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Faut-il se désoler de la "trahison" du PS ?

Lapindebois

Un article intéressant, qui exprime une sensibilité de gauche (donc, étrangère au PS), mais qui gagnerait à ne pas être étayé par des critiques contre d’autres organisations et personnes de mouvances également bienvenues sur notre site.

Merci donc à tous de ne pas engager après lecture un débat interne à la gauche avec anathèmes et noms d’oiseaux. C’est exactement ce que nous ne voulons pas publier (on peut s’en rassasier en mille autres endroits).
L’exposé de tout point de vue porte en filigrane la critique des opinions différentes sans qu’il soit besoin d’appuyer et d’ouvrir une polémique entre militants et organisations qui ont à faire face aux mêmes « gérants loyaux du capitalisme », aux mêmes atlantistes, aux mêmes véhicules de la pensée unique.

Mais sur le PS, l’UMP, le FN, etc., c’est comme vous le sentez.

LGS

A gauche, on est gentils mais on est parfois un peu longs à la comprenette.

On peut se réjouir du succès de la manifestation anti TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) de dimanche dernier (30 septembre 2012), organisée par le Front de gauche rejoint par plusieurs syndicats. Étant donné le cran supplémentaire vers la folie "ordolibérale" que ce traité nous invite à franchir, toute mobilisation est bonne à prendre. Même s’il y a peu de chances que cela aboutisse dans l’immédiat à un abandon du traité, au moins cela met-il le pouvoir devant ses responsabilité en forçant un peu le débat.

On passe encore pour des niais

Non, vraiment, je critique pas la manif [1]. Ce que je pige pas, c’est la teneur de certains slogans et pancartes observés dans la foule par les journalistes présents, qui relèvent l’expression d’une certaine "déception" :

«  6 mai 2012, si j’aurais su, j’aurais pas venu » ;
« Au printemps on l’élit, à l’automne il nous trahit ».

Une affiche du front de gauche formulait quant à elle une étonnante requête :

« PS-EELV soyez de gauche ! »

On se pince : il y a vraiment des gens qui ont voté pour François Hollande en croyant qu’il allait changer quelque chose à l’orientation économique de la France et de l’Europe ?!? Et qui aujourd’hui sont "déçus" ???

Bien sûr, il se peut que les journaux aient pris soin de sélectionner les pancartes les plus bêtes (les journaux aiment bien ramener toute protestation à un gémissement tourné vers le pouvoir). Mais quand même, on passe encore pour des niais.

Si encore les gens qui tenaient ces pancartes étaient des jeunes de 18 ans qui ont voté pour la première fois de leur vie en 2012, on pourrait comprendre leur naïveté et le côté "éternel recommencement" de la déception vis à vis du parti socialiste. Mais pour certains il s’agissait de citoyens qu’on peut qualifier d’expérimentés, du genre qui a déjà voté pour Mitterrand en 81, c’est dire.

30 ans de déception

Mes premiers souvenirs politiques les plus vagues, qui remontent au milieu des années 80, comportent l’idée que le pouvoir issu du PS avait déçu. Puis les mêmes ont encore déçu, voire trahi, lors du gouvernement socialo-centriste de 1988-93. Puis encore lors du gouvernement des "privatisations plurielles" de Jospin (1997-2002). Et même dans l’opposition, ils étaient nuls, soutenant le plan Juppé sur les retraites en 1995, puis la délirante constitution européenne en 2005.

On peut donc légitimement détester le PS, s’en méfier, essayer de faire pression sur lui, l’attaquer, l’ignorer, tout comme on pourrait se satisfaire de son idéologie et de sa politique ; mais on ne peut pas, à moins d’avoir la mémoire politique d’un poisson rouge, être déçu.

