Dans ce spectacle jeunesse (destiné aux enfants de 5 à 10 ou 12 ans), deux « badjagitateurs » se démultiplient en 4, en 8, en une armée (!) pour nous faire vivre une aventure à destination des petits, sans laisser les grands de côté.
C’est une histoire qui commence simplement : deux enfants jouent, en injectant dans leur jeu leurs difficultés quotidiennes, à la maison ou dans la cour d’école, parents critiques et caïds de CM1. Ils sont amis et pourtant tout en contrastes, mais également confrontés l’un et l’autre au regard de proches qui ne les acceptent pas tels qu’ils sont.
L’histoire amène un mystérieux et omnipotent « Marchand de Jouets » à les transformer en jouets « conformes », poupée en robe rose pour elle, figurine de jeu vidéo (ninja ou Sangoku) pour lui. Mais leur personnalité profonde résiste à cette normalisation apparente, les coups de karaté continuent à pleuvoir, même en crinoline, et le maquillage s’interprète comme des peintures de guerre. Leur périple vers la libération (je dévoile la fin – ça finit bien pour les enfants) passe par des rencontres qui les émeuvent et leur fait comprendre l’impératif qu’il y a à s’accepter, soi et les autres, et rester ce que l’on est.
On ne parle pas seulement de code génétique ici, mais aussi d’égalité, de féminisme, d’amitié, de tolérance, d’entraide, d’amour, de handicap, de solitude ... à quoi sont confrontés les enfants tout autant que les adultes. Tout cela est abordé avec finesse et sans faux-semblants.
La Bad’J, au talent toujours aussi engagé, a écrit un texte aux situations pleines d’humour pour les plus jeunes, et de références pour les plus grands (rap, slam, jeux vidéos), sans oublier les adultes qui se réjouissent de jeux de mots et de références astucieusement placées (« Paymobil », « Teenindo »).
Le décor est constitué de boîtes de jeux qui se révèlent malles aux trésors, antre de sorcière, boîte à musique ou bateau pirate, par la grâce de plusieurs dispositifs marionnettiques très maîtrisés. Les moments de manipulation à vue sont très fluides, et personne, dans le jeune public, n’a été perdu dans les transitions.
Le rythme de la pièce est soutenu, sans lasser les plus jeunes, avec quelques chansons qui permettent des pauses, tout en dévoilant le ressenti et les émotions de « Jo » et « Ju », dont un moment de rap qui a emballé la partie plus adolescente du public ...
La rencontre avec l’actrice Aurélie Normandon à la sortie de la salle prolonge le spectacle, les commentaires et les questions fusent, ce qui crée une passerelle, voire même un tremplin pour susciter des rebonds du spectacle dans les souvenirs des spectateurs !
La salle de la Manufacture des Abbesses est confortable et avec une bonne visibilité, au pied de la Butte Montmartre et à l’écart des touristes.
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron – 75018 Paris
Durée du spectacle : 45 minutes. Avec Aurélie Normandon, Sébastien Prieur, Jennifer Catelain et Thomas Girou.
Du 26 février au 29 avril 2020, les mercredis et dimanches à 15h. Dates supplémentaires pendant les vacances de printemps : les lundis 06 et 13 avril à 15h et les mardis 07 et 14 avril à 15h.
réservations http://www.manufacturedesabbesses.com/theatre-paris/jouets-interdits/