Au coeur de l’activité humaine, l’énergie occupe une place de premier plan. Mais cette invisible énergie dont nous dépendons en tout, nécessite, tout comme l’agriculture, l’alimentation, l’habitat ou la santé, d’être repensée à l’aune d’un nouveau paradigme.
Depuis le premier choc pétrolier, les solutions miracles énergétiques se succèdent sur la scène médiatique : hydrogène, nucléaire, éthanol, panneaux dans l’espace, nucléaire et éthanol de diverses générations, gaz naturel comprimé, éolien off-shore, sables bitumeux, énergie des déserts, charbon « propre » et maintenant gaz de schiste... Mais tour à tour, chaque solution se révèle insuffisante pour remplacer le pétrole. En attendant le miracle, le discours dominant d’aujourd’hui avance donc qu’aucune énergie unique ne pourra à elle seule y parvenir. On parle maintenant du « mix énergétique » entre énergie fossile de haute qualité / basse qualité / nucléaire / renouvelable. L’idée étant d’extraire un maximum d’énergie fossile en les remplaçant progressivement par du renouvelable avec un petit « appui » nucléaire.
Le « mix » : fausse bonne idée
Mais cette vision largement répandue est impossible à réaliser parce que les énergies renouvelables citées et le nucléaire ne nous donnent que de l’électricité. Or les énergies fossiles nous fournissent non seulement de l’électricité mais surtout une immense puissance thermique dont nous avons besoin pour nous chauffer, cuire nos aliments, bouillir de l’eau, etc. - puissance thermique aussi utilisée directement dans l’industrie (acier, ciment...). Toute la problématique énergétique actuelle tient dans le fait que plus de 85% de l’énergie domestique et industrielle sert à produire de la chaleur.
On trouve dans ce « mix » trois types d’énergie. Tout d’abord les énergies fossiles de haute qualité (pétrole, gaz naturel) qui s’épuisent. La deuxième catégorie d’énergie se compose de l’éolien et du solaire électrique (photovoltaïque et centrales), certes renouvelables mais ne produisant que de l’électricité. Elles sont par ailleurs gourmandes en énergie thermique fossile, ainsi construire des éoliennes et des panneaux photovoltaïques peut demander plus d’énergie thermique fossile que ce qui sera produit au final en électricité. La troisième catégorie se divise entre les méga-barrages et le nucléaire fournissant de l’électricité mais très polluants (et d’un faible bilan énergétique pour le nucléaire si l’on inclus l’enrichissement de l’uranium et le traitement des déchets), et la biomasse, l’éthanol, les sables bitumeux ou les gaz de schiste qui nous donnent de l’électricité ou de la chaleur avec d’énormes dégâts environnementaux. Remplacer le pétrole par ces énergies serait donc écologiquement catastrophique.
Premier besoin : de l’énergie thermique
On constate donc que gouvernements et ingénieurs cherchent à répondre à des besoins électriques alors qu’en attendant la vaste majorité de l’humanité continue à consommer charbon, gaz et bois pour cuisiner, chauffer et travailler. L’électricité est décidément à côté de la plaque... thermique ! On comprend alors que toutes ces alternatives n’en sont pas et que ce « mix » est mis en avant parce que l’électricité est la seule manière d’acheminer ces énergies dans les villes et que les gestionnaires actuels n’arrivent pas à abandonner une vision centralisée et urbaine de la société.
Le solaire, une énergie thermique sans transformation
Reste une quatrième catégorie peu ou pas mentionnée : la géothermie (volcan, geyser) et le solaire thermique. Elle peut nous fournir une énergie thermique propre sans catastrophe naturelle. Problème : les volcans et les geysers sont difficilement accessibles et on ne peut espérer un approvisionnement massif. Pour répondre à notre demande en énergie thermique reste donc le solaire thermique, qui utilise les rayons directs pour produire la chaleur - une source d’énergie par conséquent abondante, gratuite et qui n’appartient à personne... Cette énergie directe est par essence décentralisée et, pour être économiquement rentable, ne peut s’inscrire que dans des modes de vie et de productions locaux et autonomes. Le débat énergétique est donc présenté surtout comme un débat technique entre experts alors que la vraie question sous-jacente est celle de notre vision sociale.
Eerik Wissenz
www.solarfire.org
Plus d’info :
Cochet (Y.), Pétrole Apocalypse, Fayard, 2005.
Illich (I.), Énergie et équité, in Å’uvres complètes vol. 1, Fayard, 2004.
Wingert (J.-L.), La vie après le pétrole, Autrement, 2005.