Si on a tous voté Hollande au printemps dernier, c’était juste pour expulser le précédent locataire de l’Élysée, qui nous fatiguait à brailler des insanités toute la journée et qui faisait honte au pays, et il n’y a de ce point de vue aucun regret à avoir. De là à attendre quelque chose du mec, un peu plus "normal" mais tout autant libéral, qui a emménagé à sa place, il y a un pas qu’on ne saurait franchir sans faire preuve d’une naïveté qui confine au masochisme.

C’est vrai que Hollande avait promis de "stopper l’Europe de l’austérité, renégocier le traité Merkel-Sarkozy dans le sens de la croissance et de l’emploi". Mais il indiquait plus loin qu’il fallait aussi voter pour lui pour "redresser les finances publiques, atteindre l’équilibre budgétaire à l’horizon 2017" [2]. Dans un sens, il tient donc ses promesses...

Ce joli mot de socialisme

Sinon, il y a peut-être le mot qui prête encore à confusion : ce beau nom de socialisme. Mais tout le monde sait depuis longtemps que c’est une blague, que le PS n’a plus rien de socialiste, que ce n’est rien d’autre qu’une marque qu’on conserve parce qu’elle est bien connue du public.

Qu’est-ce que le socialisme, au sens le plus large ? On pourrait définir ça a minima comme la volonté de rompre avec le capitalisme pour instaurer une société basée sur la coopération et la limitation des inégalités sociales (à partir de quoi on peut imaginer moult formes de socialisme).

Le PS quant à lui considère officiellement le capitalisme comme une fin indépassable, dont il se borne à critiquer les excès. A la limite, on peut même dire que la critique des excès du capitalisme par le parti socialiste ne vise qu’à le préserver pour lui éviter de sombrer sous le poids de ses contradictions [3].

Le PS est donc foncièrement un parti libéral, qui défend la liberté du commerce et du capital, considérées comme "efficaces" pour "créer de la richesse". Par contre, comme ils sont de gauche, ils prônent la redistribution d’une partie de cette richesse. Et surtout, comme ils sont de gauche, ils font bien attention à ce que les individus atomisés par ces règles du jeu libéral ne fassent l’objet d’aucune discrimination de sexe, de couleur de peau, d’âge, de handicap, d’orientation sexuelle ou que sais-je encore [4].

Ce vilain mot de capitalisme

Quiconque se réclame de près ou de loin d’un projet socialiste devrait s’éloigner à tire d’ailes de cette "gauche" progressiste capitaliste et la considérer comme un adversaire au même titre que la droite.

Car le capitalisme (et l’idéologie libérale qui le soutient) est condamnable en soi, quelle que soit par ailleurs son "efficacité". Il repose sur l’idée (tout à fait saugrenue pour n’importe qui l’aurait entendue avant le XVIIIe siècle) que 1/ la prospérité et le bien-être commun ne peuvent provenir que de la promotion de l’égoïsme de chaque individu et que 2/ peu importe ce qu’on produit, l’essentiel c’est de réussir à le vendre.

En permettant (et en encourageant) à une minorité de s’enrichir par tous les moyens (vendre n’importe quoi, mentir, exploiter les autres, dénigrer son concurrent, produire sans se préoccuper des nuisances que l’on provoque, gaspiller les ressources, etc), le libéralisme donne une prime aux citoyens les plus amoraux, au détriment de ceux qui ont gardé quelque scrupule [5]. Un véritable socialiste ne remet pas en cause les règles du jeu libéral parce qu’elles sont inefficaces, mais bien parce qu’elles sont immorales [6]

Quant à la redistribution des richesses ainsi créées, qui fait la fierté de nos libéraux de gauche, elle revient à humilier les pauvres (ceux qui n’ont pas su utiliser les règles du jeu à leur profit) une seconde fois en les transformant en "assistés", pour quelques miettes des profits faramineux que les plus malins ont su accumuler.

Faut-il être de gauche ?

Voilà donc pour la déception. Reste une autre question, moins évidente : qu’en est-il maintenant de l’injonction faite au PS d’être de gauche ?

