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Qui dit qu’il y a pas d’Europe ? Et celle de l’infamie ?

« On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant “L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !”... », disait, on s’en souvient bien, le général en 1965. Il doit bien rire. Ils ne sautent plus sur leurs chaises et ne crient plus « L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! » ; non, ils font leur coup en douce, comme des petits commissionnaires des dernières instruction impératives, montrant le complet alignement de l’Europe sur les consignes-Système des USA, après qu’on ait montré, deux jours auparavant, qu’on les espionnait comme dans des latrines à tous vents.

Qu’un ministre bolivien, Ruben Saavedra de la Défense, qui était dans l’avion avec Morales (nous y venons) puisse déclarer comme s’il parlait des gouvernements européens comme de services annexes du département d’État, pour lesquels il suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’ils agissent comme on a décidé pour eux : « C’est un acte d’hostilité de la part des États-Unis qui ont utilisé différents gouvernements européens. », – qu’il puisse dire cela et que cela ne soulève en nous aucun réflexe de scepticisme, ou d’interrogation, ou d’indignation enfin, voilà qui nous en dit des tonnes et des tomes, – parce que cela est vrai...

Il s’agit de l’affaire de l’équipée de l’avion du président bolivien Morales dont il semble qu’il se soit vu interdire, au moins pendant quelques heures, l’espace aérien de trois ou cinq pays européens c’est selon, – dont la France fameuse pour son indépendance et sa souveraineté, – parce que des rumeurs sans doute recueillies par l’efficace et attentive NSA, – on travaille au niveau des caniveaux, – avaient suggéré que Snowden se trouvait à son bord. Il y a beaucoup de comptes-rendus de cette affaire extraordinaire, avec des interprétations différentes, qui conduisent tout de même à constater qu’on a transféré élégamment les bornes de la légalité internationale au-delà de toutes les normes concevables, et de toutes les violations déjà accomplies par un groupe d’États souverains et d’honorable et vertueuse réputation... (Voir Russia Today et le Guardian le 3 juillet 2013.) Ci-dessous, on donne un extrait du compte-rendu de EUObserver du 3 juillet 2013. Il y a aussi quelques précisions sur les réactions d’autres États d’Amérique du Sud (avec d’autres précisions plus récentes sur ce point dans le Guardian du 3 juillet 2013).

« L’avion d’Evo Morales, le président bolivien, a été forcé d’atterrir à Vienne mercredi (3 juillet) parce qu’il était soupçonné de transporter Edward Snowden, le lanceur d’alerte en fuite. Morales revenait d’un meeting sur l’énergie à Moscou qui s’était tenu mardi et au cours duquel il avait déclaré à la TV russe, que la Bolivie envisageait d’accorder l’asile politique à Snowdon. Il a dit qu’il tenait beaucoup à protéger les lanceurs d’alerte.”

 »Selon les médias, la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont fermé leur espace aérien à son avion. Morales, son ministre de la défense, Ruben Saavedrd, et l’équipage de l’avion ont été obligés d’attendre dans le salon VIP de l’aéroport autrichien. Le ministre des Affaires Etrangères autrichien a depuis confirmé que Snowden n’était pas à bord de l’avion. Tous les pays, sauf l’Espagne - lui ont ensuite rouvert leur espace aérien.

 »Saavedrd a déclaré qu’il considérait ce fiasco comme un acte hostile perpétré par les États-Unis en se servant des gouvernements européens. Le ministre des Affaires Etrangères bolivien, David Choquehuanca, a dit quant à lui que la France et le Portugal leur avaient refusé l’accès à leur espace aérien en invoquant d’abord des "problèmes techniques". "Ils ont dit qu’il y avait des problèmes techniques mais après avoir demandé de plus amples explications nous avons appris qu’on nous soupçonnait à tort de transporter M. Snowden dans l’avion," a-t-il dit. Il a dit que Morales avait été "kidnappé par l’empire" en Europe.

