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Dossier Venezuela : Les Années Chávez

L’ère Chavez impose le Venezuela sur la scène mondiale

Les profonds changements dans la politique, l’économie et la société ont propulsé le pays andin sur le devant de la scène internationale

A plus de mille mètres d’altitude sur la côte vénézuélienne des Caraïbes, une ville naît du néant. Elle occupe 1 200 hectares, dans l’état de Vargas, enclavée entre Caracas, la capitale, et le principal aéroport du pays. Le lotissement a été projeté pour être l’une des grandes vitrines du gouvernement de Hugo Chavez Frias, président de la République depuis février 1999.

En espagnol, le projet s’appelle Ciudad Caribia. Le chantier est dirigé par une société mi cubaine mi vénézuélienne, la Construtora Alba Bolivariana. Près de 7 000 personnes sont déjà logées dans 1 100 appartements. Quand l’ensemble sera conclu, en 2018, la zone urbaine aura une capacité de 20 000 logements. Cent milles Vénézuéliens y vivront.

Seuls des gens très pauvres sont devenus propriétaires ou auront accès à la propriété de ces appartements. Ce sont des cinq pièces de 72 m2 : trois chambres, deux salles de bain, une buanderie, une salle à manger, un salon et une cuisine. Tous complètement meublés et équipés.

Il ne s’agit pas seulement d’une cité résidentielle. Le quartier abritera des écoles, des parcs pour les enfants, des crèches, une bibliothèque, un commissariat, un club sportif, un centre commercial et des espaces pour les réunions et événements. Les véhicules ne pourront pas circuler dans son enceinte. Les déplacements seront assurés par un système de transports publics qui prévoit même un téléphérique pour que les habitants rejoignent la côte et la capitale.

Des conseillers municipaux élus gèrent cette grande copropriété publique. Ils ont également le pouvoir de développer des entreprises commerciales et industrielles. Le projet de collecte et de recyclage des déchets, par exemple, est déjà en marche. Son fonctionnement obéit à un modèle d’autogestion, soutenu par le gouvernement national, qui remplace la traditionnelle verticalité étatique.

« J’entends beaucoup de personnes dire que Ciudad Caribia n’existe pas, qu’il s’agit d’un mensonge du gouvernement », rapporte Carlos Marques. A 45 ans, il fait partie du premier groupe de familles qui sont arrivées. Il est le porte-parole d’un des quatre conseils municipaux. « Nous faisons partie d’une expérience. Je ne suis pas un de ces chavistes pur et dur qui est d’accord avec tout ce que dit le président. Mais en octobre je voterai pour lui. Il a changé ma vie. »

A ce sentiment de rédemption, qui est apparemment généralisé chez les plus pauvres, s’oppose le rejet parfois féroce des plus privilégiés. Quand Chavez a été élu la première fois, on imaginait qu’il serait un révolutionnaire en politique et un réformateur bienveillant de l’économie. Une partie du patronat l’a même soutenu car le système gangrené de la IV République (1958-1999), était devenu un fléau insupportable. Elle était si corrompue qu’elle représentait même un obstacle pour les affaires.

Ce mécanisme qui a prospéré consistait en un pouvoir duopole. D’un côté l’Action Démocratique (AD) de centre gauche. De l’autre, le social démocrate Comité d’Organisation Politique Électorale Indépendante (COPEI), de centre droit. Après la chute du dictateur Perez Jimenez, en 1958, ces deux partis ont conclu un accord connu comme le Pacte de Punto Fijo, du nom de la ville où il a été signé. Des règles implacables ont été établis pour empêcher les importuns de gâcher la fête. Pendant 40 ans, l’AD et le COPEI ont vécu sur la bête.

Pétrole

Dans le cas vénézuélien, la roue de la fortune tourne grâce au pétrole. Le pays est le cinquième exportateur mondial et possède les plus importantes réserves prouvées. Jusqu’en 1976, l’exploitation a été entre les mains d’entreprises privées, principalement nord-américaines. Les hommes d’affaires locaux se sont enrichis en étant des associés minoritaires ou prestataires de services des grandes compagnies pétrolières.

Pendant le règne du capitalisme prédateur, le Venezuela a utilisé les dividendes de l’or noir pour importer presque tout ce qu’il consommait. Son niveau de développement agricole et industriel était très bas. Ceux qui avaient accès aux négoces pétroliers vivaient comme des nababs. La majorité de la population, sans travail fixe ni revenus stables, s’entassaient dans les villes et vivaient d’emplois précaires.

L’élite politique aussi en profitait. Les deux partis qui s’alternaient au gouvernement vivaient des commissions grasses qui étaient versées en échange des licences d’exploitation et autre concessions publiques. De haut en bas, le pays a été ligoté par l’un des plus grands schémas de corruption au monde.

La hausse des prix du pétrole, à partir de la crise mondiale de 1973, a conduit le président Carlos Andrés Perez, du parti AD, à nationaliser l’activité et à créer, en 1976, la PDVSA - Petroleos de Venezuela SA. Sans nuire aux intérêts des multinationales, puisque les activités de raffinage et de commerce international demeuraient entre les mains du privé, le nouveau modèle a alimenté le vol à grande échelle, en utilisant comme alibi un nationalisme de façade.

Les bénéfices engrangés grâce aux hydrocarbures et gérés directement par les hommes politiques du pacte Punto Fijo a engraissé la ploutocratie para-étatique. Elle a profité des contrats divers et variés de PDVSA. Ces barons du pétrole ont aussi renforcé leur hégémonie dans les secteurs peu risqués de la banque, de la télévision, de l’importation. L’establishment politique s’est alors confondu définitivement avec les maîtres de l’argent.

Durant ces dix ans de bien-être, les couches sociales les plus basses ont aussi reçu leur lot de bonheur. Au bout du compte, même avec les poches pleines, les politiques ont besoin de votes. Ce qui exige de satisfaire une clientèle. Le Venezuela du pétrole était un pays saoudien mais avec un régime de démocratie électorale.

Quand le cours du pétrole a chuté, à partir des années 80, le modèle a fait banqueroute. L’inflation a bondi de 7,4 % par an en 1978, à 103 % en 1996. Les intérêts de la dette ont fini par représenter 30 % du budget de la nation. Le PIB par habitant, en tenant compte de l’inflation, a reculé de presque 19 % entre 1978 et 1998. Dans le même temps, le salaire réel a perdu 48 % de sa valeur, provoquant une baisse de 25 % de la consommation des familles, alors que le chômage est passé de 4,3 % à 14,5 %.

Cependant tout le monde n’a pas été ruiné. Le secteur privé, qui auparavant vivait grassement grâce à la rente pétrolière, a compensé ses pertes éventuelles par des gains financiers en or. Et ce, grâce aux taux d’intérêts que l’État a concédé en mettant sur le marché des titres de la dette publique. Les plus de 30 milliards de dollars envoyés à l’étranger entre 1984 et 1998 sont la preuve de cette abondance alors que le pays agonisait.

Le transfert accéléré des ressources publiques vers les groupes privés durant les gouvernements pré-Chavez, a été accompagné de l’une des versions les plus radicales du programme d’ajustements recommandés par le FMI (Fond Monétaire International) : révision des tarifs des services publics, coupe des aides sociales, privatisation des entreprises publiques.

Le fait est que, quand l’actuel président est arrivé aux affaires, il a fait face à une économie brisée et une société décomposée. Dix pour-cents de la population, qui représentait alors de 23 millions d’habitants, intégraient la patrie du pétrole et de la finance. Les 90 % restant ont vu leur niveau de vie dégringoler, détérioré par le chômage, le blocage des salaires et l’élimination de leurs droits. La majorité de ces personnes ont donné leur aval pour enterrer la IV République et lancer un impétueux processus de changement.

L’initiation

Le premier pas du nouveau régime, renommé V République à partir de la Constitution de 1999, a été d’exploser le système politique dont il héritait. Adossés à une majorité parlementaire, les partisans de Chavez ont pu adopter une série de mécanismes plébiscitaires et de participation politique, qui ont détoné le contrôle institutionnel exercé par le bipartisme. Les forces déroutées par le chavisme ont perdu leur hégémonie sur l’assemblée nationale, le pouvoir judiciaire et les forces armées.

Les nouvelles règles du jeu ont permis que des consultations improbatives, via référendums, puissent être convoquées par le président, le parlement ou par initiatives populaires avec un minimum de signatures. Les mandats législatifs ou administratifs ont pu être révoqués par vote populaire. Les lois ont pu être approuvées sans l’aval du parlement, si elles ont été entérinées par les urnes.

Cette offensive politique a affaibli les secteurs les plus conservateurs. Fin 2001, Chavez s’est senti assez fort pour lancer ses premières réformes structurelles dans l’économie. Les principales ont été la Loi des Terres (qui a fixé les paramètres de la réforme agraire) et la Loi des Hydrocarbures (qui a augmenté les impôts sur les entreprises privées et le contrôle du gouvernement sur l’activité pétrolière).