J’avoue avoir été de ceux qui ont longtemps reproché au PS de ne pas être vraiment de gauche, ou de ne plus l’être suffisamment, selon les moments. Mais en fait il s’agit d’un malentendu. Car si le PS, comme on l’a vu, n’est pas socialiste, en revanche il est vraiment de gauche. La gauche, c’est le parti du progrès. Or le PS est pour le progrès ; ce qui inclut notamment la construction européenne, l’abandon des souverainetés nationales, et n’est pas incompatible avec des règles d’austérité budgétaire.

C’est peut-être plutôt nous, les anticapitalistes, qui devrions cesser de nous définir comme étant de gauche. Et les pancartes dans les manifs, si elles souhaitent vraiment interpeller le PS sur son identité, devraient, plutôt que de lui enjoindre d’être de gauche, lui demander d’être socialiste. Une pancarte "Socialistes, soyez socialistes" serait cohérente. Vaine, mais cohérente.

Au-delà des mots, il y a des choix concrets. En ce qui concerne l’Europe, il serait temps de cesser de croire qu’on pourra améliorer la démocratie interne du machin et d’en faire un progrès pour le genre humain. Et de dire tout simplement qu’on n’en veut plus du tout.

Le grand malentendu continue

Ce qui est malheureux dans l’histoire, c’est que ce grand malentendu semble se reproduire au sein du mouvement qui a justement pris le nom de "Front de gauche", où les réflexes "progressistes" l’emportent souvent sur le projet de rupture avec le capitalisme, alors que c’est précisément cette volonté de rupture qui le distingue du PS et qui attire à lui nombre de militants et d’électeurs écoeurés par le monde actuel.

Il n’est pas anodin de noter que les organisateurs de la manifestation de dimanche avaient décidé d’ouvrir la marche par "un cortège unitaire d’associations féministes". Sans vouloir remettre en cause la noblesse de leur combat, on pourrait légitimement s’interroger sur le rapport avec le TSCG. Explications de la féministe en chef : « L’austérité touche durement les classes populaires et les précaires. Parmi eux, il y a les jeunes et les immigrés mais aussi les femmes. Elles sont plus souvent en sous-emplois, cantonnées aux bas salaires, davantage concernées par les coupes dans les prestations sociales » [7].

Bon sang, mais c’est bien sûr ! A ce compte-là , il faudrait donc ouvrir toutes les manifestations par un cortège féministe, chaque problème social contenant sans doute une dimension sexiste plus ou moins cachée. Ou alors ils auraient pu faire ouvrir la marche par un cortège de musulmans, puisque les musulmans sont souvent plus pauvres que la moyenne, donc plus touchés par la crise, etc.

Réflexe "progressiste" que de transformer toute revendication sociale en récrimination sociétale ; de troquer la défense du peuple contre la défense des "minorités". Au risque (souvent avéré) de détourner les masses de ces protestations où le prolétaire ne voit que l’expression du chaos social qui lui a déjà fait tant de mal.

Le Front de gauche reste l’organisation politique la plus intéressante à l’heure actuelle, car il a su attirer à lui la meilleure part des anticapitalistes [8] , mais il va lui falloir clarifier un bon nombre de positions pour devenir crédible.

Car si le proverbe dit qu’on peut tromper une personne mille fois ou mille personne une fois, mais pas mille personne mille fois, il semblerait que jusqu’ici la gauche ait trouvé la formule pour tromper 60 millions de personnes 60 millions de fois.

http://lapindebois.blogspot.fr/2012/10/faut-il-se-desoler-de-la-trahison-du-ps.html

[1A laquelle j’aurais participé si j’avais pu, mais j’ai pas pu

[2Tract diffusé avant le 2e tour des présidentielles de 2012

[3Comme l’écrivait un militant socialiste lambda de la section PS des Ulis, reproduisant la doxa de son parti : "La Crise des subprimes, la spéculation éhontée sur les matières premières, bref l’univers totalement virtualisé de la finance conduit à des désastres socio-économiques et à terme l’auto destruction du système capitaliste. Devons-nous nous en réjouir ? Non, car ce système a prouvé son efficacité dans le développement d’une consommation de masse et donc permis l’accès au plus grand nombre d’un confort inimaginable ne serait ce qu’il y a cinquante ans".

