RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Comme un lion : quand les lions du Sénégal rencontrent le lion de Peugeot.

Coïncidence ou symptôme, en même temps que l’actualité militaire, l’actualité culturelle tourne notre attention vers l’Afrique et les diverses exploitations dont elle fait l’objet. Sombras, d’Oriol Canals, donnait un visage aux immigrés africains venus récolter les fruits en Catalogne ; Paradis : amour attire l’attention sur l’exploitation des beach boys kenyans par des Européennes d’âge mûr en mal d’amour ; et, en même temps qu’Aujourd’hui nous guide dans Dakar, Comme un lion, de Samuel Collardey, traite encore d’un autre genre d’exploitation, au Sénégal et ailleurs : le trafic des jeunes Africains qui rêvent de devenir footballeurs professionnels.

Il s’agit donc d’un film réaliste, mais sans rien de pédagogique ni de misérabiliste : nous voyons vivre les villageois de Pout, avec ses femmes aux robes colorées et majestueuses, et ses gamins qui, dès qu’ils en ont l’occasion, poussent le ballon dans les rues (l’école en plein air, avec ses dizaines d’enfants agglutinés autour de l’unique maître, montre bien qu’ils n’ont rien à attendre d’une promotion par les études). Nous verrons même fonctionner une assemblée de femmes, sous l’arbre aux palabres, réunies pour décider de la gestion de la tontine. En effet, le jeune héros, Mitri, a été remarqué par un recruteur camerounais, qui demande, pour l’envoyer dans un club français, 5 millions de francs CFA (un peu moins que l’équivalent en Anciens Francs). La grand-mère de Mitri qui, même en vendant son unique bien, le verger dont les fruits la font vivre, n’a pu réunir cette somme, va donc avoir recours à la tontine : ses associées acceptent de lui attribuer, non seulement les cotisations du mois (tontine rotative) mais même le fonds permanent (tontine par accumulation).

Mitri va donc pouvoir réaliser son rêve, mais il sait qu’il se charge en même temps d’une lourde responsabilité : avec ses premiers salaires, il devra rembourser cette dette à la communauté villageoise. Mais il va vite déchanter : à Paris, les douaniers découvrent qu’il n’a pas tous les papiers requis ; l’intermédiaire qui se charge du groupe de jeunes joueurs africains lui évite l’expulsion immédiate, mais, ne sachant que faire de lui, il le conduit, sous prétexte d’essais, dans un stade vide, où il l’abandonne, tel un Petit Poucet. Mitri va donc mener une vie de SDF, sans rien avoir à manger.

Mais Collardey ne veut pas "désespérer Billancourt". Mitri, conformément aux recommandations de sa grand-mère, n’oublie pas ce qu’il est : le rituel des prières lui permet de garder ses structures, et il va sauter, plein d’énergie, sur toutes les occasions qui se présentent, et s’y accrocher : aidé par une Africaine, il entre dans le circuit de l’aide sociale et se retrouve dans un foyer à Montbéliard, où des tests d’orientation en feront un apprenti-serveur malgré lui. Mais Montbéliard se trouve tout près de Sochaux, avec qui il forme le FC Sochaux-Montbéliard ! Mitri ne tarde pas à s’introduire, au culot, dans les entraînements d’une petite équipe de jeunes. Commence alors une belle histoire entre l’orphelin et l’entraîneur dur à cuire qui va décider de lui donner sa chance.

On retrouve ici le schéma de Welcome, le film de Philippe Lioret, qui dénonçait les conditions de vie dans la "jungle de Calais" et le "délit de solidarité", mais il est débarrassé de ses scories sentimentales : l’entraîneur n’est pas en instance de divorce, et Mitri ne veut pas rejoindre une amoureuse menacée d’un mariage forcé. Si Mitri joue contre la montre, c’est que sa grand-mère lui réclame l’argent de la tontine, qu’elle doit déjà rembourser. Cependant, comme dans Welcome, l’aîné va se reconnaître dans le jeune : le rêve brisé de l’entraîneur, chassé du club de Sochaux pour son indiscipline et devenu, comme son père, ouvrier chez Peugeot, va revivre grâce à Mitri.

Bien sûr, c’est une success story, et le happy end, avec l’entrée enivrante sur le stade de Bonal, sous le tonnerre des applaudissements, est vraiment trop beau. Mais, d’une part, Collardey s’inspire de l’histoire d’un joueur africain de Sochaux, et, d’autre part, il suit la ligne humaniste du Ken Loach de Looking for Eric et de La Part des anges : une fois qu’on a dénoncé les injustices sociales (la privatisation des services publics anglais, l’acharnement de la justice contre les petits délinquants et l’impunité des vrais malfrats en col blanc, ou l’exploitation des Africains), pourquoi écraser le héros ? on est reconnaissant au cinéaste de nous laisser sur une note d’espoir.

Autre raison de soutenir ce film : Collardey, qui est né à Besançon (la patrie des Lip), nous emmène sur ses terres, celles du Doubs ; ce faisant, il rompt avec le narcissisme parisianiste qui étouffe bien souvent le cinéma français. Et on pourrait le situer dans une "école" de l’Est qui a déjà donné un film étonnant, Poupoupidou, tourné par G. Eustache-Mathieu dans ce Far-East qu’est Mouthe, la ville la plus froide de France, ou encore le réalisateur Gilles Perret qui, de Ma Mondialisation (en 2006) à Mémoires d’ouvriers (en 2011), raconte l’histoire ouvrière de cette région et, à travers elle, de la France.

Rosa LLORENS

URL de cet article 19047
  

Éric Dupont-Moretti : "Condamné à plaider"
Bernard GENSANE
Il a un physique de videur de boîte de nuit. Un visage triste. De mains trop fines pour un corps de déménageur. Il est toujours mal rasé. Il sera bientôt chauve. Parce que ce ch’ti d’origine italienne est profondément humain, il est une des figures les plus attachantes du barreau français. Il ne cache pas sa tendance à la déprime. Il rame, il souffre. Comme les comédiens de boulevard en tournée, des villes de France il ne connaît que les hôtels et ses lieux de travail. Il a décidé de devenir avocat le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Dire que l’on ne se soucie pas de la protection de la vie privée parce qu’on n’a rien à cacher équivaut à dire que l’on ne se soucie pas de la liberté d’expression parce qu’on n’a rien à dire. » - Edward Snowden

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.