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Où va l’Europe ?

Alvaro Garcia Linera

Les élites réclament le libre marché et appliquent le protectionnisme. Elles demandent un Conseil européen doté de plus de pouvoirs, mais elles sont terrifiées à l'idée de le soumettre à une élection populaire qui légitimerait cette autorité.

Une sensation générale de malaise et d’abattement s’empare de l’Europe. La social-démocratie et les droites cosmopolites qui se sont relayées routinièrement au pouvoir pendant 40 ans sont, depuis des années, évincées par des droites autoritaires, anti-immigration, nationalistes et anti-égalitaires. Ce n’est pas une erreur des « cordons sanitaires politiques ». C’est le symptôme d’un état de la société. Ou d’une partie de celle-ci.

Si l’on observe l’évolution générale du revenu par habitant de l’Union européenne au cours des 20 dernières années, on ne constate pas de chutes prononcées. Au contraire, elle présente une pente de croissance stable et soutenue (BM, Statistiques 2025). De même, les dépenses publiques se sont maintenues entre 45 et 55 % du PIB tout au long de ces 25 dernières années (OurWorldinData) ; ce qui explique que, si le néolibéralisme a démantelé certaines composantes de l’État-providence, le cœur du régime de protection sociale est resté intact. En général, les sociétés européennes ont franchi un seuil qui garantit que l’ensemble de leur population voit ses conditions de vie matérielles de base et indispensables satisfaites. Et pourtant, la sensation collective d’insatisfaction et de colère a grandi ces dernières années.

Des indicateurs aident à comprendre cette défiance. Le premier est le déclin de la croissance économique de l’UE. Les données de la Banque mondiale montrent un continent entré depuis plus d’une décennie dans une période de « longue stagnation ». Si autour des années 2000 la richesse continentale augmentait de 2 à 3 % par an, de 2010 à aujourd’hui, elle oscille entre 1 et 1,8 % de croissance. Et dans le cas de l’Allemagne, de loin l’économie la plus importante du continent, on en est à deux années consécutives de récession.

Une croissance chétive du PIB européen pendant tant d’années ne précipite pas sa population au seuil de la pauvreté, mais elle bloque les mécanismes de mobilité sociale ascendante déjà ralentis par l’accroissement des inégalités sur le continent. En 1980, les 10 % les plus riches détenaient 29 % du revenu national total ; en 2024, ils en détiennent 37 % (Wid.World, 2025).

En plus de cela, l’Europe dans son ensemble voit reculer le statut général que sa population occupait dans la hiérarchie mondiale des revenus. Comme le montre B. Milanovic (Jacobin, 2025), l’ascension rapide des économies asiatiques, en particulier de la Chine, crée une classe entrepreneuriale et une classe moyenne orientales qui contestent, et dans certains cas délogent du piédestal mondial qu’elles occupaient depuis 200 ans, les Européens, y compris leurs classes ouvrières et moyennes. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que beaucoup de gens éprouvent une sensation de « perte » et de recul.

Si les Européens ne pratiquent pas la consommation compulsive comme mécanisme de cohésion sociale, à la différence des Nord-Américains, au cours des 20 dernières années, la pente ascendante de l’accès à de nouveaux facteurs matériels de stabilité et de reconnaissance sociale pour les classes moyennes et ouvrières européennes s’est aplatie, en particulier pour l’obtention de services de santé, de transport, de logement et l’épargne.

Toutes ces données et ces états d’âme collectifs sont les symptômes d’un modèle de développement continental qui, selon la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, « disparaît peu à peu ». Bien sûr, la croissance et la stabilité européennes reposaient sur quatre piliers : une énergie gazière abondante et bon marché ; la libre circulation des marchandises et des capitaux garantissant des excédents exportateurs et l’externalisation efficace des entreprises européennes ; le système bancaire européen comme soutien de la mondialisation financière ; et, enfin, la protection militaire des États-Unis.

Or, ces quatre choses n’existent plus. Le gaz russe qui garantissait une énergie bon marché pour toutes les activités, en moyenne 3-5 dollars le MBTU (million d’unités thermiques britanniques), après l’invasion russe de l’Ukraine, a été remplacé par du gaz, en grande partie états-unien, à 11,5 dollars le MBTU. La libre circulation mondiale des marchandises a cédé la place aux guerres tarifaires. Les États-Unis ont imposé des droits de douane de 15 % sur les importations européennes, et de 50 % pour l’industrie sidérurgique. À son tour, l’UE a établi des droits de douane de 25 à 45 % sur l’importation de voitures chinoises ; et, désormais, il y aura des taxes sur les millions de colis arrivant de Shein et Temu.

