À l’heure de l’héritage, il est des familles qui se déchirent.
Il est aussi des cas où il y a captation d’héritage.
Que penser de la Fondation Jean Jaurès ?
Celle-ci se définit comme un « think tank » : à vilaine chose, vilain mot.
Sur leur site, je recherche « lutte des classes », « grève générale », « oligarchie », « bourgeoisie » : je trouve 1, 1, 0 et 1 réponse.
Ils ont pris le nom de l’illustre personnage politique et jeter la substantifique moelle. Ce cercle de réflexion se propose d’influencer la politique : un cercle d’experts, d’experts en enfumage.
Ne perdons pas plus de temps avec des usurpateurs.
Intéressons-nous à Jaurès.
Le 5 novembre 1894, il est autorisé, par le président de la Cour d’assises de la Seine, à défendre le journaliste Gérault-Richard ( rédacteur en chef du journal Le Chambard, « socialiste, satirique, illustré »), qui comparaît pour un article intitulé « À bas Casimir ! » : ce journaliste est assigné pour offense à Jean Casimir-Perier, président de la République. Les propos de la plaidoirie restent toujours d’actualité, malheureusement. Quand une oligarchie bourgeoise prend possession de la République...
Extraits de la plaidoirie de Jaurès (*) :
‘‘Est-ce parce que nous avons écrit les mots : « À bas ! » devant le prénom ou devant le nom, que le titre de l’article contient un outrage ?
Mais je comprends, à la rigueur, que si ce cri avait été poussé dans la rue, pour provoquer sur le passage même du président un attroupement hostile ou une manifestation tapageuse, je comprends, dis-je, qu’il soit poursuivi. Mais l’on prend l’article dans son sens littéral et dans le sens politique que lui donne son auteur, quand il termine par ces mots : « À bas Casimir ! c’est-à-dire Vive la République des travailleurs ! » il est clair que ce cri ne signifie qu’une chose : c’est que dans notre pays, les vrais démocrates et les vrais républicains souhaitent et préparent la chute du président Perier. Et c’est leur droit. [...]
Aucun homme n’est le meneur de l’histoire, il est conduit et porté par elle. Il est l’expression et le produit d’un état social déterminé, et même quand cet homme disparaît, la société trouve toujours le moyen de susciter d’autres hommes qui la défendent et qui la sauvent, jusqu’à l’heure où elle doit disparaître, non pas sous les attentats criminels ou imbéciles, mais sous la force révolutionnaire de l’histoire. Et voilà pourquoi nous disons que ce ne sont pas les hommes qu’il faut haïr : ils sont l’instrument innocent des choses. Il faut simplement haïr les institutions mauvaises qui font les hommes mauvais. [...]
Il y a eu, à la fin du XVIIIe siècle et à l’approche de la Révolution, deux fractions bien différentes dans la bourgeoisie : il y a eu une bourgeoisie généreuse, animée de l’esprit de l’Encyclopédie et d’un vaste optimisme, qui espérait d’un ordre politique social nouveau le développement de toutes les facultés humaines, l’affranchissement, le bien-être de tous les hommes, avec Diderot et Condorcet, elle rêvait une société d’égalité et de solidarité qui n’aurait aboli ni les joies délicates de la vie ni l’éclat supérieur des esprits d’élite, mais qui aurait fait de tout homme, et du plus humble, un homme maître de lui-même, affranchi de la nouvelle féodalité capitaliste que pressentait Condorcet comme de la vieille féodalité terrienne, et ayant en soi, sa journée de travail finie, assez de force joyeuse pour vivre encore de la vie de l’esprit et saluer au passage le grand univers lumineux. C’est de cette bourgeoisie qu’est sorti, il y a un siècle, avec le concours de la force ouvrière naissante, le parti républicain. [...]
Mais, en face de cette bourgeoisie généreuse, il y avait une autre bourgeoisie égoïste, vaniteuse et avide. Celle-là aussi préparait la Révolution. Mais au lieu de la préparer pour toute la nation, elle la préparait pour elle-même et pour elle seule, pour ses intérêts et ses vanités de classe. Elle voulait supprimer les nobles, mais pour les remplacer. Elle réunissait déjà dans de vastes manufactures de nombreux ouvriers, étrangement exploités.