 »L’incident pourrait se transformer en un incident diplomatique international car selon Cristina Kirchner, la présidente de l’Argentine, Ollanta Humala, le président péruvien, va organiser une réunion des pays d’Amérique Latine pour discuter du problème. "Demain sera une journée longue et difficile. Gardez votre calme" a-t-elle tweeté. Rafael Correa, le président de l’Equateur, a dit que les leaders d’Amérique Latine devaient faire quelque chose. "Ce sont des heures décisives pour l’Unasur ! Soit nous nous comportons comme des colonies, soit nous exigeons le respect de notre indépendance, de notre souveraineté et de notre dignité. Nous sommes tous des Boliviens" a-t-il tweeté. »

Officiellement, rien n’a été dit de précis de la part des pays démocratiques et spécialistes de la liberté de parole, de la légalité internationale et ainsi de suite, qui ont commis cette forfaiture qui devrait rester comme un beau cas d’école dans l’histoire du droit international. Cette attitude officielle introduit d’ailleurs une certaine dose de confusion sur les conditions réelles de l’incident, dans la mesure où l’on voudrait espérer reconstituer ces conditions réelles, les différents pays concernés préférant donner des indications très floues où l’on joue sur les mots, sur le temps des verbes, sur les précisions imprécises des circonstances. Le Guardian, qui avait mis en place une série “nouvelles-après-nouvelles“ dite Live Update sur l’affaire, ce 3 juillet 2013, rapportait successivement

• « Les pays membres de l’Union Européenne ont le droit de refuser l’accès de leur espace aérien mais la raison pour laquelle la France et le Portugal ont fermé leur espace aérien à l’avion du président bolivien, Evo Morales, n’est pas claire, selon une porte-parole de la Commission européenne. Elle a déclaré à Reuters : "A ce stade, nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé ce matin ni pourquoi les Français et les Portugais ont décidé de d’interdire l’accès de leur espace aérien à l’avion." »

• « C’est très étrange. Selon l’AP, les officiels français et espagnols ont interdit l’accès de leurs espaces aériens respectifs à l’avion de Morales. Mais les officiels français ont nié mercredi que la France ait refusé de laisser passer l’avion du président bolivien parce qu’on soupçonnait la présence de Snowden, l’homme qui a révélé les activités d’espionnage de la NSA, à son bord. L’Espagne aussi a affirmé que l’avion avait été libre de traverser son territoire… [...] Deux officiels ainsi que le ministre des Affaires Etrangères français ont affirmé mercredi que l’avion de Morales avait l’autorisation de traverser la France. Ils ont refusé de commenter les allégations contraires des officiels boliviens. Ils se sont exprimés sous le couvert de l’anonymat parce qu’ils n’avaient pas le droit de divulguer leur identité en vertu de la politique du ministère. Un officiel du ministère des Affaires Etrangères espagnol a dit mercredi que mardi le pays avait autorisé l’avion de Morales à traverser son espace aérien et à faire escale pour se ravitailler en essence. L’officielle a dit que la Bolivie avait demandé le matin même la confirmation de l’autorisation de vol et l’avait obtenue. Elle a parlé sous couvert de l’anonymat selon les règles du département... »

Ce silence officiel sous forme de brouillage des informations en multiples versions plus ou moins officieuses ne doit pas nous empêcher de poursuivre un commentaire dont il nous étonnerait qu’il ne soit pas au moins justifié par l’esprit de la chose (au moins évidente dans le refus unanime de droit d’asile pour Snowden dans les pays de l’UE), dans quelque condition qu’elle ait été développée. (A moins que la NSA nous révèle qu’elle détient quelques milliers de coups de téléphone montrant que Morales est un maître monteur de circonstances provocatrices, sans doute en se trompant sur le nom et la fonction du bonhomme.) Donc, ce “silence officiel” sur l’affaire du vol de Morales s’accompagne du travail entrepris au sein des institutions européennes pour obtenir de la part des USA des explications sur leur espionnage massif, ce qui trace un parallèle ubuesque donnant à toute l’affaire un autre caractère absolument inédit. La présence de la France parmi la “bande des trois ou cinq” ayant réalisé le kidnapping du chef d’État bolivien en rajoute une couche appétissante, sur le plan très sacré des principes de souveraineté et d’indépendance qui font partie de l’arsenal dialectique de la Grande Nation devenue entièrement la nation-poire. Mais quoi, nous sommes bien à l’époque de l’infamie à la petite semaine, commise en catimini par des êtres très bas et complètement dépassés par des responsabilités qui leur font horreur, donc incapables de mesurer l’infamie de leurs actes, et les conséquences de cette infamie. Une telle forfaiture au niveau international pourrait ne pas être sans conséquences diplomatiques, notamment sur l’appréciation qu’auront les autres, notamment les pays d’Amérique du Sud, des pays européens qui constituent avec les États-Unis le centre moteur du bloc BAO prétendant conduire et inspirer les destinées du monde.

