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Chavez : regardez France 2, vous saurez tout !

J’ai regardé le journal télévisé de France 2 de 13 h de ce mardi 6 mars. Je propose quelques remarques qui constitueront une analyse des omissions, des manques, de l’implicite. C’est-à -dire une analyse des " creux " .

De la présentation, j’extrais ces quelques phrases :

1. "Il était le fils spirituel de Fidel Castro. Il n’a cessé, comme le Lider Maximo, de montrer du doigt les États-Unis et le modèle capitaliste..."

- Remarque. Cette phrase laisse penser que la mise en accusation des États-Unis par Hugo Chavez est un rituel, une plaisanterie éculée, sans raison, sans fondement (comme on rit des cocus ou des belles-mères, bêtement, parce que ça c’est toujours fait). Où est le creux, où est l’omission ?

- L’omission, c’est celle du rappel de toutes les interventions violentes des États-Unis en Amérique latine depuis les années 1850, et dont l’énumération prendrait plusieurs pages. Je dis "violentes" pour englober à la fois les interventions directes de l’armée américaine par bombardements (Cuba, 1961), pilonnages, débarquements (Argentine, 1853), parachutage (La Grenade, 1983), mais aussi les complots contre des gouvernements légaux (Arbenz, au Guatemala, en 1954, Allende, au Chili, en 1973), les blocus, l’entraînement à la torture des polices et des armées latino-américaines dans la sinistre "Écoles des Amériques" de la zone du canal de Panama, le soutien et le financement de groupes armés (par exemple à la Contra, au Nicaragua, contre le gouvernement sandiniste). Chacun, en se reportant à ses archives ou à Internet, pourra étoffer cette liste. Et ô combien...

Ces interventions ne remontent pas à un lointain passé : en juin 2009, le gouvernement de Manuel Zelaya, président du Honduras, a été renversé violemment par l’armée, avec la complicité tacite des États-Unis. Hugo Chavez avait donc toutes les raisons de se méfier des États-Unis.

- L’omission, à propos du "modèle capitaliste", c’est celle des conditions de travail des salariés locaux dans les compagnies bananières. (United Fruit, Chiquita), majoritairement nord-américaines. Mais c’est aussi celle des conditions de travail dans les maquiladoras, usines de sous-traitance (pas seulement nord-américaines, d’ailleurs), implantées dans des zones franches dans toute l’Amérique centrale, conditions d’autant plus abominables et indignes que les salariés sont souvent des femmes, donc plus férocement exploitées. L’accusation du régime capitaliste ne repose pas sur une simple lubie...

2. "Du jour au lendemain, Chavez écarte les patrons des sociétés pétrolières, en direct, à la télévision". [Là , on voit Chavez sifflant comme un arbitre : hors jeu !]. Puis le journaliste reprend : "L’opposition libérale descend dans la rue".

- Où est l’omission ? Elle est très grosse, énorme même ! Elle laisse penser que l’opposition libérale est descendue dans la rue, comme, par exemple, la droite, en France, est descendue dans la rue, en janvier dernier, pour s’opposer au mariage pour tous. En fait, l’opposition n’a pas fait que cela : elle a fomenté un coup d’État, le 11 avril 2002, qui a duré deux jours, et durant lequel Hugo Chavez a été détenu. Le coup d’État échoue au bout de 48 h, grâce au loyalisme de l’armée et à une mobilisation énorme des quartiers populaires. [Et l’on notera - signe révélateur - que le très provisoire président durant le putsch fut Pedro Carmona, le président du Medef local...].

- Après l’échec du coup d’État, Hugo Chavez reçut - comme c’est l’usage - des télégrammes de félicitation de la plupart des gouvernements du monde... sauf de celui des États-Unis, qui s’étaient tenus derrière les putschistes, et qui n’exprimèrent que des paroles de dépit et des paroles de rancoeur. Hugo Chavez avait donc de fortes raisons de "montrer du doigt" les États-Unis.

3. Hugo Chavez et ses fréquentations considérées comme sulfureuses, l’Iranien Ahmadinejad, le Syrien Bachar Al-Assad, Kadhafi, qu’il défendra jusqu’au bout et Fidel Castro, allié de toujours, son mentor en politique."

- Où est l’omission ? Elle est dans le fait que les intéressés Ahmadinejad, le Syrien Bachar Al-Assad, Kadhafi, n’ont pas eu de "bons" rapports qu’avec Hugo Chavez et qu’il fut un temps où des dirigeants occidentaux consentaient à toutes les flagorneries, à toutes les bassesses pour décrocher des marchés auprès de ces dirigeants. Elle est aussi dans l’aide inappréciable apportée aux Occidentaux par Hafez Al-Assad, père de Bachar (et pas moins sanguinaire), lors de la première guerre du Golfe, en 1991, en se rangeant dans la coalition occidentale anti-Saddam Hussein. A l’époque, on n’était pas trop regardant, en Occident, sur les alliés...