Riche de ses monopoles industriels, de ses spéculations sur les effets publics, de ses trafics dans la ferme de l’impôt, elle achetait les châteaux splendides des grands seigneurs obérés, comme Claude Perier installant dans le château de Vizille, acheté d’un Villeroy, dernier héritier d’un Créqui-Lesdiguières, une manufacture de toile. [...] Claude Perier, surgissant à l’heure où commençait le régime de la grande industrie et de la grande bourgeoisie, par une combinaison qui est encore un caractère de sa race, unit en lui l’esprit des combinaisons hardies et des vastes exploitations qui a fait la fortune de la bourgeoisie nouvelle et l’étrange lésinerie de la bourgeoisie ancienne, qui ne pouvait s’enrichir que petitement. Jamais homme ne fut plus avare que Claude Perier dans des affaires plus étendues. Tous les ouvriers qu’il accumulait dans ses ateliers ont eu à pâtir du régime du capitalisme naissant et de la sordide avarice du maître.[...]
Par des spéculations dans l’industrie et la banque et par la part qu’elle prend dans le domaine minier, la famille Perier étend son action à toute la surface de la production capitaliste. Alors les grandes ambitions politiques peuvent venir.
Dans notre société, où le pouvoir politique est nécessairement l’expression du pouvoir économique et où il n’y a d’autre puissance que celle de l’argent, les grands banquiers et les spéculateurs qui ont capté dès le début les sources de l’argent, ont capté par cela même les sources de la puissance.
Casimir-Perier, futur ministre de Louis-Philippe, peut s’élancer avec une arrogance impétueuse à la conquête du pouvoir. Il commence par refaire et par agrandir sa fortune, car la fortune du père Claude Perier avait été partagée entre ses nombreux enfants. Pour refaire cette fortune, voici quel est son premier coup de spéculation, qui juge toute sa manière. Il achète, actif et passif, une maison qui traversait des embarras momentanés. Il réalise aisément l’actif et triple sa fortune. C’est ici, messieurs les jurés, la caractéristique de Casimir-Perier. C’était avant toute chose un banquier de proie. Il guettait dans notre société tourmentée les sinistres commerciaux et industriels et s’enrichissait de la défaite des vaincus, de la dépouille des naufragés. [...]
Et lorsque ces embarras ne suffisaient pas, lorsqu’il n’y avait pas assez de détresses à exploiter, pas assez de ruines dont il pût hausser sa maison, pas assez de naufrages dont il pût piller les dépouilles, il créait lui-même ces embarras, ces ruines, ces naufrages. Comme régent de la Banque de France, il faisait partie du conseil d’escompte et s’y montrait d’une impitoyable sévérité, refusant le crédit aux industriels ou aux commerçants. Quand il les voyait ainsi acculés, sans crédit, sans ressources, il leur ouvrait les guichets de sa propre banque et leur fournissait des capitaux avec un escompte usuraire.
Ah ! lorsque nous protestons, comme Gérault-Richard l’a fait, avec une véhémence loyale contre ces procédés de déprédation et de pillage, on nous accuse avec légèreté de ne songer qu’au prolétariat ouvrier. [...]
Ce que nous défendons contre ces manœuvres louches des banquiers arrivés au pouvoir, ce n’est pas le prolétariat ouvrier seul, c’est l’ensemble des forces productrices de notre pays. J’ose dire que c’est aussi l’honneur du pays et de la France elle-même. [...]
Oui, messieurs les jurés, c’est la loi souveraine de l’histoire : il faut que tout régime ait son symbole et son signe visible par où se trahit et éclate son âme. On a voulu faire la République des grands manieurs d’argent et des grands usuriers ; eh bien ! le domaine où réside le président de la République, où il convoque les ministres et signe les décrets ; le domaine d’où il promulgue les lois et où il reçoit, au nom de la France, les représentants des peuples, c’est une terre d’usure, et lorsque la République française touche ce sol, c’est un esprit d’usure qui monte en elle.
