Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, ne cesse de préconiser des mesures à l’opposé du programme du Conseil National de la Résistance dont vous vous réclamez : démantèlement des services publics en Grèce et ailleurs. Des malades ne sont plus soignés, des jeunes sont privés d’avenir au nom de la préservation des profits des seigneurs du capital.
Stéphane Hessel, vous vous indignez tout en plaidant pour un Dominique Strauss-Kahn qui a voté, lui et son parti, pour le Traité Constitutionnel Européen. Un Traité dont l’article 127 autorise banquiers et marchés financiers à s’enrichir par l’endettement des états. Un Traité qui a trahi votre idéal de résistant. A la Libération, par la loi du 2 décembre 1945, le gouvernement français eut le courage d’interdire de telles pratiques. La Banque de France eut ordre de faire des prêts, à taux quasiment zéro, à l’Etat, au nom du développement des services publics. Pendant 28 ans, ni déficit, ni dette publique. Dans l’agriculture et l’industrie, les gens, remplacés par les machines, furent nombreux à devenir fonctionnaires au service de l’intérêt général, il n’y avait pas de chômage…La production des biens matériels étant assurée par un nombre décroissant de gens, le temps libéré par la technologie était massivement déversé dans le secteur des activités immatérielles au service de l’intérêt général (écoles, hôpitaux, dispensaires, médecine préventive, recherche, culture, transports …).
Pour la première fois, un gouvernement mettait en pratique la gratuité de l’argent créé par les banques. Une gratuité reconnue de fait par l’abandon de la parité-or au XXème par tous les états de la planète. Grâce aux prêts gratuits accordés par la Banque de France, les services publics pouvaient se développer en intégrant ceux qui dans l’industrie et l’agriculture avaient été remplacés par les machines. Le fonctionnaire ne perçoit pas un salaire mais un traitement. Le fonctionnaire n’est plus un salarié parce que son activité ne sert plus à l’enrichissement d’actionnaires qu’ils soient de la banque ou d’autres secteurs du privé. En ce sens, le service public est un sanctuaire qu’il nous faut défendre.
Mais, par la loi du 3 janvier 1973, Giscard et Pompidou, interdirent les prêts gratuits de la Banque de France à l’Etat, ce dernier fut contraint d’emprunter (en payant des intérêts) auprès des banques privées et des marchés. Ainsi commence l’endettement de l’Etat : démantèlement des services publics avec chômage croissant. Les cliniques privées se développèrent au détriment des hôpitaux… En introduisant cette loi dans le Traité Constitutionnel Européen, le rédacteur de ce traité, Giscard d’Estaing, soutenu par Dominique Strauss-Kahn et son parti, a généralisé l’endettement à toute l’Europe.
Les banquiers privés règnent en maîtres absolus. Ils font payer le crédit à l’Etat comme aux particuliers. Un véritable racket, quand on sait que l’argent « prêté », c’est 95% de monnaie électronique pour 5 % de billets et de pièces (papier et métal vulgaire de très faible valeur marchande…). Nous faire payer, pour un prêt à 5% sur quinze ans, deux fois le prix de la maison achetée, sous prétexte que l’argent coûte cher, c’est une escroquerie ! Quand on sait qu’aucune monnaie dans le monde n’est alignée sur l’or. La création monétaire est totalement dissociée de l’obligation pour les banquiers d’acheter des réserves d’or comme autrefois.
Stéphane Hessel, comment pouvez-vous vous faire l’avocat d’un Dominique Strauss-Kahn qui, décoré par le président Ben Ali, déclare « En Tunisie, la politique économique adoptée ici est une politique saine et constitue le meilleur modèle à suivre pour de nombreux pays émergents. » La Tunisie, un pays avec 45% des jeunes au chômage, où les opposants et les avocats sont jetés en prison et torturés. Un pays avec deux immolations par le feu et vingt morts en quelques jours de manifestations populaires…
Stéphane Hessel, comment pouvez-vous défendre la candidature à la présidentielle de 2012, d’un directeur général du FMI qui, depuis toujours, subordonne l’intérêt général aux seuls intérêts particuliers des seigneurs du capital, alors que vous vous prononcez pour « le retour à la nation des grands moyens monopolisés, fruit du travail commun, des richesses du sous-sol, des sources d’énergie, des compagnies d’assurance et des grandes banques… Pour une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ».
Dans l’espoir que vous comprendrez mon indignation comme une nécessaire contribution au débat, je souhaite discuter avec vous, comme nous l’avions fait à Nantes en 2008, sur la base de ce que vous revendiquez au début de votre livre : « L’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Que le temps libéré par la machine ne soit plus gaspillé sur l’autel de la croissance dite « économique » qui n’est qu’un paravent masquant la seule croissance des profits des seigneurs du capital. Que le temps libéré par la machine serve à l’extension des services publics, facteurs premiers de la prospérité des peuples.
Solidairement vôtre pour résister à tous les exclueurs, responsables, conscients et bien vivants, de la misère du monde.
Alain Vidal, Nantes, le 10 janvier 2011
Libérons La Monnaie
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