La réaction de l’opposition et des grands groupes économiques a été immédiate. Elle a convoqué la classe moyenne dans la rue et incité les militaires à se rebeller contre le gouvernement. Profitant de sa main mise sur les moyens de communication, ces cercles ont créé un climat de chaos et se sont lancés dans la tentative de coup d’État d’avril 2002. L’aventure a duré moins de 48 heures. Les militaires légalistes encouragés par des centaines de milliers de manifestants dans les rues, ont restitué son mandat constitutionnel à Chavez.

Une nouvelle révolte insensée s’est produite à la fin de l’année 2002. Les patrons ont paralysé l’économie du pays. Au centre de cette grève, PDVSA, encore sous le contrôle de directeurs et de gérants qui refusaient d’obéir au gouvernement. A nouveau le président a gagné le bras de fer à la suite d’une bataille de 60 jours. A la suite du coup d’État d’avril, les mouvements adversaires au sein de l’armée se sont dissouts. La paralysie pétrolière surmontée, Chavez a finalement réussi à prendre les commandes de l’entreprise publique, malgré la démission de 32 000 fonctionnaires qui avaient adhéré au blocus.

L’opposition a encore trouvé la force de convoquer, en 2004, un référendum révocatoire afin de destituer le président par voie constitutionnelle. D’ailleurs, dans le Venezuela de Chavez noirci par ses ennemis, qui qualifient le président de despote, 20 % des électeurs peuvent plébisciter un scrutin pour limoger le chef de l’État. Malgré ce nombre de signature minimale, l’opposition a été battu lors de la consultation populaire. Le président a poursuivi son mandat et a été réélu en 2006, avec plus de 60 % des voix.

Test de Chavez

Cette administration prend fin en janvier 2013. La troisième, du leader bolivarien (la première n’a duré qu’un an et demi, 1999-2000, et s’est terminée après la promulgation de la nouvelle Constitution). Lors des cinq années suivantes, il a surtout mené une révolution politique. Il a éloigné les vieilles élites du pouvoir et dérouté leurs attaques anticonstitutionnelles. Ces six dernières années, il s’est engagé dans la construction d’un nouveau projet économique et social que les urnes jugeront en octobre.

Le président a ouvert de nombreux chantiers. La première de ses inventions : les missions sociales. Elles sont principalement destinées à affronter les déficiences des systèmes de santé et scolaire. En même temps, il a accéléré le processus de nationalisation qui a commencé par le secteur pétrolier. Il a aussi touché d’autres secteurs stratégiques comme le système financier, la sidérurgie et les communications. Mais aussi d’autres moins importants : comme la distribution et les services. Une partie des bénéfices de PDVSA, de l’augmentation des impôts et de la dette publique ont servi à acquérir ces entreprises.

La stratégie de Chavez, depuis 2006, est baptisée de « socialisme du XXI siècle ». Elle repose sur un État fort, pourvoyeur de droits et régulateur de l’économie. Un État qui détient les moyens de production et participe significativement à leur gestion. L’élimination des capitalistes n’est pas une finalité comme elle a pu l’être lors d’autres expériences socialistes. Ses opposants, d’ailleurs, ont pris l’habitude de le critiquer d’avoir créé la « bolibourgeoisie ». Des entrepreneurs attelés au gouvernement et au projet bolivarien. De toute façon, il est indéniable qu’en nageant à contre courant, en rejetant les idées néolibérales triomphantes qui ont suivi le collapse de l’Union Soviétique, Chavez a attiré l’attention du monde sur son pays.

Cette attention s’explique actuellement par la polarisation politique et idéologique entre le Venezuela d’un côté, et les Etats-Unis et autres puissances occidentales de l’autre. Les conflits internes avec l’opposition attise aussi la curiosité mondiale. Défenseur de l’intégration latino-américaine et d’une géopolitique, qui ignore la suprématie exercée par la Maison Blanche, le président vénézuélien est devenu un acteur important sur la scène internationale. La récente filiation de son pays au Mercosul, célébrée le 31 juillet, atteste ce caractère instigateur.

Mais le Venezuela de Chavez mérite d’être exploré au-delà des batailles d’idées. Les résultats de ces presque 14 ans de gestion ne peuvent pas être ignorés. Malgré les problèmes, comme les difficultés rencontrées dans la diversification de l’outil industriel ou l’augmentation de la criminalité dans les grandes villes, le pays a conquis des succès notables. L’Unesco l’a déclaré libéré de l’analphabétisme. Ce n’est pas rien. Ou encore, selon le Cepal et l’indice Gini, le pays détient la meilleure distribution de revenus d’Amérique du Sud. Il affiche aussi le salaire minimum le plus élevé de la région selon les chiffres de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Il peut aussi se féliciter d’avoir connu la plus forte accélération de l’IDH (Indice de développement humain) du continent lors des dix dernières années, information relayée par un récent rapport des Nations Unies.

De la patrie fondée par Simon Bolivar jaillit désormais plus que du pétrole. Les expériences et changements, que l’on soit pour ou contre, sont des sujets importants pour ceux qui veulent discuter avec sérieux les défis de notre époque.

Les missions réorganisent les services publics et luttent contre la pauvreté

L’opposition reconnaît que le programme est efficace et qu’il a marqué des points. Elle crie cependant à la « manipulation politique »

La voiture s’éloigne du centre de Caracas par l’autoroute qui mène à la ville de La Guaira. Il suffit de quelque minutes et le paysage se transforme. Plus tôt, les immeubles et les panneaux publicitaires occupaient tout l’espace. Maintenant à Catia, dans la banlieue de la capitale, c’est l’agglomérat de constructions simples qui attire l’attention. Dans cette mer de maisons en briques empilées les unes sur les autres, se détache un immeuble rouge et blanc flambant neuf. « J’ai déménagé il y a seulement 15 jours », raconte Suyin Morales en ouvrant la porte de l’ascenseur.

« Soyez les bienvenus au A4-03 », dit-elle avec le sourire en entrant dans son appartement, l’un des quarante de ce lotissement érigé avec l’argent de Gran Misión Vivienda. Lancé en 2011, ce programme du gouvernement vise à multiplier l’offre de logements. C’est un trois pièces de 70 m². Un salon, deux chambres, une cuisine américaine et une salle de bain. « Les autorités ont livrés tous les meubles », affirme Suyin, qui vivait dans la rue avant d’emménager ici. « J’ai tout perdu lors d’une inondation, même ma maison. Je me suis retrouvée dans un abri avec mon mari, mes filles et mes petits-enfants. On était huit dans ce trou », se souvient-elle.

Deux longues années se sont écoulées avant de recevoir l’appel du ministère du Logement et de l’Habitat. Mais si Suyin possède aujourd’hui sa maison, les calculs du gouvernement soulignent un déficit de logement dans le pays. Il manque plus de 2,7 millions de résidences, 3 742 226 foyers sont en attente d’un logement - 73,6 % ont besoin de nouvelles maisons. « C’est la première fois qu’un gouvernement donne des maisons aux gens gratuitement. Avant on n’aidait pas les plus pauvres », souligne Suyin.

Selon les estimations du gouvernement, de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et d’autres organisations internationales, le nombre de pauvres est passé de 36 % à 66 % de la population entre 1984 et 1995. L’extrême pauvreté a triplée : de 11 % de la population à 36 %. Par ailleurs, entre 1981 et 1997, la participation des pauvres à la richesse du pays a reculé de 19,1 % à 14,7 %. Au même moment, celle des riches augmentait de 21,8 % à 32,8 %.

En 1998, 70 % de la population n’avait pas accès au service de santé ou n’était couvert par aucun système de mutuelle. La majorité des adolescents et des jeunes avait déserté l’école. C’est dans ce scénario et dans un contexte de profonde crise sociale, que les Missions ont été crées.

Mariana Bruce est professeur d’Histoire à l’Université Fédérale Fluminense (UFF), au Brésil. Dans sa thèse sur les Missions, elle explique que ces programmes se structurent « dans le souci d’allier les réformes sociales à l’encouragement des classes populaires à agir de manière organisée ». Selon elle, il s’agit « plus qu’un programme d’assistance, il a été pensé comme l’un des principaux instruments à l’origine de la construction d’un nouveau modèle social et économique ».

Financées avec les pétrodollars, les Missions ont surgi alors que se jouait un conflit politique acéré. Le gouvernement était encore sous le choc du coup d’État d’avril 2002 et de la paralysie du pays fomentée par les patrons en décembre 2002. Les transformations sociales de grande envergure se faisaient attendre et les Vénézuéliens étaient mécontents. Dans le but de refonder et consolider sa base politique et électorale, le président Hugo Chavez a misé sur les Missions.

Lors d’un entretien avec Fidel Castro, le leader vénézuélien lui a demandé de soutenir son plan. « Je lui ai dit : "Écoute, j’ai une idée, il faut attaquer avec toutes les forces" », a rapporté Chavez en novembre 2004. « Il m’a répondu : "Si il y a une chose dont je suis sûr, c’est que tu peux compter sur mon soutien". Alors, des médecins ont commencé à arriver par centaines, un pont aérien a été lancé, il y avait des avions dans tous les sens ».

