La sainteté politique dérangeante de Dom Pedro Casaldliga (Brazil247)

Roberto Malvezzi

La sainteté politique de Casaldáliga, dans sa dimension environnementale, sociale et économique, trouve ses racines dans l’Église primitive. Il ne s’agit pas de donner ponctuellement de la nourriture ou des vêtements à une personne pauvre, mais de rompre avec les injustices structurelles d’une société et de créer un autre type de société. C’est pourquoi il était un théologien, un mystique, un pasteur et un prophète de la lignée des chrétiens libertaires. La vie de Casaldaliga s’inscrit dans le cadre plus large de l’annonce de Jésus, c’est-à-dire la justice et la miséricorde (Matthieu 23:23).

Au début, Pedro était un mystique, mais un mystique politique. C’est lui qui amena la catégorie spirituelle de la "nuit noire" du monde subjectif de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix vers la dimension sociale : "la longue nuit noire du néolibéralisme". Et il cherchait le petit matin de cette longue nuit.

Ensuite, Pedro était un révolutionnaire convaincu et explicite. Il soutena la révolution nicaraguayenne et cubaine ainsi que toutes les insurrections en Amérique latine et centrale, comme au Salvador. Comme il le disait, "je suis mû par l’amour de la révolution". C’était donc un homme de "l’ici et du maintenant" de l’histoire.

De même, en maudissant toutes les clôtures, Pedro était contre la propriété privée, en particulier de la terre, de l’eau et de ce que l’on appelle les biens communs. Les mouvements socio-environnementaux y ajoutent l’éducation, la santé, l’énergie et l’alimentation. C’est pourquoi Pedro aimait tant les Indiens, notamment en raison de leur dimension de socialisme primitif. Il savait qu’un bien commun privatisé n’est plus un bien commun.

En conséquence, Pedro était un socialiste convaincu. Une fois, dans une conversation privée, disant qu’il vivait avec un salaire minimum, et que dans ses voyages il avait à peine l’argent pour acheter des biscuits et une boisson, il me dit : "nous ne sommes pas prêts à vivre socialement". Oui, je l’ai moi-même reconnu, de cette façon je ne le suis pas non plus, et je ne l’ai jamais été.

Enfin, Pedro était opposé à tout le ritualisme romain de la liturgie, avec ces mitres, ces crosses, ces tenues sacerdotales, tous originaires du Moyen Âge et hors de notre monde. Il ne porta jamais ces accessoires et préférait son chapeau de paille, ses vêtements simples, ses sandales, qui s’adaptent bien dans un environnement aussi chaud que l’Araguaia. Tout comme Dom José Rodrigues, évêque ici, à Juazeiro da Bahia. Pour terminer, il décida de ne pas se rendre aux Visites Ad Limina, où les évêques se présentent devant le Pape tous les cinq ans.

Oui, sans jamais perdre de sa tendresse, la sainteté politique de Pedro dérange, même pour moi. Pire, ou plutôt, tout cela au nom du Dieu auquel il croyait, le Dieu de Jésus de Nazareth, celui qui a été crucifié et ressuscité il y a environ deux mille ans.

Ces jours-là, l’espoir inébranlable de Pedro s’est ancré sur les rives de l’Araguaïa.

PS : la région de l’Araguaia, de la fin des années 1960 à 1974, pendant la dictature miltaire, fut le théâtre de conflits armés entre la guerilla et l’armée brésilienne. Les guerilleros finirent par être exterminés.

[Pedro Casaldáliga, né à Balsareny, dans la province de Barcelone, en Espagne, le 16 février 1928, décédé le 8 août 2020 au Brésil, fut un évêque catholique vivant au Brésil depuis 1968. Il était évêque émérite de la prélature de San Felix.

Il était bien connu pour sa défense des droits de l’homme, en particulier ceux des indigènes et des laissés pour compte, ainsi que pour ses positions politiques et religieuses en faveur des plus pauvres.

Dom Pedro fut la cible de nombreuses menaces de mort. La plus grave, le 12 octobre 1976, se produisit à Ribeirão Cascalheira (Mato Grosso). Lorsqu’il fut informé que deux femmes étaient torturées au poste de police local, il s’y rendit, accompagné du prêtre jésuite João Bosco Penido Burnier.

