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Le monde qui vient n’a rien d’une utopie, c’est un cauchemar.

« Ce qui est en train de se passer est une expérimentation totalitaire dans laquelle la fin affichée – "sauver des vies" – justifie tous les moyens », écrit l’auteur de cette tribune. Alors que le confinement dure et que la pandémie perdure, ce qui vient n’est « ni l’insurrection ni la grève générale, c’est une dystopie ».

Une analyse superficiellement écologiste pourrait trouver dans cette pandémie des raisons d’espérer : réduction des transports inutiles (tout particulièrement aériens), prévision d’un ralentissement de la croissance et donc prévision d’une baisse des pollutions (par exemple, la chute de l’activité en Chine a diminué en février les émissions de gaz à effet de serre de l’équivalent de la production annuelle des Pays-Bas)...

Une analyse superficiellement critique pourrait même se réjouir que le confinement va donner à chacun le temps et l’occasion de se poser la question du sens réel de la vie qualifiée « auparavant » d’ordinaire, au point peut-être de se mettre à espérer déboucher sur une critique réveillée du consumérisme quotidien : rien de plus bizarre aujourd’hui que de consacrer quelques minutes à regarder des publicités télévisées dont les contenus si peu « essentiels » sont si évidemment en décalage avec la situation vécue.

On pourrait même croire, à écouter par exemple Sibeth Ndiaye évoquer « un changement de paradigme », que ces temps de crise sont en train de fournir la preuve « par le fait » qu’un changement de cap est possible. Mais quand le premier exemple concret qu’elle fournit est celui d’une relocalisation de l’industrie automobile des pièces détachées, comment ne pas penser qu’on part de très loin... et qu’aucun horizon d’utopie ne semble en réalité se profiler.

Ce qui est en train de se passer est une expérimentation totalitaire

Tout au contraire, ce qui vient n’est ni l’insurrection ni la grève générale, c’est une dystopie. Au XIXe siècle, les socialistes les plus utopiques voyaient dans les expérimentations minoritaires les semences de la transformation sociale.
Mais ce qui est en train de se passer est une expérimentation ni minoritaire, ni majoritaire, mais totalitaire, dans laquelle la fin affichée – « sauver des vies » – justifie tous les moyens. Quand on se souvient à quel point dans les temps précédents le gouvernement français a déjà fait preuve d’insensibilité, on peut s’attendre à ce que la suite lui donnera tout le temps d’accentuer sa violence économique, sociale et politique.

C’est la dystopie économique qui vient : trop tard pour réviser une politique antérieure (RGPP) qui aujourd’hui – par faute de moyens – détermine une stratégie d’improvisation. C’est même l’occasion, sinon l’aubaine, pour accélérer les processus de dématérialisation des activités : télétravail, téléconsultation, la culture en 1 clic, la web-école... Que penser d’une société qui maintient le « travail » tout en interdisant de partir en vacances ?

La dystopie sociale s’installe sous le nom de « distanciation sociale », car c’est d’isolement individuel qu’il s’agit. Et en traitant aujourd’hui d’« imbéciles » les réfractaires au confinement, Castaner continue dans cette logique sociocidaire de la réduction de toute responsabilité à sa seule dimension individuelle que toutes les réformes récentes du gouvernement tentent d’imposer : de la réforme des retraites à celle des lycées, en passant par la réforme de l’assurance-chômage... Que penser surtout d’une société qui ne semble capable de penser le confinement que sur le modèle de l’emprisonnement (il va sans dire que c’est évidemment dans les lieux d’enfermement que les situations sont les plus inhumaines : prisons, Ehpad...) ?

La dystopie politique se renforce quand se multiplient ces listes qui inventorient les lieux, déplacements, activités, comportements autorisés : tout ce qui n’est pas permis devient interdit. Que penser d’une société dans laquelle cette inversion du permis et de l’interdit semble ne susciter aucun débat public ? Et après ?

Bien loin des scénarios d’effondrement ou de décroissance choisie, comment ne pas constater qu’après 2001, 2008, chaque crise a été l’occasion d’une accélération des formes les moins humanistes de la vie en commun ? Comment osent-ils ? Mais « ils » oseront. Et « nous » que ferons-nous ?

Après la crise, viendra le temps des factures. Qui peut croire qu’un seul gouvernement dans le monde en profitera pour imposer un prélèvement sur les plus grandes fortunes ? Par exemple, de façon « exceptionnelle », sur cinq ans, un prélèvement de 20 % sur les patrimoines au-delà d’un milliard d’euros : faisons au moins le calcul, histoire de rêver.

 https://reporterre.net/Le-monde-qui-vient-n-a-rien-d-une-utopie-c-est-un-cauchemar

COMMENTAIRES  

28/03/2020 09:56 par Chris

Effectivement, sur le plan sociétal nous vivons une période étrange où on peut se demander si les menaces qui pèsent sur l’individu comme sur le collectif n’est pas le fruit d’un concours de circonstances, si ce n’est voulu, du moins organisé en conséquence...
Et comme sur le plan économique, politique, sanitaire et environnemental, la situation semble identique cela fait beaucoup de coïncidences, comme si certaines planètes s’alignaient dans le plus grands des hasards.

