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Une agence US a infiltré le milieu hip-hop cubain pour soulever la jeunesse contre le gouvernement. (NBC Miami)

Au début de 2009, un sous-traitant du gouvernement américain a envoyé un promoteur de musique serbe à Cuba avec un ordre de mission secret : recruter un des rappeurs les plus célèbres de La Havane afin de soulever la jeunesse contre le gouvernement.

A Cuba communiste, un tel projet pouvait envoyer Rajko Bozic en prison. Alors, lorsqu’il a présenté son projet à l’artiste hip-hop cubain Aldo Rodriguez, Bozic a omis de mentionner ses véritables intentions – et qu’il travaillait pour U.S. Agency for International Development (USAID - l’Agence américaine pour le développement international).

Coiffé de dreadlocks, musclé et tatoué, Aldo, son nom de scène, était un héros dans le milieu underground du hip-hop pour les paroles qui protestaient contre l’emprise du gouvernement de Castro sur la vie quotidienne dans des chansons comme ’El Rap Es Guerra,’ ou ’Le Rap c’est la guerre,’ mots tatoués sur son avant-bras.

Selon des milliers de pages de documents et des dizaines d’interviews obtenus par Associated Press (AP), lui et son groupe, Los Aldeanos, ont failli être entraînés à leur insu dans une guerre entre La Havane et Washington.

Alors qu’Aldo et son groupe étaient déjà harcelés par leur propre gouvernement - leur premier album était intitulé ’Censurado’ (censuré) – Bozic fut envoyé à Cuba pour monter le volume de ses chansons de protestation.

Le projet secret Hip-Hop Cubain d’USAID cherchait à "instaurer la démocratie" [guillemets rajoutés par le traducteur, non mais... - NdT] , mais comme pour d’autres activités américaines sur l’île, le projet avait été confié à des amateurs.

Des documents montrent qu’USAID a mis à plusieurs reprises des Cubains innocents et ses propres agents en danger en dépit de nombreux avertissements. Les autorités ont détenu et interrogé des musiciens ou des agents d’USAID au moins à six reprises, confisquant souvent leurs ordinateurs et clés USB, qui, dans certains cas contenaient des éléments les reliant à USAID.

Selon l’enquête d’AP, au lieu de déclencher une révolution démocratique, il a compromis une source authentique de protestation qui avait produit certaines des critiques les plus dures depuis la prise de pouvoir en 1959 par Fidel Castro.

Dans une déclaration écrite, USAID a dit que les programmes faisaient partie d’un contrat de quatre ans qui a pris fin en 2012, mais a nié qu’ils étaient clandestins.

« Les affirmations que notre travail est secret ou clandestin sont tout simplement fausses », a indiqué USAID dans un communiqué publié mercredi. Ses programmes visaient à renforcer la société civile, « souvent dans des lieux où l’engagement civique est réprimé et où les gens sont harcelés, arrêtés, soumis à un danger physique ou pire. »

Creative Associates International, qui dirigeait le programme d’USAID, a refusé de commenter.

L’opération Hip-Hop s’est déroulé en même temps que deux autres programmes d’USAID, révélés par l’AP plus tôt cette année - le lancement d’un « Twitter Cubain » secret et un programme qui envoyait des jeunes latino-américains à Cuba pour provoquer la dissidence - et également d’autres subterfuges sophistiqués, dont une société écran et un montage financier exotique pour masquer l’implication des Etats-Unis.

Creative Associates, une société basée à Washington, avait un contrat de plusieurs millions de dollars pour exécuter tous ces programmes.

USAID a ciblé certains des plus grands musiciens de Cuba, y compris deux icônes proches du gouvernement révolutionnaire - Silvio Rodriguez et Pablo Milanes - et même des membres de la famille Castro.

Tout reposait sur une stratégie de manipulation subtile. Bozic, avec ses cheveux noirs coupés ras et un sourire en coin, avait été embauché par Creative. Selon les documents, son objectif était de réquisitionner la scène hip-hop de l’île « pour aider la jeunesse cubaine à briser le blocus de l’information » et « construire des réseaux de jeunes pour le changement social ».

Les sous-traitants de Creative devaient recruter Aldo et des dizaines de musiciens cubains pour des projets déguisés en initiatives culturelles mais qui visaient en réalité à renforcer leur visibilité et alimenter un mouvement de supporters pour défier le gouvernement. Le truc, c’était de le faire sans se faire arrêter.

S’il semble tiré par les cheveux que les Etats-Unis utilisent la musique pour promouvoir la résistance contre le gouvernement de Raul Castro, il y a déjà eu une sorte de précédent : le projet de Bozic a été inspiré par des concerts de protestation du mouvement étudiant qui avait contribué à renverser l’ancien président serbe Slobodan Milosevic en 2000.