Les Missions

La Mission Barrio Adentro, dont l’élaboration est mentionnée dans l’entretien entre Chavez et Fidel, a initié l’ère des Missions au Venezuela. Mais la coopération entre les deux pays et la réelle origine de la Mission Santé remontent à 1999. Cette année là , des volontaires cubains se sont rendus au Venezuela lors d’un voyage humanitaire, après une catastrophe naturelle qui avait touché dix états. C’est la première Mission.

Au début, des familles vénézuéliennes hébergeaient les médecins cubains. Le projet se développant, le gouvernement leur a construit des petites maisons de deux étages dans les villes du Venezuela qui avaient le plus besoin d’aide. Les Cubains y dispensaient des soins basiques, des examens de santé, organisaient campagnes de vaccination. L’objectif était de prévenir la propagation des infirmités et de désengorger les couloirs des hôpitaux.

Au 17 avril 2012, la Mission Barrio Adentro a fêté ses neuf ans d’existence. Le gouvernement revendique 500 000 consultations médicales gratuites. Plus de 8 000 médecins vénézuéliens ont été formés dans l’Université Bolivarienne du Venezuela (UBV) grâce à l’expansion du projet.

Les Missions ont obtenu des résultats significatifs aussi dans le domaine de l’éducation. L’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a déclaré en 2006 que le Venezuela avait éradiqué l’analphabétisme, trois ans après le lancement de la Mission Robinson. Ce programme a appris à 1,6 millions de Vénézuéliens à lire et écrire. Cette Mission a aussi compté sur le soutien cubain qui a envoyé des professeurs, des technologies et une méthode d’alphabétisation, la « Yo si, puedo ».

La Mission Robinson a été suivie par la Mission Robinson II. Son objectif : permettre aux Vénézuéliens de poursuivre leurs études jusqu’au collège. En 2003, la Mission Ribas est lancée à son tour. Elle se consacre aux collégiens et lycéens. Enfin, la Mission Sucre boucle le cycle scolaire. Elle offre l’accès aux études universitaires et fonde l’UBV.

Les Missions Plus grand amour et Enfants du Venezuela sont plus récentes. La première cible les personnes âgées. La seconde porte sur la redistribution de revenus à des adolescentes enceintes, à des mineurs en situation de pauvreté et à des personnes de tout âge souffrant de handicaps. Le gouvernement pense ainsi aider 1 500 543 Vénézuéliens qui n’ont jamais pu cotiser pour leur retraite auprès de l’Institut Vénézuélien de la Prévoyance Sociale (IVSS selon le sigle en espagnol). Toujours selon le gouvernement, 216 492 personnes âgées sont déjà bénéficiaires du projet. Ils perçoivent chaque mois un salaire minimum (environ 320 euros). Trente milles participants de la Mission Enfant du Venezuela touchent, eux, entre 80 euros et 110 euros par mois.

Critiques

Le succès des Missions est l’un des piliers de la popularité du président Hugo Chavez. Face au succès, l’opposition, qui a d’abord critiqué farouchement l’initiative, assure maintenant que ces programmes seront maintenus en cas de victoire aux élections. Tout en remettant en cause certains aspects du contrat. « Les Missions doivent être un engagement pour la transformation sociale. Elles sont devenues des instruments de la révolution chaviste, du socialisme », regrette Leopoldo Lopez, ex-maire de Chacao et membre du parti Volonté Populaire. « On doit gouverner pour tous les Vénézuéliens, pour les riches aussi, et pas seulement pour certains segments de la population. »

Le choeur de l’opposition est renforcé par la voix de certains spécialistes. Selon Yolanda D’Elia et Luis Francisco Cabezas, chercheurs vénézuéliens à l’Institut Latino-americain de Recherches Sociales, « les Missions ne sont plus un dispositif pour affronter les épreuves politiques et économiques. Elles sont devenues un mécanisme de contrôle politique et social au service de la propagation de la révolution ». Ils pensent que ce changement s’est transformé en obstacle pour l’approfondissement et l’institutionnalisation des Missions. Ce qui se reflète dans leur qualité et leur quantité.

Les problèmes que pointe l’opposition, le gouvernement les analyse comme des percées. « Les Missions ont permis de rompre avec le mécanisme d’un État bureaucratique, vertical et éloigné du peuple », affirme Aristobulo Istúriz, vice-président de l’Assemblée Nationale et du PSUV. « Il ne s’agit pas seulement de mettre en oeuvre des politiques sociales, mais aussi d’aider les gens à se prendre en main, à s’organiser seul afin de transformer leurs communautés en espaces de pouvoir et de participation. »

L’insécurité, préoccupation principale de la majorité des Vénézuéliens

Une étude indique cependant que le sentiment d’insécurité progresse plus que le nombre de victimes de la criminalité

Anxieux, le garçon hésite avant de commencer à témoigner. Il regarde avec curiosité la caméra, respire et attend que le bruit des klaxons du quartier du 23 de Enero - l’un des plus peuplés et des plus pauvres de Caracas - le laissent parler. « Ca enregistre ? Bon. Je m’appelle Andrés López, j’ai 15 ans, et la seule chose que je voudrais changer au Venezuela, c’est la peur de la violence », dit-il. « Si tu traînes dans la rue, on va te voler, on va t’enlever, c’est ce que ma mère me répète tous les jour. C’est une atmosphère de terreur. »

Les inégalités sociales ont significativement diminué depuis l’arrivée de Hugo Chavez au pouvoir. Et l’insécurité reste un thème majeur. Selon un sondage de l’institut de statistiques chiliens, Latinobarometro, pour 61 % des Vénézuéliens il s’agit de la première préoccupation. C’est aussi le principal cheval de bataille de l’opposition contre le président. Certains assurent que l’insécurité a augmenté depuis l’élection du leader vénézuélien. D’autres soulignent qu’elle a toujours été un phénomène préoccupant.

« Il y a des groupes d’habitants qui protègent leur zone de manière anormale avec des pistolets et des armes », poursuit Andrés, en faisant allusion aux milices armées qui circulent dans les quartiers de Caracas. « Au bout du compte, ils terrorisent les gens. La paix n’existe pas au Venezuela ». De fait, le Venezuela est l’un des pays les plus violents au monde avec un taux de 49 homicides pour 100 000 habitants, selon les chiffres du gouvernement et de l’Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC).

« Parmi les dix pays avec les taux d’homicides les plus élevés, on constate que huit sont latino-américains. Le Venezuela figure en cinquième position. Ce qui prouve que les mesures sociales ne sont pas suffisantes pour diminuer les indices de violence et de criminalité », a admis Chavez au mois de juin lors du lancement de Gran Misión a toda Venezuela. Un programme gouvernemental qui vise à diminuer la violence. Le budget total du projet se monte à 287 millions de bolivars (environ 54 millions d’euros).

« Entre 60 % et 70 % des crimes sont commis par des jeunes. L’objectif de cette mission est de réduire la formation de délinquants. Des jeunes, qui malheureusement finissent par commettre des crimes », a expliqué le ministre de l’Intérieur, Tarek El-Aissami. En mai, le gouvernement a annoncé une autre mesure de sécurité publique : l’interdiction de vendre des armes aux civils. « Au Venezuela, plus de 90 % des homicides sont perpétrés avec des armes à feu. Ce qui nous oblige à adopter des mesures radicales pour traiter cette question », insistait El-Aissami à l’époque.

En plus de la grande quantité d’armes en circulation, l’influence du crime organisé et la corruption des corps de police sont d’autres facteurs d’inquiétude. A cet égard, La création de la Police Nationale Bolivarienne a été l’une des principales mesures du gouvernement vénézuélien. Il a aussi lancé « l’Indice Global des Corps de Police au Venezuela ». Plus de 170 indicateurs vont mesurer l’efficacité, le respect des droits de l’homme et diverses autres données liées à l’activité. L’Université Nationale Expérimentale de Sécurité a aussi été fondée. Les nouveaux policiers y suivront leurs études supérieures.

Thème de campagne

Aucune de ces mesures ne semblent calmer les accusations de l’opposition, qui a choisi la sécurité publique comme principale thème de campagne pour l’élection présidentielle. « Chavez prétend que la violence trouve ses origines dans le capitalisme, dans les feuilletons des chaînes de télévision, dans les gouvernements antérieurs. Jamais il n’assume ses responsabilités », affirme Leopoldo Lopez, ex-maire de Chacao, dirigeant du parti Première Justice, et principal meneur de la campagne du candidat de l’opposition, Henrique Capriles. « C’est évident, on a perdu le contrôle de la situation ».

Selon les chiffres de López, il y a eu 150 000 homicides durant les 14 années du gouvernement Chavez. De ce total, 140 000 n’auraient pas été résolus. Et les cas d’enlèvements auraient augmenté de 2 500 %.

L’Observatoire Vénézuélien de la Violence (OVV) décrit aussi un scénario alarmant. Le gouvernement accuse cependant cette ONG d’être financée par l’opposition. En 1999, au début du mandat de Chavez, le pays aurait enregistré chaque année 6 000 homicides environ. En 2011, cet indice est passé à 19 300 assassinats, selon l’OVV.