Je vous l’avoue, j’aimais mieux pour notre pays les maisons de débauche où agonisait la vieille monarchie de l’ancien régime, que la maison louche de banque et d’usure où agonise l’honneur de la République bourgeoise.
M. le Président : Monsieur Jaurès, vous allez trop loin. Vous avez fait, jusqu’à présent, le procès de la famille Perier et vos dernières comparaisons dépassent toutes les bornes : vous comparez la maison du président de la République à une maison de débauche...
M. Jaurès : Je ne la compare pas, je la mets au-dessous. [...]
Riche manufacturier, riche banquier, riche propriétaire de mines, il y a une chose qui l’émeut et qui le trouble tout d’abord : ce sont les commencements de révolte ouvrière.
Il y a à Lyon des ouvriers qui gagnent dix-huit sous par jour pour dix-huit heures de travail, et il se trouve que dans une réunion de prud’hommes patrons et de prud’hommes ouvriers présidée par le général et par le préfet, un tarif de salaires a été élaboré d’un commun accord entre les ouvriers et les patrons. Mais Casimir-Perier n’admet pas que les ouvriers puissent intervenir dans la fixation des salaires et produire ainsi une diminution du dividende. Il envoie alors au préfet et au général l’ordre de briser le tarif convenu. Il déchaîne ainsi à Lyon un commencement de révolution qui est réprimé à coups de fusil. En faisant ainsi tirer sur les ouvriers de Lyon, il savait qu’il faisait tirer sur ses propres ouvriers, sur les droits, sur les espérances du prolétariat. [...]
Et après tout cela, quand nous trouvons d’époque en époque tous ces scandales dans l’histoire de la dynastie, on s’étonne que Gérault-Richard accuse ces hommes d’être de faux patriotes ! Mais qu’est-ce donc que le patriotisme ? Consiste-t-il à prodiguer à tout propos le mot de patrie et même, à l’heure où le pays est en péril, à prendre le fusil au moment où l’abstention, constatée de tous serait un déshonneur public ? Consiste-t-il à aller sur un champ de manœuvres et à recevoir des généraux des témoignages de courtisanerie que les rois et les empereurs n’auraient pas tolérés ?
Non. Depuis que la Révolution française a fait la patrie une et indivisible, le patriotisme consiste à subordonner l’intérêt particulier à l’intérêt général. Mais lorsqu’une oligarchie puissante abuse de son pouvoir d’argent pour subordonner au contraire l’intérêt général à l’intérêt particulier, quand le chef d’une famille arrogante profite de son passage au ministère pour agrandir son domaine minier ou ramasser de l’or dans des spéculations qui diminuent la force défensive de la patrie, qu’on ne parle plus de patriotisme, qu’on ne souffle plus avec emphase dans des clairons fêlés. Tout cela n’est que comédie, fausseté et mensonge, et Gérault-Richard a raison de crier, ici et ailleurs : « Faux patriotes ! » Cette vérité qu’il a dite, l’histoire la ratifiera.
Ces hommes sont aussi de faux philanthropes. Croyez-vous en effet que pour mériter le titre de philanthrope, il suffise d’envoyer quelques billets de mille francs à ceux qui combattent le croup [= laryngite de la diphtérie], et de les envoyer en retard, sur la sommation des journaux et après l’exemple donné par les princes exilés ?
Non, l’amour des hommes commence par laisser à ceux qui travaillent pour vous ce qui leur est dû, et je défie les plus complaisants de prêter à la famille Perier le titre de philanthrope, lorsqu’on aura vu, en quelques traits, ce qu’a été sous sa domination la condition des ouvriers d’Anzin.
Ah ! certes, si jamais affaire devait prédisposer à la générosité, par l’excellence de ses résultats et par la beauté de ses dividendes, c’est bien celle-là. En effet, dès 1799, les bénéfices annuels de l’affaire étaient égaux au capital engagé dans l’entreprise. [...] Alors, les produits montent, les dividendes s’enflent, et on arrive rapidement, dès 1824 ou 1825, à près de 3 millions de bénéfices annuels.