- L’omission tient aussi à ce que les dirigeants occidentaux n’ont jamais eu trop de scrupules à entretenir des relations cordiales avec des chefs d’État tels que Ferdinand Marcos, aux Philippines, Mobutu, au Zaïre, Hassan II, au Maroc, Pinochet au Chili, Suharto, en Indonésie, Moubarak en Egypte, qui souvent ont emprisonné, torturé, tué, bien plus qu’Ahmadinejad, Bachar Al-Assad ou Kadhafi ou qui se sont enrichis bien plus scandaleusement. Mais comme le disait cyniquement un dirigeant américain : "Ce sont des salopards, mais ce sont les nôtres"...

- Autre omission : compte tenu des rapports de force mondiaux, dans les années 2000-2013, auprès de qui peuvent se tourner les opposants aux États-Unis, après la disparition de l’URSS ? Ahmadinejad, Bachar Al-Assad, Kadhafi sont présentés comme les incarnations du mal, les méchants caricaturaux des films hollywoodiens. En 1941, Staline avait, depuis plusieurs années, opéré les purges de 1937. Il avait liquidé les officiers polonais dans la forêt de Katyn. Il était le représentant honni de ce régime que les Occidentaux avaient combattu en s’engageant dans la guerre civile russe contre les "Rouges", puis en édifiant le "cordon sanitaire". Tous ces Occidentaux, souvent férocement anticommunistes (Churchill), ont-ils chipoté, en 1941, pour s’allier avec Staline ?

Philippe Arnaud

COMMENTAIRES  

07/03/2013 10:03 par ADSkippy

Rien de très surprenant, et c’est n’est que le début, car ils( pays capitalistes, les USA en tête) feront tout pour ternir la mémoire de Chavez. Le media occidentale, de partout, répète et dit la même chose car ils lisent tous du même texte.

07/03/2013 10:26 par calame julia

Hier, j’ai donc fait mes courses journalistiques au sujet du deuil qui frappe l’Argentine et
quelles ne furent pas mes surprises !
Si j’a bien tout compris : H. Chavez ce petit chef de parti qui s’est élevé contre ? ben on sait
pas puisqu’il était parano ! Ensuite ce Monsieur n’a jamais dirigé un pays mais il a juste
assisté les magnats du pétrole ! Ensuite il était décédé depuis un mois ! oui ? non ?
Ensuite il était incapable de se séparer de son Peuple parce que c’est un populiste !
qu’il voulait le sortir de la misère mais c’est pas une bonne idée parce que le Barak
a dit "qu’une nouvelle période commençait pour le Vénézuela".
J’ai donc repris les classique historiques concernant le Vénézuela et là j’ai viré tout
mon panier de courses parce que les produits étaient périmés.

07/03/2013 10:57 par CN46400

Rien que de très normal, sur la 5 Calvi a omis lui aussi de parler du "golpe" de 2002, par contre on a parlé abondemment des licenciemments consecutif à la grève des cadres de PDVSA sans, bien sûr positionner cette grève "prolétarienne" par rapport au dit golpe. Personne, bien sûr, pour suggérer ce qui serait arrivé aux mineurs français si, en 61, il avaient appuyé le push d’Alger ; et Pujadas, il devient quoi s’il lui prenait l’envie de soutenir un push contre Hollande ?

D’ailleurs sachez que depuis 2002 PDVSA, privé de ses cadres yper compétents, ne sait plus gérer le pétrole. Plus çà rapporte et moins on en extrait.......comme si sur nos plateaux on n’avait pas encore compris que la raréfaction était aussi un moyen pour faire monter les cours. C’est pas au Vénézuela qu’on pourrait aligner d’aussi bons économistes dans les lucarnes...

07/03/2013 11:38 par Jean Pierre Aulagner

On savait déjà que c’est la CIA qui a formé Ben Laden ... mais chut, silence.
Et puis, autre silence, qui a aidé les Bachar Al-Assad, et autres Ben Ali à accéder et à se maintenir au pouvoir, malgré les massacres, déjà  ?
Qu’on se souvienne juste des déclarations de la ministre MAM (M. Alliot-Marie) qui voulait envoyer notre belle police réprimer les manifestants Tunisiens ... pour protéger les investissements et le grand ami de sa petite famille en Tunisie ... Ben Ali.
Chirac n’a-t-il pas aidé Bachar Al-Assad à succéder à son père ? Un tout petit peu, ou beaucoup ? En 1999 Chirac était le "coach" du "jeune et sympathique" Bachar ...
Sarkozi lui a envoyé Guéant pour lui assurer son soutien ...
Mais, bon, eux c’est normal, on peut oublier, ils ne soutenaient pas des dictateurs, eux ... mais quoi alors ?