En ce qui concerne les nœuds qui ont garanti la mondialisation financière, en 2008, les banques européennes géraient jusqu’à 62 % de ces flux. En 2021, elles n’en prennent en charge que 35 %, tandis que les banques asiatiques en accaparent déjà 43 % (BIS, 2023). Enfin, le parapluie militaire nord-américain correspondait à son leadership économique et politique mondial incontesté. Mais cela aussi a changé. Il n’y a plus le grand hégémon qui ordonne, verticalement et généreusement, la discipline du monde. Il y a de multiples puissances hégémoniques lancées toutes dans la dispute de leur nouvelle hiérarchie sur une planète polycentrique et géofragmentée.

Selon l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, d’ici 2030, la Chine produira 45 % de l’activité industrielle, tandis que les États-Unis seulement 11 % et l’Europe entre 6 et 7 % (UNIDO, Base de données, 2025). C’est pourquoi le « America first » de Trump est le slogan d’une puissance qui ne se souciera que d’elle-même dans sa rivalité avec la Chine et qui laisse à chaque pays le soin de se protéger comme il peut dans un monde brutal en pleine reconfiguration géopolitique.

Certes, les élites politiques européennes actuelles sont sensibles au changement global, mais elles pêchent par manque de caractère pour affronter avec fermeté et audace le défi de construire le nouvel ordre d’accumulation économique et de légitimation politique. Elles ont pris des mesures pour renforcer une cohésion continentale comme le plan Next Generation EU, pour soutenir la reconversion économique ; le « Plan industriel du Pacte vert » pour réduire l’importation de combustibles fossiles ; la « Loi européenne sur les puces » pour doubler la part dans la production de semi-conducteurs, etc.

Chacune de ces initiatives prône une légère « politique industrielle » régionale. Cependant, et à contre-courant de tout cela, elles valident un type de capitalisme vassal en acceptant d’investir 600 milliards de dollars aux États-Unis et d’acheter pour 750 milliards de dollars de combustibles ces trois prochaines années, pour renforcer, bien sûr, l’industrie nord-américaine.

Elles proclament la défense du libre-échange au Forum de Davos, mais n’hésitent pas à déclencher une guerre des tarifs avec la Chine. Von der Leyen affirme que « l’Europe doit se défendre seule », mais Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, dans un geste de servitude honteuse, appelle Trump « daddy » pour qu’il maintienne « la sécurité de l’Europe ». Elle veut un ordre mondial « fondé sur des règles » égales pour tous, mais les enterre quand il s’agit d’accepter le génocide du peuple palestinien ou de soutenir le néofascisme en Ukraine.

En général, aujourd’hui, les élites européennes misent sur tout à la fois, mais ne s’engagent sur rien de ce tout. Elles réclament le libre marché et exécutent le protectionnisme. Elles réclament un Conseil européen avec plus de pouvoirs exécutifs, mais craignent de le soumettre à l’élection populaire qui légitimerait cette autorité. Elles veulent renforcer leur propre système financier pour lever des investissements pour leurs entreprises, mais ne bougent pas un cil pour freiner l’hémorragie de l’épargne qui part aux États-Unis parce que là-bas la rentabilité est cinq fois supérieure. Elles veulent agir comme un seul corps politique, mais chaque investissement nécessite d’harmoniser 27 réglementations de 27 pays différents.

Où va l’Europe ? Pour l’instant, nulle part. Elle donne des signes de vouloir aller partout, mais en vérité ses élites manquent de la conviction et de la force morale pour aller réellement vers une destination. Cela changera-t-il un jour ? Pour l’instant, non.

Alvaro Garcia Linera

 https://www.lahaine.org/mundo.php/a-donde-va-europa

COMMENTAIRES  

09/12/2025 12:53 par sylvain

"Une croissance chétive du PIB européen pendant tant d’années ne précipite pas sa population au seuil de la pauvreté"

Il y a quand même dans les 10 millions de pauvres en france. Dans les 15% de la population qui demande une aide alimentaire. Je dirais que ça précipite les français dans la pauvreté, pas au seuil.

Sinon, bon d’accord c’est la merde en europe. Nos pays sont des colonies de luxe de l’empire américain depuis longtemps maintenant. Et l’empire bouffe ses marges pour renforcer son centre. En fait il se propose de les transformer en main d’oeuvre servile dominée par une élite compradore, ce qui est le modèle anglo saxon depuis tres longtemps.