[4La différence avec la "droite" libérale est d’ailleurs minime sur ces sujets, puisque la droite lutte elle aussi contre les discriminations et qu’elle est bien obligée de redistribuer une partie des profits (quoique en rechignant) pour éviter l’explosion sociale à court terme.

[5Un peu comme les amoureux déchirés d’Orly dans la chanson de Brel : "Je crois qu’ils sont en train de ne rien se promettre ; ces deux-là sont trop maigres pour être malhonnêtes".

[6Je sais que le terme d’immoral n’est pas en usage dans les milieux révolutionnaires, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. A niveau de vie égal, il est infiniment préférable d’exercer un métier honnête dans de bonnes conditions plutôt que d’être traité comme un pion pour produire de la merde. Quand au niveau de vie, il dépend largement autant de la qualité de l’environnement social dans lequel on évolue que du nombre de gadgets inutiles qu’on peut se faire livrer.

[7Christiane Marty, citée par Mediapart (oui, ben on a les sources qu’on peut).

[8Notamment quelques "décroissants" et autres désobéissants dont la vivifiante critique du capitalisme, assortie de quelques perspectives concrètes, est à cent lieues (au dessus) des déclarations lénifiantes d’un François Delapierre ou d’un Pierre Laurent.


COMMENTAIRES  

07/10/2012 10:59 par cinto

Bravo pour ce panorama de la politique française. Particulièrement intéressante est la critique de la mise en avant d’un groupe de féministes (d’ailleurs, d’après ce que j’ai vu, ridiculement réduit) : le choix de parler de minorités, sexuelles et autres (curieusement, la propagande officielle situe les femmes dans ces minorités) est l’alibi qui permet d’ignorer la différence fondamentale, celle des classes. Il est donc en effet indispensable que le Front de gauche clarifie sa position.