Pour autant, la suite de notre triste quotidien dépend en grande partie de ce que nous voulons en faire collectivement. A l’heure où la lutte des classes semble se rapprocher de son paroxysme, il est temps de choisir notre camp, camarades.

28/03/2020 10:07 par Assimbonanga

"Rien se sera pareil ! Il y aura un avant et un après coronavirus !" qu’ils disent. Que nenni ! Rien ne changera. Tous les gens n’attendent qu’une chose, c’est de recommencer comme avant, faire leurs voyages, visiter des pays, trouver gentille l’hôtesse du Ryiad ou le paysan cubain, s’amuser, se détendre, oublier les soucis, les scrupules, faire la fête et revenir raconter tout ça à leurs amis curistes ou à leurs petits enfants. Les Macronistes le resteront et le monde du business , animé de son génie habituel, recommencera à inventer mille moyens de dégager des profits, faire des bonnes affaires. Le capitalisme ronge les plus petits d’entre nous et chacun y trouve son univers.
La nature, l’air, les animaux auront eu droit à une courte rémission, mais ça ne va pas durer. La température générale n’aura même pas eu le temps de diminuer. La fumée sortira à nouveau des usines et le brouillard reviendra enfumer les poumons citadins.

Extrait : Le nombre de vies épargnées grâce à la baisse de la pollution atmosphérique est plus important que le nombre de morts causés par le coronavirus. Il y a eu pour l’instant, en Chine, 3 500 décès liés au coronavirus tandis que la pollution atmosphérique tue en moyenne chaque année 1,1 million de personnes dans le pays, en proie à de violentes périodes « d’airpocalypse ».

28/03/2020 10:19 par Assimbonanga

La seule chose qui changera c’est en pire, comme le décrit cet article. Durcissement des lois sécuritaires, durcissement du code du travail, surveillance des gens les uns par les autres, dictatures morales, propagande gouvernementale, répression policière aggravée.
Macron n’oublie pas sa petite convention citoyenne pour le climat qu’il substituera au parlement, élu et désuet. Hier, sur France Inter, un gentil philosophe d’Etat a pensé à rappeler l’existence de cette magnifique expérience de démocratie vivante (tirée au sort par une entreprise privée, encadrée par des entreprises de débats professionnelles, visitée par le prési et Bruno Le Maire et de nombreux directeurs d’entreprises multinationale et caressée dans le sens du poil par un photographe en portrait. Les participants ont pris la grosse tête, les chevilles qui enflent et une exaltation stimulée par des conditions d’accueil optimum).

28/03/2020 10:32 par desobeissant

Rien n’est fixé, tout bouge…,c’est bien un tsunami mondial :

Nous entrons dans l’ère des révolutions, par Jacques Chastaing
Publié le 27 mars 2020

https://aplutsoc.org/author/aplutsoc/

Notes sur le virus du coup d’État

https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-le-virus-du-coup-detat

L’armée US n’echappe pas au virus :

Le USS Theodore Roosevelt torpillé par Covid-19

https://www.dedefensa.org/article/le-usstheodore-roosevelttorpille-par-covid-19

28/03/2020 12:55 par Papa Razzi

En somme, notre avenir ressemblerait un peu à la vie dans un camp d’extermination, où l’on acceptait de travailler dans des conditions inimaginables pour retarder sa mort.
Oui mais pourquoi ?
Parce que malgré tout subsistait une lueur d’espoir, il fallait essayer d’avoir la force de tenir car cette situation n’apparaissait pas comme devant durer éternellement.
Et puis surtout, une minorité seulement était enfermée.

Dans le cas où l’oppression serait totale et définitive, pas sûr qu’une majorité parmi les opprimés accepterait de se soumettre.
Notre force de travail leur est indispensable, ainsi que notre pouvoir d’achat : sans cela ni produits, ni profits.
Et à force de trop tirer sur la corde, elle finit toujours par casser.