Ensuite la Chine est le plus grand rouleau compresseur que cette terre ai jamais portée, son industrie propose très clairement d’écraser toute forme de concurrence, dans tous les domaines et de restaurer l’empire du milieu qui est sa forme stable depuis des siècles et considère tout ce qui n’est pas la chine comme sans grande importance. Elle porte un mépris particulier à l’europe, ce qui peut se comprendre au vu de son histoire, mais ça aide pas

La Russie aurait pu constituer une occasion unique, en s’alliant à l’europe, de créér un troisième pole de puissance mondiale, donnant un semblant de réalité au monde multipolaire. Mais c’était sans compter sur son statut de vassal intégré depuis si longtemps.

Mais la réponse c’est quoi ? La puissance par la réindustrialisation qui s’acquiert toujours sur le sacrifice des gens, comme la chine a su le faire ? C’est humainement horrible, surtout dans une société qui est déjà vieille. Essayer d’établir un sobriété, pour éviter de dire pauvreté, heureuse ? ce serait peut être une solution, mais l’histoire a été très claire à ce sujet, ce n’est pas toléré dans notre monde.

09/12/2025 14:34 par Vincent

"ses élites manquent de la conviction et de la force morale pour aller réellement vers une destination."

Pas du tout : si la destination est, disons au hasard et par exemple, Goldman Sachs (ou toute autre boutique très rémunératrice pour leurs bons services rendus durant leurs mandats), nos "élites"cupides et corrompues, qui sont des traîtres, iront bien au contraire avec grande conviction !

La statistique qui montre une évolution générale du revenu par habitant de l’UE à la hausse ces 20 dernières années, ne fait quant à elle absolument pas le distinguo entre l’enrichissement faramineux d’un petit 20% de ceux qui sont essentiellement des enfants de bourgeois, et l’appauvrissement généralisé des 80% restants de la population depuis le passage à l’Euro.
Du moment que la moyenne est bonne, hein, qu’est-ce qu’on s’en fout des 15 millions de pauvres en France, franchement.

On me dira ce qu’on veut, mais en 2002 un SMIC c’était 890€ net.
En 2025 c’est 1400€ , seulement le coût de la vie normale a triplé, au bas mot, quand le salaire minimal n’a, lui, été multiplié que par 1,6 en 23 ans.
Je me fous de la stat de l’INSEE qui me dit que ouiiii, mais ton PC calcule plus vite pour moins cher, donc ça compense l’explosion du prix du Kg de pâtes, de jambon, de beurre, du pain, du sucre, de l’huile, et aussi le fait qu’un abonnement à internet et à un téléphone portable n’a rien de comparable au prix de l’abonnement à France Télécom de l’époque, et je te parle surtout pas du prix de l’essence ni du montant des loyers ! Bon sang !

Bref.
Maintenant que les anglo-saxons ont réalisé deux de leurs vieux rêves humides - comme soumettre la France - et couper définitivement la Russie du continent
(il leur reste d’autres rêves à accomplir : mettre la main sur l’énoooorme épargne des Français, cad détruire la retraite par répartition - ce que souhaite BlackRock plus que tout - ou encore celui de détruire la Russie pour s’accaparer toutes ses ressources),
l’Europe sans projet et sans énergie sera un véritable cauchemar.

Mais comme ça n’arrivera pas avant quelques mandats supplémentaires, inertie oblige, on va profiter du fait que les infrastructures ne soient pas encore tout à fait pourries pour continuer à rouler la dette illégitime en n’investissant nulle part pour l’intérêt collectif ;
et puisque ça grogne on va le faire en nous mettant l’extrême droite au pouvoir, comme ça au moins il y aura de la cohérence avec l’essence même de ce qu’est l’UE depuis le départ : un projet fasciste (voire nazi, en fait), ne vous déplaise.
Vous verrez alors comment les masses s’accommodent très bien du totalitarisme, surtout depuis que l’expérience de Milgram globale menée durant la période 2020-2021 l’a parfaitement confirmé.

