États-Unis ; l’imbécile et criminelle production de biocarburants alors qu’il faudrait réserver toutes les productions agricoles à l’alimentation et enfin une augmentation de la demande alimentaire mondiale. Celle-ci augmentera de 70% d’ici l’année 2050, selon la FAO. A cela s’ajoutent les modifications climatiques, l’accaparement des terres par des pays et des multinationales, mais aussi les destructions de terres par l’urbanisation et la dégradation climatique ou par l’érosion des sols.

Les mauvaises récoltes dues aux perturbations climatiques

La nature a bon dos... lit-on dans une contribution sur Agoravox, La sécheresse : phénomène récurrent, touche cette année sévèrement les USA, le Canada, l’Australie, la Russie, une partie du Brésil,... Conséquences : défaut de récoltes, flambée des prix, les pires difficultés alimentaires pour les pays pauvres, des menaces pour l’équilibre alimentaire mondial... On a vite fait de faire cette déduction assez simple. Le problème n’est plus simplement climatique, mais surtout économique et politique.

La première cause de la perturbation alimentaire est la sécheresse elle-même, conséquence des changements climatiques de plus en plus extrêmes et récurrents. On évoque grave sécheresse. Il manque 20 millions de tonnes de céréales, détruites ou non récoltées, soit exactement la quantité exportée chaque année par le pays. Si la Russie n’arrive plus à exporter ses produits dans le Continent noir, les pays les plus vulnérables -localisés notamment dans la Corne de l’Afrique et le Sahel- pourraient voir exploser des émeutes de la faim.(2)

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a constaté une augmentation des prix des produits alimentaires de 6% en juillet 2012. Cause notamment de cette envolée, une forte détérioration des perspectives de récolte du maïs aux Etats-Unis, du fait de la sécheresse. Selon un rapport du département de l’Agriculture des Etats-Unis (l’Usda), premier exportateur mondial de maïs, les récoltes américaines ne devraient donner que 274 millions de tonnes de maïs, soit la plus faible récolte depuis six ans. Conséquence, le prix du maïs s’est envolé de 60% en deux mois. Au mois de juillet, les cours du blé ont augmenté de 19%

Pour Laurence Girard, la flambée actuelle des prix des céréales ravive le spectre d’une nouvelle crise alimentaire. Tout le monde a en tête la brutale envolée des cours du blé, puis de l’ensemble des céréales, dont le prix avait quasiment doublé sur la période... Toute hausse des prix alimentaires touche d’abord les pays les plus pauvres, dépendants des importations. Depuis mi-juin, la fièvre s’est emparée des Bourses des matières agricoles : le prix du maïs explose en raison de la sécheresse historique qui frappe les Etats-Unis, premier producteur et exportateur mondial de la céréale. Les progressions de plus de 50% des cours du blé et du maïs à la Bourse de Chicago depuis juin, tout comme les records battus par le soja, satisfont les investisseurs financiers qui misent sur les matières premières agricoles. (3)
Bruno Parmentier va plus loin, il se projette : « Cet hiver, que va-t-il se passer si le cours des céréales et du soja continuent à flamber ? Trois conséquences sont prévisibles, puisque les céréales ont maintenant trois usages concurrents. Une bonne partie des 920 millions de mal-nourris, vont avoir encore plus faim. Mais une nouvelle cohorte va les rejoindre : 30, 50 ou 70 millions d’affamés supplémentaires. On va franchir de nouveau le cap symbolique du milliard d’affamés. Quand nous achetons une baguette, dans le prix le coût du blé ne représente en définitive qu’environ 5% du prix final ! Ces crises à répétition ne vont-elles pas nous inciter à nous interroger sur la durabilité de notre système alimentaire, qui nous amène à manger en France chaque année 85 kg de viande et 90 kg de laitage ? Et que dire des Etats-Unis (125 kg de viande), sans compter la Chine qui rejoint notre gabegie alimentaire ? (...) Revoir nos habitudes alimentaires : moins d’obèses ici et moins de mal-nourris là -bas, tout le monde finirait par y gagner ».(4)