Le sentiment d’insécurité

Selon un enquête menée par Latinobarometro, le sentiment d’insécurité, en hausse, serait en décalage par rapport aux indicateurs réels. L’indicateur, qui calcule le pourcentage de foyers dont l’un des membres a été victime d’un délit lors des douze derniers mois, serait retombé à son niveau historique normal, 31 % en 2011. Entre 2001 et 2007, cet indicateur avait atteint 50 %. Pourtant, le sentiment d’insécurité est en hausse de 8 % depuis 2003. Pour 61 % des sondés, c’est une question majeure.

Ce décalage que les autorités gouvernementales attribuent en partie à l’exploitation du thème par les médias anti-Chavez, se répercute de manière différente dans les différentes couches de la population. Pour la classe moyenne et les plus riches, la violence est devenue un motif fondamental pour remettre en cause le président vénézuélien. Parmi les plus pauvres, le gouvernement national se partage la responsabilité avec les administrations régionales et municipales, souvent entre les mains de l’opposition.

La poussée du thème dans l’opinion publique a, de toute façon, fait de la violence urbaine une question de première importance dans les plans chavistes. Le lancement de Gran Misión a toda Venezuela témoigne de cette nouvelle focalisation qui provoque des polémiques sur le contenu du programme.

L’opposition réclame plus de répression et de policiers dans les rues. Elle dénonce aussi férocement la corruption des actuels appareils de sécurité. Même si le gouvernement met en place des politiques qui renforcent la présence policière, il continue d’associer la lutte contre la criminalité à l’amélioration des indicateurs sociaux. Il assure une présence forte de l’État dans les quartiers les plus sensibles en offrant des services et des nouvelles perspectives.

Pour Andrés Antillano, professeur de l’UCV (Université Centrale du Venezuela) et criminologue, les solutions doivent prendre en compte la récupération des espaces publics. « L’origine de la violence est sociale et elle est essentiellement présente chez les plus pauvres », affirme-t-il. « C’est la raison pour laquelle elle doit être combattue avec des politiques sociales et une organisation politique, de concert avec les interventions policières ».

Pays le moins inégalitaire d’Amérique du Sud, le Venezuela est la scène d’un affrontement politique fort

Ce phénomène existe alors que l’écart entre les revenus les plus bas et les plus élevés a diminué et que les plus riches ont maintenu leur niveau de vie

Dans les cercles des sciences politiques, lorsqu’il s’agit d’étudier le comportement des électeurs, un paradigme fait l’unanimité : la diminution des inégalités sociales et la consolidation de la classe moyenne tendent à amollir le débat idéologico-politique. Cependant celui qui appliquerait cette logique au Venezuela, se mettrait le doigt dans l’oeil. La dispute entre les camps chavistes et antichavistes s’exacerbe alors que le pays devient socialement plus homogène. Le Venezuela arrive même au top du classement de la distribution des revenus en Amérique du Sud.

« La politisation de toutes les classes sociales s’est radicalisée depuis l’élection du président Chavez et conduit à un positionnement qui va au-delà des intérêts immédiats des différents segments de la société », analyse Jesse Chacon, directeur du Groupe de Recherche Sociale XXI siècle (GIS XXI). « Ici la gauche et la droite, gouvernement et opposition sortent dans la rue pour débattre de projets de portée nationale qui dépassent les revendications ponctuelles, les bénéfices économiques ou les avancées sociales ».

Jesse Chacon a participé à la rébellion militaire de 1992, quand l’actuel président a tenté de faire tomber la IV République. Chacon était alors un jeune lieutenant qui, comme son chef, a fini derrière les barreaux. Ingénieur en informatique et diplômé en télématique, il a déjà occupé les fauteuils de ministre des Télécommunications, de l’Intérieur et de la Science et Technologie de l’actuel gouvernement. A 46 ans, il étudie désormais les dynamiques politiques et sociales au Venezuela.

« Les propriétaires des moyens de production sont en train de perdre la main mise sur le pouvoir politique. Il s’agit du point de tension centrale, qui provoque une réaction des couches sociales les plus favorisés et de leurs sympathisants », souligne-t-il. « Le revenu moyen de 20 % des plus riches n’a pas été affecté. Son style de vie non plus. Mais ils perçoivent qu’ils ne tiennent plus les rennes de l’État et de la société, ce qui leur fait peur et les enrage ».

Un large répertoire de mesures sociales et de politiques de distribution a été destiné aux plus pauvres. Pourtant, leur comportement est également dicté par des motivations qui extrapolent les conquêtes ou les attentes économiques. L’embrasement de ces couches sociales avec en toile de fond l’amélioration des conditions de vie, est aussi attisé par le président qui, sans cesse, s’efforce de mener des batailles d’idées et de valeurs.

Depuis le début de son gouvernement, mais de manière plus ample depuis le coup d’État en 2002, Chavez s’attache à occuper le maximum d’espace dans les médias. Son discours est presque toujours articulé de manière à confondre chaque mouvement de son gouvernement au processus révolutionnaire. En même temps, il sème chez ses sympathisants un sentiment de répulsion contre les adversaires des changements en cours.

Contraire à la logique de conciliation, le président a fait un pari pédagogique qui semble tenir ses promesses. Plus la polarisation est grande, plus la confrontation des points de vue est limpide, plus il est facile de créer une base de soutien forte et mobilisée. Pour les bons et les mauvais moments.

Au début, le fil conducteur de la pédagogie chaviste a été de ressusciter l’histoire et la pensée de Simon Bolivar, le patriarche de l’indépendance vénézuélienne, chef politique et militaire de la guerre anticolonialiste contre les Espagnols au XIXème siècle. En s’engageant sur cette voie, Chavez a imprimé une forte marque nationaliste à son projet, qui affronte les nouveaux seigneurs coloniaux (les États-Unis) et leurs alliés de l’intérieur (l’élite locale).

Petit à petit, la syntaxe du socialisme historique s’est ajoutée au bolivarisme original. Cet amalgame entre les racines nationalistes et les valeurs de gauche a été largement repris comme un code culturel qui dessine le visage et donne la couleur des réalisations politiques du gouvernement. Le président refuse ainsi la recette à la mode dans les courants progressistes pour qui la politique est une question d’efficacité. Pour utiliser le vieux jargon, Chavez est un politique de lutte des classes sur laquelle il parie pour isoler et dérouter ses ennemis.

L’opposition, confortée par son emprise sur les moyens de communication, a elle aussi misé sur l’affrontement ouvert. En plus de ses recours médiatiques, elle a toujours pu compter sur les forces économiques et les relations internationales pour mobiliser les classes moyennes contre le gouvernement. Même après le putsch et le blocus de 2002, à l’apogée de la polarisation, les partis antichavistes ont poursuivi une stratégie de collision.

La classe C

Mais les deux camps doivent actuellement prendre en compte un nouveau phénomène. Plus de 30 % de la population a changé de couche sociale. Ils ont migré des segments les plus pauvres vers ce que la sociologie des enquêtes démographiques appelle la classe C - à proprement parler ils ont intégré la classe moyenne.

Si par le passé elle a opposé une résistance absolue aux questions sociales, l’opposition est obligée de reconnaître certaines avancées. Dans sa campagne, Capriles promet de préserver les Missions sociales. Cependant, son plan de gouvernement propose en même temps d’éliminer le Fondem, le fond qui finance les programmes sociaux grâce aux pétrodollars. Par ailleurs, le candidat modère relativement son message pour dialoguer avec les segments qui ont tiré profit de la V République.

Côté gouvernemental, surgissent aussi de nouvelles questions. « Disputer les coeurs et les esprits de ce nouveau contingent de la classe moyenne demeure le problème du processus révolutionnaire », affirme Jesse Chacon. « Nombreux sont ceux qui se sont élevés socialement grâce aux initiatives gouvernementales mais qui ont embrassé les valeurs morales et culturelles des élites dont le mode de vie est leur référence ». L’ex-militaire pointe spécialement la préservation des aspirations consuméristes, le rejet des projets et des organisations collectifs, la négation de l’identité originale de classe et parfois même de race.

Les diverses enquêtes, celles du GIS XXI ou celles d’instituts proches de l’opposition, décèlent l’émergence ces dernières années d’un groupe d’électeurs auquel on se réfère de façon informelle comme les ni-ni. C’est-à -dire ceux qui ne s’alignent pas automatiquement sur les positions de Chavez, ni sur celles de ses ennemis. La majorité fait partie des classes ascendantes.

Les ni-ni représentent aux alentours de 40 % des électeurs, la même proportion que les indéfectibles électeurs pro Chavez, contre 20 % de fidèles à l’opposition. La gauche, cependant, recueille des résultats qui dépassent ses frontières grâce à la combinaison de deux facteurs. D’une part les programmes du gouvernement (principalement celui lié au logement) contentent la population. D’autre part le cancer de Chavez crée un climat affectif de solidarité. Le président avoisine dans les sondages les plus fiables 60 % des intentions de vote pour le scrutin d’octobre. Il ouvre un écart de 15 % à 30 % face à son adversaire.

