RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
15 

Quand il suffit de traverser la rue

Comme la vie devient facile sous le règne d’Emmanuel Macron ! Tellement facile que les citoyens en arrivent presque à se demander pourquoi ils se compliquaient l’existence jusqu’à l’avènement du majuscule pédagogue aux solutions évidentes pour toutes sortes de problèmes qui taraudaient auparavant nombre de fieffés inquiets. Ainsi, la question du chômage que nous trouvions terrible il y a peu de temps encore est beaucoup moins grave qu’il y paraît dès lors que l’on accepte d’être résolument positif. Du travail il y en a partout. On change de trottoir et les emplois pleuvent comme vache qui pisse. Il faut seulement ne pas avoir peur de traverser la chaussée. Nous avons donc bien changé d’époque puisque voilà les propos de comptoir érigés en vérités présidentielles. Les ouailles rassemblées virtuellement dans la grande Eglise macronienne sont bien sûr paternellement priés d’apprendre le nouveau catéchisme ultralibéral. Cependant, pour accéder à l’idée – érigée en dogme - de la « vie facile » insidieusement promue il conviendra de brûler d’abord tous les bons manuels de sociologie, de psychologie sociale et d’économie critiques devenus éminemment hérétiques par l’opération du Saint-Esprit fait homme.

Ce qui est formidable avec la facilité macronnienne – pardon, jupitérienne ! – c’est qu’elle est contagieuse, donc extensible à souhait. Les serviles lieutenants du général en chef s’en font l’écho plus souvent qu’à leur tour et rivalisent d’imagination pour chasser la moindre occasion où la vie du fonctionnaire en voie de précarisation, de l’usager des services de moins en moins publics, de l’élu local aux moyens en baisse et aux responsabilités en hausse, sera grandement facilitée désormais ! Aucun des serviteurs, grand ou petit, n’a été choqué par la pique envoyée par le monarque au naïf horticulteur qui lui parlait l’autre jour sérieusement de son chômage et qui espérait peut-être que le providentiel souverain l’embaucherait pour l’entretien de ses célèbres jardins. Pourquoi, diable, ce brave homme s’accroche-t-il paresseusement à son métier quand tous les cafetiers et restaurateurs du quartier de l’Elysée ou d’ailleurs n’attendent que lui pour le mettre généreusement à la tâche ?

Sous les cieux radieux du macronisme les remèdes faciles se ramassent donc à la pelle. Quand Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, a annoncé le mois dernier que mille quatre-cents postes d’enseignants seraient supprimés l’an prochain, des journalistes ont audacieusement demandé si cela n’allait pas conduire à un alourdissement du nombre d’élèves par classe. Le ministre s’attendait visiblement à cette terrible banderille : non puisqu’il va suffire que les professeurs fassent des heures supplémentaires, ce qui améliorera du même coup leur pouvoir d’achat. Comme c’est évident ! Et tant pis si les intéressés, déjà nombreux à faire des heures supplémentaires, ne souhaitent pas pour la plupart en faire davantage car ils préfèrent consacrer du temps à l’amélioration de la qualité de leur enseignement. Les forces de la police et de la gendarmerie nationales ne sont pas assez nombreuses pour afficher leur « présence Rassurante » partout sur le territoire ? Qu’à cela ne tienne : armons les polices municipales. Et tant pis si les policiers ainsi promus n’ont pas été formés à ce nouvel usage de leur emploi. Dans le domaine de l’urbanisme, le projet de loi Elan est destiné à permettre « de construire plus et moins cher ». Cependant, selon les promoteurs immobiliers il existerait trop de recours abusifs contre les projets de construction. Alors, le gouvernement prévoit de simplifier les normes et de « mieux encadrer les procédures contentieuses contre les permis de construire ». Quels seront les critères permettant d’apprécier le caractère abusif d’un recours contre un projet ? Les défenseurs de l’environnement déjà s’inquiètent de ces plus grandes facilités à bétonner. Comment ne pas les comprendre ?

S’agissant de la vie facile, Emmanuel Macron parle d’expérience. Pour causer trivialement – comme lui-même se hasarde parfois à le faire – il en connaît un rayon ! Lui, n’a même jamais eu besoin de traverser la rue. Ni pour entrer à l’Elysée au début de la Présidence Hollande. Ni pour entrer à la banque Rothschild comme financier de haut-vol. Ni pour devenir ministre de l’économie. Ses diplômes, son talent et l’adoubement d’influents mentors, tel Jacques Attali, ont toujours ouvert un vrai boulevard à son ambition forgée tout au long d’une jeunesse dorée. Bref, le prodige est le pur produit d’un déterminisme social positif. Et cela bien sûr ne facilite pas sa compréhension du déterminisme social négatif qui frappe tant d’autres de ses congénères. La vie sourit aux uns, fait la grimace aux autres. Qu’un président de la République oublie trop souvent cela autorise à s’interroger sur la nature de ses lectures au cours de sa formation intellectuelle. Cependant, une chose saute aux yeux – et surtout aux oreilles – désormais : Emmanuel Macron cache de plus en plus mal son mépris de classe.

Yann Fiévet

URL de cet article 33855
  

Désobéir : le petit manuel, de Xavier Renou
"Celui qui n’essaie pas, et celui-là seul, a déjà perdu." On a tous déjà manifesté des dizaines de fois. On a tous signé des centaines de pétitions. Mais combien sommes-nous à nous être demandés, lucidement, sans faux-semblant, ce qu’il en était de l’efficacité, et donc, de la pertinence, de nos moyens d’actions traditionnels ? Combien sommes-nous à nous réfugier dans une espèce de pensée magique chaque fois que nous sommes en colère, en nous habituant à considérer nos modes de protestation non plus comme (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je ne sais pas ce qu’est un homme, je ne connais que son prix.

Bertolt Brecht

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.