11 

La Gauche devra désobéir à l’Union européenne

Fermons les yeux et rêvons un peu. Nous sommes en 2012, au printemps. Pour la première fois, la Gauche radicale française est unie derrière un candidat aux élections présidentielles. Unie également pour mener la bataille des législatives. Et elle gagne, dans les deux cas ! Mais passée l’immense fête populaire que mérite un tel succès et la mise en place d’un gouvernement, il se pose un problème crucial à nos nouveaux dirigeants. Si cette Gauche radicale se réfère au droit communautaire qui s’impose aux états membres, elle doit en effet renoncer à mettre en oeuvre son programme social, écologique et solidaire, qui est par nature incompatible avec les traités de l’Union européenne.

Il fut une époque où la Gauche française répondait sans ambiguïté à ce problème. Dans son chapitre consacré à l’Europe, le programme commun de 1972 du Parti communiste français, du Parti socialiste et du Mouvement des radicaux de gauche indiquait : « Le gouvernement aura à l’égard de la Communauté économique européenne un double objectif. D’une part, participer à la construction de la CEE, à ses institutions, à ses politiques communes avec la volonté d’agir en vue de la libérer de la domination du grand capital, de démocratiser ses institutions, de soutenir les revendications des travailleurs et d’orienter dans le sens de leurs intérêts les réalisations communautaires ; d’autre part de préserver au sein du marché commun sa liberté d’action pour la réalisation de son programme politique, économique et social. » Et l’Union européenne était à l’époque bien moins libérale qu’aujourd’hui !

Entre temps, Bruxelles a muré les fenêtres et verrouillé les portes qui auraient permis à des états de sortir de l’euro-libéralisme.

Le Traité de Nice indique par exemple dans son article 56 que « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites », ce qui rend les politiques fiscales de gauche impossibles.

Sans attendre le Traité de Lisbonne, la Cour de justice des communautés européennes met en pratique la casse des acquis sociaux, comme c’est le cas avec les arrêts Viking ou Laval, qui tendent à aligner les conditions de travail sur les pires dispositions en vigueur dans l’Europe des vingt-sept.

Face à une Commission qui conserve toujours l’exclusivité en matière de propositions législatives, le Parlement est cantonné dans un rôle d’observateur, qui autorise tout juste certains députés à lancer des alertes en direction de l’opinion publique. Surtout, l’assemblée qui représente les peuples ne possède aucune compétence sur les traités communautaires et les accords internationaux, qui sont les véritables fondements des politiques européennes.

L’affaire des OGM détruit quant à elle l’espoir qu’un groupe de pays puisse influencer les décisions de l’Union européenne dans un sens moins libéral : alors qu’une majorité de citoyens et d’états membres souhaite interdire les cultures transgéniques, la Commission continue de les imposer au nom du libre-échange.

Au final, tout projet de transformation « de l’intérieur » pour bâtir une Europe sociale nous renvoie à un avenir lointain. La construction européenne suit une ligne tout à fait libérale qui ne montre aucun signe d’affaiblissement, bien au contraire.

Cette situation de blocage nous impose de répondre aussi clairement que nos prédécesseurs à cette question taboue : que ferait un gouvernement de Gauche radicale face aux institutions communautaires ? Tout montre qu’il n’aurait pas le choix. Il lui faudrait désobéir, c’est à dire construire un droit national socialement juste et protecteur de l’environnement, même si ce droit est incompatible avec les textes européens.

La Gauche pourrait-elle par exemple accepter la transposition des directives de privatisation qui détruisent la Poste ou le service public de l’énergie ? Pourrait-elle accepter qu’on lui interdise de taxer les transactions financières ou de voter des lois anti-délocalisations ? Bien-sûr que non.