Ces chiffres indiquent que les ni-ni se répartissent entre les deux pôles. Bien que la tendance semble favorable à une réélection tranquille du président sortant, la chasse aux voix de cet électorat demeure frénétique. « Si la campagne de Chavez réussit à conquérir une partie plus significative de ce segment, un avantage plus expressif encore pourra être construit », souligne Jesse Chacon.

Stratégies

L’un des aspects de la stratégie pour venir à bout des résistances de ces secteurs hybrides, est de démonter l’un des arguments en grande partie construit par les moyens de communication liés à l’opposition : Chavez voudrait en finir avec la propriété privée et voudrait que toute l’activité économique soit entre les mains de l’État.

« Le processus révolutionnaire a augmenté le nombre de propriétaires dans le pays, principalement depuis la réforme agraire », affirme le directeur du GIS XXI. « Le programme de la Révolution se bat contre les monopoles et renforce l’État. Mais il ouvre un espace à différents types de propriétés, de caractère privé, coopératif ou social. Le gouvernement doit mieux définir le rôle de ces modèles pour torpiller l’image d’un État fondamentaliste que l’opposition tente de vendre ».

Le candidat de l’opposition est confronté au problème inverse. Représentant une alliance dont les soutiens sont de puissants hommes d’affaires (comme la brasserie Polar, le groupe agro-industriel Mavesa et agro-alimentaire Alfonso Rivas entre autres), Capriles doit convaincre qu’il est capable de prendre à son compte une partie au moins des mesures, qui depuis 1999 favorisent 80 % des électeurs qui ne sont pas des classes A et B.

Cependant son programme ne l’aide pas beaucoup. Même s’il a modéré ses critiques à l’égard des politiques sociales du président, il est un défenseur impétueux des privatisations. Il ne parle pas seulement de réduire l’État, de revenir sur les nationalisations ou d’en finir avec le contrôle de l’État sur la PDVSA. Il défend explicitement que les grands propriétaires terriens expropriés récupèrent leurs exploitations. « Premièrement, nous devons en finir avec les expropriations, ramener la sécurité dans les campagnes et que le gouvernement restaure la confiance », a affirmé Capriles lors d’une récente conférence de presse.

Indépendamment du résultat, l’administration de Hugo Chavez a réussi un fait qui mérite d’être observé de près par les analystes politiques. A l’inverse de ce qui se passe dans la majorité des pays, le marketing n’a pas domestiqué la politique et occulté le débat d’idées pour coller aux attentes de l’électeur. Au Venezuela, même les impératifs électoraux ne diluent la bataille frontale entre programmes.

Les plus pauvres forment la base électorale de Chavez

Les politiques sociales, les créations d’emplois et la redistribution des richesses ont sorti de la pauvreté près neuf millions de Vénézuéliens.

Rabin Azuaje chemine vers les 70 ans mais sa foulée est toujours vigoureuse. Alors qu’il monte et descend les ruelles du quartier 23 de Enero, l’ancien professeur de théâtre se souvient des années qui ont précédé l’arrivée de Hugo Chavez au pouvoir. « A l’époque, sous les gouvernement de Carlos Andrés Pérez (1974-1979 ; 1989-1993) et Rafael Caldera (1969-1974 et 1994-1999) par exemple, ici c’était une espèce de zone expérimentale pour la répression », se rappelle ce communiste, militant depuis qu’il a douze ans. « Ils testaient tout type d’armement contre nous ».

Le 23 de Enero, comme tous les quartiers pauvres de Caracas, étaient des bastions de résistance contre les administrations des partis conservateurs AD et Copei. « La voix du pauvre n’a jamais été entendu. Tout le monde pouvait voter, mais personne ne répondait à nos besoins », souligne Rabin Azuaje. « Avec Chavez, c’est la première fois qu’un président fait construire des maisons pour les plus démunis. Grâce à lui, nous avons commencé à comprendre que nous étions la majorité et que nos intérêts devaient guider les politiques du pays ».

Cette perception se matérialise à la lecture des données de l’Institut National de Statistiques (INE). Jusqu’en 1998, 50,8 % de la population étaient considérés pauvres, 20,3 % extrêmement pauvres. En douze ans, ces indices ont respectivement chuté à 31,9 % et 8,6 % de la population. Pour être plus précis : 71,1 % des habitants étaient pauvres ou misérables au début de l’actuelle administration. De ce contingent, 43 % ont migré vers les classes sociales au-dessus. Plus de 30 % de la population a changé de classe socio-économique. Ce qui n’est pas rien.

Une étude récente de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc) montre que le Venezuela est actuellement le pays d’Amérique Latine qui présente le moins d’inégalités sociales. Elle affiche un coefficient Gini de 0,394. Plus l’indice est proche de zéro, plus les inégalités sont réduites. L’héritage qu’a reçu Chavez des gouvernements conservateurs était bien pire. L’indice était alors de 0,487.

L’augmentation du salaire minimum a été l’un des principaux instruments pour soutenir la redistribution des richesses. Quand Chavez a remporté les élections en 1998, le salaire légal le plus bas était équivalent à 182 dollars. En septembre 2012, il approchera les 480 dollars. Ajouté à l’assistance alimentation, un droit pour tous les salariés, le montant frôlera les 480 dollars. Le salaire minimum le plus élevé d’Amérique Latine selon l’Organisation Mondiale du Travail (OIT). En deuxième position, vient l’Argentine (530 dollars). Avec 250 dollars, le Brésil n’occupe que la neuvième place.

Chavez dispose d’un autre atout important en ce qui concerne le monde du travail. Il a fait reculer significativement le chômage. Au moment de la transition, en 1999, le chômage touchait 14,4 de la population. Durant la crise politique de 2002-2003, quand l’opposition a tenté un putsch civique-militaire et a paralysé l’économie en bloquant les centres de production, presque 20 % des Vénézuéliens se sont retrouvés sans emploi. Malgré la crise mondiale, la taux de chômage se situe à 7,5 % aujourd’hui. Par ailleurs 56 % des contrats de travail sont déclarés, légaux. Contre 49 % en 1998.

L’augmentation des revenus et la création d’emplois explique la dévotion que vouent les plus pauvres à Chavez. Mais pour bien comprendre les raisons économiques et sociales de cette dévotion, il faut prendre en compte la croissance débridée des investissements dans les programmes sociaux. Lors des douze ans qui ont précédé son gouvernement, 73,5 milliards de dollars avait été consacrés au social. Entre 1999 et 2011, ce chiffre a bondi à 468,6 milliards.

Adoration

Il n’est pas rare d’observer à Caracas des drapeaux et des affiches avec le visage du " Comandante" sous fond rouge, la couleur qui caractérise Hugo Chavez. Dans le centre de la capitale, de nombreuses boutiques vendent des pin’s, des t-shirts, des mugs. Il y a même de poupées en plastique à l’image du président qui répète ses discours et des chansons que Chavez entonne.

Les provocations contre « les immondes », comme Chavez appelle ses adversaires de l’opposition, sont commémorées et reproduites par ses disciples. Exemple de ceci en juin. Henrique Capriles du parti de l’opposition MUD (Table pour l’Unité Démocratique) et candidat aux élections présidentielles, organise une marche dans les rues de La Guaira, dans l’état de Vargas. En arrivant chez une habitante, la femme le reçoit avec la photo portrait de Chavez entre les mains. « Ici nous sommes tous des rouges et petits rouges », lance la chaviste devant les caméras, abandonnant le prétendant « bleu » dans une situation inconfortable.

L’histoire d’Alex

A une dizaine de kilomètres, dans une pièce, au troisième étage de la Fondation Centre d’Études Latino-américaines Romulo Gallegos (Celarg), Alex Valbuena, enseignant de 54 ans, donne un cours sur « Doña Barbara », célèbre roman de l’ancien président vénézuélien Gallegos. Publiée en 1929, l’histoire oppose la civilisation et la rudesse de la campagne. Elle met en scène des personnages victimes de leur destin mais qui continuent d’être forts et courageux. « Cette histoire parle du Venezuela », résume le professeur.

Alex Valbuena explique pourquoi il a décidé d’étudier cette oeuvre en profondeur, il y a huit ans. A l’époque, il venait d’apprendre à lire et écrire. Il travaillait comme vigile dans l’immeuble où Romulo Gallegos a vécu, dans le quartier de Altamira - l’un des plus nobles de la capitale vénézuélienne. « J’ai découvert un nouveau monde quand j’ai réussi à comprendre ce texte », dit-il. « Sans les Missions d’alphabétisation, je ferais encore probablement mes rondes nocturnes ».

