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Le Monde Diplomatique (août 2014)

Dans ce numéro d’août 2014, Serge Halimi se demande si l’on peut parler d’ « équilibre » lorsqu’on rend compte de la guerre israélo-palestinienne : « L’expédition punitive de l’armée israélienne à Gaza a réactivé l’une des aspirations les plus spontanées du journalisme moderne : le droit à la paresse. En termes plus professionnels, on appelle cela l’« équilibre ». La chaîne de télévision américaine d’extrême droite Fox News se qualifie ainsi, non sans humour, de « juste et équilibrée » (fair and balanced). Dans le cas du conflit au Proche-Orient, où les torts ne sont pas également partagés, l’« équilibre » revient à oublier qui est la puissance occupante. Mais, pour la plupart des journalistes occidentaux, c’est aussi un moyen de se protéger du fanatisme des destinataires d’une information dérangeante en faisant de celle-ci un point de vue aussitôt contesté. Outre qu’on n’observe pas ce même biais dans d’autres crises internationales, celle de l’Ukraine par exemple, le véritable équilibre souffre pour deux raisons. D’abord parce que, entre les images d’un carnage prolongé à Gaza et celles d’une alerte au tir de roquettes sur une plage de Tel-Aviv, une bonne balance devrait pencher un peu... Ensuite, parce que certains protagonistes, israéliens dans le cas d’espèce, disposent de communicants professionnels, tandis que d’autres n’ont à offrir aux médias occidentaux que le calvaire de leurs civils.

Or inspirer la pitié ne constitue pas une arme politique efficace ; mieux vaut contrôler le récit des événements. Depuis des décennies, on nous explique donc qu’Israël « riposte » ou « réplique ». Ce petit Etat pacifique, mal protégé, sans allié puissant, parvient pourtant toujours à l’emporter, parfois sans une égratignure... Pour qu’un tel miracle s’accomplisse, chaque affrontement doit débuter au moment précis où Israël s’affiche en victime stupéfaite de la méchanceté qui l’accable (un enlèvement, un attentat, une agression, un assassinat). C’est sur ce terrain bien balisé que se déploie ensuite la doctrine de l’« équilibre ». L’un s’indignera de l’envoi de roquettes contre des populations civiles ; l’autre lui objectera que la « riposte » israélienne fut beaucoup plus meurtrière. Un crime de guerre partout, balle au centre, en somme.

Quand les réfrigérateurs envoient des courriels (Evgeny Morozov) : Quarante-cinq ans après les premiers pas de l’homme sur la Lune, la course technologique emprunte une voie singulière : en janvier dernier, un réfrigérateur connecté à Internet envoyait inopinément des rafales de courriels indésirables... Au-delà de son folklore, la numérisation de la vie quotidienne engendre un modèle économique qui contraste avec les promesses mirifiques de la Silicon Valley.

En Amérique latine, les coups d’Etat se font maintenant en douce (Maurice Lemoine) : Habituée aux putschs, l’Amérique latine est redevenue, après l’hiver des dictatures, un laboratoire d’expérimentations politiques à gauche. Mais, désormais, les Etats-Unis et leurs alliés ont appris à renverser – ou tenter de renverser – sans trop d’effusions de sang les gouvernements qui les dérangent.

Laurent Bonelli explique pourquoi le bon délinquant n’est pas l’évadé fiscal ou le patron voyou mais le petit récidiviste : « Un bon délinquant, un homme qui a commis une série de petits vols, de petites escroqueries, de petits attentats aux mœurs (...), quoiqu’il n’ait peut-être encore assassiné personne ni volé sur les grands chemins, un récidiviste en un mot, mérite un traitement privilégié de la part des tribunaux correctionnels. On le punit alors, non à cause de ses délits passés, remarquons-le, mais bien en raison des délits futurs qu’il commettrait si on ne le punissait pas. » Cette citation de Gabriel Tarde, l’un des fondateurs de la criminologie, date de 1890. Elle aurait aisément pu se glisser dans les débats parlementaires concernant la loi relative à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines adoptée par le Parlement le 17 juillet 2014. Elle résume en effet une préoccupation constante de ceux qui s’intéressent à la pénalité : comment éviter la récidive ?

La sexualité bouge en Algérie (Pierre Daum) : De nombreuses sociétés traditionnelles et religieuses proscrivent les rapports sexuels avant le mariage. Cet interdit est en général transgressé, avec plus ou moins d’hypocrisie. En Algérie, la tension est d’autant plus vive, parfois douloureuse, que l’immigration et Internet ont généralisé la connaissance de pratiques amoureuses jugées répréhensibles.

Pour Alain Gresh, Gaza est insoumise : Déclenchée le 8 juillet, l’offensive israélienne contre Gaza, aérienne puis terrestre, a provoqué la mort de plus de sept cents personnes (au 24 juillet). Il est pourtant peu probable que les assiégés capitulent. Toute l’histoire de ce territoire, qui a produit les principaux cadres du Fatah, confirme la solide tradition de résistance de la population, qui ne s’est jamais résignée à la disparition de la Palestine après 1948.