07/10/2012 13:12 par Catherine

@ LGS
Pour une fois, je ne suis pas trop d’accord avec vous.
Et vos craintes étaient infondées : non seulement pas d’empoignade, mais pas de commentaire du tout. Signe que tout le monde opine ou pas ?
Je suppose que ce que vous n’approuvez pas, c’est que l’auteur de l’article cite nommément deux personnes qui font partie du FG et qu’il ne fasse pas de différence entre elles et le PS. Y en a-t-il une à faire ?
Qu’on évite de s’empoigner à gauche sur des questions de stratégie, très bien. Mais sur des questions de fond, sur des principes, non seulement on peut mais on doit. C’est pour ça qu’on est là , pour essayer d’y voir clair, de savoir où on met les pieds, de ne pas se tromper sur la direction à prendre..
Alors, d’après vous, taper sur le PS, l’UMP, le FN, on peut, mais sur le FG on ne peut pas. Pourquoi ? Ne viennent-ils pas, tous, comme un seul homme, de prendre sur la Syrie (après la Libye et ne parlons pas de la Palestine et des autres), une position d’atlantistes, voire de gérants loyaux du capitalisme ? C’est comme si vous disiez à Lapindebois de ne pas mettre le pied sur une planche pourrie, par crainte qu’il l’esquinte. Il me semble que la seule crainte qu’on doive avoir, c’est qu’il s’enfonce (que nous nous enfoncions tous) à cause de la planche. Si elle est pourrie, rien ne pourra la régénérer, si ? Alors, à quoi bon différer ? Demander aux gens de se censurer pour ne pas désespérer Billancourt, je n’ai pas l’impression que ce soit une bonne idée. Pour les anathèmes et les noms d’oiseaux, d’accord avec vous, mais pour le débat interne sur les fondamentaux : oui, mille fois oui ! Et tant pis pour le respect humain. La vérité est une thérapie de choc, mais c’est une thérapie.
Ce n’est pas comme si respecter des principes de base était humainement impossible. Les Latinos le font. Et Poutine, même si c’est par pragmatisme-laissons-lui-le-bénéfice-du-doute. Chez nous, ce n’est pas seulement tous les PS d’Europe, mais tout le FG aussi, qui bafouent les articles 35, 36, 37 & 38 de la Déclaration des Droits de Robespierre. Est-ce parce que les Montagnards ont craché dessus qu’il faut faire pareil ? Pour moi, ceux qui s’y soustraient ne sont pas et ne seront jamais de gauche.
Du coup ; je m’adresse à Lapindebois. Il dit deux énormités :
1 (sur le FG) « … alors que c’est précisément cette volonté de rupture qui le distingue du PS ». J’aimerais savoir où il l’a vue. Je pose la question sérieusement : rupture avec quoi ?
2 « La gauche est le parti du progrès ».
Pédantisons puisqu’à mon avis il se plante :
Dès les États-Généraux de mai 1789, on siégeait « à la droite du roi » si on était suffisamment bien né et si on professait des opinions convenables, tout comme on espérait plus tard « s’asseoir à la droite de Dieu » si on avait été bon catholique. On a appelé « gens du côté gauche » les autres, ceux qu’on repoussait dans les ténèbres extérieures, parce que roture, etc. Ceux-là n’avaient pas le choix de l’endroit où s’asseoir. Et ceux qui, parmi eux, sont allés jusqu’à professer de opinions hérétiques ou vraiment pas sortables ont été relégués non seulement à gauche mais tout en haut des gradins, soit « sur la Montagne », d’où leur surnom de Montagnards.
Ceux-là , ce n’était pas « en avant toutes pour le Progrès », leur truc, mais « Liberté-Égalité-Fraternité ». C. à d., si on y regarde d’assez près : l’inverse. Même s’il ne faut pas les prendre pour des rétrogrades ou des passéistes. Et la seule gauche qui vaille, c’est eux.
Si Robespierre avait vécu, il n’y aurait jamais eu d’industrialisation sauvage et Karl Marx n’aurait jamais écrit Das Kapital ; il aurait écrit quelque chose d’aussi génial sans doute, mais pas ça. Qu’une autre voie que celle que nous avons prise soit possible, Fidel Castro en administre la preuve depuis cinquante ans. Le tout est de s’entendre sur la nature exacte du bonheur. Mais le bonheur sans principes n’est pas du vrai bonheur et n’est pas de gauche. Il ne faut pas laisser n’importe qui pratiquer le larcin sémantique ! (Par exemple : « Socialisme » est un beau mot. Hitler et Mussolini l’ont bien aimé.)
PS. Il y a de nombreuses années, Cavanna, qui était encore lui-même, a écrit un grand article où il mettait en garde le peuple de gauche contre les revendications corporatistes, y voyant fort justement son atomisation, donc sa défaite. Visiblement, il n’a pas été entendu. Et pas que par les féministes.

07/10/2012 17:41 par anonyme

Mise au point,
Si je ne commente pas, ce n’est pas parce que je suis d’accord avec cet article, mais parce que je commence à en avoir marre de lire ce genre de lieux communs pseudo... quoi exactement ? En tous cas ni révolutionnaire, ni marxiste.
Pour ne pas trop me fatiguer, je dirai juste que la morale n’a rien à voir avec la lutte des classes et que les femmes ne sont pas une minorité mais "la moitié du ciel".
Bon et puis j’ai quand même envie d’ajouter que la lutte contre l’exploitation de la femme par l’homme me semble encore plus fondamentale que la lutte des classes, la seconde recoupe la première et devrait l’appuyer, car si des femmes font partie de la bourgeoisie capitaliste, ce ne sont pas elles qui détiennent le pouvoir au sein de cette classe, et elles sont en tout état de cause beaucoup moins nombreuses que les femmes des autres classes sociales (un épiphénomène en quelque sorte). Enfin, étant une femme, si la lutte des classes n’a pas pour objectif la lutte contre toute forme d’exploitation, et tout particulièrement celle des femmes (double journée, salaire moyen encore inférieur de 30% de celui des hommes, retraite inférieure de 50% etc), si elle n’a pour objectif que de libérer les hommes de l’exploitation capitaliste, alors elle ne me concerne pas et je n’en ai rien à secouer.