Bozic arpenta la scène hip-hop de Cuba et conclut qu’elle offrait un lieu rare de dissidence avec un potentiel pour la mission « pro-démocratique » [guillemets rajoutés par le traducteur - NdT] d’USAID.

« Régulièrement, certains artistes en colère lancent des vers fortement critiques contre le régime, » écrit-il après un voyage en 2009. Lors d’un concert, alors qu’Aldo était au micro, quelqu’un avait même crié « A bas Fidel » sous les applaudissements du public.

Le projet hip-hop était difficile à cacher. Bozic opérait sous les projecteurs de scènes publiques dans un pays où la musique est intimement liée à la politique et la vie quotidienne.

Déjà, le gouvernement annulait des concerts et empêchaient des hip-hoppers comme Los Aldeanos de se produire. Il avait même mis en place une agence chargée de réglementer le hip-hop - Agencia Cubana de Rap.

« Nous ne devrions pas sous-estimer le potentiel du gouvernement à reconnaître le danger », a déclaré Bozic à Creative, dans une note.

Bozic a souligné que les musiciens cubains étaient ouverts à une aide étrangère, mais se méfiaient des Etats-Unis. Quiconque pris à participer à une opération d’USAID pouvait être envoyé en prison. Le financement était une question « à aborder uniquement avec des contacts hautement confidentiels », écrit Bozic.

[note du traducteur : la loi US Helms-Burton de 1996 instaure la création de « cinquième colonnes » et le recours à la « société civile » cubaine pour « renverser le régime ». En réaction, une loi cubaine adoptée en 1998 définit que toute participation à la mise en œuvre de ces plans, ou de la loi Helms-Burton en général, constitue un acte de trahison.]

Bozic a donc raconté à Aldo qu’il travaillait dans les médias alternatifs et le marketing. Les deux ont échangé dans l’appartement du troisième étage donnant sur le zoo de La Havane qu’Aldo partageait avec sa mère, mais se sont réfugiés dans un bar pour échapper aux sonneries incessantes du téléphone de la star du rap. Apparemment, tout le monde voulait parler à Aldo.

Les paroles de Los Aldeanos ciblaient un gouvernement qui tentait de les faire taire en annulant leurs concerts ou en leur refusant un visa pour voyager à l’étranger. « Ce pays est une prison », chantaient-ils.

Pour ces hip-hoppers aguerris, le projet de Bozic d’une émission de télévision mettant en vedette le travail de ces jeunes musiciens semblait sincère. La musique serait diffusée à travers le milieu underground cubain sur des DVD et des clés USB. Le projet était facile à vendre - et Aldo accepta, rapporta Bozic à Creative.

« Le Hip Hop est une bouffée d’air frais dans un endroit où on ne peut pas respirer », déclara Aldo au Serbe.

VILAINS ARTISTES

Los Aldeanos fit salle comble dans la ville de Candelaria, le 5 Juin, 2009. Devant une foule d’environ 150 partisans en liesse, ils rappèrent contre la censure et leur interdiction de se produire en public à La Havane. Bozic et son équipe ont filmé le concert.

La police est intervenue après la dernière chanson, à la recherche des musiciens qui avaient dit « des choses contre-révolutionnaires. » Tandis que les rappeurs se disputaient avec la police, Bozic et son équipe s’éclipsèrent. Aldo et le cameraman de l’équipe ont passé la nuit en prison pour « trouble à l’ordre public », rapporta le Serbe.

Le militantisme de Los Aldeanos contre le gouvernement devant de larges foules était quelque chose de pratiquement inconnue à Cuba.

« Je suis fatigué de suivre leur plan
Le socialisme ou la mort n’est pas un slogan.
Mais il n’y a pas d’autres options
 »

Pour Bozic, la tension avec les autorités faisait partie du jeu. La scène hip-hop, écrit-il, était « suffisamment subversive pour être très cool, mais en même temps pas trop dangereux à jouer. »

Un peu de répression pouvait jouer en leur faveur, a-t-il conseillé à Creative : « organiser des rassemblements contre la censure imposée au hip-hop offre un grand potentiel. »

Une phrase tirée directement du manuel étudiant serbe de 2000.

