Tunisie - Yadh Ben Achour : vous et toute la classe politique, vous avez bel et bien trahi la République.

Au milieu de l’euphorie créée par la chute du dictateur Ben Ali, nombre de citoyens, citoyennes, militants et militantes de l’extrême gauche, du centre gauche, réactionnaires, rétrogrades ont réclamé l’instauration d’une Constituante afin de balayer les institutions d’un régime déchu, honni. Beaucoup ont exigé l’abolition de la Constitution de 1959. Or, ce texte, fondateur de la République, demeure un document exceptionnel par sa rigueur, sa pertinence, son contenu équilibré préservant notre identité arabo-musulmane tout en garantissant la liberté de conscience et en inscrivant la Tunisie dans la modernité.

Intervenant sur Nessma TV, Yadh Ben Achour, ex-président de la fameuse Haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique (HCROR), a déclaré de manière à se disculper que : « Gouvernement, organismes syndicaux, présidence de la République et toutes les autres composantes de la société ont participé à cette erreur » -historique- concernant la mise en place de l’Assemblée Constituante. Sans nous surprendre, Yadh Ben Achour a ajouté que l’assemblée constituante a abouti à une crise sur tous les plans et notamment une crise de confiance entre le gouvernement et le peuple. Il a par ailleurs déclaré qu’il espère que la décision d’élire une Assemblée constituante ne s’avère pas une décision catastrophique. Admirons sa logique pour un professeur d’Université en droit Constitutionnel !

La classe politique tunisienne dans son ensemble a commis une faute grave en balayant la Constitution de 1959 et en acceptant l’idée d’une Constituante. En philosophie, la faute est un manquement intentionnel au devoir, à la morale ou à la loi. La faute implique forcément l’erreur. Platon définit cette dernière comme étant une ignorance double, c’est-à -dire une ignorance qui ne se sait pas ignorante, une ignorance doublée d’une illusion. Descartes fait remarquer que l’erreur repose sur une disproportion entre la volonté et l’entendement : celle-ci étant infinie, elle peut se porter au-delà de ce que l’entendement nous propose, et c’est ainsi que nous pouvons vouloir des choses qui ne sont pas claires et distinctes.

Quel parcours YBA ! Il vous a fallu deux ans pour que vous vous rendiez compte que la Constituante est une absurdité. Nous l’avons dénoncé à plusieurs reprises et ceci dès l’annonce de l’institution d’une ANC. Dans notre article publié au journal La Presse du 22 juin 2011 intitulé « Pour une Constitution et non une Constituante » nous avions démontré le risque et l’impasse où l’option ANC engouffrait l’Etat et la République.

Un petit extrait de cet article résume l’état de notre désespoir : « Notre seul salut réside dans le fait de doter notre pays d’une Constitution sans la mise en place d’une Constituante, la toute démagogique, bonne/fausse idée. Seule cette stratégie pourra déjouer le complot diabolique de nos ennemis de l’intérieur comme de l’extérieur et fera de notre révolte une révolution qui sera la fierté des générations futures et posera la première pierre d’une reconfiguration géopolitique du monde. »

Une fois admise votre erreur quasi mortelle pour la République, que comptez-vous faire ? Que compte faire BCE qui a appuyé votre démarche sachant que je l’avais prévenu par une lettre personnelle datée du 6 juin 2011 intitulée « Sauvons les acquis républicains ». Je cite : « Tout annonce que ce pouvoir monocolore sera antirépublicain et conduira à l’instabilité et au retour à la case départ - c.à .d. avant le régime séculier instauré par Bourguiba. Face à ces risques, j’en appelle à la tenue d’un référendum, solution, peut-être moins spectaculaire, mais plus démocratique, facile, rapide, garde-fou contre l’inconnu ».
Il est vrai qu’YBA n’était pas présent à Kasbah I et Kasbah II qui est à l’origine de l’idée de la Constituante. Il est vrai qu’on ne l’a pas entendu dénoncer le système ZABA lequel l’avait nommé président de la commission des réformes institutionnelles, l’ancêtre de la Haute Instance…

Apparemment YBA n’est pas responsable de cette catastrophe sauf qu’il revendique la paternité du code électoral favorisant les ennemis de la République. Dans notre article "Constitution : un référendum pour le peuple tunisien" publié au journal la Presse en date du 26 mai 2011, nous nous sommes insurgé contre le choix du code électoral promu par YBA : « le système électoral retenu pour la constituante préconisant un vote à un seul tour et à la proportionnelle est plombé par l’introduction de la notion du maximum de reliquat qui privilégie sans conteste les partis dominants. Ainsi, la proportionnelle est dépouillée de son caractère juste, elle n’est qu’une vitrine de communication et de démagogie. Ce mode de scrutin favorise, à l’évidence, les partis politiques disposant de moyens financiers et logistiques importants leur permettant de mobiliser leurs partisans et l’électorat captif. »

Maintenant que vous êtes conscient YBA, vous avez deux alternatives : vous tirez une balle dans la tête ou tirez dans celles de nos ennemis. Eux, sont déjà surarmés et nous encerclent. Pressez les amis de la Tunisie républicaine de soutenir un peuple et une République à l’agonie car les ennemis étaient au courant et à l’affût du projet américano-sioniste et golfique pour déstabiliser-somaliser la région arabe au profit d’Israël et du wahhabisme. Comment l’ISIE n’a-t-elle pu déceler ce scénario et l’annuler au bénéfice d’une solution simple comme le toilettage de la Constitution de 1959 et sa soumission à référendum ?

