RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
24 

La pandémie est nucléaire

Dans un épisode (3 août 2020) de la série de vidéos « Il est temps » d’Arte, Jean-Marc Jancovici, ingénieur français diplômé de l’École Polytechnique, fondateur et président de The Shift Project – « le think tank de la transition carbone » – et associé fondateur de Carbone 4 – « premier cabinet de conseil spécialisé sur la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique » – prétend que le nucléaire est « un amortisseur de la décroissance plus efficace que l’éolien ou le solaire ». Cette déclaration est à classer parmi les nombreuses absurdités défendues avec vigueur par les nuisibles et autres parasites proches du pouvoir cherchant par tous les moyens à maintenir l’ordre socio-économique et technologique dominant, même au prix de la vie sur Terre.

Qu’elle soit issue de l’éolien, du solaire, du nucléaire, du pétrole, du gaz, de la méthanisation, de la géothermie ou du charbon, la production d’énergie poursuit un seul et unique objectif : alimenter des machines et des usines, accélérer la marche et l’expansion du système techno-industriel anéantissant la biosphère. Le nucléaire a parfaitement rempli cette mission – la dévastation socio-écologique planétaire a d’ailleurs progressé au même rythme que le développement du parc nucléaire. Comme tout lobbyiste prenant la défense d’une industrie nuisible, Jean-Marc Jancovici nie l’évidence en affirmant que le nucléaire n’y est pour rien dans l’hécatombe globale.

À la manière des défenseurs de l’énergie dite « propre » (éolien, solaire, etc.), il a pris soin en amont de limiter le cadre du débat à la production énergétique et aux émissions de gaz à effet de serre. À les écouter tous, il est évident qu’aucun des partis ne semble investi d’une mission au service de la biosphère ou du climat. Il s’agit plutôt de préserver par tous les moyens possibles le système techno-industriel en substituant une production énergétique par une autre. Il n’est presque jamais question de la finalité de la production énergétique.

Si cette énergie fait fonctionner des machines ayant arraché 44 milliards de tonnes de minéraux non métalliques (sable, gravier et argile en majorité) à la croûte terrestre en 2017, soit cinq fois plus qu’en 1970, ce n’est pas bien grave. Peu importe que cette production massive d’énergie ait permis d’industrialiser le système de production alimentaire, un système si efficient qu’un tiers de la nourriture (1,3 milliard de tonnes) destinée aux humains est gaspillée chaque année. Peu importe que cette énergie alimente des usines d’où sortent automobiles et camions, porte-conteneurs et tankers, jets privés et avions de ligne, bulldozers et excavatrices, tanks, avions de chasse, porte-avions, blindés, munitions et missiles, sans oublier les emballages plastiques et autres déchets électroniques (smartphones, ordinateurs, objets connectés) déversant partout leurs toxines.

Dans ce cadre, présenter le nucléaire comme indispensable à une politique de décroissance paraît plutôt osé, pour ne pas dire complètement grotesque. Et il suffit de prendre du recul pour s’en rendre compte, par exemple en jetant un œil à l’évolution de l’industrie nucléaire à l’étranger. Conformément aux conseils avisés de Jean-Marc Jancovici, les dirigeants de l’Empire techno-industriel mondial ont prévu « d’amortir la décroissance » en construisant des centaines de réacteurs aux États-Unis, en Chine, en Europe, en Inde, en Arabie Saoudite ou encore en Russie. Plus sérieusement, la quatrième révolution industrielle est attendue comme le Messie par l’oligarchie réunie au sein du Forum Économique Mondial (FEM) tenant sa petite fête annuelle à Davos. Et cette révolution industrielle ne peut avoir lieu sans une augmentation continue de la production énergétique globale.