09/12/2025 18:47 par diogène

En essayant d’élaborer un rôle géopolitique unifié qu’elle n’a jamais réussi à réaliser, l’Union Européenne (et donc nos dirigeants et des technocrates non élus) a ignoré et sacrifié les intérêts fondamentaux de ses états membres et de leurs populations.
Or, aujourd’hui, le déclin de l’Europe se traduit par la réduction de son poids économique qui est passé de 25 % à 14 % du PIB mondial en 15 ans. La "croissance économique européenne" (pour autant que ce concept reflète le pouvoir d’achat des consommateurs) ne s’est jamais remise du choc de la crise financière mondiale de 2008. Le centre de gravité économique s’est déplacé vers l’Asie.
L’UE n’est pas une confédération, mais une "communauté". Elle sape la souveraineté nationale des nations qui la composent et doivent abandonner leurs propres intérêts au profit d’une identité supranationale inachevée, inaccessible et contre-productive mais juteuse pour les initiés et les lobbies.
L’ironie de la situation tient au fait que la stratégie internationale de l’UE a été dictée par l’OTAN sous l’égide des États-Unis qui se retirent de la partie en emmenant les cartes maîtresses et en ne laissant aux autres joueurs que des brèles. Et les cocus ne trouvent rien de mieux à faire que de s’entêter en remplissant le panier percé d’une l’OTAN décapitée par celui qui l’a fait naître
Une "Europe" différente de l’UE, soucieuse de la protection de ses citoyens, chercherait à mettre fin au conflit en Ukraine par la voie négociée dans les plus brefs délais, au lieu de rejeter toute possibilité de dialogue. Mais le spectre de la guerre avec l’Ukraine est invoqué pour justifier que cette option est impossible et non souhaitable, et les arguments en faveur d’un conflit perpétuel avec la Russie se renforcent d’eux-mêmes, de jour en jour.
Rétablir l’équilibre stratégique entre les pays européens et la Russie suppose de restaurer la primauté des états membres européens sur leurs institutions et de redonner aux capitales le contrôle de la gestion de leurs relations avec la Russie et les autres pays.
Ce sont les institutions européennes qui entravent les efforts visant à normaliser les relations avec la Russie, notamment sous l’impulsion de russophobes virulents comme Kaja Kallas, NON ÉLUE.

09/12/2025 20:31 par lou lou la pétroleuse

A diogène

...redonner aux capitales le contrôle de la gestion de leurs relations avec la Russie et les autres pays.
Ce sont les institutions européennes qui entravent les efforts visant à normaliser les relations avec la Russie, notamment sous l’impulsion de russophobes virulents comme Kaja Kallas, NON ÉLUE.

Vous situez comment le trio de chefs d’états élus Merz, Starmer, Macron ? Comme des chefs de gouvernement nationaux pacifistes et soucieux des intérêts de leurs nations respectives ?

A Sylvain,

Mais la réponse c’est quoi ?

Sans préjuger des résultats possibles, je n’en vois pas d’autre actuellement que la lutte des classes (les nôtres contre la leur).

10/12/2025 09:29 par Assimbonanga

Comme Loulou, je pense que ce sont plus les gouvernants européens que les "institutions européennes" qui nous entraînent vers toujours plus de marché, de privatisations et de restrictions sociales pour les salariés. Supprimons l’échelle européenne et nous n’aurons rien obtenu de plus ou de mieux. Ces dirigeants dirigeront toujours dans ce sens-là.
Les milliardaires sont trans-nationaux et nous le peuple nous barricadons derrière nos nationalismes, quelle permanence de l’obscurantisme ! On ne voit plus beaucoup de traces de l’internationalisme et de l’union entre les peuples. C’est peut-être ça la victoire idéologique de l’extrême-droite avec ses télés et ses journaux de milliardaires. Ils matraquent grave.

10/12/2025 09:31 par diogène

@ lou lou la pétroleuse

votre question :
"Vous situez comment le trio de chefs d’états élus Merz, Starmer, Macron ?"

ma réponse :
le terme choisi par Sylvain dans le premier commentaire pour les désigner sans les nommer est assez bien choisi : ils ssont comparables (sans être identiques) à ce qu’étaient les "compradore" dans l’empire portugais au siècle, des autochtones, fondés de pouvoir d’une firme étrangère, qui servaient d’intermédiaires dans des opérations financières et marchandes entre les Européens et les autochtones en Asie du Sud-Est (définition de Wikipêdia), sauf que :

1. aujourd’hui, les autochtones, c’est nous, les Européens, et les Portugais, c’est les Yankees.

2. la puissance colonisatrice actuelle a réussi à faire croire aux populations européennes qu’elles "élysaient" oups) leurs propres exploiteurs : les systèmes politiques qui les régissent sont baptisés "démocraties" (cf le point de vue du PDG de la banque JP Morgan) alors qu’il s’agit de "pornocraties", un type de pouvoir dans lequel les rênes sont tenues par des porstitué(e)s. La prouesse tient dans le fait que les électeurs-michetons ont l’impression d’avoir le choix alors qu’ils sont terrorisés par l’idée de se retrouver avec une dominatrice à la tête de la maison close.