08/10/2012 00:36 par lapindebois

@Catherine : sur les deux points que vous soulevez :
1/ Le FdG anticapitaliste ? Effectivement, je me suis mal exprimé, je voulais dire que de nombreux militants et électeurs vont vers le FdG par anticapitalisme plus ou moins clairement formulé (sinon ils voteraient PS). Les positions officielles du FdG en revanche sont purement "réformistes" (aménagement du capitalisme) ; mais j’ai tendance à moins m’intéresser aux positions officielles qu’au potentiel que recèle un mouvement (par exemple le Front populaire de 36 qui est allé au delà de son programme).
2/ La gauche : au cours de la Révolution, les députés se sont placé à divers endroits, mais jamais (à ma connaissance) Robespierre ne s’est réclamé de "la gauche". Ce terme a pris consistance au cours du XIXe siècle, et désignait à l’origine les républicains libéraux, dont le plus illustre représentant était Adolphe Thiers (futur bourreau de la Commune). Fin XIXe, "extrême-gauche" désignait les républicains radicaux (tel Clémenceau, futur "père la victoire" de la boucherie de 14-18), dont la position la plus radicale était d’être favorables à l’impôt sur le revenu. L’assimilation du mouvement socialiste à la gauche date de la toute fin du siècle et ne s’est pas faite sans résistances (de la part des syndicalistes révolutionnaires notamment). Et à mon sens, elle repose sur un malentendu.
Ceci dit, j’ai bien conscience que le mot de "gauche" sert aux gens de bonne volonté pour se reconnaître entre eux. Je suis moi aussi "de gauche" au sens que vous lui donnez. Mais le mot a tellement été utilisé pour nous rouler dans la farine que je commence à me dire (même si je dois arracher toute une partie de moi-même) qu’il faudrait s’en débarrasser.
Sur l’appropriation du mot "socialisme" par les fascistes : en effet, le fascisme a pu être décrit parfois comme une dégénérescence du socialisme, et je crois comprendre "en filigrane" que vous craignez que l’abandon de la référence à la gauche ne nous emmène vers des contrées inquiétantes. Je partage votre inquiétude. Mais on n’a rien sans prendre des risques, et ce qui est certain à mon sens, c’est que la crispation actuelle sur les "valeurs de gauche" ne nous emmène nulle part. Les classes populaires (1) fuient la gauche car elles estiment (à raison) que le progrès leur a fait du mal. Elles peuvent en revanche se rallier à un projet socialiste.
@LGS : je comprends votre crainte des polémiques et le fait que vous ayez dissimulé cet article ; si vous voulez bien je vous en referai un sur le même thème qui évitera de froisser quiconque en particulier. Je tiens à préciser que je ne roule pour personne et ne souhaite qu’ouvrir un débat sur le fond. Je me suis tenu longtemps à l’écart de la politique politicienne, avant d’être récemment séduit par le bagout de Mélenchon et par les idées qui bourgeonnent derrière lui (soutien de Paul Ariès par exemple). Mais comme dit Catherine, avant d’aller plus loin, on voudrait savoir où on met les pieds (je n’en dis pas plus, mais en filigrane on peut se souvenir de la démission de l’ami René Balme).
(1) en tout cas les classes populaires blanches. Les classes populaires issues de l’immigration votent PS par peur de la droite. Il faudrait cesser de voter par peur.