Dans une interview avec AP à Belgrade, Bojan Boskovic, qui travaille avec Bozic, a dit que les concerts de protestation des étudiants serbes avaient commencé comme des messages purement culturels mais ont progressivement ajouté un contenu politique. Au final, a-t-il dit, « En gros, chaque groupe qui jouait disait des trucs comme « Nous devons nous débarrasser de ce gouvernement, vous pouvez le faire, allez-y. »

Boskovic a refusé de commenter son travail à Cuba, mais les documents montrent clairement que Creative a adopté une vision à long terme. Cuba était loin du point de basculement politique qui existait en Serbie ; au début du programme cubain, un dirigeant de Creative a parlé d’être à mi-chemin d’un effort qui prendrait dix ans.

Alors, lorsque la principale rock-star latine, Juanes, a annoncé qu’il donnait un concert à la Havane en Septembre 2009, Creative y a vu une occasion aussi importante que la foule attendue.

Les dirigeants de Creative ont convoqué une réunion de deux jours dans leurs bureaux à San Jose, Costa Rica, pour explorer comment coopter Juanes et d’autres, y compris les troubadours cubains célèbres Silvio Rodriguez et Pablo Milanes. Ils pensaient qu’une connexion entre Aldo et des stars internationales ferait baisser le risque pour lui de se retrouver en prison pour ses propos contre-révolutionnaires.

La réunion était dirigée par Xavier Utset, un vétéran des efforts anticastristes qui dirigeait le programme de Creative Associates.

« De quoi avons-nous besoin pour convaincre Juanes de « vendre » notre idée ? » demanda-t-il.

Creative a utilisé son tout nouveau programme de « Twitter Cubain » pour envoyer des centaines de milliers de messages mystérieux demandant si le groupe Los Aldeanos devait rejoindre Juanes sur scène. Même les rappeurs n’avaient aucune idée d’où provenaient ces messages.

La superstar colombienne a refusé de les inviter sur scène, mais a accepté de les rencontrer après le concert.

Le jour du concert, la directrice du groupe les a invités dans sa chambre. C’était la première fois que les rappeurs se retrouvaient dans un hôtel, dit-elle.

« Ils s’amusaient à prendre des douches interminables et à commander des services en chambre, » s’est souvenue Melisa Riviere dans une interview. Aldo en fut tellement marqué qu’il enregistra plus tard une chanson intitulée « Hôtel Nacional !!! ».

A la fin de son spectacle, Juanes remercia Los Aldeanos - un geste que Creative espérait les mettrait à l’abri de toute pression de l’Etat. Il les a ensuite invités dans sa chambre d’hôtel, où Riviere a pris une photo de Juanes posant avec Aldo, son rap-partenaire Bian Rodriguez, et leur collaborateur occasionnel Silvito Rodriguez, fils du légendaire Silvio Rodriguez.

Ce fut un grand moment : Los Aldeanos n’était plus un groupe local obscur de plus. La photo était là pour le prouver.

« Los Aldeanos a toute suite pris une importance sans précédent », a déclaré Riviere.

Elle ne le savait pas à l’époque, mais la photo a également contribué au plan de Bozic.

Bien qu’ils s’étaient rencontrés à plusieurs reprises, le Serbe avait fait de grands efforts pour occulter ses relations.

Creative payait des centaines de milliers de dollars en salaires et financement d’opérations clandestines, dont du matériel vidéo et informatique.

Pour masquer la piste d’argent qui menait aux Serbes, Creative a mis en place une société écran au Panama appelée Salida, dirigée par un avocat au Liechtenstein. Bozic n’était pas mentionné, mais il avait procuration, selon un document qui était destiné à rester secret, mais qui a été obtenu par AP.

« Un gros problème »

Malgré sa nouvelle notoriété, Aldo a été arrêté à nouveau une semaine après le concert de septembre 2009 - cette fois pour possession illégale d’un ordinateur.

Selon les documents, l’équipe de Creative a appris la nouvelle par Adrian Monzon, un vidéo-jockey cubain qui était le « contact de la plus haute confiance  » sur l’île.

Monzon - qui est mentionné dans les documents comme le seul ressortissant cubain qui savait ce qui se passait et était payé par Creative – a rapporté l’arrestation de Aldo au cours d’une conversation avec ses managers.

« Vous devez changer vos mots de passe / profils de Gchat s’ils prennent votre ordinateur, c’est un GROS PROBLEME, » leur a-t-il écrit.

Alors que les responsables d’USAID cherchaient comment sortir Aldo de prison, la chance leur a sourit une fois de plus.

Silvio Rodriguez, le père du collaborateur occasionnel d’Aldo, a appelé un ami au Ministère de la Culture de Cuba, s’est rappelé le chanteur dans une interview avec AP à La Havane. Le musicien a demandé que l’ordinateur soit restitué, en disant : « Ecoutez, s’ il y a un problème, dites-leur que je lui ai donné l’ordinateur en cadeau. »

Aldo est sorti de prison, mais les documents montrent qu’il a fallu un certain temps à la police pour lui rendre son ordinateur. Creative était inquiet qu’ils puissent y trouver des courriers électroniques qui soulèveraient des soupçons envers leur projet de télévision.