28/03/2020 17:55 par jeandu13

Crise sanitaire de grande ampleur d’un côté et crise économique du mode de production capitaliste d’une ampleur ahurissante ! de l’autre. Ce que je veux souligner c’est qu’il faut d’ores et déjà lire et entendre les déclarations politiques pour ce quelles sont et disent sans filtre (c’est une des caractéristisues des crises : le dévoilement du réel) : tout sera fait pour sauver les profits. C’est la loi d’airain à chaque crise. La première, qui débuta fin du 19ème siècle, s’est résolue par la grande boucherie de 14/18. La seconde, qui débuta en 1929, s’est résolue par l’anéantissement de dizaines de millions d’êtres humains. Celle que nous vivons, qui a débuté selon certains économistes marxistes vers 1965, connaît des approfondissements, des répliques, de plus en plus violentes. Leur corrolaire : réductions des acquis sociaux, militarisation des polices, contrôle social, extension du domaine de l’exploitation des mains d’oeuvre (y inclus les enfants du tiers monde)...et état de guerre permanent (afrique, moyen orient,...). Macron dit les choses clairement : le système est en guerre contre...nous. la résilience c’est la résistance aux émeutes à venir. On a vu avec le mouvement des gilets jaunes que tout mouvement non contrôlé, hors des partis et syndicats "jouant le jeu" crée la panique et déclenche une répression sans frein.
Imaginons le trés court terme avec les dizaines de millions chômeurs qui sont annoncés ! Couplé à cela les actionnaires voudront se "refaire" rapidement en terme de taux de profit. Le clash est quasi fatal. Le négatif de la crise risque de se renforcer par le négatif de la régression et de la répression. Le positif dans cette dialectique ? Ce pourrait étre le dépassement communiste de la société rendu possible par le développement inédit des forces productives (des sciences les plus abstraites aux compétences acquises des mains d’oeuvre), par la prise de conscience, partielle, que l’humanité va dans le mur. Mais l’absence de forces politiques crédibles et organisées portant ce projet nous met dans la situation opposée à celle des bolchéviques d’octobre 17 : ils n’ont pu réaliser une révolution communiste étant donné l’arriération du pays, lié aux pesanteurs de l’autocratie russe, alors que le mouvement politique les avait portés au pouvoir ! Le politique a précédé les conditions matérielles et idéologiques.Aujourd’hui c’est l’inverse.
Il va falloir trés sérieusement unir les forces disparates qui se réclament de la visée communiste si l’on veut avoir une chance d’influer sur la période qui s’annonce.
Autre réflexion : l’écologisme comme idéologie compatible avec le capitalisme en crise. Les deux ont un intérêt commun : se débarasser des producteurs qui pour les écolos sont des pollueurs qui ne pensent qu’à consommer, pour les autres des producteurs trop cher payés pour les profits attendus.

29/03/2020 10:19 par François de Marseille

Depuis quelque temps (sarkozy environ) , les décision politique nécessitent un etat policier fort pour stopper la grogne. Combien de temps la police pourra t-elle tenir après le covid19 me semble être le seul éléments susceptible de faire pencher la balance.
Et l’élection ? A part sur LGS, je ne connaîs personne qui y croît.

29/03/2020 13:48 par Xiao Pignouf

@François,
je ne crois pas que les gens qui fréquentent le GS croient davantage qu’ailleurs aux élections... c’est juste qu’un peu d’espoir fait vivre.

Et jusqu’à preuve du contraire, refuser les élections, aussi honorable que ça soit, ne change rien à la donne. Nous avons un président élu avec moins de 20% du corps électoral et dont l’illégitimité qui découle de ce rejet massif devrait pousser à l’humilité mais qui pourtant s’avère être le plus brutal et le plus incapable qu’on ait jamais eu dans la Cinquième, sans qu’il montre une once de prise de conscience ou pire, de remord...

29/03/2020 14:54 par Assimbonanga

Ne pas croire aux élections ? Ben si : Macron a été élu. Trump aussi. Le pape aussi. Par contre le Dalaï Lama non. Quant à la convention citoyenne pour le climat, elle a été tirée au sort par Harris Interactive.
Au final, c’est toujours un coup du sort...

29/03/2020 18:50 par François de Marseille

@ Assimbonanga "Ne pas croire aux élections ? Ben si : Macron a été élu. "

On est bien d’accord.

29/03/2020 19:39 par babelouest

@ François de Marseille, @ Assimbonanga

J’espère que vous avez compris que le jupiter de quart (ou de trente-deuxième vu le niveau) n’a été élu que par les banquiers, le reste n’étant que du tripatouillage de chiffres au niveau du Sinistère.... quand on sait que dans de nombreuses petites communes il n’avait même pas 5%....

30/03/2020 11:12 par Assimbonanga

@babelouest, en douterais-tu ? Si c’est le cas, je ferais mieux d’arrêter de m’exciter sur des com à la con... A quoi servons-nous et nos battements d’aile de papillon ? Pas à grand chose.
Les personnes âgées écoutent les informations à la télé, au JT du soir, et les croient. Las... Macron est un super président qui fait bon effet.

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