08/10/2012 01:21 par legrandsoir

vous ayez dissimulé cet article

Dissimulé où ? On dirait qu’il y en a qui l’ont trouvé pourtant.

08/10/2012 12:34 par babelouest

Par mes positions habituelles, je suis plutôt d’accord avec lapindebois. Il est vrai que, par définition même, je n’ai pris une carte nulle part. Je ne me reconnais aucunement dans la gauche productiviste, quelle que soit son étiquette. Quand une table est nécessaire, on fait une table. Le besoin doit précéder la demande, qui doit précéder la réalisation. Il n’y a que pour la nourriture, qu’un certain stockage est nécessaire en fonction des saisons de production, et aussi pour prévoir les disettes.
Il est vrai aussi que s’entendre sur le nom des activités humaines est primordial. Chacun a beaucoup de tâches nécessaires à accomplir, en fonction de ses talents propres. Chacun a des besoins à satisfaire, qui sont grosso modo les mêmes. Pourquoi mettre en avant celui qui est plus doué ? En ne se fatiguant pas plus que celui qui est plus limité sur un point, il fera la même chose, ou il la fera mieux : il n’en aura pas plus de mérite.
C’est dans ce sens qu’à mon avis il faut faire avancer la cause sociale. Que chacun ait ce dont il a besoin. Que tous y contribuent, y compris ce chacun. Incidemment, ce concept efface celui de monnaie, donc de travail, donc de capitalisme. C’est peut-être bien cela, après tout, qu’avait compris Karl Marx, et que ses continuateurs n’ont pas toujours bien compris.
En énonçant ces quelques lignes, j’espère n’être pas tombé dans cette polémique dont LGS nous mettait en garde.

08/10/2012 14:46 par Clyde Barrow

@ Babelouest

Par mes positions habituelles, je suis plutôt d’accord avec lapindebois. Il est vrai que, par définition même, je n’ai pris une carte nulle part. Je ne me reconnais aucunement dans la gauche productiviste, quelle que soit son étiquette.

Mais alors le Babelouest qui n’a pas arrêté durant la campagne de soutenir et d’appeler à voter Mélenchon, au point qu’on ne pouvait plus rien dire sans que ce Babelouest là ne vienne nous assommer avec ses slogans, c’était pas vous ?
Un homonyme peut-être ? C’est embêtant ça parce que ça sème la confusion s’il y a 2 Babelouest sur le Grand Soir. Un c’était déjà bien suffisant, alors 2 !
Vous savez quoi ? Justement Mélenchon était le candidat de la gauche productiviste, comme vous l’appelez. C’est ballot, hein ?