Toute cette éructation étant répandue, il reste tout de même quelques aspects mystérieux. Nous voulons dire par là que l’extrémité de l’infamie elle-même pose un problème et fait s’interroger sur l’état psychologique, à la fois de ceux qui ont suggéré l’une ou l’autre consigne, à la fois de ceux qui se sont obligeamment exécutés. Il y a l’aspect d’une complète absence de mesure, voire de simple prudence, qui fait songer à un état psychologique de panique comme le dit Norman Solomon à Russia Today le 2 juillet 2013 (« Il y a un élément de panique dans la politique étasunienne par rapport à Edward Snowden et à tout ce problème »). Notre hypothèse est que cette panique n’est pas seulement US mais commune au bloc BAO, devant ce qui est perçu comme une menace fondamentale contre l’un des fondements du Système (l’ensemble NSA/GCHQ britannique et son complexe global) pour la surveillance assurant une sécurité du Système que ces mêmes psychologies paniquées ne cessent de percevoir de plus en plus menacée. A cet égard, ces psychologies ne font que refléter la panique du Système lui-même devant ce qu’il perçoit comme une menace diffuse, et, selon cette psychologie obsessive selon quoi plus grande est la puissance, plus vulnérable est la sécurité à la moindre des menaces. (Par ailleurs, l’aspect pyramidal et interconnecté de cette puissance implique effectivement qu’un élément mineur, voire microscopique, qui possède le bout d’un des fils composant l’ensemble, peut détricoter l’ensemble...). Il y a certainement là un effet déjà constaté dans d’autres occurrences de la terrorisation des psychologies des directions-Système, une sorte d’“empire de la terreur“ tenant aussi bien le Système lui-même que ses composants (les pays du bloc BAO) dans la crainte-panique d’une action, si minime soit-elle, qui déséquilibrerait l’ensemble et précipiterait l’effondrement.

Les pays de l’UE, qui font partie de l’UE, sont donc confrontés à une véritable schizophrénie de leurs psychologies. D’un côté, ils sont victimes de l’agression de ce puissant élément constitutif du Système qu’est le complexe de surveillance avec la NSA au centre, et leur réaction reste malgré tout furieuse et d’une intense frustration, d’être l’objets de surveillance et espionnage illégaux, intrusifs, sans aucun respect de la souveraineté et dans des conditions frisant la trahison des liens d’alliance, – et essentiellement sinon exclusivement parce que tout cela est étalé publiquement. D’un autre côté, ils sont les complices, voire les serviteurs inconditionnels du Système et ses obligés bien sûr, et ils jugent leurs destins liés au sien. Par conséquent, il doit leur apparaître également impératif de tout faire pour assurer sa protection au niveau d’un de ses composants essentiels, y compris les actes les plus illégaux. Dans ce cas, la frustration d’être la victime des actes de surveillance du monstre est complétée d’une façon horriblement antagoniste par la panique communicative de la psychologie du monstre devant de prétendues “menaces” contre l’intégrité de sa puissance, – et cette panique finissant par transformer ses “prétendues menaces“ en menaces effectives, selon l’habituel évolution dynamique de la surpuissance en autodestruction.

Traductions des parties en Anglais : Dominique Muselet

»» http:// http://www.dedefensa.org/article-qui_dit_qu_il_y_a_pas_d_europ...
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