Mustapha STAMBOULI

COMMENTAIRES  

21/02/2013 11:04 par SEGOUALI

Il est indéniable que La loi-pour organiser des élections législatives à fin de faire assoir une chambre nationale constituante et qui a pour mission de rédiger une constitution, de désigner un président de la République et un gouvernement provisoires pour un mandat législatif d’une année au maximum selon l’article n° 6 de la loi 2011- n° 35 du 10 mai 2011 , laquelle stipule : « L’assemblée nationale constituante se réunit après la proclamation des résultats définitifs des élections par la commission centrale de l’instance supérieure indépendante pour les élections. L’assemblée nationale constituante élabore une constitution pour le pays dans un délai ne dépassant pas une année à compter de la date de son élection » - est une erreur impardonnable et inhérente exclusivement aux académiciens tunisiens en matière de droit constitutionnel, qui ont participé à la rédaction de cette loi et ils sont Aujourd’hui seuls qui endossent la responsabilité morale historique ainsi que les conséquences gravissimes qui ont entraîné le pays vers une destination inconnue. Toutes les analyses géostratégiques convergent pour confirmer que la Tunisie affaiblie sur le plan des institutions étatiques peut à tout instant basculer dans une guerre civile tragique, puisque ces législateurs, par cette loi ont été les initiateurs de la fracture socioculturelle du peuple tunisien pour le diviser en deux camps d’ennemis fratricides. Tous les deux sont prêts à découdre pour régler définitivement leur contentieux politique. Or le pays ne peut supporter une telle purge politique sans assombrir dans une phase de somalisation dont les issues nul ne peut les prédire. La vive réaction du secrétaire général de L’ONU qui a condamné avec véhémence l’assassinat politique du brillant opposant le feu Choukri BELAID, en reprochant sans équivoque le manquement pertinent de l’assemblée nationale constituante tunisienne à sa mission. Or nul au monde démocratique ne peut défendre depuis la date du 23 octobre2012 la légitimité éteinte de la chambre nationale constituante sauf ceux qui ont rédigé la loi électorale en question et qui est transformée en véritable baril de poudre prêt à exploser face au portail occidental qui ne badine pas avec ce genre de conflit.et qui ne compte aucun ami quand il s’agit des menaces de ses principes fondamentaux. La question est de savoir Pourquoi précisément Ms les professeurs, Iyad Ben ACHOUR, Sadock BELAID, Kais SAIED et d’autres académiciens du droit législatif au nez et à la barbe de leurs homologues, dans le monde, ils continuent à cautionner à tord pour soutenir la légitimité de la chambre nationale constituante. Cette institution provisoire qui est devenue caduque depuis son expiration légale en vertu de la loi. Or le mérite de cette ambigüité scandaleuse démontrant un véritable débâcle au sein même de la famille législatrice qui arrive en tout évidence à un stade troublant pour confondre le licite et l’illicite en matière purement basique de droit tout court, soulève en soit beaucoup de questions en ce qui concerne la crédibilité de cette famille académicienne en droit législative, sa compétence, sa neutralité, sa maturité ou tout simplement s’agit-il tout simplement d’un détour de la révolution emballé dans un coup d’état de droit constitutionnel inventé par les académiciens de droit constitutionnel tunisiens. ? Cela nous rappelle bien le coup d’état médical du dictateur de Ben ALI qui a passé sous silence par ces académiciens du droit législatif. Il est certain que l’histoire ratifie dans la mémoire collective du peuple tunisien les traces de toute traitrise porté à son destin et qu’elle ne pardonne aucune connivence contre nature à son encontre.
M SEGOUALI/ CH

21/02/2013 18:30 par Fethi GHARBI

..« .ou s’agit-il tout simplement d’un détour de la révolution emballé dans un coup d’état de droit constitutionnel inventé par les académiciens de droit constitutionnel tunisiens. ?... »

En effet, c’est bien l’ambiguïté du texte mis en forme par Ben Achour qui a permis au plus fort , c’est à dire Annahdha d’imposer son point de vue et de se prévaloir d’une légalité sans limite. Il lui suffit de laisser trainer la rédaction de la constitution à l’infini...Le parti islamiste qui détient tous les pouvoirs prendra ainsi tout son temps et plus pour s’implanter et occuper tous les coins et les recoins de l’état afin de falsifier les prochaines élections...si jamais ces dernières peuvent bien avoir lieu un jour...Il semble plutôt que les intégristes s’orientent de plus vers l’usage de la violence pour imposer leur état théocratique.

Les ultralibéraux tels que Y. ben Achour et Beji Caïd Essebsi ne peuvent être que les alliés objectifs des frères et des wahhabites pour la simple raison que les uns et les autres obéissent au doigt et à l’oeil au même maitre.

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