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L’économie réelle et ses emplois sont otages du dieu-argent.

Graphique http://www.statista.com

Un tsunami avait déferlé le 3 mars 2013 en Suisse. La votation contre les rémunérations abusives avait viré au plébiscite (plus de 54% de oui) contre une super-élite du SMI (1). Pour le citoyen normal, les autorités avaient montré jusque-là une incapacité à gérer et à sanctionner les abus en tout genre (Swissair, les « subprime » des grandes banques, des bonus mirifiques malgré un sauvetage avec l’argent public, le scandale du Libor).

En 2012 les autorités avaient battu des records de déni du citoyen, du contribuable et de la législation au profit de ces supranationales. On avait même communiqué les noms de citoyens suisses présumés innocents au Département de justice américain. Ces personnes avaient eu le tort de travailler un jour pour ces grandes banques dont la soif d’argent de leurs dirigeants ne connaît apparemment pas de limites. En revanche, aucune enquête n’a été diligentée sur sol suisse contre les vrais coupables malgré des informations croustillantes et détaillées. http://lombard-street.ch/2010/01/08/affaire-ubs-serie-noire/ (blog fermé le 25 août 2014 http://lombard-street.ch/2014/08/25/fermeture-du-blog/ )

La dérive de ce système où le plus fort impose sa loi et fait payer à la collectivité ses prises de risque, voire ses crimes finiront par supplanter les institutions démocratiques et la souveraineté du citoyen (définition-même du mot démocratie). Les partis classiques droite-gauche sont dépassés. Les autorités sont si constantes dans leur impuissance réelle ou simulée à gérer cette super-élite qu’elles donnent de plus en plus le sentiment d’en être les auxiliaires. Les bonus déconnectés de la réalité ne sont qu’un des symptômes d’un système qui résulte d’une puissante dynamique générée par le mixage de la globalisation, la financiarisation et la technologie.

Ce phénomène visible depuis une quinzaine d’années est issu des restructurations/fusions massives d’entreprises aux labels prestigieux sur le plan mondial. Ces gros employeurs multinationaux très impliqués dans le tissu national offraient autrefois une base stable à la population active. Fréquemment centenaires, leur succès était celui de générations d’entrepreneurs et de collaborateurs qui avaient mis en commun leurs talents au service de la qualité et de l’économie réelle de leur pays.

Ce décembre le Figaro annonçait ceci : « Plus de 55.000 postes ont été détruits entre juillet et septembre 2014, dont près de la moitié dans l’intérim. C’est le trimestre le plus mauvais depuis le deuxième trimestre 2009, quand l’économie était encore en récession. » Pourtant ce phénomène inexorable se poursuit depuis une trentaine d’années.

Mondialisation. Globalisation. La réorganisation est devenue dès les années 80-90 sans raison objective un must. On a fait alors appel à l’un ou l’autre des cabinets de conseils initiateurs de mondialisation. Le plus grand accompagne 93 des 100 plus grandes entreprises du monde et 50 gouvernements. Leur logique implacable de croissance s’appuie principalement sur deux axes :

• Le premier vise à se positionner face aux concurrents pour les supplanter. Fusions et acquisitions se succèdent. La guerre des prix qui bénéficie dans un premier temps au client a pour principal objectif de liquider la concurrence. Les prix peuvent dans un deuxième temps repartir à la hausse (pratique du hard discount).

• Le deuxième axe agit sur les potentialités du marché. Cette cartographie cible la croissance financière maximale possible dont les indicateurs de succès sont le chiffre d’affaires et la marge bénéficiaire.

Délocalisations, sous-traitance à bas coûts, salaires low-cost, licenciements massifs, échange de population active entre des seniors expérimentés et des juniors en CDD ou stagiaires moins chers mais ignorants des règles et pratiques de gestion... L’entreprise, ses emplois ainsi que toute l’économie réelle sont devenus les otages du dieu-argent.

On a pu ainsi abandonner des secteurs d’activités moyennement ou peu rentables. Ailleurs, c’est une entreprise qui a licencié pour réduire ses coûts la veille d’un rendez-vous financier important. Tant pis pour les emplois... Les indicateurs financiers priment. Aujourd’hui, bon nombre de produits de labels prestigieux et de grandes surfaces ne se différencient les uns des autres que par le visuel et le marketing. L’image. Un simple vernis pour faire acheter...

