Comme les Français, les Vénézuéliens n’écoutent pas Macron

En direct du Venezuela : La mayonnaise Guaido ne prend pas

Contrairement à des médias payants et subventionnés, le Grand Soir, site d’information gratuit, s’attache le concours de journalistes qui sortent de leur bureau, ne se contentent pas de se lire entre eux ou de lire les dépêches de l’AFP, ont une certaine idée de la vérité et du respect du lecteur. Lisez. - LGS

Caracas. 7 heures du matin. Le soleil se pose sur les montagnes de l’Avila entourant la ville, qui commence à fourmiller. Des files de personnes descendent la colline où se perche le barrio El Manicomio pour rejoindre l’avenue Sucre, l’artère principale qui se faufile entre les quartiers populaires de l’Ouest de la Capitale. Des dizaines d’enfants en uniforme scolaire, certains cavalant d’autres aux mains de leurs mamans prennent le chemin de l’école. Je pense à ma fille qui elle, en raison d’un conflit social en France, restera à la maison.

A quelques encablures de là, des militaires en armes boivent un café au check point qui mène à Miraflores, le Palais Présidentiel. L’image de Caracas respirant la normalité contraste brutalement avec celle que l’on peut avoir d’un pays menacé d’intervention militaire par l’administration Trump.

Une vie quotidienne à mille lieux des annonces de la « révolution vénézuélienne » qui commence à s’imposer dans nos médias.

Juan Guaido, nouveau Frankenstein politique crée par la Maison Blanche, est un produit médiatique qui se vend surtout à l’extérieur du pays. Un peu comme nos mauvais vins, ou les médicaments anti-paludisme produits par Sanofi. Ça n’a aucun intérêt pour la population locale. La majorité des vénézuéliens ne semblent pas vouloir consommer ce produit. Croisé par hasard, Alejandro, un jeune boxeur vénézuélien opposant à la Révolution Bolivarienne me confiera : « J’aime pas Maduro, il est nul, mais vraiment nul. Mais aujourd’hui, on a le choix entre ça et retourner à l’esclavage. Il n’y a pas de sortie ». Alejandro résume assez bien le point de vue d’une partie de l’opposition. Malgré l’intransigeance de Guaido, la guerre civile n’est pas une option. 

La mayonnaise putschiste ne prend pas au pays. Peu importe, elle est un rouage essentiel dans la story-telling occidentale pour justifier un renversement de régime. Un cynisme absolu, imposé par les États-Unis, et récemment validé par le président Macron.

Plus occupé à résoudre un quotidien affecté par un infâme blocus économique, les habitants de la Capitale ne semblent guère prêter attention aux gesticulations des députés de l’opposition, réunis ce mardi 5 février en session plénière. Sur la place Bolivar, situés à cent mètres, un spectacle de break dance capte l’attention de plusieurs centaines de personnes. 

Le Capitole est un symbole de la confrontation des pouvoirs et des tensions de la vie politique vénézuélienne. Passé l’entrée principale, les députés à l’Assemblée Nationale rejoignent l’hémicycle, situé sur leur gauche. Les députés à l’Assemblée Nationale Constituante eux prennent la direction opposée, vers le salón Elíptico, siège de l’ancien sénat. Les deux salles se font face, comme pour ancrer symboliquement le conflit de pouvoirs et de légitimité. Les députés des deux assemblées se croisent à l’entrée, ne se saluent pas, se défient. « C’est assez symbolique en effet, nous dit Tania Diaz, vice-présidente de l’Assemblée Constituante. La seule chose qui ne l’est pas, c’est que, passé l’entrée, nous devons aller à droite, et eux à gauche », ajoute-t-elle en riant. 

Une situation certes inédite, dans l’histoire de cette République, mais qui balaie les accusations d’État failli, de « dictature totalitaire », ainsi que tous les éléments de langage mis en place par Washington et repris à l’unisson par le système médiatique. 

Ce mardi, l’opposition a retouché et voté sa loi sur la Transition pour tenter de masquer sous un vernis officiel la construction de leur para-Etat. Étrangement, aucune personnalité politique ni aucun média ne relève que cette « loi sur la Transition » autorise l’Assemblée Nationale à s’arroger illégalement tous les pouvoirs de la République Bolivarienne du Venezuela. Comment appelleriez vous ca ? Un coup d’Etat ? Dans la novlangue trumpienne, désormais parlée dans l’Union européenne, on considère ça comme « une transition démocratique ». Et qu’importe le Peuple. 

Le pouvoir de Guaido va donc nommer un Pouvoir électoral parallèle dans le but d’organiser un simulacre d’élection. Ce scénario aurait plus de succès sur Netflix, mais là encore il est nécessaire pour imposer leur légitimité dans l’opinion publique internationale. Soit les politiciens d’opposition réalisent une élection sans aucun contrôle, et médiatiquement ils pourront légitimer un pouvoir fantoche dans l’opinion publique internationale, soit ils poussent Nicolas Maduro à interdire un scrutin illégal et truqué d’avance, et l’image du président sera dégradée à l’étranger. Pile ou face, tu gagnes. 

Notons au passage, que le « chavisme critique » soutient cette tentative de coup d’Etat institutionnel. Ce mouvement politique est un regroupement d’universitaires dont les voix sont abondamment relayées par leurs pairs européens malgré leur manque absolu de responsabilités politiques et de légitimité démocratique. Lorsqu’ils décident de soutenir électoralement un candidat, celui-ci peine à arriver à 0,5% des voix. 

