L’Allemagne soupèse un plan fédéral européen pour mettre fin à la crise de l’euro - (The Guardian)

Ian Traynor & Giles Tremlett

Appels à "une union bancaire" pour sauver l’euro après le plaidoyer de Paris et de Bruxelles en soutien au sauvetage par l’UE des banques de l’Espagne en difficulté

Les dirigeants européens semblent envisager un nouveau plan ambitieux et controversé pour une zone euro fédéralisée après que Paris et Bruxelles aient appuyé le plaidoyer de l’Espagne pour une opération de sauvetage par l’UE de ses banques en difficultés.

Au début de trois semaines susceptibles d’être cruciales pour la survie de l’euro, le nouveau gouvernement français et la Commission européenne ont exprimé un fort soutien pour une nouvelle "union bancaire" de la zone euro pour sauver la monnaie unique.

Le plan pourrait voir de vastes dettes nationales et des passifs bancaires mis en commun - qui seraient alors soutenus par la solidité financière de l’Allemagne - en contrepartie de quoi les gouvernements de la zone euro abandonneraient de leur souveraineté sur leurs budgets et leurs politiques budgétaires à une autorité centrale de la zone euro.

La crise bancaire de l’Espagne, ajoutée à une volatilité extrême en Grèce avant les nouvelles élections générales du 17 Juin et le scrutin parlementaire français le même jour, ont aggravé l’atmosphère fébrile et inquiète les marchés.

Une "bande des quatre" - le Président du Conseil européen, le Chef de la Commission, le Président de la Banque centrale européenne et un représentant des 17 ministres des Finances de l’Eurogroupe - a été chargée de rédiger des propositions pour une union budgétaire plus approfondie de la zone euro, devant être présentées à un sommet de l’UE à la fin du mois.

"Vous ne pouvez pas exiger des euro-obligations, mais ne pas être préparés pour la prochaine étape dans l’intégration européenne", a déclaré la Chancelière allemande Angela Merkel ce week-end. "Nous ne serons pas en mesure de créer avec succès une monnaie comme cela, et personne en dehors de nous-mêmes ne nous prêtera de l’argent."

Pierre Moscovici, le nouveau Ministre français des Finances, a déclaré qu’un fonds de sauvetage de la zone euro devrait être utilisé pour injecter des liquidités dans les banques qui s’effondrent. Ces paiements directs sont impossibles en vertu des règles existantes. Pierre Moscovici a ajouté que la France souhaite que le sommet mettre en place une union bancaire de la zone euro, qui prendrait la responsabilité de soutenir les banques en difficultés et de garantir l’épargne des déposants à travers les 17 pays.

La commission et la France font pression sur l’Allemagne pour qu’elle s’aligne derrière leur proposition, ce qui nécessiterait qu’Angela Merkel obtienne l’accord de son Parlement. Le recentrage sur Angela Merkel intervient alors qu’elle a supporté quelques-unes des critiques les plus sévères durant la crise de 30 mois pour la façon dont elle a géré les turbulences de l’euro.

Joschka Fischer, l’ancien Ministre allemand des Affaires étrangères, a averti que son pays et l’Europe étaient en danger d’autodestruction pour la troisième fois en un siècle, et a donné à Angela Merkel quelques mois pour changer de cap et sauvegarder la monnaie. Dans un article publié ce lundi, il écrit : "L’Allemagne s’est elle-même détruite - et l’ordre européen - à deux reprises pendant le 20e siècle, il serait à la fois tragique et ironique que l’Allemagne récidive par des moyens pacifiques et avec les meilleures intentions du monde et provoque la ruine de l’ordre européen pour la troisième fois."

Lors d’une réunion à Berlin lundi soir, José Manuel Barroso, le Président de la Commission, était attendu pour faire pression sur Angela Merkel sur la question du sauvetage des banques, qui est devenue critique à cause de la situation d’urgence bancaire de l’Espagne.

Le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, est réticent à demander un plan de sauvetage à grande échelle de l’UE parce qu’il viendrait avec des conditions draconiennes et humiliantes. Il a le soutien de M. Olli Rehn, le Commissaire européen aux Affaires monétaires. "Il est important de considérer cette alternative de recapitalisation directe des banques", a déclaré M. Olli Rehn, "pour rompre le lien entre les souverainetés et les banques."