La spéculation immorale sur la nourriture

En 2008, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation disait :« Il n’y aurait pas eu de crise alimentaire sans spéculation. Ce n’était pas la seule cause de la crise, mais elle l’a accélérée et aggravée. L’agriculture a été sacrifiée sur l’autel du marché et les mêmes causes produisent les mêmes effets. La famine est un crime contre l’humanité, comme le souligne Jean Ziegler. Si la gabegie alimentaire ne cesse pas, le problème s’aggravera dans les années qui viennent : « ... La moitié du blé mondial et les trois quarts du maïs et du soja ne servent pas à faire du pain, des pâtes, du couscous, des tortillas ou du tofu, mais du poulet, des oeufs, du porc, du lait et du boeuf ! Est-ce bien raisonnable à l’échelle mondiale ? Ces crises à répétition ne vont-elles pas nous inciter à nous interroger sur la durabilité de notre système alimentaire, qui nous amène à manger en France chaque année 85 kg de viande et 90 kg de laitage ? Et que dire des Etats-Unis (125 kg de viande), sans compter la Chine qui rejoint notre gabegie alimentaire ? »

De très gros investisseurs, JP Morgan en tête, avec Blyte Masters, semblent gagner des sommes colossales sur le marché des matières premières, totalement insensibles à la pénurie et aux famines. Pour Patrick Le Hyaric, l’une des causes grandissantes de la volatilité des prix est le développement d’une spéculation effrénée sur les matières premières agricoles qui servent de valeur refuge aux « fonds financiers » qui en tirent encore plus de profits que des actions en Bourse ou des obligations d’Etat. Ce que l’on appelle « les actifs agricoles » ne dépassaient pas dix milliards en 1990. Ces produits financiers, indexés sur l’agriculture, vont dépasser les 200 milliards cette année. Ces produits financiers, indexés sur les indices des matières premières agricoles, s’achètent et se vendent et font du blé, du maïs, du soja, du café, un placement financier comme l’or. Leurs pratiques sont aussi curieuses que scandaleuses. Ces gens achètent et revendent des produits agricoles sans jamais les voir. Ils achètent même des récoltes qui ne sont pas encore semées. Ces mécanismes qui représentaient à peu près 770 milliards de dollars l’année 2003, atteignent aujourd’hui plus de 7500 milliards de dollars. Autrement dit, cette minorité de spéculateurs et de rapaces fait du fric avec votre blé. Ces mécanismes inhérents au système capitaliste financier et mondialisé sont abjects. (...) L’agriculture et l’alimentation ne peuvent être laissées dans la grosse mâchoire des rapaces de la finance. (5)

Les nouvelles famines ne sont pas des catastrophes seulement naturelles...Les prix ne s’embrasent pas mécaniquement. Il n’y a pas de fatalité à la pénurie, à la hausse des prix agricoles, qui n’est pas seulement la conséquence d’un déséquilibre entre l’offre et la demande.. La spéculation joue un rôle important.(6)

Le rôle néfaste des bio-nécro-carburants

35% de l’énergie est dédié aux transports, 1,7 milliard de tonnes/an d’essence, soit 5,5 milliards de tonnes de CO2. On contribue à renforcer l’effet de serre (inondations, ouragans, sécheresse, stress hydrique et réfugiés climatiques et famines). Aux Etats-Unis c’est 250 millions de voitures pour 300 millions d’habitants Pour satisfaire cette boulimie en carburant, les pays développés ont mis au point des biocarburants, voire des nécro-carburants pour les écologistes subventionnés aux Etats-Unis mais aussi en Europe (PAC). C’est de fait l’organisation de famines durables par le détournement de la nourriture (maïs, blé soja). Il faut environ 225 kilos de maïs pour nourrir un Sahélien pendant une année pour faire soit 50 litres de carburant agroalimentaire. Les céréales cultivées pour produire du combustible aux États-Unis [en 2009] sont assez suffisantes pour nourrir 330 millions de personnes pendant un an (7).

Et l’Algérie ?

On sait que 80% de notre alimentation provient de l’extérieur. Nous avons importé pour 8 milliards de dollars en 2011. Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, M. Rachid Benaïssa, ministre de l’agriculture a appelé mercredi 23 août les céréaliculteurs à généraliser l’irrigation d’appoint pour améliorer les rendements à l’hectare et sortir de la dépendance de la pluviométrie dont le déficit est le facteur principal de la baisse de la production l’année en cours.