07/03/2013 13:03 par Lulu

Et ces fumiers de journalistes de parler de "succession" comme s’il s’agissait d’une autocratie de droit héréditaire alors que chavez a été élu et réélu avec des taux de participations records. Omission ordurière même pas contrariée, lors du reportage suivant, par l’annonce du retour du nabot fascistoïde.

07/03/2013 13:06 par rouge

Moi, les médias mainstream francais Je les regarde comme je regarde les archives cinématographiques de la Wochenschau allemande des années 40 : De la soupe repétitive, lancinante et penible dans son deni.

La nature de la mort de Chavez m’effraie.

Sur Russia Today, Aujourd’hui :

http://rt.com/news/chavez-death-us-russia-plot-zyuganov-923/

ils citent 6 hautes personnalités non aimées des usa qui attrapent de bien graves maladies... Que 6 ..?

07/03/2013 13:44 par Gabriel

La tactique des médias de la droite est toujours la même, présenter les dirigeants anti-impérialistes et ceux qui les appuient comme des religieux qui croient à un culte et qui vivent déconnectés de la réalité.
Vous faites bien de montrer au lecteur que l’impérialisme n’est pas une création subjective mais bien une réalité qui s’est forgée dans la violence en opprimant les peuples. Un autre mythe des médias c’est de faire croire que le nord est civilisé et démocratique et que le sud est barbare, dictatorial. Cette idéologie que l’on pourrait appeler l’occidentalo-centrisme est présente dans presque tous les films hollywoodiens. Souvenez vous du gentil et civilisé indiana-jones qui se rend en Inde pour sauver la population contre une secte sanguinaire. L’idéologie de l’impérialisme se faufile partout.

07/03/2013 15:45 par Louna

Je ne regarde plus depuis longtemps les journaux télévisés de FR 2 ni aucun journal télévisé, d’ailleurs, je continuais de temps en temps à écouter la matinale de France Inter selon les invités, ainsi que le journal de 13 h, mais celui de ce midi m’a définitivement dégoûtée du Service Public : on a eu droit, entre autres, à cinq minutes de propagande pro-Capriles qualifié de "social", et rien sur Maduro.
Si quelqu’un connaît une radio qui ne soit pas à la botte du pouvoir et de la finance (pléonasme), merci de me le faire savoir !

07/03/2013 18:24 par christophe

A Luna : radio libertaire en fm sur paris et internet ailleurs

07/03/2013 18:43 par patricia maire

et l’arme ultime pour achever la lobotomisation des masses : la hausse de la criminalité durant ses mandats !!!!
quand on connaît tous les coups tordus avérés de la CIA dans le monde pour déstabiliser leurs cibles successives , comment ne pas penser immédiatement à sa participation active ( cia)
dans cette hausse
de la criminalité, toutes leurs précédentes tentatives ayant échoué...y compris 2002.

07/03/2013 20:32 par martin-barastegui

concernant le dénigrement des soi-disant- médias français envers le Pr. Chavez,n’est pas nouveau.! chiens de garde de l’impérialisme sioniste-térroriste,raciste,néo-colonial.Véritables crapules,vautours de "l’info".

07/03/2013 22:02 par Louna

Merci pour l’info, Christophe !

07/03/2013 23:41 par gérard

Une analyse des plus intéressantes sur Dedefensa :
L’ultime bataille de Chavez : un "deuil mobilisateur" http://www.dedefensa.org/article-l_ultime_bataille_de_chavez_un_deuil_mobilisateur__06_03_2013.html
Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut au contraire ne pas se couper des médias mainstream, même si parfois c’est très dur pour les nerfs, ne serait-ce simplement que pour avoir suffisamment d’éléments pour pouvoir en débattre autour de soi...
J’ai la vague impression par exemple que Calvi devient dans C dans l’air, de plus en plus "accrocheur"...On peut rêver ?

08/03/2013 10:11 par CN46400

@ gérard

J’ai bien peur que Calvi vous, ou nous, décoive rapidement. S’il est apparu , sur Chavez, un peu plus crédible que les autres, c’est surtout parcequ’il était conscient, bien que responsable, que le cheptel qu’il avait convoqué ce jour là occupait exclusivement la partie droite de la chaussée. Notamment la bourgeoise qui "représentait’ le Vénézuela (C’est curieux sur les télés françaises il n’y a jamais de vénézueliens chaviste...). S’il est apparu plus buvable qu’à son habitude, c’était surtout pour essayer de camoufler le vide de la partie gauche de son plateau.

08/03/2013 12:35 par Fethi GHARBI

Pour suivre le conseil de gérard, je m’empresse d’offrir à France 2, TF1 et le reste ce bel hommage rendu à Chavez par une voix arabe venant des profondeurs rurales du Cham...
ça ne peut être que doublement apprécié...
http://www.youtube.com/watch?v=Jtda...

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