Parmi les piailleries et jacasseries péremptoires de madame Burggraf (qui me fait désespérer de la cause du féminisme...), la plus étonnante affirmation fut celle selon laquelle, par opposition à un JLM censé être un méchant démagogue anti-journalistes, notre grande presse est "un contre-pouvoir". Faut-il être aveuglément ignorant ou flagorneur pour mettre entre parenthèse l’appartenance de toute cette presse aux puissances d’argent et à ceux qui les servent ? Et pour passer sous silence les critiques dont elle fait l’objet de la part des journalistes eux-mêmes restés sincères et honnêtes ? Une intéressante contribution de Serge Halimi et Pierre Rimbert, intitulée "Information sous contrôle", dans le Monde diplo de juillet 2016 (un des rares endroits de la presse écrite où l’on puisse respirer large et lire autre chose que les Fogielleries, Barbiereries et Zemmoureries), montre, sur l’exemple de la Loi El Khomri, le traitement réservé à l’expression de la volonté populaire, par ce prétendu "contre-pouvoir", qui s’aplatit avec délectation devant les exigences du capitalisme euro-mondialisé.
Extraits (l’article tout entier est en accès libre ICI) :
« La France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT. » Il faut rendre grâce à Franz-Olivier Giesbert d’avoir exprimé la vérité d’un journalisme français sous domination politique et financière. « Ce n’est qu’un début, continuons le combat contre la CGT », annonce l’éditorialiste-vedette du Point en ouverture d’un numéro sur « La vraie histoire du “mal français”. Blocages, violences, CGT, modèle social » (2 juin 2016).
Du référendum sur le traité de Maastricht en 1992 à celui sur la Constitution européenne en 2005, des grèves de novembre-décembre 1995 à celles contre la « loi travail » de 2016, usagers et analystes de l’information ont pu mesurer la distorsion entre le déroulement des conflits sociaux et leur mise en scène médiatique.
Grandioses points-de-vue :
« Démagogie debout » (27 avril), « Rétablir l’ordre » (18 mai), « Terrorisme social » (24 mai), « Dictature cégétiste » (26 mai), « Les vandales de la République » (18 juin) : que les éditoriaux du Figaro s’apparentent à une collection de tracts appelant à « renvoyer la gauche et briser le pouvoir des syndicats » (10 juin) s’inscrit dans la continuité historique d’un journal marqué à droite. Mais ce registre de la canonnière pointée sur les opposants à la « loi travail », largement majoritaires dans le pays, et en particulier sur la Confédération générale du travail (CGT), premier syndicat français, a gagné des médias perçus comme moins ouvertement militants. Responsable du service politique de France 2 — chaîne de service public —, Nathalie Saint-Cricq perçoit dans l’exercice somme toute ordinaire du droit de grève une « radicalisation tous azimuts et une technique révolutionnaire bien orchestrée, ou comment paralyser un pays malgré une base rabougrie et même si le mouvement s’essouffle. (…) La CGT de Philippe Martinez veut tout faire sauter » (« Journal de 20 heures », 23 mai). Le 15 juin, le « débat du jour » sur i-Télé s’intitule : « Faut-il interdire les manifestations ? » Sur son compte Twitter, le journaliste d’Europe 1 Jean-Michel Aphatie frôle, lui, l’apoplexie : « La CGT veut étendre le mouvement aux centrales nucléaires et à l’électricité. Prochaine étape, la guerre civile ? L’appel aux armes ? » (25 mai).
Et de fait :
La presse agit comme la caisse de résonance d’un bloc politique, mais lequel ? Il n’a pas de nom, pas de visage. Il ne présentera jamais de candidat. Et pourtant, il gouverne… les conduites et les consciences. Du moins s’y emploie-t-il. Ce parti de l’ordre recrute dans un large spectre politique, au croisement des mondes patronaux et syndicaux réformistes, de la haute administration, de la finance, du journalisme de marché et des intellectuels de pouvoir. Sa formation remonte à l’aplatissement idéologique intervenu en France à partir des années 1980 et au recentrage des partis de gouvernement autour d’un tronc commun de thèmes irrécusables : libre-échange, construction européenne, atlantisme, guerres « humanitaires ».
L’insurrection des journalistes honnêtes, jamais entendus :
Prenant acte du « discrédit » de leur métier, des « journalistes debout » ont lancé en mai dernier un appel à témoignages : « Vous subissez une pression constante pour améliorer votre productivité (quantité d’articles à écrire, reportages à réaliser…). (…) Vous n’avez plus les moyens ni le temps d’enquêter. Vous n’avez plus les moyens ni le temps de recouper vos informations. Vous devez choisir vos sujets en fonction de leur potentiel d’audience (10). » Les réponses ont afflué.
Des journaux soldés pour une bouchée de pain ; des journalistes aspirés à leur tour dans le vortex de la précarisation et prêts à concéder toujours plus aux industriels encore disposés à renflouer leur entreprise : le rapport de forces s’est à ce point infléchi en faveur du propriétaire qu’on ne compte plus les dirigeants éditoriaux désavoués par une majorité écrasante de leurs équipes et néanmoins maintenus à leur poste par l’actionnaire.
Conclusion (mais il faut lire tout l’article, car faits et arguments y sont nombreux et limpides) :
Bas les masques (16). On savait les médias acquis aux priorités néolibérales ; on mesure à l’accueil chaleureux qu’ils réservent au démantèlement du code du travail (17) que cette adhésion sera réitérée perinde ac cadaver (18), aussi étendus que puissent être les désastres politiques et sociaux occasionnés par de telles orientations. On savait les médias français peu soucieux de démocratie sitôt que le suffrage populaire contrarie leurs desseins fédéralistes européens. Avec leur accompagnement bienveillant de l’état d’urgence, avec leur nonchalance devant la mise en cause, inédite depuis plus d’un demi-siècle, du droit des principales confédérations syndicales à manifester dans la capitale, une étape supplémentaire vient d’être franchie. Le fonds commun républicain d’une presse défendant les droits démocratiques et les libertés publiques a cessé d’être un sanctuaire. Dorénavant, le journalisme encourage la dérive autoritaire du pouvoir, et le fait d’autant plus volontiers que se resserre autour de son cou le cercle de fer des industriels qui le possèdent.
À côté de l’info télévisée ordinaire, Ruquier fait réellement figure d’honnête homme.
Prière à LGS (dont les lecteurs savent déjà quels énormes mensonges on peut faire ingurgiter au grand public) d’excuser ces longues citations, mais il fallait bien répondre aux piailleries de ces messieurs-dames. Je conclus avec le message de confirmation d’un bon copain et militant d’Attac :
"Bonjour. J’étais au meeting de Mélenchon à la fête de l’huma, le stand du PG était bondé et Mélenchon était intéressant,
avec de nouvelles propositions, et il était à fond, remonté comme un coucou !!"