Une étude faite a montré la vulnérabilité de notre pays aux changements climatiques et aussi au stress hydrique. L’accroissement des températures et la fluctuation des régimes pluviométriques auront des conséquences directes sur l’agriculture du pays par l’approfondissement des déficits hydriques. L’Algérie est un pays essentiellement désertique dont les superficies agricoles n’occupent qu’un faible pourcentage de la superficie totale : la superficie agricole utile (SAU) est de l’ordre de 8,1 millions d’hectares Les conditions naturelles, très défavorables, la pluviométrie faible et irrégulière n’est pas compensée par une mobilisation suffisante des ressources en eau (...). Le modèle «  Magicc » testé sur la région du Maghreb en général et sur l’Algérie en particulier, estime un réchauffement de l’ordre de 1°C entre l’année 2000 et l’année 2020 accompagné d’une fluctuation de la pluviométrie avec une tendance à la baisse, de l’ordre de 5 à 10% sur le court terme. Par contre sur le long terme, on peut envisager une diminution de la pluviométrie qui varie entre 10 à 30% d’ici 2050. Les projections des déficits en eaux superficielles s’élèvent entre 15 et 30% pour des scénarios de réchauffement de 0,5 et 1 °C (8).

Pour atténuer les changements climatiques, il n’y a pas à notre sens de stratégie, voire de recherche sur de nouvelles variétés de blé résistantes à la chaleur et au stress hydrique. A Dieu ne plaise ! Les biocarburants, les changements climatiques, la spéculation sont les « cavaliers de l’Apocalypse » amenant au développement durable de la famine. Pourtant, il est hors de doute que la Terre peut nourrir d’ici 2050, 9 milliards d’individus si les hommes se donnaient la main pour conjurer les changements climatiques. De plus est-il bien raisonnable de continuer à ... brûler une ressource aussi essentielle et dorénavant rare que les grains de céréales ou d’oléagineux, et de défricher à grande échelle la forêt vierge pour pouvoir alimenter les voitures ? Il nous faut prendre conscience que l’agriculture représente dorénavant une question-clé pour la paix du monde. Revoir les habitudes alimentaires : moins d’obèses et moins de mal-nourris, tout le monde finirait par y gagner. Enfin, vouloir générer des profits sur les besoins vitaux est immoral. Il n y a pas de gros profits sans grosse misère. Jean Ziegler a qualifié de « crime contre l’humanité » le fait d’abandonner les cultures vivrières au profit des biocarburants. Gagner des sommes folles en spéculant sur des aliments comme le blé et le riz, tout en condamnant à mourir de faim des millions de femmes et d’enfants, est un crime contre l’Humanité. Il a mille fois raison.

Chems Eddine Chitour

1. http://www.algerie-focus. com/blog/ 2012/08/17/la-securite-alimentaire-mondiale-au-bordde-la-crise/#

2.h ://www. francetv.fr/geopos/mauvaises-recoltes-en-russie-en-raison-de-la-secheresse-7668

3. Laurence Girard http://www.lemonde. fr/planete/article/2012/08/13/1a- secheresse-faitflamber-les-prix-alimentaires 1745555 3244.html

4.Bruno Parmentier. Il faut en finir avec la gabegie alimentaire Le Monde 20.08.2012

5.Patrick Le Hyarichttp://www.mleray. info/arfiele-1-agriculture-et-l-alimentation-ne-peuventeire-laissees-aux-rapaces-dr-la-finance-109299851.htmll http://www.mleray. info/article-l-agriculture-et-l-alimentation-ne-peuvent-etre-laissees-aux-rapaces-de-la-finance- 109299851.html 23 aoûût 2012

6. http://62.210.98.10/actualites/economie /article/prix-alimentaires-la-faute-a-qui-121539

7. C.E. Chitour. Manger ou conduire, il faut choisir. http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-bio-necro-...

8. H Lakhdari Ayad : Les conséquences du changement climatique en Algérie : 5e colloque : International. Changements climatiques et développement durable, Hammamet 15-17 juin 2009.


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