Julian Assange se meurt dans l’obscurité pendant que le Washington Post se tresse des lauriers (Eurasia Future)

Adam Garrie

Lors du Super Bowl de dimanche [événement sportif le plus important des Etats-Unis - NdT], les téléspectateurs étasuniens et de nombreux téléspectateurs internationaux ont assisté au lancement d’une publicité pour le Washington Post. La publicité narrée par Tom Hanks parlait des valeurs idéales du journalisme honnête, avant de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie ces dernières années, dont le Saoudien Jamal Khashoggi, qui avait travaillé pour le Washington Post avant son assassinat au Consulat saoudien à Istanbul.

Mais lorsqu’il s’agit de journalistes confinés dans les consulats ou ambassades de pays étrangers, il y a un journaliste, éditeur et militant pour la paix incroyablement courageux qui continue de pourrir dans les minuscules chambres de l’ambassade de l’Équateur à Londres.

Julian Assange a fondé Wikileaks fin 2006 pour dénoncer les crimes de guerre et autres méfaits des pouvoirs en place. L’une de ses percées les plus importantes a été la publication des fuites de Chelsea Manning, dénonciatrice de l’armée US, concernant l’ampleur des atrocités commises par les forces étasuniennes et alliées en Irak. Depuis lors, Wikileaks a exposé les sombres réalités du camp de concentration de Guantanamo Bay, la fraude électorale aux États-Unis, les agences de renseignement qui espionnent des civils innocents et même des dirigeants d’Etats, la corruption géo-économique et l’ingérence politique illégale des États-Unis dans les affaires de nations souveraines.

Fait crucial, aucun des documents publiés par Julian Assange n’a jamais été remis en question sur une base factuelle. C’est quelque chose d’inouï dans le journalisme et c’est un record dont Assange peut être fier. Pourtant, au lieu de recevoir un prix Nobel de la paix pour avoir ouvert les yeux du monde sur les crimes qui se produisent sous le brouillard de la guerre, au lieu de recevoir des prix journalistiques importants pour son engagement à demander des comptes aux autorités, Assange languit dans une petite pièce, sans accès à l’air libre.

Assange est un prisonnier d’opinion dont la seule option est d’échanger sa cellule actuelle contre une cellule encore moins humaine et presque certainement une exécution peu après. Il ne faut jamais oublier qu’Hillary Clinton a fait remarquer un jour que l’exécution d’Assange devait être menée avec un drone militaire. Imaginez si un politicien saoudien disait cela d’un journaliste dissident ? Le Washington Post feindrait le choc dans un tel cas, mais pas lorsqu’une importante figure politique des Etats-Unis le dit à propos de Julian Assange.

Julian Assange n’est pas seulement la plus grande personnalité journalistique de notre époque, mais la plus grande de tous les temps. Personne n’a montré une telle capacité à exploiter la technologie moderne pour raconter au monde des vérités qui auraient été beaucoup plus faciles à censurer dans le passé. Mais parce que les publications d’Assange ne pouvaient pas être censurées, les pouvoirs ont décidé de censurer, réprimer et opprimer l’homme.

Depuis près d’un an, Assange est coupé de sa seule bouée de sauvetage vers le monde extérieur – l’Internet, car le président équatorien Lenin Moreno a conspiré pour poignarder Assange dans le dos plutôt que de poursuivre la cause humanitaire de son prédécesseur, l’ancien président Rafael Correa, un homme qui est maintenant lui-même persona non grata en Équateur à cause de la décision de Moreno de mettre un terme aux politiques de son prédécesseur.

Assange n’a pas vu la lumière du jour depuis près de sept ans. Au cours de la dernière année en particulier, les médecins qui ont visité Assange ont publié des rapports détaillant la grave dégradation de sa santé physique et mentale.

Alors que la publicité du Washington Post véhiculait des idéaux sympathiques, ceux qui ont suivi les trois dernières années de la politique des EU savent que la querelle ouverte entre Donald Trump et Jeff Bezos, propriétaire du Washington Post, était évidemment l’une des principales motivations du Washington Post pour acheter du temps d’antenne parmi les plus chers au monde, pendant le Super Bowl. En réalité, la publicité du Washington Post n’était guère plus que la tentative la plus coûteuse au monde de troller Donald Trump. Il est devenu clair que l’opération avait réussi lorsque Donald Trump Jr. a offert à Bezos la réponse qu’il espérait

Alors que les écrans de télévision et d’ordinateur étasuniens sont envahis par une querelle de famille entre deux Américains très riches, Julian Assange est seul, physiquement et métaphoriquement. Le slogan du Washington Post est "la démocratie meurt dans l’obscurité". Et pourtant, un homme nommé Julian Assange a essayé de rendre les hommes et les femmes à travers le monde autonomes par le savoir et, par conséquent, il se meurt littéralement dans l’obscurité.