3. Starmer tient un rôle encore plus méprisable : en plus, il sert de "capo" dans cette caverne platonicienne, un chien docile chargé par son maître yankee de surveiller des congénère en salivant devant l’os qui va et qui vient devant sa truffe. Comme le disent les Anglais eux-mêmes, la Manche est plus large que l’Atlantique.

Ai-je répondu ?

10/12/2025 10:28 par sylvain

@loulou la petroleuse

Le communisme, la lutte des classes, concerne l’humanité dans son ensemble ou n’a pas grand sens. Or elle est totalement absente en Amérique, en Chine et en Russie. Elle ne domine la vie politique à peu près nul part dans le monde. Une lutte des classes nationales, ou même européenne, ne ferait qu’affaiblir à court terme l’industrie et l’économie : les nations ne deviennent fortes que quand le peuple fait un compromis avec l’oligarchie et accepte, au nom de l’union sacré, son sacrifice au nom de la puissance et de l’industrie. La Chine actuelle en est le parfait exemple, la France d’après guerre aussi, ou l’URSS après barbarossa.

C’est la lutte des classes ou la lutte des races, race historique bien sur, que l’on peut traduire par identité nationale, et on est en plein dans la lutte des races. Alors je suis d’accord pour la lutte des classes, c’est la seule voie qui me semble humaine, mais en l’etat ça ne marchera pas parce que tout le monde sait qu’une lutte des classes au niveau national, c’est la mort de ce qui nous reste de puissance. Il faudrait une internationale, elle est peut être plus proche qu’on le croit parce que la plupart des peuples du monde, en fait tous ceux qui ne font pas partis des deux puissances dominantes y ont intérêt

10/12/2025 10:58 par RV

(avec l’aide de ChatGPT et Deepseek)

Le malaise structurel de l’Union européenne procède d’un double décalage : entre la stabilité relative des indicateurs macroéconomiques et la détérioration tangible des conditions de vie d’une large part de sa population, d’une part ; entre les objectifs affichés de souveraineté et de cohésion, et la réalité d’une intégration largement subordonnée aux logiques financières globales et à l’alliance atlantique, d’autre part.

Les contradictions politiques — entre libre-échange et protectionnisme, autonomie stratégique et dépendance — ne témoignent pas tant d’une incohérence que de choix, quoique de plus en plus socialement disruptifs : la priorité accordée à la compétitivité dans les chaînes de valeur mondialisées et à la préservation du lien transatlantique, se fait le plus souvent au détriment d’une consolidation endogène des bases industrielles, sociales et démocratiques du continent.

Cette trajectoire contribue à expliquer la difficulté persistante de l’UE à formuler une réponse collective aux défis géoéconomiques et géopolitiques de ce siècle — du déplacement du centre de gravité économique vers l’Asie à la fragmentation des échanges et à l’instabilité énergétique. Elle résulte d’un choix souverain et de l’internalisation de contraintes historiques et structurelles, gérées dans un horizon souvent court-termiste.

Il en résulte une forme d’impuissance politique qui aggrave les fractures sociales et nourrit la défiance citoyenne. En l’absence d’une révision substantielle de ses finalités et de ses instruments, l’Union risque de voir se renforcer des dynamiques de polarisation interne et de repli national. Une sortie de cette impasse supposerait une reconfiguration institutionnelle et politique profonde, capable de concilier les impératifs de justice sociale, de transition écologique et d’insertion dans un ordre international multipolaire — une tâche qui excède les cadres d’analyse binaires et appelle un débat démocratique renouvelé sur le projet européen lui-même.

10/12/2025 16:08 par diogène

@ sylvain

"Le communisme, la lutte des classes, concerne l’humanité dans son ensemble ou n’a pas grand sens. Or elle est totalement absente en Amérique, en Chine et en Russie. Elle ne domine la vie politique à peu près nul part dans le monde."

Si, si ! La lutte des classes existe toujours, je vous assure !

Il ne faut pas confondre lutte des classes (rapport de forces, tension permanente) et luttes sociales (actions produites par cette tensions, réprimées le plus souvent, mais parfois victorieuses).