Or, même s’ils en ont conscience, les partis n’osent pas encore aborder ce sujet. Pourtant, un état qui assumerait la désobéissance européenne en entraînerait d’autres avec lui. Il créerait un formidable espoir de changement là où domine le fatalisme. Il ouvrirait une brèche dans laquelle tous les mouvements sociaux pourraient s’engouffrer. En nouant de nouvelles alliances sur des bases anti-libérales, il irait même jusqu’à poser les fondations de cette autre Europe que nous souhaitons créer. Après les succès de Die Linke en Allemagne ou de la gauche radicale portugaise, la désobéissance européenne apparaît bel et bien comme le chaînon manquant vers une révolution progressiste par les urnes, en Europe et au delà .

En 2005, lors du référendum sur le Traité constitutionnel, nous expliquions aux citoyens que les politiques européennes surplombaient l’ensemble des politiques nationales. Les citoyens l’ont parfaitement compris. Malheureusement, la Gauche radicale propose d’excellentes mesures, mais ne dit jamais comment elle les appliquera face à l’ultralibéralisme de Bruxelles. Soyons-donc logiques. Osons assumer cette désobéissance européenne, qui permettra à la Gauche de redevenir victorieuse.

Liens :

http://abernier.vefblog.net/

Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP - www.m-pep.org)

COMMENTAIRES  

12/03/2010 08:27 par CN46400

ce qui rend les politiques fiscales de gauche impossibles.

sauf retenue à la source...

Pour le reste tout est possible si la volonté politique est au rendez-vous.

Par exemple rien n’oblige la France à transformer EDF en une multinationale de l’électricité. Si cette entreprise publique conserve, ou revient à , sa vocation qui est de fournir, à l’hexagone, l’électricité au meilleur prix, elle est imbattable. Même situation pour France Télécom, SNCF, La Poste etc....Ce qui ne veut pas dire qu’une coopération avec le reste du Monde ne soit pas possible et même souhaitable.

Pour ce qui est des OGM, personne ne peut obliger les français d’en comsommer, surtout que nous savons tous que si les produits naturels disparaissaient les prix des OGM, en situation de monopole exploseraient. C’est d’ailleurs le but de l’opération !

Le temp où la CEE apportait quelques avantages à ses membres est terminé. Personne ne peut, maintenant, espérer en recevoir plus que ce qu’il apporte, d’où, par prudence élémentaire, l’idée de n’y aventurer aucun "bijou de famille".

Mais c’est un choix politique, on est à droite ou on est à gauche !

12/03/2010 09:37 par M.T.

Bravo pour cet article ! Sujet essentiel ! :-)

12/03/2010 10:06 par Anonyme

"Après les succès de Die Linke en Allemagne ou de la gauche radicale portugaise"

De quels succès s’agit-il ?

12/03/2010 12:05 par Le Yéti

Gauche radicale ou autre nouveau pouvoir, la crise actuelle ne pourra se résoudre QU’EN DEHORS du système néolibéral moribond*. Et donc en dehors d’un de leur représentant éminent : l’Union Européenne.

* NB : l’actuelle bonne santé apparente de la finance internationale n’est que poudre aux yeux (rappelons que les places boursières sont toujours en perte de plus de 30% depuis fin 2007).
Ces fous se sont carrément coupés de leur seul moteur vital : l’économie réelle. Ils vivent désormais sur le vase clos et suicidaire de la spéculation. Ils sont stupidement en train de constituer une bulle infernale. Pire, ILS SONT DEVENUS EUX-MÊMES LEUR PROPRE BULLE.

Or le propre des bulles, c’est de finir par exploser. Cette explosion interviendra fatalement dans les 4/5 ans. Peut-être même plutôt, lors de la prochaine déflagration financière : la chute de l’immobilier commercial aux USA, courant 2011/début 2012.

Rappelons que leur argent n’est que jeu d’écriture dans des cahiers. Et demandez aux Argentins fortunés d’il y a quelques années, ou aux Islandais fortunés d’aujourd’hui, ou bientôt aux Grecs fortunés ce qu’il reste de leur fortune.
Demandez aux classes moyennes et même huppées de Californie ou de Floride ce qu’il reste de leur fortune depuis la faillite de leurs États respectifs (rappelons qu’en Floride, certains possédants ont dû se faire remettre en 2009 des tickets de rationnement pour pouvoir subsister).