En vertu des règles existantes pour le fonds de sauvetage, l’argent ne peut être seulement attribué qu’à des gouvernements qui peuvent demander un sauvetage de l’Etat et ensuite utiliser l’argent pour soutenir leurs banques en difficulté. La grande majorité du plan de sauvetage irlandais est toutefois allé directement aux banques en difficulté du pays.

Au début de sa visite à Bruxelles, Pierre Moscovici a appelé à un changement dans les règles : "Nous sommes en faveur de cette union bancaire", a-t-il dit. "C’est une question fondamentale pour laquelle des propositions sont sur la table."

Le banquier le plus important d’Espagne, Emilio Botin, le patron de Santander, a appelé à une aide du fonds de sauvetage européen. Il a indiqué que quatre des banques espagnoles nécessitaient 40 milliards d’euros de nouveau capital "et que ce serait suffisant". Les chiffres d’Emilio Botin incluent 19 milliards d’euros que le gouvernement espagnol s’est déjà engagé à injecter dans la banque en difficultés Bankia - une somme que l’Espagne ne possède pas.

L’évaluation d’Emilio Botin est toutefois en contradiction avec celle des analystes bancaires, qui estiment que les banques espagnoles ont besoin de jusqu’à 100 milliards d’euros. Santander, qui exploite une entreprise bancaire sanctuarisée au Royaume-Uni, ne figure pas parmi celles qui sont jugées avoir besoin de capitaux frais. Cependant, il est probable que si le nouveau soutien direct de la banque était approuvé pour l’Espagne, l’Irlande et le Portugal pourraient demander un traitement similaire.

Dans un discours prononcé en Italie ce week-end, le financier George Soros a prévenu que Mme Angela Merkel n’avait pas plus de trois mois pour résoudre le problème de l’euro, mais il a décrit la perspective d’une sombre nouvelle zone euro contrôlée par Berlin.

"Il est probable que l’euro va survivre car une défaillance serait désastreuse non seulement pour la périphérie, mais aussi pour l’Allemagne," a-t-il dit. "L’Allemagne est susceptible de faire ce qui est nécessaire pour préserver l’euro - mais rien de plus."

"Cela se traduirait par une zone euro dominée par l’Allemagne dans laquelle la différence entre le créancier et les pays débiteurs continuerait de se creuser et la périphérie se transformerait en zone déprimée de façon permanente, dans le besoin de transferts constants de paiements ... ce serait un empire allemand avec une périphérie tel un arrière-pays."

Les propositions en cours d’élaboration pour le sommet sont certaines de comporter des appels à une forme d’eurobond par lesquels l’Allemagne et d’autres pays créanciers moins importants garantiraient les dettes des Etats membres en difficultés.

Le schéma directeur, non encore finalisé, a toutefois été minimisé par la Commission européenne. "Il n’y a pas de plan directeur", a déclaré une porte-parole, Pia Ahrenkilde-Hansen. La notion a également été démentie lundi à Berlin - mais pas exclue. "Nous parlons de plusieurs années et certainement pas d’une solution que nous envisageons à propos de la situation problématique actuelle", a déclaré le porte-parole d’Angela Merkel.

En contrepartie de céder à la pression de payer pour sauver l’euro, Berlin va insister sur de grands pas vers une fédération de la zone euro ou une union politique avec des pouvoirs budgétaires, fiscaux, et un contrôle dévolus à Bruxelles et à la Cour de justice européenne, ce qui signifie de vastes transferts de souveraineté des Etats membres.

Le gouvernement portugais a déclaré que trois de ses principales banques recevraient des injections de capital de 5,8 milliards d’euros, en utilisant des fonds fournis dans le cadre d’un renflouement du pays de 78 milliards d’euros.

Les banques incluent les plus importantes du Portugal, Millennium, ainsi que BPI et la banque d’État Caixa Geral de Depósitos. Une seule des grandes banques du pays, Banco Espirito Santo, survit sans financement de l’État.

Ian Traynor & Giles Tremlett, le 05 juin 2012.