La société de classes est apparue lorsqu’est apparue la propriété privée des moyens de production, c’est-à-dire la possession par quelques-uns des outils de travail, des machines, des capitaux, des terres… (le mot "capital" vient de "cheptel"). Une classe existe à travers les conditions de sa reproduction sociale, selon qu’elle vit en vendant sa force de travail ou grâce aux profits tirés du travail d’autrui, de génération en génération. Le mythe de l’"ascenseur social" se limite à tenter de prouver que les chances sont égales pour tous.

Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le concept de "classe sociale" est devenu un outil sociologique reconnu au point que l’INSEE a établi une nomenclature des Professions et Catégories Socio-professionnelles (PCS) qui classe toutes les professions et repose sur les mêmes bases que l’analyse de Marx un siècle plus tôt. Huit groupes sociaux sont identifiés : agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d’entreprise, cadres et professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, ouvriers, employés, chômeurs et retraités.

Le Code du Travail reconnaît le statut de subordination juridique : un employé et un patron ne sont pas deux égaux discutant autour d’un café de comment produire telle marchandise comme voudrait le faire croire la formule de "partenaires sociaux". Un lien de subordination, c’est-à-dire un rapport de force existe entre eux.

L’idée de lutte des classes s’est donc institutionnalisée, mais ce concept qui passait pour évident tant que la classe ouvrière était puissante, a été jeté aux oubliettes sitôt que le rapport de force social instauré par un prolétariat organisé s’est effondré, au moment de la "désindustrialisation" accompagnée des "délocalisations", et on assiste depuis quelques décennies à la mise au placard des "classes sociales" comme outil d’analyse du monde social. La sociologie a effectué un recentrage sur l’individu, les discours politiques ont jeté aux orties les vieux oripeaux du passé, dont celui de "lutte des classes", et les "réseaux sociaux" devenus outils de propagande "influenceurs" inondent les internautes tétanisés de considérations dites "woke" dans lesquelles le "sociétal" fait écran au "social".

Pour autant, le monde social est toujours fractionné entre les possédants et les non-possédants, entre ceux qui peuvent vivre sur leurs ressources et ceux qui doivent en passer par le rapport salarial et vendre leur force de travail pour assurer la reproduction de celle-ci, notre société reste une société de classes, et la lutte des classes persistera tant que les classes existeront, même si les luttes sociales sont provisoirement endormies. Une classe n’a pas forcément conscience de ses intérêts de classe, mais si c’est le cas, elle s’organise afin de peser dans le monde social.

Et il existe une classe qui reste très organisée et pleinement consciente de ses intérêts : la grande bourgeoisie. Les dominés ont désarmé de manière unilatérale, mais l’oligarchie continue de pratiquer la lutte des classes, elle.

“La lutte des classes existe, et c’est ma classe qui est en train de la gagner”
- Warren Buffet, milliardaire américain

8 milliardaires possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité (3,7 milliards de personnes). En France : 21 personnes possèdent autant que 27 millions de Français.

La lutte des classes est souterraine, elle n’est pas morte, mais quand elle se réveillera, telle un volcan, et que reprendront les luttes sociales, ça risque de faire mal.

11/12/2025 00:25 par lou lou la pétroleuse

Je ne m’attendais pas à être aussi proche du point de vue de ChatGPT et Deepseek ! Bien que mon point de vue ne soit que celui d’une observatrice parmi quelques milliards d’autres, quelques milliards d’autres dont je ne connais précisément pas le point de vue.

Je suis assez d’accord avec l’analyse de Diogène concernant l’état de la lutte des classes, dans son commentaire "10/12/2025 16:08 par diogène", mais l’espoir fait vivre et malgré mon âge je reste obstinément plus optimiste. En fait je crois qu’on n’aura pas le choix, ce sera ça ou la disparition de la vie sur Terre. Je n’ai aucune raison de croire que mes semblables sont plus bêtes que moi : il y a ceux qui croient avoir le pouvoir s’en sortir aux dépens des autres, et ceux qui ne peuvent s’en sortir que solidairement. Les premiers ne sont pas les plus nombreux.

Que sais-je, que savons-nous, Sylvain, de ce que pensent "nos semblables, nos frères" d’Amérique, de Chine ou de Russie ? Je ne parle pas des gouvernements, mais des citoyens.
Je pense comme-vous qu’il ne peut y avoir de transformation effective de la situation actuelle qu’à l’échelle de la Planète, mais je suis assez réaliste quand même pour considérer que ça ne pourra se produire que progressivement, par vagues, par vagues de plus en plus larges, avec probablement quelques ressacs. (J’aimerais pouvoir surfer sur au moins l’une de ces vagues).

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