RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Crise financière : comment des « fonds vautours » commencent à attaquer l’Europe

Plusieurs dizaines de fonds spéculatifs s’estiment lésés par la suppression d’aides publiques ou les restructurations de dettes souveraines menées en Europe. Au nom de la protection des investissements, ils attaquent donc les Etats devant des tribunaux commerciaux extranationaux. En jeu : des centaines de millions d’euros d’indemnités à empocher. Si leurs premières cibles sont l’Espagne, la Grèce et Chypre, d’autres pays pourront être concernés. Après l’austérité, les citoyens européens paieront-ils la facture de la crise une seconde fois ?

En plus des politiques d’austérité, une nouvelle menace se profile à l’horizon pour les pays du sud de l’Europe : celle de procédures intentées devant des juridictions commerciales opaques par des acteurs financiers, qui cherchent à tirer profit des traités garantissant la « protection des investisseurs ». Des fonds spéculatifs, s’estimant lésés par des restructurations de dette ou par la fin de subventions publiques à certains secteurs, font ainsi jouer la clause du « traitement juste et équitable » (lire notre article) des investisseurs pour demander réparation.

Grèce, Chypre et Espagne sont ainsi la cible de procédures intentées devant divers « tribunaux » d’arbitrage par des firmes privées, qui leur réclament plusieurs centaines de millions d’euros. Ces poursuites pourraient être les signes avant-coureurs d’une nouvelle déferlante de procédures du même type affectant tous les pays d’Europe, dont la France. Un nouveau rapport publié par le Transnational Institute et le Corporate Europe Observatory, intitulé Profiter de la crise - comment entreprises et avocats d’affaires font des profits au détriment des pays européens frappés par la crise [1] tire la sonnette d’alarme.

Quand les peuples doivent indemniser les spéculateurs

Pour les firmes plaignantes, les diverses mesures prises par les gouvernements européens durant la crise ont diminué la valeur de leurs investissements, et constituent donc une forme d’« expropriation indirecte ». Elles réclament en conséquence des centaines de millions d’euros de compensation. Pour les procédures connues à ce jour, les montants en jeu atteignent 700 millions d’euros pour l’Espagne et un milliard d’euros pour Chypre. La somme demandée à la Grèce n’est pas connue. Les citoyens de ces pays, déjà affectés par des mesures d’austérité qui ont entraîné une dégradation sévère de leur niveau de vie, devront peut-être payer une seconde fois la facture. Non plus, cette fois, pour renflouer les banques européennes, mais pour indemniser les spéculateurs.

Les pays du Sud touchés par des crises financières – notamment l’Argentine – connaissent bien ces « fonds vautours », qui cherchent à profiter de la situation en rachetant à bas prix la dette de ces pays, puis en se retournant contre ces derniers devant les tribunaux commerciaux. Une démarche d’autant plus tentante que les différends relatifs aux investissements entre États et entreprises sont généralement tranchés par des mécanismes d’arbitrage ad hoc, souvent favorables aux intérêts commerciaux, et n’ayant de compte à rendre à personne.

Plainte des investisseurs contre les suppressions de subventions

C’est exactement la situation qu’a connu la Grèce suite à la crise financière qui s’est déclenchée en 2009. L’accord de restructuration de la dette grecque a largement ménagé les intérêts des créanciers privés. Une proportion substantielle de l’aide financière internationale a fini dans les poches des banques françaises ou allemandes : 77% des 207 milliards de l’aide européenne a bénéficié, directement ou indirectement, au secteur financier (lire “ Où sont passés les 200 milliards destinés au « sauvetage » de la Grèce ? ”). Cela ne semble pas suffisant pour des investisseurs comme la Poštová Bank, de Slovaquie, qui poursuit aujourd’hui la Grèce, et quelques autres qui menacent de faire de même. L’un d’eux, Dart Management, a déjà obtenu 400 millions d’euros d’Athènes après avoir refusé l’accord de restructuration et menacé le pays de poursuites.

En Espagne, ce sont paradoxalement les coupes budgétaires décidées par le gouvernement pour réduire le déficit public qui posent problème. Elles sont la cible de 22 investisseurs dans le cadre de sept procédures distinctes. En cause, la suppression, pour cause d’austérité, des considérables aides publiques aux énergies renouvelables mises en place avant la crise. Cette suppression est certes contestable d’un point de vue environnemental, et a d’ailleurs été fortement encouragée par les grosses firmes énergétiques européennes. Mais on peut s’étonner que seuls les acteurs financiers internationaux – et non les citoyens espagnols, ni les petites entreprises locales du secteur – disposent des moyens légaux de la dénoncer.

