RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Ni rationnelles, ni féminines : la sexualisation des femmes violentes (Countercurrents)

Les femmes qui se livrent à des violences sont souvent l’objets de récits sexualisés dans lesquels leur conduite est décrite comme une déviation des traits féminins normaux (’pacifiques’). Ces récits sexualisés nient la capacité de violence des femmes en excluant celles qui s’y livrent du royaume de la rationalité et en les considérant comme des non-femmes.

A cet égard, la couverture médiatique du procès en appel d’Amanda Knox et de sa libération de la prison de Perugia en Italie qui s’est ensuivie, a défié toute concurrence. Knox, qui a été reconnue coupable d’avoir tué sa colocataire et a été condamnée à 26 ans de prison, a été régulièrement décrite par les médias et l’accusation comme un "démon femelle" hyper-sexualisé. Dès son arrestation après le meurtre, les motivations attribués à Knox ont été mélangées à des histoires de "jeux sexuels qui auraient mal tourné" au cours desquels elle aurait réussi à "persuader" deux hommes de devenir ses complices du meurtre. A l’aide de bribes de sa vie et de photos soigneusement sélectionnés, Knox a été peinte comme une "séductrice diabolique" qui n’avait pas hésité à recourir à la violence et au meurtre dans son obsession pour le sexe et le pouvoir sexuel.

Le cas de Knox n’est pas isolé. Les discours concernant les femmes violentes décrivent souvent les femmes comme ’intrinsèquement’ passives et ’par essence’ nourricières et opposées à la violence. Les femmes qui se livrent à des violences sont donc souvent considérées comme irrationnelles et leurs actes sont qualifiés d’anomalie par rapport ’à la manière dont les femmes sont supposées se conduire’. Pour maintenir des idéaux normalisés sur les hommes et les femmes (gender), les femmes violentes sont donc qualifiées de ’femmes maléfiques’ dont les actes ne sont pas conformes au comportement naturel des femmes et doivent donc avoir des ’causes particulières’. La sexualité est utilisée pour expliquer la violence des femmes depuis toujours. Les femmes violentes sont représentées comme des femmes sexuellement déviantes et dépravées. Elles se livrent à des violences à cause de leur appétit insatiable pour le sexe et le pouvoir qu’on peut en retirer. Les femmes ’normales’ ont des relations sexuelles ’privées et contrôlées’, tandis que les femmes violentes sont ’obsédées’ par le sexe au point de devenir violentes.

Il y a aussi le cas de la comtesse Elizabeth Báthory de Ecsed (1560-1614), "la comtesse sanglante" qui est considérée comme une des "femmes serial killer les plus meurtrières". On a dit d’elle qu’elle avait tué des centaines de jeunes et jolies vierges pour se baigner dans leur sang afin de garder sa jeunesse et sa beauté. Sa violence a été ’expliquée’ par son besoin de rester jeune pour garder son pouvoir sexuel. De même Katherine Knight, la serial killer australienne, qui a été condamnée en 2001, a été décrite comme une femme hyper-sexualisée. Sa violence a été ’expliquée’ par son insatisfaction sexuelle alors même que ses partenaires affirmaient qu’ils entretenaient avec elle des relations sexuelles qui "auraient satisfaites une personne normale."

Comme le dit Kietnar dans son article "Victimes ou vamps ? l’image des femmes violentes dans le système judiciaire criminel", attribuer la violence des femmes à leur sexualité déviée ou maléfique revient à dire que les femmes violentes, en plus d’avoir commis des crimes bien réels, sont sorties du cadre naturel de leur sexe (gender). Les hommes violents sont des hommes qui n’ont pas réussi à contrôler ’l’agressivité naturelle de leur nature masculine’ ; les femmes violentes quant à elles, sont des femmes qui ont trahi leur nature fondamentale. Les hommes ont une prédisposition au mal et doivent s’efforcer de contrôler leurs instincts tandis que les femmes sexuellement dépravées et déviantes se transforment en des êtres maléfiques non féminins qui se livrent à la violence.

Les criminelles ne sont pas les seules femmes dont la violence soit sexualisée, les femmes qui se livrent à des violences politiques, les militantes, les insurgées, les nationalistes et même les soldates sont soumises aux mêmes représentations. Les insurgées tchétchènes qu’on appelle souvent "les veuves noires" sont décrites comme des femmes exotiques, mystérieuses, voilées (donc sans visage) et dangereuses. On refuse à ces militantes le bénéfice de leurs actions en en faisant les pions des leaders rebelles tchétchènes (mâles) qui les auraient convaincues d’utiliser leurs corps pour venger la mort des combattants tchétchènes. L’image qu’on en donne sexualise et fétichise leurs actions. Les femmes qui commettent des attentats suicides ou des génocides sont représentées de la même manière. Actuellement, en Inde, le gouvernement décrit les insurgées maoïstes, comme des femmes "sexuellement impures et contaminées". Dans ce cas précis, sexualiser les militantes et les décrire comme ’déviantes’ non seulement explique leur participation à la dissidence mais justifie aussi la mission ’civilisatrice’ du gouvernement indien.

La sexualisation des femmes violentes permet de les cataloguer comme des non-femmes, des erreurs biologiques, des anomalies de la nature. Les femmes violentes seraient des exceptions par rapport "au reste des femmes" et leur violence viendrait de leur féminité défectueuse. Ces représentations viennent renforcer les stéréotypes et normes sexuels (gender) qui déterminent la conduite appropriée et les limites que les femmes doivent respecter et qui les subordonnent aux hommes. Par exemple, les femmes dont les vêtements sont considérés comme ’inappropriés’ sont accusées de ’provoquer’ les hommes et de ’séduire’ leurs violeurs ou agresseurs sexuels. De plus, la sexualisation des femmes coupables de violences politiques en fait des femmes incapables de choix indépendants et rationnels. Elle prive les femmes violentes du bénéfice de leurs actes en les cataloguant comme des non-femmes dont les actes sont irrationnels. Cette manière de décrire et d’expliquer la violence des femmes les exclut, elles et la manière spécifique dont ces femmes modèlent et remodèlent la politique mondiale en passant du personnel au politique et vice versa.

Cela fait des dizaines d’années que les femmes violentes, des exceptions déviantes et dénuées de signification, sont exclues de la politique mondiale. Cette exclusion a aussi conduit à un dangereux corollaire selon lequel une femme dont la sexualité serait jugée ’anormale’ serait encline à la violence. Après tout, malgré l’absence de preuves matérielles, Amanda Knox a passé quatre ans en prison en partie parce que la description sexualisée qui en faisait une femme fatale revenait à fournir un motif de meurtre là où il n’y en avait pas

Akanksha Mehta

Akanksha Mehta est chercheur à S. Rajaratnam School of International Studies (RSIS) de Singapour, spécialiste de la violence politique et entre les sexes (gender). On peut la joindre à www.twitter.com/aknksha et www.akankshamehta.com.

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/mehta161011.htm

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

URL de cet article 14874
  

L’Etat voyou
William BLUM
Quatrième de couverture « Si j’étais président, j’arrêterais en quelques jours les attaques terroristes contre les États-Unis. Définitivement. D’abord, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux personnes torturées, à celles tombées dans la misère, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain. Ensuite, j’annoncerais aux quatre coins du monde que les interventions américaines dans le monde sont définitivement terminées, et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51e (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ceux qui qualifient les chômeurs et les handicapés de parasites ne comprennent rien à l’économie et au capitalisme. Un parasite passe inaperçu et exploite son hôte à son insu. Ce qui est la définition de la classe dirigeante dans une société capitaliste.

Jason Read

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.