Qu’est-ce que la philosophie sociale ?

Le social a toujours été l’objet d’étude de beaucoup de disciplines, telles que la sociologie, la psychologie sociale ou encore l’anthropologie. Ces sciences sociales sont fondamentalement descriptives ou explicatives. La philosophie sociale initiée par les théoriciens de l’École de Francfort dépasse ce réductionnisme descriptif en se forgeant une dimension normative qui non seulement évalue le social mais aussi pose les conditions de sa transformation. Ce sont les premières indications permettant de différencier la philosophie sociale des sciences sociales et de la philosophie politique.

¨Qu’est-ce que la philosophie sociale¨ est le numéro de la revue Cahiers Philosophiques qui a essayé de délimiter cette branche nouvelle de la philosophie dans son unité et sa pluralité. Réunissant les grands spécialistes de la question, tels que Stéphane Haber, Franck Fischbach et Frédéric Lordon, ce dossier qui est coordonné par Géraldine Lepan pose le problème de la définition de la philosophie sociale, de son rapport ambigu avec la sociologie et la psychologie sociale et des ressources de cette philosophie. L’interdisciplinarité, la réflexivité et l’attention à l’empiricité sont les caractéristiques principales de cette philosophie sociale dont ¨le travail est un point de bifurcation majeur¨.

Comment définir le social ? Existe-t-il un concept philosophique du social ? L’article de Franck Fischbach qui débute cette revue stipule que l’¨éthicité¨, concept élaboré par Hegel, est la première tentative de penser philosophiquement le social. Dans cette même veine, Franck Fischbach adresse une critique à certains philosophes contemporains comme Rancière, Badiou et Zizek, qui préfèrent la catégorie du ¨commun¨ à celle du ¨social¨. Ce qui est pour beaucoup, selon Franck Fischbach, dans le rejet de la philosophie sociale au profit d’une philosophie politique de tendance libérale.

Frédéric Lordon sera moins polémique en pensant cette philosophie sociale dans une dynamique de convergence et de coopération avec les sciences sociales. Il souligne que ¨les sciences sociales connaissent ainsi une situation épistémologique qui, sans hésiter d’être qualifiée de ¨crise¨, témoigne d’une relative perte d’allant¨. Face à cette situation de manque conceptuel, Lordon propose un renouement des rapports entre la philosophie sociale et les sciences sociales.

Ce numéro de la revue Cahiers Philosophiques s’inscrit dans le vaste mouvement d’un ¨Manifeste pour une philosophie sociale¨, pour reprendre le titre du livre classique de Franck Fischbach. C’est une démarche philosophique qui part de ce qui ne va pas dans la société. Ainsi, notre monde contemporain marqué par un capitalisme en crise permanente est au cœur de cette philosophie sociale qui n’a pas seulement à interpréter le monde, mais aussi et surtout à le transformer.

Cahiers Philosophiques, ¨Qu’est-ce que la philosophie sociale ?¨, no 132, 4 février 2013.

Jean-Jacques Cadet
Doctorant en Philosophie

 http://cahiersphilosophiques.hypotheses.org/

COMMENTAIRES  

29/09/2013 17:25 par Lionel

« La philosophie sociale initiée par les théoriciens de l’École de Francfort dépasse ce réductionnisme descriptif [...] »
Voici une phrase assez choquante dans les implicites qu’elle entraîne avec elle, les mots employés dans la présentation d’origine de ce n° des Cahiers philosophiques ne signifient pas la même chose et elle se trouve être beaucoup plus modérée en annonçant clairement :
« Quel sens cela a-t-il d’isoler une philosophie sociale alors même qu’existent d’autres disciplines qui traitent du social telles la sociologie, la psychologie sociale ou encore l’anthropologie ? La réponse est partiellement contenue dans la question elle-même : il s’agit justement d’une philosophie et celle-ci ne se réduit pas aux visées descriptives ou explicatives des sciences sociales, quoiqu’elle tire profit de leurs investigations et résultats. »
La première affirmation ne tient pas compte du rôle des sciences en philosophie ni de la simple posture scientifique nécessaire à la démarche philosophique.
Les sciences sociales sont des outils de compréhension, donc de descriptions, dont peut s’emparer librement tout penseur, il y est même vivement encouragé pour élaborer de la pensée critique sans laquelle n’importe quelle philosophie, fut-elle sociale, ne serait pas en mesure de penser des lendemains !
C’est d’évidence ce que les auteurs se proposent de faire mais Mr Cadet semble se laisser emporter par sa grille de lecture personnelle, je lui conseillerai de lire l’ouvrage indispensable à toute personne s’occupant du champ humain et social : " De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement" , Georges Devereux.
Où l’on apprend de quelle manière il est indispensable de savoir la composante personnelle, intime et culturelle dans une analyse de situation !
Si une partie des sciences sociales et humaines ont été récupérées par le néolibéralisme afin d’en renforcer l’ancrage et la popularité, cela n’en fait pour autant pas les ennemis de la révolution démocratique !
Il ne me paraît pas bien sérieux de se positionner ainsi, nous devons perdre tout espoir si nous ne nous emparons pas de ces outils pour comprendre ce qui nous assaille, comment combattre des fusils alors que nous ne concevons pas les armes au delà des flèches en bois ?

(Commentaires désactivés)