Des paris spéculatifs sans aucun risque

L’année dernière, le Transnational Institute et le Corporate Europe Observatory avaient déjà dénoncé ce complexe système des accords d’investissement et les tribunaux d’arbitrage qui leur sont associés. Un petit monde généralement favorable aux entreprises, fonctionnant de manière opaque, qui fait la fortune de cabinets spécialisés d’avocats d’affaires. Ces derniers n’hésitent pas à encourager leurs clients à poursuivre les États, ou à réaliser leurs opérations financières via des pays tiers pour être sûrs de bénéficier de la protection maximale des accords d’investissement. Résultat, les États se retrouvent contraint de dépenser des millions en frais d’avocats pour ne pas avoir à en débourser encore plus à titre de dédommagement aux plaignants.

Les entités qui poursuivent aujourd’hui la Grèce, Chypre ou l’Espagne devant des tribunaux commerciaux ne sont pas des entreprises de « l’économie réelle », ayant réalisé des investissements concrets et dont la viabilité économique serait mise en danger. Il s’agit dans la quasi totalité des cas de fonds d’investissement, qui ont réalisé des opérations spéculatives en toute connaissance de cause, faisant le pari que si elles échouaient, ils pourraient toujours se retourner contre les États concernés. Inutile de préciser qu’« expropriation » ou non, ils continuent pour la plupart d’afficher des profits confortables.

La jungle des traités d’investissement bilatéraux

L’investisseur qui poursuit la Grèce aujourd’hui, la Poštová Bank de Slovaquie, a racheté la dette grecque à partir de début 2010, alors que le pays était déjà considéré comme en quasi-défaut. Idem pour Dart Management. En Espagne, la plupart des « investisseurs » qui se retournent aujourd’hui contre le gouvernement sont entrés dans le secteur solaire en 2010 ou même plus tard. L’un d’eux, un fonds du groupe BNP Paribas appelé Antin, a ainsi pris ses positions dans le solaire espagnol en 2011 [2]. A un moment où il était clair que la crise de l’euro allait entraîner une réduction des aides au secteur. Derrière certains des fonds luxembourgeois ou néerlandais qui poursuivent aujourd’hui le pays, se cachent d’ailleurs des hommes d’affaires espagnols et de grandes entreprises nationales comme le groupe industriel Abengoa.

En cause : la jungle des traités d’investissement bilatéraux entre pays de l’Union européenne qui semble ne profiter qu’aux intérêts financiers privés. Une banque slovaque détenue majoritairement par des Chypriotes poursuit la Grèce, tandis qu’un fonds grec poursuit Chypre, le tout pour des mesures imposées à ces pays par la « troïka »(Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne)... Rien de tout cela ne semble pourtant effrayer les autorités de l’Union, qui paraissent disposées à étendre et renforcer encore les droits des investisseurs dans le cadre des négociations en vue d’un futur accord commercial entre l’Europe et les États-Unis (lire notre enquête).

Notes

[1] Profiting from crisis - How corporations and lawyers are scavenging profits from Europe’s crisis countries. Lire ici une traduction française du résumé du rapport.

[2] Le montant de la compensation financière demandée n’est pas connu.

26 mars 2014

»» http://www.bastamag.net/Crise-financiere-comment-des-fonds
URL de cet article 24964
  

Boycott d’Israel. Pourquoi ? Comment ?
Nous avons le plaisir de vous proposer cette nouvelle brochure, conçue pour répondre aux questions que l’on peut se poser sur les moyens de mettre fin à l’impunité d’Israël, est à votre disposition. Elle aborde l’ensemble des problèmes qui se posent aux militants, aux sympathisants, et à l’ensemble du public, car les enjeux de la question palestinienne vont bien au-delà de ce que les médias dominants appellent le "conflit israélo-palestinien". Dans le cadre de la campagne internationale BDS (Boycott (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ceux qui croient connaître le monde à travers les médias connaissent en réalité un monde qui n’existe pas. D’où la difficulté de communiquer avec eux.

Viktor Dedaj

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.