L’Europe est en feu - (Süddeutsche Zeitung)

Joschka Fischer

L’Allemagne est seule et isolée. Contre toute expérience historique Mme Angela Merkel garde une politique dogmatique d’épargne qui conduit l’Europe à l’abîme. Si l’euro tombe et avec lui la deuxième plus grande économie dans le monde, alors cela déclenchera une crise, comme n’ont jamais connu les générations présentes.

Les temps sont graves, très graves même. Qui aurait jamais même rêvé que lui, que David Cameron, invite les gouvernements de l’Eurogroupe - vous enfin - à avoir tout le courage nécessaire afin de vous attaquer à une union financière (Un budget commun, une politique fiscale commune, une garantie commune de la dette) et, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen, de créer une union politique ? C’est alors seulement que la désintégration de l’euro pourra être arrêtée.

Le Premier ministre britannique conservateur ! Ainsi a dit cela récemment ! Et pire encore le fait est que David Cameron a complètement et totalement raison ! La maison européenne est en feu, et Londres exige un comportement raisonnable et résolu du service de lutte contre l’incendie.

Bien sûr, il n’a pas compté avec le service de lutte contre l’incendie (Les Allemands, nous) et notre chef des pompiers, Angela Merkel. L’Europe, dirigée par l’Allemagne, plutôt que de le prolonger avec du kérosène - au lieu de l’éteindre avec de l’eau - et d’accélérer le feu par de l’austérité forcée par Mme Angela Merkel. C’est pourquoi la crise financière dans la zone euro est devenue depuis trois ans une véritable crise existentielle.

Et ne vous faites pas d’illusions. Aujourd’hui, l’Europe est au bord du précipice et tout s’écroulera dans les prochains mois, à moins que dès maintenant l’Allemagne et la France n’aient ensemble, le réflexe et le courage de créer une union fiscale et une union politique de l’Eurogroupe. Car si l’euro s’effondre, l’Union européenne va s’écrouler avec son marché commun - et déclencher une crise économique mondiale, comme n’ont jamais connu les générations actuelles - la deuxième plus grande économie mondiale.

Aucune confiance dans l’austérité

Les récentes élections en France et en Grèce, mais aussi les élections locales en Italie et la persistance de l’agitation sociale en Espagne et en Irlande ont montré que les populations ont perdu la foi dans l’austérité sans croissance forcée de l’Allemagne depuis longtemps. Nous apprenons maintenant à nouveau à la dure, qu’une telle politique d’austérité dans une crise financière majeure, cela ne fait qu’exacerber la dépression.

On s’attendait à ce que la connaissance depuis la Grande Dépression de 1929 des politiques anciennes d’austérité de Hoover aux États-Unis et de Brüning en Allemagne était un lieu commun. Malheureusement, ce n’est pas le cas, du moins pas en Allemagne.

En conséquence, la Grèce menace bientôt de sombrer dans le chaos, et elle sera suivie par une tempête dans les banques en Espagne, en Italie et en France qui déclenchera une avalanche qui ensevelira l’Europe. Et alors ? Ecrirons-nous ensuite par terre, ce en quoi avaient investi plus de deux générations d’Européens et ce qui a conduit à la plus longue période de paix et de prospérité sur notre continent ?

On peut déjà imaginer, dans ce cas, que ce serait dire au revoir - face à la désintégration de l’euro et la disparition de l’Union européenne de la scène mondiale. Et juste pour l’Allemagne la plus amère conséquence serait que ce serait du fait d’une politique seulement absurde de Berlin.

Joschka Fischer, le 04/06/2012.

Source : Europa steht in Flammen

COMMENTAIRES  

06/06/2012 11:59 par Michail

"Im 20. Jahrhundert hat Deutschland zweimal mit Krieg bis hin zum Verbrechen und Völkermord sich selbst und die europäische Ordnung zerstört, um den Kontinent zu unterjochen. Es wäre eine Tragödie und Ironie zugleich, wenn jetzt, zu Beginn des 21. Jahrhunderts, das wiedervereinigte Deutschland, diesmal friedlich und mit den besten Absichten, die europäische Ordnung ein drittes Mal zugrunde richten würde."

"L’Allemagne s’est elle-même détruite - et a dévasté l’ordre européen - à deux reprises pendant le 20e siècle, il serait à la fois tragique et ironique que l’Allemagne - à l’aube du 21e siècle - récidive par des moyens pacifiques et avec les meilleures intentions du monde, provoque la ruine de l’ordre européen pour la troisième fois."

Joschka Fischer

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06/06/2012 15:20 par Dwaabala

« C’est pourquoi la crise financière dans la zone euro est devenue depuis trois ans une véritable crise existentielle. »

En France, le citoyen de base voit depuis 30 ans que les abandons successifs de la souveraineté nationale au profit de la construction européenne sont en fait la plus formidable entreprise historique de mise au pas de masses populaires pour les spolier et ramener par la concurrence leur niveau de vie à celui des régions les plus déshéritées du globe.

Que la crise soit existentielle, encore plus pour les travailleurs que pour l’euro ou l’entité européenne, ne fait aucun doute pour les malheureux Grecs en premier.

07/06/2012 20:26 par Yannik

06/06/2012 à 15:20, par Dwaabala

Que la crise soit existentielle, encore plus pour les travailleurs que pour l’euro ou l’entité européenne, ne fait aucun doute pour les malheureux Grecs en premier.

Vous savez, Joschka Fischer tout ancien vice-chancelier et ministre fédéral des Affaires étrangères qu’il soit, ce n’est pas vraiment l’archétype d’un affreux réactionnaire, quand il se dit préoccupé pour le sort de l’Europe, il ne parle pas de celui de ses banquiers ou de ses gros industriels...

C’est curieux le distinguo que vous faites entre une économie comme celle de l’eurozone et ses populations et ses travailleurs, non ? Ils vivent de quoi ces travailleurs ? Vous ne pensez pas qu’ils vivent de l’économie et de l’industrie de cette région du monde ? Qu’est-ce qui remplit leur assiette, si ce n’est l’économie de la zone euro ?

L’économie, la monnaie, la gestion des affaires publiques, ce ne sont pas des concepts abstraits, ça concerne tout le monde !

08/06/2012 03:19 par Michail

Un article récent sur la crise de l’eurozone : Start the engines, Angela - (The Economist)

En sachant que bien sûr The Economist n’est pas un organe d’expression marxiste-léniste, comme chacun sait, et qu’il y a quelques passages du papier qui feront hurler les gens normalement constitués entre leurs oreilles, mais bon il faut juste les zapper, le reste est informatif et intéressant. Le personnel de ce genre de canards aurait besoin d’une bonne rééducation politique rurale à la mode Khmer rouge, je vous l’accorde volontiers, ah, ah !

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