Les Missions sociales ont commencé en 2003 et sont des piliers du gouvernement Chavez. Les programmes dont parle Alex Valbuena, et leur efficacité ont été salués par des organismes internationaux. Depuis 2006, le Venezuela est un " territoire libéré de l’analphabétisme" . Le pays comptait, en 2003, 1,6 millions d’analphabètes qui ont tous appris à lire et à écrire en deux ans. Selon le gouvernement, des premières personnes alphabétisées lors de la Mission Ronbinson, 65 % d’entre elles ont poursuivi leurs études grâce à la Mission Robinson II.

Alex Valbuena attribue la responsabilité de ce changement à Chavez. Comme le professeur, des millions d’autres Vénézuéliens qui se sont éveillés au long des 14 ans d’administration chaviste votent pour la continuité du projet. « Il m’a donné l’essentiel, ce qu’aucun autre gouvernement n’avait tenté de me donner. Pourquoi je voterais pour quelqu’un d’autre ? », demande l’enseignant qui poursuit ses études en maîtrise de Lettres.

La classe moyenne entre doutes et haine de Chavez

Riches et gouvernement s’empoignent pour conquérir les nouvelles classes sociales qui ont émergé en 14 ans. Une dispute qui est au centre de la politique vénézuélienne

Les arbres ombragent les rues Californie, Madrid, Paris et Londres. Elles forment avec l’avenue Rio de Janeiro l’un des plus riches districts de Baruta, localisé dans l’état de Miranda qui fait partie du Distrito Metropolitano de Caracas. L’endroit est connu sous le nom Las Mercedes. Il concentre les meilleurs restaurants de la région, une vie nocturne intense et de très beaux immeubles résidentiels.

Ici, vit une partie des Vénézuéliens qui constitue les classes sociales les plus aisées. Les 3 % de la population regroupés dans les classes socio-économiques que l’on appelle A et B. Au contraire des zones moins favorisées, sur les murs de ce quartier chic, il n’y a aucun graffiti en hommage à Hugo Chavez, à Che Guevara ou Simon Bolivar. La révolution que propose le président vénézuélien n’est pas bien vu.

A chaque élection, le gouvernement y est rejeté un peu plus. Grâce aux votes de la 2ème circonscription de Miranda, qui réunit Baruta et trois autres municipalités, la députée de l’opposition Marina Corina Machado a recueilli le nombre impressionnant de 235 259 voix, soit 41,93% des suffrages. Un record pour les élections législatives selon le Conseil National Électoral (CNE). Candidat du parti chaviste, PSUV (Parti Socialiste Uni du Venezuela), Luiz Dias Laplace n’a obtenu que 43 550 bulletins, 7,76 % des votes.

Baruta est un réduit de Henrique Capriles, du parti de l’opposition MUD. Candidat à l’élection présidentielle, il a été maire de la ville de 2000 à 2008. Ensuite, il a été à la tête de l’état de Miranda. « Ici il va remporter la majorité des voix, mais ce ne sera pas suffisant pour gagner l’élection », regrette Luiz Rodriguez, 29 ans. Dans la boîte Sabu, l’une des plus tendances de la capitale, un verre de Prosecco à la main l’homme d’affaire poursuit : « Malheureusement, Chavez a envoûté les plus pauvres qu’il a remontés contre nous ».

Styliste de 28 ans, son amie Ana renchérit : « Même s’il gagne, j’espère qu’il ne gouvernera pas trop longtemps ». La brune aux longs cheveux lisses réajuste au-dessus des genoux sa robe super moulée assortie à ses talons hauts rutilants. « En peu de temps, il meurt de son cancer et laisse à d’autres le champs libre », conclut-elle d’un sourire étincelant.

La son de la musique électronique entrecoupe la voix d’Ana, qui trouve que les conditions de vie ont vraiment empiré depuis l’arrivée au pouvoir de Chavez. « Il y a plus de violence. Aujourd’hui, il y a des enlèvements et des vols tous les jours. On m’a déjà volé trois Blackberrys », raconte-t-elle. Les téléphones de la marque canadienne qui coûtent 330 euros environ font fureur. Avec plus de 1,9 million d’usagers, le Venezuela détient le record mondial de vente de ce modèle d’appareils par habitant.

Luiz Rodriguez est d’accord avec son amie. Il déclare qu’il a peur quand il marche dans la rue. « Même quand on arrive à la porte du Sabu et qu’on se retrouve face à face avec cette espèce de macaque, on a peur d’être séquestré », invective-t-il. Sans retenue, il fait allusion au videur de la boîte, un noir de plus de 1,90 mètre. Autour de l’homme d’affaire, cinq jeunes d’une vingtaine d’années, les cheveux balayés en arrière, portent des chemises de marque. Ils dansent avec enthousiasme. Le plus animé du groupe tient un verre de Buchanan’s. Un whisky 18 ans d’âge qui coûte 150 dollars au bar de la discothèque.

D’ailleurs, la consommation de whisky explose au Venezuela. L’association internationale du secteur place le pays au sixième rang mondial des plus grand consommateurs. Avec 9,3 millions de litres par an, il est le numéro un en Amérique Latine. Le rhum est pourtant considéré comme la boisson typique vénézuélienne. Pourquoi cette préférence pour le whisky ? « Parce qu’on en a les moyens », répond Luiz Rodriguez en explosant de rire.

Dans la discothèque, les premières notes de "Gonna get your love" , interprétée par la chanteuse italienne Jenny B., mettent le feu sur la piste de danse. Se faufilant, presque invisibles parmi les jeunes, les serveurs prennent avec difficultés les commandes. « C’est vrai, nous avons toujours eu une vie nocturne bouillonnante », raconte l’homme d’affaires. « Ca ressemble beaucoup à Miami, do you know what I mean ? », conclut-il en Anglais. Dans son élan, il rapporte qu’il va fréquemment aux États-Unis mais qu’il ne connaît aucun autre pays d’Amérique Latine.

La nouvelle classe moyenne

Luiz et Ana font partie des 3 % qui haïssent le plus Chavez, leur pire ennemi. Cette couche de la population et le président se disputent l’influence des autres 17 % qui composent le reste de la classe moyenne aux revenus moins élevés. Les chercheurs les regroupent dans la classe dite C. Bon nombre de ces Vénézuéliens ont directement profité des politiques sociales de l’actuelle administration. Pourtant ils ne sont plus séduits par les programmes alimentaire ou d’aide au logement par exemple. Ils s’approprient les attentes et les valeurs du sommet de la pyramide sociale.

Selon l’Institut National de Statistiques (INE), la population au-dessus de la ligne de pauvreté a augmenté de 8,5 millions. Elle est passée de 49,6 % en 1998 (11 millions de citoyens) à 68,1 % en 2011 (19,5 millions). La ligne de pauvreté correspond à un revenu mensuel par foyer supérieur ou égal à 3 600 bolivars. Soit 680 euros environ.

Ce nombre rassemble les 3 % des classes supérieures, les 17 % des classes moyennes et les presque 50 % des classes moyennes modestes et des travailleurs, qui soutiennent majoritairement le projet porté par Hugo Chavez. L’augmentation de 198 % des inscriptions à l’université entre 1998 et 2011 est l’une des répercussions directes de cette ascension sociale. Ce qui place le Venezuela au deuxième rang des pays avec le plus grand nombre d’étudiants universitaires.

Le gouvernement fait la liste des changements qui ont directement affecté la classe moyenne. Dans le secteur immobilier, l’accès à la propriété a été rendu plus simple grâce à des crédits immobilier à bas taux. Chavez a aussi mis fin à la TVA sur les véhicules et a élargi l’accès au crédit. Le nombre de détenteurs de carte de crédit à doublé entre 1999 et 2010, avec des taux d’intérêts annuels inférieurs à 30 %.

Dans l’agro-alimentaire, le gouvernement a combattu la spéculation en contrôlant les prix des produits de base, comme le savon, la farine. Selon le Groupe de Recherche Sociale XXI Siècle (GIS XXI), 70 % de la classe moyenne vénézuélienne affirment avoir profité du Mercal, une chaîne publique de supermarché. Par ailleurs, l’assurance sociale compte plus de 1,5 millions de Vénézuéliens dans ses registres. Un bond de 400 % entre 1999 et 2011.

« Pour les plus riches, peu importe quel président est au pouvoir », analyse Jesse Chacon, ex-ministre de la Communication vénézuélien et directeur du GIS XXI. « En réalité, ils continuent de gagner beaucoup d’argent et savent très bien que s’ils ne sont pas contents, ils peuvent prendre l’avion et s’en aller quand ils veulent. Ce qui est important, c’est savoir comment va se comporter la nouvelle classe moyenne qui a surgi durant le gouvernement Chavez. En tout cas, elle est convoitée idéologiquement par les riches et le processus révolutionnaire. Cette dispute sera décisive pour la formation d’une majorité forte qui contribuera à la marche de la révolution ».

La démocratie provoque la polémique en pleine campagne électorale vénézuélienne

L’opposition critique Chavez pour une présumée violation des libertés. Le parti du président revendique que le système actuel a été le plus participatif de l’histoire

Assis à des tables d’écoliers, dix membres des conseils municipaux du quartier 10 de Enero, à Caracas, débattent de la création d’une entreprise de manutention des ascenseurs pour le voisinage. Les conseillers, qui l’auront créée, en seront les propriétaires. Ils pourront compter sur le financement et l’appui technique du gouvernement national et de ses institutions. La nuit est tombée. Les participants de la réunion vont discuter des statuts de la société qu’ils souhaitent créer.