Comment y arrive-t-on ? Par ces tarifs et aussi par la fraude envers l’État. Les mines d’Anzin ne payaient pas les droits que doivent toutes les propriétés foncières, et elles étaient seules parmi toutes les mines à ne pas les payer. De plus, alors qu’il y a une redevance proportionnelle sur les bénéfices et les revenus de toutes les mines, celles d’Anzin ne payaient cette redevance proportionnelle que sur un revenu mensonger de 140 000 francs, alors qu’elles produisent en réalité 3 millions de bénéfices. Et ce sont ces hommes, ces fraudeurs féodaux, qui étaient à la tête de l’État ! C’est Casimir-Perier pendant ces deux ministères qui a maintenu cette volerie aux dépens du Trésor.
Ah ! nous aurions le droit de leur crier, puisque leur pouvoir leur vient de leur fortune : restituez votre fortune ! restituez votre pouvoir, car tout cela n’est pas à vous ! [...]
Avant 1824, le salaire était d’environ 34 sous par jour ; les Perier l’abaissent à 30 sous. Et c’est précisément au moment où les dividendes baissent que les salaires baissent. Pendant dix ans les ouvriers subissent ces conditions, mais il vient une heure, en 1833, où ils ne peuvent plus les soutenir, où ils ne peuvent plus respirer ; ils déclarent une grève pacifique, malgré la loi qui interdit les coalitions. [...] Tous ces pauvres gens à mesure qu’ils descendaient dans la pauvreté, descendaient dans la servitude : par une clause inscrite sur leurs livrets, ils s’engageaient, dans le cas où ils voudraient quitter la mine, à prévenir la compagnie trois mois à l’avance et à ne pas travailler ailleurs tout ce temps. Quant à la compagnie, elle ne s’engageait pas du tout à les occuper au cours de ce délai de trois mois ; de sorte que, pour les ouvriers qui voulaient s’évader de la mine, il y avait trois mois à traverser, trois mois de chômage forcé, trois mois de misère meurtrière. [...]
Sachez aussi que les magistrats, au moment même où par la dureté de la loi, complice de la dureté du capital, ils étaient obligés de condamner les ouvriers coupables du seul fait de grève pacifique, sachez donc que les magistrats eux-mêmes, émus de remords, de pitiés, faisaient la leçon et le procès de la compagnie. Oui, monsieur le président de la cour, le président votre prédécesseur disait alors dans son allocution finale, adressée aux ouvriers : "Toutes les autorités forment des vœux sincères pour l’amélioration de votre sort. La voix de l’humanité ne tardera pas à les faire entendre. Les propriétaires des riches établissements ne peuvent être vos tyrans. Non, ils ne peuvent l’être. Un titre plus digne leur est réservé. Ils ne laisseront pas à d’autres le mérite d’être vos bienfaiteurs." [...]
Ce que racontent de tombeau en tombeau -je veux dire de génération en génération-, les innombrables morts du peuple ouvrier, c’est la dureté du Seigneur nouveau, du capital souverain, Dieu implacable du prolétariat décimé !
[ Messieurs les jurés], vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations ! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence ! Songez donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère : ils se taisaient. [...]
Et de quels arguments se sert-on pour nous arrêter ? On nous dit : le président de la République doit être au-dessus des partis, des discussions et des luttes. Mais est-ce nous qui l’avons jeté dans la lutte ? Est-ce qu’il est entré à l’Élysée comme un arbitre impartial tenant sa bienveillance égale entre toutes les fractions du pays ?
Non, il y est entré comme président de combat, et au lendemain de son élection, un de ses amis intimes, M. Jules Roche, écrivait que l’autorité présidentielle serait exercée désormais avec vigueur dans un sens nouveau. Vous l’avez vu, en effet, ce n’est pas le pays tout entier qui s’est groupé autour de lui, mais seulement toutes les forces rétrogrades et oligarchiques. Tous ceux qui avaient quelque inquiétude devant l’avenir de justice qui se prépare se sont rencontrés d’instinct autour de l’homme dont le nom signifie réaction et résistance. [...]