La production standardisée, massifiée, centralisée et bon marché se trouve quelque part dans le monde. Pendant ce temps, le client occidental continue de payer la marque au prix fort malgré la banalisation de sa qualité. Les marges devenues énormes continuent de croître même quand le chiffre d’affaires baisse.

Le pouvoir du producteur réel s’amplifie à son tour face à une concurrence qui s’estompe quand elle n’est pas cartellisée. La diffusion des produits devenue virtuelle se fait via des traders. Le contrôle qualité se relâche. Le risque de frelatage augmente. Huile, médicament, vin, lait, viande. Tout y passe. De l’huile de moteur dans l’huile alimentaire. Avec le « horsegate », on découvre qu’un seul et même producteur vend le même produit sous une multitude de formes, de pays et de labels. Les leviers financiers de la globalisation sont réels. Les milliardaires se multiplient. Tant pis pour la qualité. Tant pis pour l’éthique.

Impossible de parler de globalisation sans parler de financiarisation. Une politique d’expansion a besoin d’argent frais.

1. La vente du patrimoine. Ainsi, bon nombre d’entreprises ont vendu des actifs juteux hors des métiers ciblés (core business) pour racheter la concurrence. Des « chevaux crevés » -dont Sabena- ont par exemple eu raison du patrimoine de Swissair. La substance de celle-ci a été largement siphonnée.

2. La croissance par l’endettement. Dans un deuxième temps, la croissance exige un endettement auprès de la HF. Celui-ci sera fatal pour l’autonomie de ces géants. Ainsi une banque définit lors de l’octroi d’un crédit le rythme des amortissements. Le banquier a aussi un droit de véto sur la stratégie de l’entreprise. C’est un refus de prolonger les crédits qui a cloué les avions de Swissair au sol.

Un créancier comme UBS dont le premier actionnaire est le fonds souverain de Singapour se targue d’occuper aujourd’hui la première place d’Asie. Dans quelle mesure avait-elle intérêt à encourager ses débiteurs, clients à délocaliser vers ce pays ? Son Directeur général prédisait récemment que les petites et moyennes banques suisses vont souffrir ces prochaines années et que 60 à 80 établissements disparaîtront. Il ne dit pas en revanche à qui en incombe la faute. Comment une guerre impitoyable -soutenue par la Conseillère fédérale des finances- a été livrée à la place financière suisse et à ses petits gestionnaires indépendants. Pendant ce temps, les grandes banques qui en avaient les moyens sont allées se poster en Asie et notamment à Singapour et Hong Kong. UBS est la grande gagnante des déboires de la place financière suisse. Tant pis pour les emplois suisses, tant pis pour les impôts, tant pis pour la justice... Les PME bancaires –ainsi que toute la place financière- paient aujourd’hui pour les nuisances initiées en 2007par UBS elle-même.

Si la HF détient en tant que créancière un droit de vie ou de mort sur les entreprises cotées en bourse et leurs emplois. UBS va plus loin en imposant sa vision dans les coins et recoins de la vie suisse (université, politique...). Les analyses économiques et conjoncturelles y c les conseils et autres projections sont faites par UBS et/ou CS. Ce sont ces informations qui sont reprises et relayées dans les médias nationaux. Ce sont elles qui participent fortement à la diffusion massive du rôle attendu de la banque centrale. Etonnant tout de même...

La technologie vient accélérer cette dynamique de financiarisation et de croissance. La robotique par exemple devient moins chère que le plus bas des bas salaires du monde. Ainsi, en Chine une entreprise a remplacé 500 000 ouvriers par des robots. Au Japon, une entreprise neuve de 15 hectares, entièrement automatisée, produisant pour 2 milliards de dollars par mois fonctionne avec 15 salariés.

La mondialisation a enfanté un système à haute concentration de capitaux, à haut rendement mais puissamment destructeur d’emplois. Cela est résumé par des bourses qui évoluent à l’opposé des niveaux de chômage et de paupérisation. Il engendre la captation de l’outil de production par la HF doublée d’un sentiment de toute-puissance de la super-élite. http://www.huffingtonpost.fr/2014/02/26/ascenseur-goldman-sachs-twitte...

L’économie réelle, nationale mais aussi la réalité de la population active sont simplement ignorées par ces financiers mais plus grave encore par les tenants de l’autorité publique. Jusqu’où ce système ira ?

Liliane Held-Khawam

(1) SMI est l’indice boursier du marché suisse regroupant les 20 principales actions

»» http://lilianeheldkhawam.wordpress.com/2014/12/18/les-emplois-les-otag...
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