« Ce qui est sûr, c’est qu’elle sera administrée par la communauté », souligne Darwin Jaimes, conseiller de Las Palmas 1320. « Aucun gouvernement ou homme d’affaires ne pourra prendre possession de l’entreprise ». Cette aspiration n’habite pas seulement ce traditionnel quartier de Caracas. Depuis l’approbation des lois dites du pouvoir populaire en décembre 2010, de nombreuses initiatives similaires ont été enregistrées.

Les partis de l’opposition critiquent ce nouveau modèle qui permet à l’État de repasser directement à ces organisations de quartier des recours et des attributions. Ils estiment que ce mécanisme vide les administrations régionales et municipales, dans lesquelles ils conservent une forte présence et que ce mécanisme centralise plus de pouvoirs entre les mains de l’exécutif national.

Les défenseurs de cette politique ne se donne même pas la peine de réfuter la thèse de la purge des anciens corps administratifs. « Nous voulons remplir le pays de communes », affirme Aristóbulo Istúriz, de 66 ans. Il est vice-président de l’Assemblée Nationale et du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV), principal parti du chavisme. « L’état capitaliste bourgeois est hiérarchisé. L’état fédéral commande le régional, qui l’emporte sur le municipal, qui domine le quartier. En-dessous de cette structure bureaucratique, il y a le peuple, loin du pouvoir. Notre stratégie consiste à abattre cette pyramide et à la rendre horizontale ».

Selon les données officielles, il existe déjà 46 000 communes à travers le pays. Chacune d’entre elles réunit des zones de quartier déterminé, dans lesquelles vivent entre 150 et 400 familles. Le conseil de la commune est élu au suffrage populaire. Dans les zones rurales et parmi les populations indigènes, la base de démarcation est plus petite. Le conseil débat des questions sociales de sa localité et de l’organisation des services publics. Mais cet organisme fait en outre partie d’un nouveau système économique. Il peut créer des entreprises communales, comme celle du 23 de Enero, constituer des sociétés mixtes avec des hommes d’affaires, ou des coopératives. Plusieurs communes peuvent s’unir et créer un projet commun.

La commune, selon la législation approuvée par le parlement, est la nouvelle unité élémentaire de l’État fédéral. Malgré une forte résistance de l’opposition, plusieurs instruments d’imposition communale ont été réglementés. Ils incluent une partie des impôts locaux et régionaux, des subventions nationales, des barèmes pour certains services. Les infrastructures publiques de tout genre - écoles, centres de santé, aires de loisirs - peuvent passer sous sa tutelle.

« Nous voyons la décentralisation comme le transfert des ressources vers les endroits où se trouvent les problèmes, à travers les communautés organisées », proclame Aristóbulo Istúriz. « Le vieux concept de démocratie représentative et exclusivement politique nous poussait à la centralisation. Ce qui créait des strates bureaucratiques de pouvoir. Maintenant nous forgeons des espaces de participation où le peuple vit. Les personnes ne se sentent plus fragmentées, elles se sentent une partie de l’État national ».

L’opposition

L’opposition ne voit pas d’un bon oeil cette voie. Elle essaie de traiter tout ce qui remet en question la démocratie représentative comme une attaque au régime démocratique en général. Pourtant le pluripartisme existe. Treize élections ont été scrutées par des observateurs internationaux. La majorité des médias est contrôlée par la droite. Mais les adversaires de Chavez insistent, au Venezuela et à l’étranger, à brosser le portrait d’une espèce de tyran mou.

Face à cette perte accélérée de pouvoir, la réaction de ces segments de la société compte sur l’engagement de différentes entités qui naviguent en orbite des puissances occidentales, à commencer par la Maison Blanche. Il y a des signaux évidents de mécontentement, lancés spécialement par les États-Unis, quant à la consolidation d’un processus qui défie son hégémonie en Amérique latine mais aussi au sein du délicat noyau des nations exportatrices de pétrole.

Finalement, les groupes conservateurs n’ont pas seulement été dégradés dans l’administration nationale. Le président, fort d’une majorité parlementaire et de victoires successives dans les urnes, leur a arraché des positions dominantes dans les cours de Justice, dans les forces armées, dans la diplomatie et dans d’autres sphères de l’État. Chavez n’a jamais caché son intention de mener une révolution politique, de forme « démocratique et pacifique, mais pas sans arme ». Faisant allusion à son intention de se protéger de putschs internes ou des menaces étrangères.

A plusieurs reprises, le président vénézuélien a évoqué l’effondrement de Salvador Allende, président socialiste chilien entre 1970 et 1973, qui devait servir de leçon à la gauche. Pour implanter les transformations sociales en respectant l’ordre constitutionnel, la gauche doit inhiber la possibilité que ses ennemis recourent à des soulèvements militaires ou des opérations internationales. Allende est tombé quand l’armée s’est unie aux partis de droite, qui avaient perdu du terrain dans les urnes, et a conduit le coup d’État commandé par le général Augusto Pinochet. En avril 2002, Chavez a presque vécu la même chose. Renversé par une insurrection civico-militaire, articulée par la droite et les principaux médias, il a récupéré le pouvoir en 48 heures grâce une ample mobilisation populaire et à la réaction d’officiers légalistes.

Les membres de l’opposition considèrent cependant que ces changements à la tête des pouvoirs de l’État affecte l’ordre démocratique et menace même les droits de l’homme. Aucune institution internationale de poids n’a entériné cette dénonciation. Le Venezuela est toujours considéré comme un pays qui respecte pleinement les règles démocratiques. Même l’Organisation des États Américains (OEA) dont le siège est à Washington ne remet pas en cause cette évaluation.

Droits économiques et sociaux

Professeur d’histoire de métier et ancien maire de Caracas sous la IV République (le régime qui a précédé l’accession de Chavez au pouvoir en 1999), Isturiz conteste de façon pédagogique les insinuations qui portent sur la faible teneur démocratique du processus mené par Chavez. « Il y a deux conceptions de la démocratie, il est normal qu’elles soient confrontées l’une à l’autre », souligne-t-il. « L’une d’elle, d’origine libérale, se limite à garantir les libertés et les droits politiques. Elle n’a aucun contenu social et elle circonscrit le rôle du citoyen au vote, qui délègue le pouvoir à ses représentants. Nous avons fait un bond vers un concept plus large, la démocratie participative, qui inclut les sauvegardes politiques, mais incorpore aussi des droits économiques et sociaux, en plus de créer des institutions qui favorisent une action politique permanente de la citoyenneté ».

Pour le dirigeant du PSUV, la conception participative prédomine depuis la Constitution de 1999, qui a fondé la V République. Cela est mis en évidence par certains articles qui démontrent la prédominance de cette tendance. « Dans la Carte de 1961, il était dit que la souveraineté réside dans le peuple, qui l’exercerait par le suffrage pour les organes du pouvoir public », indique-t-il. « La nouvelle loi majeure va plus loin, car elle affirme que la souveraineté ne peut pas être transférée et qu’elle peut être exercée de forme indirecte, via le vote, ou de forme directe à travers des mécanismes créés par initiative populaire ».

Les ennemis de Chavez l’accusent de saper les fondements démocratiques. Cependant, il est difficile de trouver une institution qui ait été révoquée lors des 14 dernières années. Les Bolivariens ont maintenu intacts les mécanismes de la démocratie représentative, mais ils ont aussi ouvert de nouvelles sphères et espaces de décisions qui sont étrangers à la pensée plus conservatrice.

En vérité, le Venezuela peut arborer certains attributs constitutionnels assez rares. Sa Constitution prévoit des référendums et des plébiscites qui peuvent être convoqués par le Parlement, par le gouvernement ou par la simple volonté autonome des citoyens. Dans ce cas, il faut que la pétition réunisse 20 % des électeurs. Ces consultations, en plus d’être impositives et irrévocables, peuvent aussi interrompre le mandat de parlementaires et de gouvernants. Le président a déjà affronté cet atout pour la démocratie, en 2004. Il a préservé son mandat avec 60 % des voix.

Aucun pays affilié à la démocratie occidentale ne possède de réglementations d’une telle envergure dans son répertoire constitutionnel. Certains analystes interprètent ces dispositifs comme des moyens d’asservir les institutions à partir de la furie plébiscitaire manipulée par un chef d’État populiste. Pour les Chavistes, cependant, ce sont des armes dans la besace du président qui a misé sur la rupture avec la vieille politique. Celle des accords parlementaires et d’accommodement avec les intérêts filtrés par la bureaucratie étatique. Bien que, dans la pratique, tout soit plus confus et précipité, le choc des idées est bien réel sur le terrain.