Sans doute le président de la République n’a pas senti à la base de son haut pouvoir, toutes les douces fleurs de vertu, toutes les corolles panamistes [cf. scandale de Panama] qui se rouvraient d’espérance. Non, il n’y a pas là calcul ou préméditation : mais tous les hommes qui se sentent suspects savent qu’il y a dans l’origine de la fortune des Perier des parties louchent qui créent entre elle et eux je ne sais quelle complicité vénérable. Et les coquins du jour, qui n’ont pas pu parvenir encore à l’autorité morale par la longue possession de fortunes mal acquises, se sentent protégés par la longue majesté des rapines séculaires dont le temps a effacé la honte sans en abolir le profit.
Voilà pourquoi il y a eu de toute part vers le nouveau chef de la République un concours de toutes les volontés rétrogrades, de toutes les frayeurs oligarchiques, de toutes les cupidités serviles.
Voilà pourquoi, en l’attaquant, nous attaquons un parti, comme c’est notre droit. Nous n’attaquons ni la France ni la République [...]
Donc, quel argument reste-t-il ? Que nous voulons déshonorer la presse. [...]
On a parlé de ce qui peut avilir la presse. Ah ! ce ne sont pas des polémiques loyales. Ce qui peut l’avilir, c’est le régime des fonds secrets et des mensualités servies par les banquiers.
Nous protestons contre un régime capitaliste et financier qui livre la presse à la corruption gouvernementale et à la vaste puissance des établissements de crédit : Crédit foncier, Crédit lyonnais, etc, de ceux qui ont volé hier et de ceux qui voleront demain.
Voilà ce qui avilit la presse française et la rabaisse à n’être plus que l’organe des hommes d’argent.
Vous avez en face de vous un homme qui écrit dans un petit journal qu’il a créé, un homme indépendant, loyal, honnête et au concours duquel vous étiez les premiers à faire appel quand il s’agissait de lutter pour les libertés républicaines. Cet homme va chercher ce qu’il écrit non pas dans les fonds secrets de M. Dupuy, non pas dans les mensualités des institutions de crédit, mais dans sa conscience seule.
Et pendant que les hauts financiers restent impunis, c’est lui que vous condamneriez !
Ah ! le principe d’autorité est assez sauvegardé, j’imagine, et il y a assez d’autorité dans notre pays. Il y a cette puissance du capital qui s’exerce non pas seulement sur les ouvriers, mais encore sur vous-mêmes par la concentration de tous les capitaux et de tous les moyens de production, par le développement des grands magasins, des grandes usines, des grandes banques.
Messieurs les jurés, vous êtes, comme les ouvriers, et sans vous en douter peut-être, à la discrétion de cette toute-puissance du capital. [...]
Il y a la presse vénale, qui trop souvent n’est qu’un outil de plus aux mains du pouvoir ou des financiers.
C’est à vous de dire si, pour faire équilibre et contrepoids à toutes ces puissances, il ne restera pas un peu de liberté aux journalistes consciencieux et honnêtes.
Vous savez bien que, parce que le jury, en trois décisions successives, a acquitté des journalistes coupables d’irrévérence envers la magistrature, il est question de supprimer le jury ; et je sais qu’on attend votre décision d’aujourd’hui, qu’elle sera à votre dossier, et que si vous vous montrez indépendants, on se propose de supprimer la juridiction du jury et de vous arracher votre magistrature. Je suis sûr d’avance que toutes ces menaces n’auront aucune action sur vous, que vous resterez des citoyens libres défenseurs de la liberté. Nous sommes assurés que c’est un verdict de liberté que vous allez rendre. [...]’’
À l’issue du procès, Gérault-Richard est condamné, au maximum, à un an de prison et à 3 000 francs d’amende. Casimir-Perier démissionne deux mois plus tard. En 1895, Gérault-Richard est député de Paris.
Personne
(*) Plaidoirie complète de Jaurès : le procès de Gérault-Richard a été publié, en 1895, par la Revue des grands procès contemporains. Numérisée par la BNF ( http://gallica.bnf.fr/accueil/?mode=desktop ; rechercher « dieu implacable du prolétariat » ; cliquer sur l’extrait 1 au niveau de « Revue des grands procès contemporains » ; début de la « plaidoirie du citoyen Jaurès » à la page 103)