En Egypte, rien n’arrête le mouvement ouvrier, selon Moustafa Bassiouni : Due à la baisse des subventions aux produits de première nécessité, la récente hausse des prix a provoqué un fort mécontentement en Egypte. Avec la fin du ramadan, les luttes ouvrières pourraient repartir de plus belle. La vague de grèves de février 2014 qui a contraint à la démission le gouvernement de M. Hazem Al-Beblaoui aurait dû représenter une avancée majeure pour le mouvement ouvrier égyptien. Pour la première fois depuis le 3 juillet 2013, jour de l’éviction du président Mohamed Morsi (Frères musulmans), des débrayages de grande ampleur sont intervenus dans les services publics et dans le secteur industriel d’Etat : les employés du textile et des filatures, des transports et des services de propreté se sont joints à ceux des postes, du secteur de la santé ou de la justice. S’y sont ajoutées des dizaines de grèves et d’autres initiatives dans le secteur privé. Pour le seul mois de février 2014, le Centre El-Mahrousa pour le développement socio-économique a recensé plus d’un millier de sit-in, débrayages ou manifestations, avec plus de deux cent cinquante mille grévistes, contre moins de cinquante actions en janvier et moins de quatre cents en mars.

Une bonne question de Jean Ping pour Sarkozy : Fallait-il tuer Kadhafi ? L’élimination de Mouammar Kadhafi, le 20 octobre 2011, a signifié la fin de son régime despotique, mais pas celle du chaos en Libye. Les dégâts collatéraux des raids aériens occidentaux affectent aujourd’hui tous les riverains du Sahara. Afin d’éviter un tel désastre, l’Union africaine avait proposé une solution politique, en passe d’aboutir au moment de l’intervention étrangère ; ce dont témoigne un acteur de premier plan.

Comment les médias français rendent-ils compte de la guerre en Ukraine (Mathias Raymond) : Après l’écrasement d’un avion malaisien dans la zone contrôlée par les séparatistes ukrainiens, le 17 juillet, la presse russe a répandu les informations les plus fantaisistes, pourvu qu’elles ne dérangent pas le pouvoir en place à Moscou. Dans un conflit où chacun se voit sommé de choisir son camp, les médias français ne font pas exception au manque général de discernement et de rigueur.

En Australie, cela vaut désormais le coup d’être mineur de fond (Maxime Lancien) : Son extension affole les urbanistes, et son enrichissement vertigineux enchante le gouvernement : grâce à l’activité minière, la ville de Perth, située sur la côte occidentale australienne, attire de nombreux ouvriers. Ces « gueules noires », dont le salaire dépasse celui de hauts cadres, réactivent un vieux complexe d’infériorité national et suscitent la gêne de leurs concitoyens.

Jordan Pouille explique pourquoi les vacances des Russes au Vietnam sont désormais tendance : Les « printemps arabes » et les manifestations thaïlandaises à répétition ont modifié les habitudes des vacanciers russes. Sur les plages de Mui Ne et de Phan Thiet, à deux cents kilomètres de Ho Chi Minh-Ville, pêcheurs et hôteliers s’adaptent à ces nouveaux arrivants.

Une nouvelle de l’écrivain chinois Yan Lanke pour le Diplo, “ Le bras oublié ” : Parfois interdit, parfois diffusé sans problème, Yan Lianke compte parmi les écrivains les plus imaginatifs de la Chine contemporaine. Engagé et humaniste, il s’empare des réalités de son pays (le sang contaminé, la bureaucratie, la pauvreté dans les campagnes, le maoïsme...) pour en tirer des romans baroques aux situations improbables et, souvent, à l’humour ravageur. Il a écrit cette nouvelle pour « Le Monde diplomatique ».

Une critique raisonnée de Thomas Piketty et son pari d’un capitalisme à visage humain (Russell Jacoby) : A en juger par son succès immense aux Etats-Unis, le dernier livre de Thomas Piketty tombe à pic. Empruntant son titre à Karl Marx, il détaille un phénomène – l’envol des inégalités dans les pays occidentaux – qui suscite une réprobation croissante. Mais là où Marx espérait qu’une révolution sociale transformerait le monde, Piketty imagine qu’un impôt mondial sur le capital le réformera.

Pour Pierre Rimbert, les robots sont désormais en roue libre : On ignore si elle égayait déjà l’homme de Neandertal dans sa caverne, mais la figure de l’arroseur arrosé offre à l’humanité une source de joie intarissable. En mai dernier, le Financial Times révélait qu’une campagne de publicité en ligne de la marque Mercedes-Benz avait été majoritairement visionnée par... des robots. D’ingénieux filous ont en effet conçu des programmes capables de feindre la présence d’internautes sur des sites factices afin d’appâter les annonceurs et d’empocher leurs euros. Ces automates numériques, appelés « bots » – diminutif de robots –, « miment des mouvements de curseur et des clics de souris, donnant l’impression qu’une vraie personne est en train de visiter le site », explique le quotidien britannique, qui s’alarme : « La dérangeante vérité de la publicité en ligne — un marché de 120 milliards de dollars [95 milliards d’euros] –, c’est que son secteur le plus dynamique et le plus innovant est de plus en plus exploité par des criminels » (1).