Le débat, cependant, ne laisse pas la droite vénézuélienne très à l’aise. Proposer la réduction de la participation politique pourrait s’avérer un positionnement électoral risqué et en contradiction avec ces forces politiques qui veulent se présenter comme les champions de la démocratie contre un leader soi-disant autoritaire. Vues les circonstances, l’opposition semble préférer un discours qui condamne d’éventuelles manipulations ou de restrictions dans la mise en oeuvre des garanties constitutionnelles.

« Il n’y a pas d’égalité de conditions politiques », réclame Leopoldo Lopez, du parti Vontade Popular (Volonté Populaire). Il est l’un des leaders du MUD (Mesa de Unidade Democratica), alliance de partis qui soutient Henrique Capriles dans la course à la présidentielle. « L’utilisation de recours publics, dans le domaine des communications, est tendancieuse. Le jeu, bien que démocratique, est déséquilibré ».

Pour le PSUV, ces critiques prédisent que l’opposition pourrait se préparer à mettre en doute la légalité des élections en cours et ne pas reconnaître les résultats d’octobre. Durant les derniers mois, de fait, plusieurs délégations des partis de droite ont voyagé en Europe et aux États-Unis avec pour objectif de faire part de leurs préoccupations concernant la régularité des élections présidentielles. Et ce malgré le système de vote électronique vénézuélien considéré parmi les plus sûr au monde. Chavez affirme fréquemment qu’il respectera les résultats des urnes, quel qu’en soit le verdict. Les socialistes exigent de leurs adversaires le même engagement.

Sous Chavez, le nombre de chaînes de télé et la compétition augmentent

Des données divulguées par le gouvernement contredisent les critiques des ONGs de défense droits de l’homme

Quand on allume son téléviseur au Venezuela, il y a toujours au moins deux versions antagoniques des faits. La chaîne Globovision, parmi les groupes privés de communication, a l’habitude de critiquer tout ce que fait le président Hugo Chavez. Les termes employés sont radicaux et elle ne relaie que la version des opposants. Elle ne se donne généralement pas la peine d’en écouter d’autres. De l’autre côté, son pendant est la chaîne d’État VTV, la principale du système public. Un peu plus mesurée que sa concurrente, sa grille de programmes est dominée par la diffusion d’initiatives et d’opinions du gouvernement.

Ce climat partidaire ne prédomine pas seulement dans les médias audiovisuels. Il touche presque tous les moyens de communication, traditionnels ou électroniques. La radicalisation du débat politique a visiblement conduit à une prédominance des éditoriaux et des analyses sur l’information. Le lecteur ou téléspectateur adhère à un journal ou à une chaîne de télé en fonction des mêmes critères qu’il choisit le parti pour lequel il va voter. C’est-à -dire par la proximité politico-idéologique. Les uns sont rouges. Les autres bleus. Celui qui hésite, zappe.

Malgré la forte polarisation, on observe pas de monopolisation des médias par le gouvernement ou les hommes d’affaires. Au contraire. Le nombre de chaînes, par exemple, a augmenté. Selon les chiffres de la Commission National des Télécommunications (Conatel), il existait en 1998, 40 concessions. Leur nombre est passé à 150 en 2012, 75 non-payantes et 75 payantes. Parmi les chaînes non-payantes, seulement quatre ont une transmission nationale. Les autres sont régionales de caractère privé, public ou communautaire.

Dans la sphère des radios, le total est passé de 338 concessions en 1998, à 473 radios privées et 244 radios communautaires en 2011. C’est avec ces chiffres que le gouvernement Chavez répond aux fréquentes critiques sur les prétendues atteintes aux libertés de la presse signées par des organisations de défense des droits de l’homme ou le gouvernement des États-Unis.

Le cas RCTV

Sur ce terrain, l’épisode le plus tendu auquel a fait face le gouvernement, fut quand la concession de la chaîne Radio Caracas de Télévision (RCTV), la plus ancienne télé hertzienne, n’a pas été renouvelée en 2007. Elle ne pouvait plus opérer que sur le câble. Les opposants ont perçu cette décision comme une punition de la chaîne, qui avait soutenu le putsch contre Chavez en 2002.

Le gouvernement nie cette thèse. « La liberté de la presse est totale et sans limite, d’ailleurs grâce à cette liberté, les médias privés fomentent des campagnes de déstabilisation du gouvernement », affirme Andrés Izarra, ministre de la Communication et de l’Information, en rappelant le rôle des groupes de communication lors de l’insurrection civico-militaire qui a évincé le président du pouvoir durant 48 heures. « Aucune chaîne n’a été punie pour ce comportement. Cependant le gouvernement n’a pas l’obligation de renouveler la concession publique d’une chaîne, qui en plus de ne pas avoir ses documents en règle, a cessé de s’acquitter de sa fonction sociale établie par la Constitution et la loi. Le Venezuela a fait ce que d’autres pays font face à des cas similaires. Quand la concession arrive à son terme, un autre prestataire assume sa place sur les ondes ».

Jesse Chacon, actuellement directeur de l’institut d’enquête GIS XXI, a été à la tête du ministère de la Communication quand le gouvernement a décidé de refuser ce renouvellement. « Il s’agit de l’unique entreprise de télévision dont nous n’avons pas renouvelé la concession. Nous avons estimé qu’il était préférable d’utiliser ce spectre à d’autres fins », dit-il. « A la même époque, expiraient les concessions de Televen et Venevision, des chaînes privées et liées aussi à l’opposition. Elles ont été prolongées ». La discussion sur le prix que devra payer l’État pour l’usage des transmetteurs de la RCTV sont actuellement en cours. Le signal est désormais utilisé par Teves, chaîne publique dédiée à la culture et aux sports.

L’ex-ministre analyse cette situation comme étant le produit du développement de la télévision en Amérique Latine. Elle a suivi le modèle nord-américain plutôt que l’européen. « Aux États-Unis, la communication est un négoce qui répond à la logique des intérêts commerciaux. La majorité des pays latino-américains ont suivi ce paradigme », souligne-t-il. « Les Européens ont abordé l’information comme un service public. Et les chaînes, du moins jusqu’à récemment, ne pouvaient être accaparées par des groupes privés.

Selon Chacon, du fait de ce modèle, les entreprises de communication, qui dépendent des concessions publiques, se sont transformées en protagonistes privés de la politique. « Dans le Venezuela pré-Chavez, si un homme voulait devenir président du pays il devait se mettre d’accord avec le groupe Cisneros (propriétaire de Venevision) ou avec la RCTV », note-t-il en mentionnant les deux principales télévisions de l’époque.

Démocratisation

Quatre-vingt pour-cents du spectre de la télévision hertzienne est exploitée, selon le ministère de la Communication, par des entreprises privées. « Dans le domaine de la radio, les réseaux privés sont hégémoniques, l’État n’a qu’une station de diffusion nationale et trois stations dans des villes régionales », énumère le ministre Andrés Azarra. Pour concurrencer cette hégémonie, le gouvernement Chavez a ajouté une proposition de démocratisation des communications qui a été approuvée par l’Assemblée Constituante de 1999.

Une série de lois a réglementé la question. Il y en a deux principales : l’une de 2002, a formalisé le fonctionnement des radios et télévisions communautaires. L’autre, c’est la Loi de Responsabilité Sociale en Radio et Télévision, approuvée en 2004 par l’Assemblée Nationale et réformée en février 2011. La première a édifié un cadre réglementaire qui a permis l’expansion de radios locales qui peuvent être crées par les conseils communaux, les mouvements sociaux et autres entités associatives. Ces canaux qui ont une étendue d’ondes limitées, forment un réseau disséminé et diffusent des programmes culturels, des débats politiques et des petites annonces.

La Loi de Responsabilité Sociale en Radio et Télévision (aussi appelé Loi Resorte) oblige les chaînes de télévision à diffuser un quota minimum de 50 % de productions nationales en ce qui concerne les séries et telenovelas. Elle a établi une signalétique par tranche d’âge et elle est autorisé à appliquer des amendes et des pénalités en cas d’excès de scènes de violence. Elle a aussi mis en place le Fond de Responsabilité Sociale qui subventionne l’acquisition d’équipements en faveur des radios communautaires. Leur offrant ainsi les conditions de briguer l’audience dans leurs quartiers face aux grands groupes.

Bien qu’aucun mécanisme de censure ni limitation des contenus des journaux télévisés ne soient prévus dans cette législation, l’opposition critiquent les réglementations établies par le gouvernement. Ce serait des obstacles à la liberté de la presse. La réponse de l’autre camp est acerbe. « La liberté de la presse est une chose, le libertinage une autre », affirme Jesse Chacon. « Le gouvernement n’a adopté et ne pense pas adopter des mesures qui pourraient écorcher la liberté d’expression. Mais les médias privés assurent aussi un service public et doivent être contrôlés pour garantir que tous les secteurs puissent recevoir et diffuser des informations. Ce qui vaut pour les groupes privés, l’État et les communautés. L’ère du monopole des médias privés est terminée ».

Breno Altman, Jonatas Campos, Marina Terra

http://operamundi.uol.com.br/conteudo/babel/23764/l%E8re+chavez+impose...

Traduction : Jérôme da Silva

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