09/10/2012 01:14 par Catherine

@ lapindebois
Le FdG me paraît surtout, d’après ce que j’en sais, faire très peu de cas de l’obligatoire principe de solidarité entre les peuples. Ce qui lie entre eux nos oppresseurs, c’est de la complicité, et c’est à cette fausse solidarité maffieuse que semble se rallier le FdG.
Pour le reste : mea culpa, je connais le XIXe beaucoup moins bien que vous.
Mais j’ai assez souvent rencontré dans les textes du ou sur le XVIIIe l’expression «  gens du côté gauche » pour l’avoir identifiée principalement aux Jacobins. Pour ma part, je me définis comme «  jacobine robespierriste » plutôt que «  de gauche » sauf qu’il est outrecuidant de se qualifier ainsi sans avoir rien fait pour mériter ce titre (c’est pratique surtout pour se situer ailleurs que certains autres).
Ce dont je suis sûre, c’est que l’idée de progrès était étrangère à ceux qui me paraissent avoir été dans la bonne voie. Surtout celle de progrès technologique. Alors qu’elle semble avoir été le grand moteur du XIXe et du début du XXe (affranchir l’homme de la servitude du travail) jusqu’au coup sur la tête et grand désenchantement de la première Guerre Mondiale. Je crois que l’idée de bonheur humain les préoccupait bien davantage et qu’elle était très différente de l’idée que nous nous sommes fait (ou qu’on nous a inculquée) du bonheur depuis l’industrialisation. En bref, quand Robespierre parlait d’honnête médiocrité, je crois comprendre ce qu’il voulait dire. Il me semble qu’un homme ou une femme qui fait un métier qu’il sait faire bien et qu’il aime faire, à condition de pouvoir en vivre décemment, doit être infiniment plus heureux que, mettons, une ménagère américaine qui a dans sa cuisine toutes les inventions censées lui faciliter la vie et la décharger d’un travail pénible, en plus de deux voitures au garage. C’est dans cette catégorie qu’on rencontre le plus de névrosé(e)s, pas chez les cordonniers, les pâtissiers ou les tapissiers garnisseurs.
En fin de compte, est-il vraiment si souhaitable de n’avoir plus d’effort à faire pour rien ?
L’honnête médiocrité de Robespierre, c’est ce qu’ont atteint peu ou prou la plupart des Cubains, même si elle leur a été imposée par la force des choses. J’ai l’impression que, dans l’ensemble, malgré les embargos, la pénurie rampante et les limitations de toutes sortes, ils sont sans doute bien plus heureux que nous, d’une toute autre manière que nous. Sans compter les satisfactions morales qu’ils peuvent retirer de leur solidarité active avec des peuples plus mal lotis qu’eux.
Où est l’homme politique qui nous proposera de mettre nos ambitions ailleurs que dans ce qu’on nous agite présentement devant le nez en guise de carotte ? Hélas, on ne le voit poindre nulle part en Europe.
Le seul point sur lequel je me sépare de Robespierre, c’est quand il dit «  le souverain de la terre qui est le genre humain ». Je n’aime pas trop cette volonté de domination sur la nature, et je suis persuadée que le peu de cas que nous faisons aujourd’hui de (la vie de) nos semblables, est la conséquence directe et logique du peu de cas que nous faisons de la vie des animaux et des plantes. Il y a même des gens qui pensent qu’il n’y a pas de bonheur humain possible sans existence en harmonie avec les autres espèces. Un écrivain anglais (John Cowper Powys) a dit que quand les humains auraient disparu, eux et leurs fantômes, le reste de la création pousserait «  un soupir de soulagement qui montera(it) jusqu’aux étoiles ». Notre ambition devrait être que ce soupir soit de regret. Mais ceci est un autre débat et nous entraînerait vraiment trop loin pour ce soir.
Au plaisir de vous lire, puisque vous allez récidiver.

09/10/2012 06:00 par babelouest

@ Clyde Barrow
Pour les élections, parmi les militants je me suis retrouvé avec plusieurs personnes qui avaient des idées similaires aux miennes, et qui comme moi travaillaient par pragmatisme à faire élire "le moins mal". Était-ce une bonne tactique ? Je persiste à penser que oui, car la révolution ne se fait pas en un jour si elle veut tenir la durée.
Cela ne m’empêchait pas, vis-à -vis des autres militants, d’expliquer ma position parfois différente de la leur. Qui sait, peut-être qu’un jour la lumière se fera-t-elle dans leur esprit. La maturation est parfois longue.

09/10/2012 22:10 par lapindebois

@Catherine : " je connais le XIXe beaucoup moins bien que vous"
J’essaie de faire illusion, mais vous en ferez autant en suivant la Méthode Henri Guillemin (TM) alias "c’est qui ce vieux mec qui cause dans le poste ?" :
http://www.rts.ch/archives/dossiers/henri-guillemin/3477314-l-autre-avant-guerre-1871-1914.html
...ou comment bousculer quelques idées reçues sur la naissance de notre république en compagnie d’un conteur hors pair.
Et pour les fans de Max l’incorruptible :
http://www.youtube.com/watch?v=XiM74n8I2Gc

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