Selon Klaus Schwab, fondateur et président du FEM, la quatrième révolution industrielle est « la révolution numérique, née au milieu du siècle dernier. Elle se caractérise par une fusion des technologies qui gomme les frontières entre les sphères physique, numérique et biologique. »

Il poursuit :

« Des milliards de gens bénéficient de perspectives illimitées grâce aux appareils mobiles connectés, dont la puissance de traitement, la capacité de stockage et l’accès au savoir sont sans précédent. Ces perspectives sont encore démultipliées par l’émergence de technologies novatrices dans les domaines de l’intelligence artificielle, la robotique, l’Internet des objets, les véhicules autonomes, l’impression 3D, la nanotechnologie, la biotechnologie, la science des matériaux, le stockage de l’énergie et l’informatique quantique. »

Pour déployer partout ces technologies merveilleuses et intensifier leur usage [et la 5G ne peut qu’y contribuer ; NdE], il va bien falloir augmenter la production d’électricité. Heureusement, il y a le nucléaire !

Selon la World Nuclear Association, notre planète compte environ 440 réacteurs nucléaires en fonction dans 30 pays. Au niveau global, plus de 100 réacteurs sont commandés ou planifiés, et au moins 300 réacteurs supplémentaires sont proposés. La Chine et l’Inde devraient contribuer en majorité à cet « effort de guerre ».

D’après les rapports annuels de l’Energy Minerals Division (EMD) appartenant à l’American Association of Petroleum Geologists (AAPG) :

— L’Inde prévoit d’investir massivement dans l’énergie nucléaire pour la porter à 25% de sa fourniture énergétique.

— La Chine exploite 38 réacteurs et en construit 25 en ce moment. D’ici 2030, le pays de l’oncle Xi Jinping ambitionne d’en construire 99 autres et envisage d’atteindre un total de 240 réacteurs à terme.

— La Russie construit 7 réacteurs, en moyenne un nouveau réacteur devrait entrer en service chaque année d’ici à 2028. Le pays construit également des réacteurs flottants sur les côtes de Sibérie et de l’Arctique, dont le premier a été mis en service afin d’alimenter en électricité la course à l’extractivisme dans le cercle arctique. Une technologie que la Russie espère exporter à l’étranger.

— Aux États-Unis, où 20% de la production électrique provient de 98 réacteurs nucléaires, deux nouveaux réacteurs entreront en service peu après 2021, et 24 autres ont été proposés.

— L’Arabie Saoudite prévoit de construire 16 réacteurs d’ici 2030.

— Le Japon améliore et remet en marche sa flotte de réacteurs malgré l’accident de Fukushima. Dans peu de temps, les autorités japonaises devraient commencer à déverser dans l’océan plus d’un million de tonnes d’eau radioactive ayant servi à refroidir les réacteurs de Fukushima.

— Coïncidence intéressante : d’après L’Usine Nouvelle, États-Unis, Chine, Inde, Russie et Arabie Saoudite sont aussi les États qui concentrent 62% des dépenses militaires mondiales. Les apôtres de l’atome sont aussi des va-t-en-guerre, ça promet.

Mais ayons confiance, la classe dirigeante a déjà eu l’occasion à maintes reprises par le passé de nous démontrer qu’elle était tout à fait capable de garder le contrôle de la puissance destructrice à sa disposition.

Philippe Oberlé, 9 novembre 2020.

Article publié sur le blog Greenwashing Economy.

Lire : Bertrand Louart, Jean-Marc Jancovici, “l’écolocrate nucléariste ”.

NB : un lien pour plus de photos illustrant l’article

»» https://sniadecki.wordpress.com/2020/11/22/oberle-jancovici/
URL de cet article 36708
  

"Pour sauver la planète, sortez du capitalisme" de Hervé Kempf
René HAMM
Le titre claque comme un slogan que l’on clamerait volontiers avec allégresse. Quel immense dommage que si peu de Vert(-e)s adhèrent à ce credo radical, préférant, à l’image de Dominique Voynet Daniel Cohn-Bendit ou Alain Lipietz, quelques commodes replâtrages ! Les déprédations gravissimes de l’environnement découlent d’un mode de production uniquement mû par « la maximisation du profit ». La crise économique actuelle, corollaire des turbulences qui ont frappé la bulle des hedge funds et des subprimes, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Assange ne représente un danger pour personne, sauf pour ceux qui représentent un danger absolu pour tout le monde.

Randy Credico

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.