L’Equateur retrouve une boussole.








Le Courrier, mardi 2 Octobre 2007.


« L’Equateur ne se dirige pas vers une époque de changements mais bien vers un changement d’époque ! ». Depuis dimanche, le président Rafael Correa possède toutes les cartes en main pour concrétiser son astucieuse formule. Avec le raz-de-marée électoral de son parti à l’Assemblée constituante, c’est la troisième fois en moins d’un an que la population équatorienne exprime sa confiance en ce jeune économiste chrétien-social adepte d’une économie régulée, de redistribution sociale et de démocratie participative.

Réduits à l’état de groupuscules, les partis traditionnels disparaissent donc de concert avec la Constitution de 1998 qui s’était attachée à traduire leur modèle de développement libéral et colonial en termes juridiques. Ferme allié de Washington, l’Equateur avait été jusqu’à abandonner sa propre monnaie pour le dollar. Comme un symbole du renoncement à toute souveraineté.

Mais au-delà du vote sanction, la victoire d’Acuerdo Paà­s porte aussi l’empreinte de ce surprenant Rafael Correa. A la tête de l’Etat depuis huit mois, cet ancien fonctionnaire du Ministère de l’économie démontre un réel sens politique. Conscient du profond désir de rénovation des Equatoriens, Rafael Correa a poursuivi sur l’élan de son élection et, jouant du plébiscite populaire, il est parvenu à marginaliser sans trop de peine l’ancienne élite politico-économique du pays.

Cette stratégie de l’affrontement était périlleuse mais réaliste : qui pouvait imaginer que les magnats de la banque et autres géants bananiers allaient se laisser dépouiller de leur pouvoir politique sans réagir ? Alors, autant s’y frotter en position de force et ne pas céder le moindre pouce de terrain...

Soucieux de ne pas répéter les erreurs d’Evo Morales en Bolivie, M.Correa a parfaitement balisé le terrain de l’Assemblée constituante. Disposant d’une majorité suffisante, d’un canevas constitutionnel commandé à des universitaires et d’un cadre réglementaire précis, les constituants pourraient terminer leur travail avant mai 2008, de façon à éviter l’enlisement et la déception populaire qui pointe déjà en Bolivie.
En complément aux politiques économiques et sociales du gouvernement, l’Assemblée constituante dispose donc de six petits mois pour redéfinir une sphère publique inclusive et égalitaire. Les deux nouveautés institutionnelles testées lors de ce scrutin vont dans la bonne direction : dimanche, pour la première fois en Equateur, un candidat sur deux était une femme ! Quant à la propagande politique, elle a été sévèrement réglementée durant toute la campagne : chaque parti a disposé exactement du même espace et du même temps de parole... Un exemple de démocratie à méditer.

Bénito Perez


- Source : Le Courrier www.lecourrier.ch




Message du Président Rafael Correa aux Belges : s’ ils vivaient une situation difficile, les Belges seraient les bienvenus en Equateur.


Rafael Correa ramène l’Equateur dans le camp progressiste, par Benito Perez.


L’Amérique latine déclare son indépendance, par Noam Chomsky.

Amérique latine : La bipolarisation inévitable, par Raul Zibechi.


* * * Des dizaines d’ articles en français sur l’ Equateur sur Risal www.risal.collectifs.net






COMMENTAIRES  

04/11/2007 15:58 par André Vanden heede-Esposo Gonzalez

Ecuador,te quiero !

2 novembre 2007.
Toussaint à Puerto-Lopez.
Depuis 15 jours il pleut sec, ce n’est plus la garua, mais bien
les inondations du Niño qui sont en avance sur le calendrier, c’est
pour cela que les climatologues l’appellent « La niña ».
La pluie n’a rebuté personne. Devant l’entrée du cimetière quelques
tibias et autres fémurs ont déserté leurs sépultures, chassés par la
pluie hors des caveaux brisés. Une âme pieuse les a recouverts d’un
plastique qui s’agite au vent .Qui viendra les récupérer ?
Tous les habitants sont là entourant leurs chers défunts. Assis sur
des minis bancs, abrités sous les parapluies multicolores devant les
caveaux tout chaulés de neuf et posés symétriquement sur 4
ou et 5 niveaux, les inscriptions soigneusement repassées en noir
comme autant de devoirs scolaires sur pages non lignées, et tous
surabondamment fleuris. L’ambiance est chaleureuse.
On pique-nique en famille. Les plus beaux morceaux de poulets, les
crevettes les plus belles resteront sur place pour que cette nuit
défunts et malheureux du village puissent gueuletonner l’âme en paix.
Les mariachis, guitares en bandoulières proposent leurs
« de Profondis por madres y padres ». Les petits vendeurs
de bougies ne font pas fortune, la pluie et le vent éteignant trop
vite les petites flammes. Les petites filles proposent leurs
dizaines d’ « Ave Maria. ». En vil mercanti je leur demande si
le commerce marche. Non, pas bien, le territoire qu’on leur a
assigné est trop petit et en plus c’est le carré des pauvres.
Et puis le curé a ratissé large toute la semaine avec sa grande barbe
noire et ses grands habits qui le font paraître à Jésus-Christ. Elles me
montrent leurs gains. Trois dollars et demi ; « por ayudar a mi mama
cuidar los hermanitos ».=Pour aider maman à élever les petits frères
me dit la plus grande, 10 ans tout au plus. L’autre a trois dollars en
piécettes de un et de 5 centavos : c’est pour acheter une paire de chaussures.
Effectivement, ça urge, il y a encore beaucoup à prier pour en avoir
une paire à la prochaine fiesta de la Merced. Je leur achète tout un
chapelet pour améliorer la recette,- mais je précise en plaisantant- : « pas
des dizaines de neuf". Elles me regardent interdites sans trop
comprendre. J’explique, honteux de moi. « Por cierto, no vamos
engañar a la Virgen ! » répondent-elles les yeux pleins de reproches.
Il faut vraiment être vicieux comme un gringo pour avoir de tels soupçons.
Face aux tombes les Ave sont murmurés allégro pronto sur un ton de rap.
. Pour sûr que là -haut on va abréger le purgatoire d’un paquet
d’ancêtres, pécheurs repentis. En quittant le cimetière, je les vois en train de
sucer tour à tour le même frisko. Elles ont écorné légèrement le capital.
Pas rancunières pour un sou elles m’offrent leurs plus beaux sourires.
Y a pas à dire, les morts à Puerto- Lopez ont encore de beaux jours à vivre.
Alléluia !

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