Après une forte dispute avec les policiers, le père Burnier menaça de les dénoncer aux autorités, et fut abattu d’une balle dans la nuque. Après la messe du septième jour de son décès, la population partit en procession jusqu’au poste de police, libéra les prisonniers et détruisit le bâtiment.

À cinq reprises, sous la dictature militaire, Pedro Casaldáliga fut la cible de procès d’expulsion du Brésil. À ces occasions, il fut toujours défendu par l’archevêque de São Paulo, Dom Paulo Evaristo Arns.]

Roberto Malvezzi

Traduit par Petronilla Petronillum Grossefatigorum pour Le Grand Soir.

 https://www.brasil247.com/blog/a-santidade-politica-de-casaldaliga-e-um-incomodo

COMMENTAIRES  

30/08/2020 09:43 par calame julia

Quand on sait comment le Vatican a fait faire table rase de l’action de Dom Helder Camara
(Archevêque de Olinda et Recife dans le Nordeste région réputée la plus pauvre du Brésil),
je ne peux que vous remercier pour ce récit au sujet de Dom Pedro Casaldliga dont j’ignorais tout.

01/09/2020 05:21 par Petronilla Petronillum

Merci de votre commentaire. Il est important, cest vrai, de souligner laction dune partie de léglise catholique, très active dans la lutte contre la pauvreté et les inegalités, dans la volonte de créer une societe plus juste : Dom Helder Camara et Dom Pedro Casaldaliga en faisaient partie. Cette frange progressiste de l’église catholique a payé un lourd tribut pendant la dictature militaire au Bresil (1964-1984). À l’heure actuelle, dans le Brésil de Bolsonaro, de nombreux religieux catholiques sont persécutés, voire assassinés. L’église est divisée, comme toujours, mais 150 évèques ont signé une très belle lettre contre la dérive fasciste du gouvernement, et les dangers du libéralisme, où la plus grande partie du peuple, et surtout les plus pauvres, sont toujours perdants.

05/09/2020 23:20 par alain harrison

Merci de rappeler qu’a existé ces hommes de la révolution. Et la répression libérale (hypocrite) se perpétue.

Mais, pour aider la Révolution d’Amérique Latine, la France demeure un symbole (une nostalgie).

Eh regard des dernières années avec l’avènement de la FI et de GJ, l’un se structurant autour d’une VI République et l’autre plongeant dans la Prolétariat, et que l’on constate l’effervescence des initiatives, des missions, des soulèvements, de puissants portes-paroles, etc,. N’y a-t’il pas là un formidable potentiel pour une organisation synergique puissante ? Tout ça demeure éparse et, au demeurant conflictuel, parce que la vision globale n’y est pas.
Par le manque de vision historique conjoncturel, les instances "progressistes" refusent (mobiles) de passer le flambeau et d’adhérer à ce que Marx appelait : prolétaire rassemblez-vous (voir plateforme jaune), les prolétaires c’est nous tous (retraités, .....étudiants,....femmes,....., nous les citoyens-travailleurs. Former des milliers de comités dans lesquels se retrouvent écolo, activistes,etc., en épousant le rassemblement autour des Gilets Jaunes et que la machine de la FI se mette à son service.
Ce n’est pas aux GJ d’adhérer à qui que ce soit, mais à qui que ce soit d’y adhérer. Passer le Flambeau et le supporter est le premier pas vers cette synergie du Peuple Français, qui ne manquera pas à régénérer les forces Prolétariennes Citoyennes travailleurs montantes. Ne voyez-vous pas cette occasion de se préparer pour la Révolution, le Passage.
La Constituante Citoyenne et le Parti de Transition Citoyen, un tandem.
Le nouveau Pacte Social__ reconnaissance et respect.
Le nouveau paradigme économique__éradiquer la pauvreté.

Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.

Redire et redire de mille et une façon des vérité, où laisser le haut parleur à ceux qui répètent des mensonges.

Dans l’agenda de la course électorale, les médiats, les banques, les institutions politiques sont au coeur du rapport à la vie quotidienne.

Comment dire, mais c’est nécessaire.