Laura Raim nous apprend qu’on peut désormais devenir actionnaire d’un athlète (d’un blogueur ?) : Privatiser des baleines, créer un marché des organes, spéculer sur les cyclones : les folies du libéralisme n’ont de limites que celles de l’imagination. En bonne logique, il fallait que les individus eux-mêmes soient réduits à l’état d’actifs financiers. Il suffit pour cela de considérer une personne comme un « capital humain » divisé en parts échangeables sur un marché. Et susceptible de dégager un retour sur investissement. Xavier Dorison et Thomas Allart ont conçu leur bande dessinée HSE. Human Stock Exchange (Dargaud, 2014) comme une œuvre d’anticipation. Il faudra peut-être songer à la reclasser dans la catégorie « documentaires ». L’argument ? Alors que l’économie des pays industrialisés est anéantie par une crise sans précédent, un seul actif financier semble résister : l’être humain. Les « gagnants » de la société peuvent en effet se faire coter sur un marché spécifique et toucher le montant de leur capitalisation. Sélectionnés en fonction de critères drastiques – profession, revenus, mais aussi situation conjugale, taux de glucose, coefficient socio-relationnel –, ils versent une partie de leurs revenus sous forme de dividendes à leurs actionnaires.M. Adam Steege, un individu bien réel, pourrait presque être un personnage de HSE. Pour financer sa start-up de matériel chirurgical, ce diplômé de Columbia a ouvert un profil sur le site Upstart, créé en 2012. Alors que sur les sites de financement participatif classiques, comme Ulule, c’est le projet que l’on vend aux investisseurs. Ici, c’est... l’individu. Le curriculum vitae de M. Steege a visiblement convaincu : l’ingénieur de 27 ans a levé 60 000 dollars (45 000 euros) auprès de vingt-six investisseurs, à qui il doit désormais 6 % de ses revenus annuels pendant dix ans.

Pour Clarice Victor, le management est de plus en plus cynique : Au travail, dans bien des cas, la « culture d’entreprise » et la motivation des salariés ont remplacé les structures contraignantes. Mais dans certains secteurs, comme le monde du conseil et de la banque, il est difficile de se persuader qu’on œuvre au bien de l’humanité. Paradoxalement, le désabusement peut alors se révéler un allié puissant du management et garantir la cohésion des équipes.

Quand la lutte des classes contamine l’alpinisme (Tobias Scheidegger ) : Inventé par des aristocrates, l’art de gravir les montagnes demeura réservé aux classes aisées jusqu’à l’irruption de l’escalade sportive, dans les années 1980. Aux temps héroïques, les alpinistes cherchaient en premier lieu à se distinguer de la masse. Leur sensibilité à la beauté des cimes et à une nature grandiose allait de pair avec leur dédain pour les rustres vivant dans ces contrées reculées.

Jean-Paul Walch raconte comment l’escalade est devenue un sport : Piolet à la main, un alpiniste chemine sur une crête étroite qui mène à un sommet enneigé. De part et d’autre, une pente glacée plonge vers l’abîme. « Les dirigeants extraordinaires ne se contentent pas de diriger », proclame le slogan. Nous ne sommes pas dans les Alpes ou dans l’Himalaya, mais dans l’hebdomadaire britannique The Economist : la société IE fait la promotion de son diplôme « Leadership positif et stratégie ».

David Commeillas décrit l’évolution du webdocumentaire : Permettre au spectateur de s’immerger dans un sujet, l’amener à tracer son propre cheminement, privilégier le temps long : après des années de tâtonnements, le webdocumentaire a appris à exploiter pleinement les possibilités offertes par l’interactivité. Reste à trouver un modèle économique pérenne.

Ignacio Ramonet relate sa dernière sa dernière rencontre avec “ Gabo ”, Gabriel García Márquez, : On m’avait dit qu’il était à La Havane mais que, souffrant, il ne souhaitait voir personne. Je savais où il descendait d’habitude : dans un superbe cottage, loin du centre. J’appelai, et Mercedes, son épouse, balaya mes scrupules : « Pas du tout, me dit-elle avec chaleur. C’est pour éloigner les casse-pieds. Viens, “Gabo” sera content de te voir. » Par une chaleur mouillée, le lendemain matin, je remontai une allée de palmiers et me présentai à la porte de leur villa tropicale. Je n’ignorais pas qu’il souffrait d’un cancer de la lymphe, et qu’il se soumettait à une exténuante chimiothérapie. On le disait très atteint. On lui attribuait même une déchirante lettre d’adieu à ses amis et à la vie... Je craignais de me retrouver devant un moribond. Mercedes vint m’ouvrir et, à ma stupéfaction, me dit avec un sourire : « Entre. Gabo arrive... Il termine sa partie de tennis. »

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