Source : Germany weighs up federal Europe plan to end debt crisis

COMMENTAIRES  

06/06/2012 11:10 par desobeissant

Point de non retour ? Degradation de 6 banques allemandes et de leurs filiales etrangeres par MOODY’S :

Moody’s dégrade la note de plusieurs banques allemandes dont Commerzbank

BERLIN - L’agence de notation Moody’s a annoncé mercredi qu’elle avait abaissé la note de la dette d’une série de banques allemandes, dont Commerzbank et plusieurs banques régionales (Landesbanken), conformément à ce qu’elle avait laissé entrevoir en février.

La première banque allemande Deutsche Bank, pour laquelle Moody’s avait également émis un avertissement en février, ne figure pas dans la liste, car elle fait l’objet d’un examen à part.

Les décisions annoncées mercredi reflètent le risque croissant de nouveaux chocs émanant de la crise de la dette en zone euro, commente Moody’s dans un communiqué.....

......Moody’s avait publié mi-février une liste de 114 instituts européens menacés d’abaissement de leur note. Au cours des semaines passées, et alors que la crise de la dette en zone euro est repartie de plus belle, l’agence a mis sa menace à exécution, abaissant notamment la note de 16 banques espagnoles, ou encore, ce mercredi, des trois plus grandes banques autrichiennes.

http://www.romandie.com/news/n/_Moody_s_degrade_la_note_de_plusieurs_banques_allemandes_dont_Commerzbank_RP_060620121042-23-190715.asp

Moody’s Downgrades Six German Bank Groups, And Their Subsidiaries, By Up To Three Notches

Submitted by Tyler Durden on 06/05/2012 19:27 -0400

First Moody’s cut the most prominent Austrian banks, and now it is Germany’s turn, if not that of the most undercapitalized German bank yet : "The ongoing rating review for Deutsche Bank AG and its subsidiaries will be concluded together with the reviews for other global firms with large capital markets operations."

The full downgrade Matrix :

http://www.zerohedge.com/news/moodys-downgrades-six-german-bank-groups-and-their-subsidiaries-three-notches

06/06/2012 11:56 par samy

Ben la solution préconisée est toujours la même : on "nationalise" les pertes et on privatise les gains, rien de neuf sous le soleil. Seule la méthode change.

On offre aux banques en faillite ce qu’on refuse obstinément de faire pour les États en difficulté, là encore, rien de nouveau. Sauf que cette fois il y a en plus une perte de souveraineté en bonus...

Moi je dis qu’à ce rythme, l’Euro et l’Europe vont finir par faire l’unanimité contre eux.

06/06/2012 12:25 par Yannik

06/06/2012 à 11:10, par desobeissant

......Moody’s avait publié mi-février une liste de 114 instituts européens menacés d’abaissement de leur note. Au cours des semaines passées, et alors que la crise de la dette en zone euro est repartie de plus belle, l’agence a mis sa menace à exécution, abaissant notamment la note de 16 banques espagnoles, ou encore, ce mercredi, des trois plus grandes banques autrichiennes.

Il n’y a pas de "la crise de la dette en zone euro", il y a une récession agravée par une politique antisociale et inepte, il y a un chômage massif, des baisses de salaires, un prolétariat qui se paupérise et des exlus qui crèvent de faim dans les rues.

L’UE et l’eurozone est un avion sans pilote avec une bande d’irresponsables qui se battent pour tenir le manche et sont en train de précipiter les passagers vers une catastrophe certaine sans qu’ils n’aient même leur mot à dire ni puissent y faire quoi que ce soit.

Les malades mentaux précités ont bien sûr un parachute et pas les passagers ça va sans dire...

08/06/2012 00:10 par Michail

A en croire Der Spiegel aux dernières nouvelles, "soupeser" c’est pour Angela Merkel appuyer à mort sur les freins comme elle sait si bien le faire :

Merkel Lowers Expectations for Quick Euro Fix (06/07/2012)

On notera la déclaration surréaliste de la chancelière, je n’ose même pas la traduire, vu qu’en allemand et en anglais elle ne veut strictement rien dire...

A en croire certains, elle n’agirait pas de peur d’être "le fossoyeur de l’Europe", à mon avis c’est précisément en ne faisant rien qu’elle est en train de le devenir, si ce n’est déjà fait d’ailleurs.

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