RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Remarques sur le défilé du 14 juillet

- Il y a quelque chose de paradoxal (et même de proprement scandaleux) dans la célébration du 14-Juillet. Celle-ci, en effet, exprime symboliquement des valeurs opposées à celles de l’événement fondateur, à savoir la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789.

1. Celle-ci eut lieu à l’est de Paris, dans les quartiers populaires, alors que le défilé militaire du 14-Juillet se tient à l’ouest de Paris, dans les quartiers riches et huppés.

2. La prise de la Bastille fut un événement spontané alors que le défilé militaire est un événement longuement préparé, qui donne lieu à maintes répétitions, ainsi qu’au bouclage des quartiers de Paris où se déroule la manifestation..

3. La prise de la Bastille fut un acte de révolte contre l’autorité de l’État, un soulèvement du peuple, auquel participèrent les Gardes françaises, qui passèrent du côté des insurgés. Le défilé militaire est une manifestation de l’obéissance de l’armée envers les corps constitués, et le témoignage que le gouvernement tient bien en main son outil militaire, contre tout ennemi extérieur... ou intérieur !

4. La prise de la Bastille fut une manifestation de violence envers l’autorité (le gouverneur de Launay fut lynché) alors que le défilé du 14-Juillet voit les Parisiens assister avec dévotion à la descente des Champs-Élysées par le président de la République.

5. Il n’est pas anodin, il n’est pas innocent, que les troupes qui défilent viennent de l’ouest. En effet, ce fut également de l’ouest que les troupes d’Adolphe Thiers, les "Versaillais" vinrent pour écraser la Commune de Paris en avril-mai 1871. Les troupes allemandes paradèrent deux jours sur les Champs-Élysées en 1871 après la capitulation de Paris et récidivèrent en juin 1940.

• On m’a parfois objecté que la célébration du 14-Juillet n’était pas la commémoration de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, mais celle de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. Il s’agit là d’un sophisme. En effet, les organisateurs de la Fête de la Fédération auraient pu choisir d’autres jours symboliques de 1789, comme le Serment du Jeu de Paume, le 20 juin, ou l’abolition des privilèges, le 4 août, ou le retour du roi à Paris, le 6 octobre.

- Néanmoins, ce fut le 14 juillet qui fut choisi car les Parisiens, et, au-delà, tous les Français, eurent le sentiment que (du fait que la prise de la Bastille ne fut pas réprimée), ce jour-là, il s’était passé un événement décisif, radical et irréversible. La preuve : le comte d’Artois, frère de Louis XVI (et futur Charles X), que l’on présente parfois comme peu intelligent, émigra dès le 17 juillet 1789, soit trois jours après la prise de la Bastille, alors que son frère Louis XVI allait encore régner, formellement, plus de trois ans (jusqu’au 10 août 1792). Il avait tout compris...

• Une commémoration du 14-Juillet qui en respecterait l’esprit, devrait être comme un 1er Mai, mais un 1er mai des grandes années revendicatives, un 1er mai avec drapeaux rouges, chants révolutionnaires, revendications sociales et sociétales foisonnantes exprimées avec véhémence et slogans bien sentis. Et un 14 juillet qui se tiendrait non pas aux Champs-Élysées mais place de la Bastille...

Deuxième commentaire, du 12 juillet, à 16 h 01.

• Comment se fait-il que le 14-Juillet soit commémoré par un défilé militaire et ait ainsi acquis un caractère guerrier qu’il n’avait pas au départ, en 1789 ? Cela est peut-être dû à la date à laquelle il commença à être fêté de manière régulière.

1. La première célébration eut lieu en 1880, mais sur l’hippodrome de Longchamp. Cette date est importante car elle se déroula neuf ans après une défaite douloureuse et mortifiante contre l’Allemagne.

2. On ne se représente pas à quel point, pour les Français, cette défaite fut un choc. En effet, jusque là, l’armée française passait pour la meilleure d’Europe. Or, elle fut balayée en moins d’un mois, entre la surprise de Wissembourg (4 août) et la capitulation de Sedan (1er septembre 1870).

3. Certes, la République, qui succéda à l’Empire dès le 4 septembre, sauva l’honneur en prolongeant la lutte jusqu’en février 1871, mais, en dehors de quelques succès tactiques sans lendemain (comme à Coulmiers, à Bapaume et à Villersexel), elle fut battue stratégiquement sur tous les théâtres d’opération : le long de la Loire, dans le Nord, dans l’Est, et, surtout, dans tous les grands sièges : à Paris, Metz, Strasbourg, Belfort, etc. Et elle dut abandonner trois départements et payer 5 milliards de francs-or. Ce fut là une humiliation dont la France rumina la revanche durant 43 ans.

4. La revue militaire de Longchamp fut ainsi une manière de montrer aux Français que, cette fois-ci on ne se laisserait pas faire et qu’on rendrait coup pour coup aux Allemands.

5. Cette première célébration, en 1880, eut lieu cinq ans après l’amendement Wallon (en janvier 1875), qui officialisait la République, ce qui était important puisque, jusqu’en 1873, les monarchistes eurent encore, avec le comte de Chambord, l’espoir d’une restauration. Et que ce ne fut qu’en 1883 que ledit comte de Chambord mourut en Autriche. Il fallait donner du prestige à la République et prouver que celle-ci savait - et saurait, mieux que l’empire, mieux que la royauté - défendre le pays et la patrie.

6. Ce défilé était (peut-être) aussi destiné à présenter au peuple un autre visage que celui où l’armée s’était "illustrée" en dernier (à savoir l’écrasement de la Commune, en mai 1871), et à montrer à la bourgeoisie républicaine qu’elle avait l’instrument militaire bien en main, soit pour réprimer les grèves (comme à Fourmies, en mai 1891), soit pour reprendre en main un régiment mutiné (le 17e à Béziers, en 1907), soit pour écarter un général aux velléités putschistes (Boulanger en 1889), soit pour imposer à l’armée une décision dont, au départ, cette armée ne voulait pas (réhabilitation de Dreyfus, en 1906).

7. Ce caractère militariste et cocardier ne put qu’être confirmé (et même renforcé) par les deux guerres mondiales qui suivirent.

8. Il le fut aussi, sans doute, de façon paradoxale, par les deux défaites qui suivirent (Indochine et Algérie) ainsi que par la perte de certains attributs de prestige international : fin de l’empire colonial et absorption de pans de souveraineté dans des institutions plus vastes : Communauté européenne, OTAN. Et il le fut enfin par l’état de paix qui règne sur le continent européen (du moins à l’ouest) depuis 1945. On semble d’autant plus fasciné par l’armée qu’il n’y a plus de péril ni allemand (comme en 1914 et 1939), ni soviétique (comme jusqu’en 1989).

Philippe ARNAUD

URL de cet article 35113
  

L’écologie réelle
Guillaume SUING
Des premières aires naturelles protégées (zapovedniki) en 1918 jusqu’au plus grand plan d’agroforesterie au monde en 1948, avant que Nikita Khrouchtchev ne s’aligne sur le modèle intensif américain dans les années soixante, c’est toute une écologie soviétique qui fut jadis raillée par les premiers zélateurs occidentaux de l’agriculture « chimique ». Cette « préhistoire dogmatique », pourtant riche d’enseignements pour l’époque actuelle, est aujourd’hui totalement passée sous silence, y compris dans le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je n’accepte plus ce que je ne peux pas changer. Je change ce que je ne peux pas accepter.

Angela Davis

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.