Le 5 février, les représentants les plus éminents de l’extrême gauche intellectuelle vénézuélienne ont rencontré Guaido pour ne pas être exclus de la partie si jamais le coup d’Etat réussissait. Cette réunion met un terme définitif à la fable d’un « chavisme critique », censé représenter un courant politique indépendant. Imagine-t-on un « gaullisme critique » négocier avec Pétain leur participation au régime de Vichy ? Cette « troisième voie » imaginaire tant promue hors du pays (encore une fois) a désormais choisi son coté de la tranchée. Le slogan « Ni Maduro Ni Guaido », scandés par leurs réseaux internationaux vient de voler en éclats. Il serait donc judicieux que les soutiens étrangers de ce courant de l’opposition adoptent la position de leurs mentors vénézuéliens et s’alignent ouvertement sur les positions de Trump, de Bolsonaro, d’Uribe, de Macron.

Edgardo Lander, Gonzalo Gomez, Santiago Arconada, Nicmer Evans, OIy Millan, Hector Navarro se réunissent avec Guaido

Comme la marque Guaido n’arrive pas à s’imposer dans le marché politique vénézuélien, l’opposition prépare une nouvelle action destinée à ternir l’image du président Maduro au niveau international. La demande d’aide humanitaire est un leurre. Les 20 millions de dollars promis par Trump pour résoudre les problèmes des vénézuéliens est une faible aumône. Cette somme représente l’équivalent de 800.000 caisses de nourritures CLAP. En comparaison, le gouvernement bolivarien en achète 6 millions par mois. Et ces miettes ne sont rien en comparaison des 23 milliards de dollars de pertes économiques dues aux sanctions financières et au blocus

Encore une fois, il s’agit d’une opération politique visant à décrédibiliser Nicolas Maduro au niveau international. Soit le président autorise le passage de convois et assume la violation de la souveraineté territoriale depuis la Colombie, soit il refuse et les médias ne manquerons pas de dénoncer l’infâme Maduro, affamant son peuple. Répétons le encore une fois : les pays qui feignent de se préoccuper du sort des vénézuéliens ferait bien de lever le blocus qui les martyrise

Face à ce scénario, la grande inconnue reste la patience de l’Oncle Sam. Quelle sera la prochaine étape lorsque ils admettront que le médiatique Guaido ne parviendra pas à s’imposer sur la scène nationale ? 

Romain MIGUS

COMMENTAIRES  

08/02/2019 08:03 par Bernard Gensane

"Juan Guaido, nouveau Frankenstein politique crée par la Maison Blanche,". Pardon pour la cuistrerie : Victor Frankenstein n’est pas celui qui est créé mais celui qui crée. Pour Jean-Jacques Lecercle, Frankenstein est une allégorie de la Révolution française. La gauche anglaise, à laquelle appartenaient Mary Shelley et sa famille, était à la fois subjuguée et terrorisée par la Révolution française. La créature (creature, monster, daemon, fiend dans la version originale) étant Napoléon, produit dévoyé des espoirs révolutionnaires.

08/02/2019 09:41 par Assimbonanga

Merci à Romain Migus pour ce reportage sur place. Merci également pour cette clé de compréhension : les chavistes critiques. On commence à saisir pourquoi (peut-être) les Clémentine Autain ou la cégette peuvent être à ce point aveuglés. On dirait que des gens très actifs œuvrent auprès d’eux pour leur fournir une version pré-digérée. Le pire ennemi de la vérité est la fainéantise de ceux qui ne font pas l’effort de se renseigner par eux-mêmes. Un consumérisme de pensées prêtes-à-porter. C’est rapide, ça gagne du temps dans la vie parisienne, entre palais Bourbon et plateaux télés, le coiffeur, le shopping, les lunettes, l’art dentaire et tout le toutim.

08/02/2019 10:38 par Carlos

Bonjour

QUI a vu ou regardé l’émission "Quotidien" de ces derniers jours ? (TMC ou t’as vu mes C...? la télé du Prince de Monaco)
IL y avait là une femme (j’ai pris l’image en retard) que je n’ai pas identifié et qui représentait visiblement le pauvre peuple Vénézuelien (en tout cas pour Barthés qui faisait l’interview) et qui dans son discours à tout fait pour discrediter Maduro d’une part et volontiers négatif voire alarmiste, mais aussi deux reporters de Quotidien (ou un seul l’autre étant caméraman) qui ont fait un "reportage", mais sans carte de presse sous couvert de tourisme et qui prenant des photos se sont fait embarquer "comme espion" comme si on était au Chili, en tout cas tout était présent dans leurs éléments de présentation, les déplacements sans vous dire où vous allez, la police ou des militaires qui faisaient vraiment peur dans leur uniforme noir (le contre espionnage du genre URSS), pas moyen de joindre son ambassade, la peur de l’inconnu dans les déplacements en véhicule aveugle et même le "Stade" immense ou un grand bâtiment inconnu qui fait tellement penser aux exactions du coup d’état au Chili en 73 (le fameux stade des exécutions des opposants) que c’était presque risible de les entendre décrire leur voyage, etc....etc... tout ceci sous le regard horrifié de Yann Barthés qui n’a à aucun moment remis les choses en question et bien sur aucun représentant d’opinion différente pour en parler autrement, bref de la bonne télé propagranda comme on l’aime (j’ai failli casser l’écran dans l’enervement ^^).

08/02/2019 15:11 par Claude

Les medias français dont une grande majorité sont le produit du capitalisme avec les larbins a tous les niveaux.
font leur travail, à nous de les boycotter.
Dans tous les cas il y aura toujours assez de crétins pour s’extasier devant ce récepteur qui capte les images de ces pantins grotesques d’une imagination sans pareil dans la médiocrité mise à toute épreuve.
Ils sont polluants irrécupérables et encore moins recyclables.
Un produit à étiqueter dangereux équivalent au glyphosate s’abstenir ne pas consommer risque de destruction du système neuronal.

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