Adam Garrie

Traduction « à nous de faire la lumière » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

 https://eurasiafuture.com/2019/02/05/julian-assange-dies-in-darkness-while-the-washington-post-pats-itself-on-the-back/

COMMENTAIRES  

15/02/2019 23:03 par Feufollet

Notre monde assiste
Qui ignorant et/ou indifférent
Qui conscient et/ou impuissant
A une dramaturgie en temps réel
Où les droits humains sont bafoués
Par ceux-là qui prétendent les défendre
C’est pas nouveau, mais c’est toujours pire
L’obscène rejoint l’ignoble dans l’acte actuel
Pourquoi il n’y a pas dix milles personnes en permanence
Devant l’ambassade d’Equateur à Londres ?
Dix milles personnes suffiraient à l’exfiltrer de cette prison
Bougez-vous un peu les anglois de sa majesté
Je sais que vous préférez le foot comme des fous
Mais je veux quand prendre l’avion et une chambre à Londres
Pour faire votre boulot, espèce de glandeurs

16/02/2019 01:00 par Bruno

En lisant votre article, j’ai repensé à un autre lu le même jour sur Internet ( Les Yeux de la parole ). Il commence ainsi :

"Avant de dire la vérité, assure-toi d’avoir un bon cheval ». Comme le rappelle ce proverbe tzigane, l’exil est souvent le compagnon, si ce n’est le corollaire, du courage de dire l’oppression et l’injustice, de nommer le mensonge politique fondamental : l’arbitraire déguisé en légitimité, l’imposture drapée des vieux habits du destin. Au risque de l’enfermement et de la torture, de l’ostracisation ou de la mort, combien de femmes et d’hommes furent jetés sur les routes de l’Histoire pour avoir rompu le silence, choisi leurs propres mots et les actes qu’ils impliquaient ? "

En lisant votre article, j’ai aussi tout de suite pensé à Albert Londres. Il me semble que l’homme qui a informé par la technologie de son temps - la Presse écrite moderne - sur la réalité pénitentiaire des camps de concentration français d’alors, les dits " bagnes ", vaut bien la comparaison avec Julian Assange. Je dirais même pour honorer le premier que le second est le digne héritier de Monsieur Londres dont tout le monde connait la célèbre maxime : " « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie » / Albert Londres (1884-1932).

Du coup, je me suis posé la question suivante. Qu’attend donc l’Association du Prix Albert Londres pour offrir à juste titre - Ô combien ! - le prix à Monsieur Julian Assange ? Elle attend quoi la dite association du Prix Albert Londres ? Elle dort ou elle ronfle ? Le prix est aujourd’hui délivré par la Scam et lorsqu’on lit son règlement intérieur, il apparait décidément bien désuet au vu des valeurs universelles que partageaient Monsieur Albert Londres. Il est effectivement dit que le prix ne peut être donné qu’à ces conditions : " Les candidats doivent avoir 40 ans au plus (y compris les co-auteurs) et être francophones " - Réduire le prix Albert Londres à un seul prix national est grotesque. Le limiter par l’âge est absurde. N’est-il pas temps que la Scam respecte véritablement la mémoire du grand journaliste humaniste que fut Monsieur Londres en rénovant son propre règlement interne en l’ouvrant sur la planète entière et en offrant la primeur de ce renouveau et le Prix Albert Londres au seul journaliste qui présentement le mérite ardemment en la personne de Julian Assange ?

Pour interpeler la Scam : du lundi au vendredi de 9h00 à 17h30 - 5 avenue Vélasquez 75008 Paris- Téléphone 01 56 69 58 58 -

16/02/2019 13:15 par vagabond

Julian Assange n’a pas besoin de prix. Il a besoin de sa liberté !
Comment le faire sortir ? Je ne crois pas que les pétitions servent à quelque chose.
Quel pays pourrait le recevoir et garantir sa sécurité ?
Comment pousser les britanniques, les US, les australiens...le monde à exiger sa libération ?
Je n’ose pas penser à ce qu’il vit dans cette prison sordide.
Qu’est-il donc arrive au monde ?

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