12/03/2010 15:47 par David Egret

Si je suis d’accord avec cet article je me demande si la simple désobéissance aux traités de l’union européenne suffirait. De plus la France serait immédiatement punie de lourdes amendes... bien sûr on pourrait ne pas payer... Réformer l’Europe telle quelle est à présent est une gageure à mon avis, c’est du domaine de l’impossible. Les structures sont verrouillées et empêchent toute modification démocratique. La seule issue est de sortir de l’union européenne, en sortir complétement. Il est tout à fait possible d’être internationaliste sans avoir à appartenir à un monstre bureaucratique ingérable au service du capital tel que l’union européenne actuelle.

12/03/2010 17:15 par RedGuff

Bonjour.
Sortir de l’Union Libérale d’Europe est urgent, en effet.
Le moment est idéal : l’euro est menacé de toutes part, et les critères de stabilité ne sont pas respectés. L’ULE est révolue.

12/03/2010 18:09 par Olivia Kroth

Oui, il faudra sortir, absolument !
L’union européenne devient de plus en plus totalitaire, au service de l’oligarchie financière, avec un controle financier centralisé à Bruxelles sous le dictat imposé par la Banque européenne.

13/03/2010 15:08 par Roland

Mais NON, Aurelien,sur les partis T’as pas raison : écoute, écoute ...

http://www.lateledegauche.fr/index.php?pge=emission&id_departement=12&id_video=216&tag=Jacques%20Généreux

13/03/2010 21:58 par Byblos le maronite

Je trouve trop optimistes, pour ne pas dire irréalistes, et cet article et la plupart des commentaires qui le suivent.

Pour qu’une politique véritablement de gauche soit mise en place, à plus forte raison malgré les institutions européennes, il ne suffit pas de VOULOIR désobéir. Il faut, au préalable, prendre le pouvoir. C’est d’ailleurs le « rêve » formulé au début de l’article, sur lequel repose toute la suite.

Or, tout indique qu’une VRAIE gauche est incapable de prendre le pouvoir où que ce soit en Europe. Il faut être aveugle pour ne pas voir la montée des péril d’extrême droite. A côté de ce qu’annoncent, par exemple, les campagnes anti-arabes qu’on voit partout et sous des formes aussi subtiles que variées, Le Pen et compagnie sont des enfants de choeur.

L’antiarabisme est tout simplement la forme nouvelle de l’antisémitisme des années 30. En mieux dégrossi, plus subtil et plus rampant.

Mais bien plus efficace.

14/03/2010 01:16 par Thibault

Je rejoins malheureusement Byblos dans son raisonnement. A la place d’un pouvoir de Gauche radicale, je crois plutôt en la désobéissance civique qui, elle, pourrait changer les choses. Dans les années soixante, son ampleur fut sans équivoque. Il faudrait retrouver cette vitalité et cet espoir dans chaque citoyen. Le fatalisme qui envahit les masses n’est pas une chose que l’on ne peut combattre !
Ce sont les peuples qui font les "démocraties", c’est aux peuples à les redresser voire faire tomber quand celles-ci se trompent de route.
N’oubliez pas l’article 35 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs"

http://www.bullesdejeune.tk
Un site où se croisent désobéissance, contre-culture, systèmes alternatifs, etc... A lire, à commenter et à faire connaitre !

14/03/2010 08:16 par CN46400

@ Biblos,

Or, tout indique qu’une VRAIE gauche est incapable de prendre le pouvoir où que ce soit en Europe. Il faut être aveugle pour ne pas voir la montée des péril d’extrême droite.

1934 l’extrème droite est au zenith ; 1936 = victoire du Frnt Populaire !

(Commentaires désactivés)