« « « Souverainetés et internationalisme

L’internationalisme est l’un des fondements du mouvement ouvrier depuis le XIXe siècle. Il est parfois résumé par la formule célèbre de Marx « Prolétaires (ou travailleurs) de tous les pays, unissez-vous ! » et symbolisé par un chant : « L’Internationale ». On se souvient que les empires et les bourgeoisies nationales de l’époque luttaient pour les conquêtes territoriales, notamment coloniales, en utilisant le peuple comme chair à canon. On peut alors comprendre que la solidarité était, de beaucoup, plus forte entre les ouvriers des différents pays, qu’entre les ouvriers et la bourgeoisie à l’intérieur d’un pays donné.
Le concept même d’internationalisme suppose l’existence des nations. Mais quand on se réfère à « la nation », il faut en préciser le contenu. Mazzini, puis Renan, Jaurès et d’autres ont en effet développé une distinction entre deux conceptions diamétralement opposées de la Nation : celle, ethnique, de la “nation inconsciente“ ; celle, politique, de la “nation consciente“.

La première, la nation inconsciente, enferme l’individu et les groupes sociaux dans les déterminants issus du passé, ceux de la race, du sang et du sol. Elle fonde le chauvinisme.

La seconde, la nation consciente, invite les citoyens à forger des projets d’avenir en commun ; les citoyens, à travers la nation consciente ont vocation à s’élever vers la "commune humanité".

C’est bien sûr à cette seconde définition que le Pardem se réfère.

Mais n’oublions pas que le nécessaire constat de la légitimité démocratique et sociale de la Nation ne saurait suffire. On pourrait même se fourvoyer si ce constat conduisait à accepter les inégalités entre citoyens d’un même pays, à négliger les solidarités internationales, la recherche de compromis et d’arbitrages entre les intérêts nationaux !
L’internationalisme s’oppose évidemment au nationalisme, si on se réfère à la conception inconsciente de la nation. En revanche, si on considère la nation comme un « marchepied vers l’universel », le lieu principal où s’exerce la volonté politique des citoyens, il n’y a pas opposition mais complémentarité entre l’internationalisme et ce patriotisme-là.

Jaurès l’avait vu et exprimé clairement, il y a plus d’un siècle :
« ... Ce qui est certain, c’est que la volonté irréductible de l’Internationale est qu’aucune patrie n’ait à souffrir dans son autonomie. Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes du militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n’est pas seulement servir l’internationale et le prolétariat universel, par qui l’humanité à peine ébauchée se réalisera, c’est servir la patrie elle-même.
Internationale et patrie sont désormais liées. C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. » (Jean Jaurès, L’Armée nouvelle, 1911).

D’une autre manière, Romain Gary a établi une distinction entre le nationalisme « haine des autres » et le patriotisme “amour des siens“. C’est avec ce patriotisme humaniste, internationaliste, qu’il s’agit de renouer après plus d’un siècle de tâtonnements et d’errements.

Lire la suite : https://www.pardem.org/analyses/la-souverainete-nationale/276-souverainetes-et-internationalisme » » »

Comment dire.

« « Dans l’agenda de la course électorale, les médiats, les banques, les institutions politiques sont au coeur du rapport à la vie quotidienne. » »
« « « Le concept même d’internationalisme suppose l’existence des nations. Mais quand on se réfère à « la nation », il faut en préciser le contenu. Mazzini, puis Renan, Jaurès et d’autres ont en effet développé une distinction entre deux conceptions diamétralement opposées de la Nation : celle, ethnique, de la “nation inconsciente“ ; celle, politique, de la “nation consciente“. » » »

Mais nous avons à faire avec un vieux démon (le fascisme-nazisme ?) incarné par Trump, Bolsonaro....... ?
Ici,je conseille de lire l’épilogue de l’ouvrage de M. Grof : Psychologie Transpersonnelle
Pour comprendre l’origine de ce concept, l’introduction de son livre : Royaumes de l’inconscient humain (1975). Au début,il a commencé ses recherches en équipe en Allemagne de l’Est.
Deux chapitres qui parlent par eux-mêmes.

Ce n’est pas la quantité des information, mais la qualité.
Krishnamurti : voir la vérité d’une chose.

Attention, il n’y a pas de panacée, mais une juste place dans les rouages du changement. De l’Hominisation à l’Humanisation. Allons-nous laisser faire des psychopathes ?

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