Même si Aldo ne savait pas ce qui se tramait, les Cubains arriveraient peut-être à le déduire.

Ensuite, ce fut au tour de Bozic de se retrouver sur la sellette. En Novembre 2009, il fut détenu à l’entrée de Cuba alors qu’il transportait dans ses valises la fin du fin de matériel informatique et vidéo pour les artistes et vidéastes – a dit Bozic à un ancien responsable d’USAID, qui a rapporté la conversation sous couvert d’anonymat pour éviter de compromettre son travail.

La police a saisi l’équipement, y compris une clé USB avec des documents « qui contenaient beaucoup d’informations » a écrit un responsable de Creative. Bozic a interrompu son voyage. Lors d’une discussion début Décembre, Creative a dit à Monzon que le Serbe ne reviendrait pas de sitôt.

Quelques semaines seulement après le départ de Bozic, les autorités cubaines ont arrêté le citoyen américain Alan Gross, un autre sous-traitant d’USAID qui travaillait sur un autre programme secret. Gross a été condamné à une peine de prison de 15 ans.

Bozic parti, il ne restait que Monzon, seul contact de Creative sur l’île qui connaissait les véritables objectifs.

Monzon se mit au travail. Il parcourut l’île à la recherche de nouveaux talents. Finalement, il avait repéré environ 200 « jeunes socialement conscients » et les connecta sur un site de réseautage qu’il a appelé TalentoCubano.org. Les responsables de Creative espéraient que la « carte », comme ils l’appelaient, déclencherait un « mouvement social ».

Cependant, en janvier 2010, ça commençait à sentir le roussi pour Monzon : après l’arrestation d’un photographe travaillant sur le projet, Monzon reçut la visite de la police.

« BB s’est réveillé, » écrivit Monzon lors d’une conversation en ligne, employant le mot de code pour désigner la sécurité d’État cubaine.

Des policiers l’ont emmené pour une visite pas vraiment facultative dans un musée de la Havane pour parler. Ils étaient préoccupés par le Festival EXIT, l’événement annuel de musique d’été que Bozic a aidé à produire en Serbie, et soupçonneux du projet TalentoCubano, a rapporté Monzon au Serbe. « Le fait est qu’ils sont très préoccupés par vous, les gars » et la possibilité d’un plan de la CIA « pour détruire la révolution. »

Plus tard dans le mois, Monzon s’envola pour l’Europe avec un groupe de jeunes musiciens de son projet TalentoCubano pour « une formation en leadership » - un voyage destiné en réalité à former des militants. Il fit la promotion de son site Web lors d’un événement public, qualifié dans un document de Creative de « excellente publicité auprès des autorités de l’île. »

Les jeunes musiciens involontaires ont planché un mois à Amsterdam et Madrid sur des sujets comme les sondages et le marketing, et ont appris à mener des campagnes de graffiti mettant en avant des questions politiques sensibles.

Quatre mois plus tard, en Juillet 2010, le groupe Los Aldeanos est arrivé en Serbie pour se produire au Festival EXIT - leur premier voyage à l’extérieur de Cuba - et reçut aussi une formation.

« Pensez-vous que la formation a réussi à les concentrer un peu plus sur leur rôle d’agents de mobilisation sociale ? » demanda Utset dans une conversation avec Monzon.

« Oui, » répondit Monzon . « Ils voient qu’il y a d’autres personnes dans d’autres lieux qui mènent le même combat et dans des conditions même pires. »

Il ajouta, « Les Serbes sont toujours en train de nous dire que si nous l’avons fait en Serbie, C’EST SUR, vous pouvez le faire à Cuba. »

UNE CONNEXION ’HALLUCINANTE’

L’équipe de Creative décida d’infiltrer un festival d’art et musique mis sur pied par la famille du géant de la musique, Pablo Milanes, le célèbre chanteur de la « nueva trova ».

Ils ont donné $ 15,000 en financement, pour que leurs artistes de TalentoCubano y soient présentés. La véritable mission, cependant, était de semer « de nouvelles idées dans l’esprit des organisateurs du festival » et les persuader d’envoyer des « messages à fort impact » au public, peut-on lire dans un des rapports.

L’effort a presque déraillé en août 2010, lorsque Bozic a envoyé l’argent depuis l’Europe. Le programme d’USAID était si secret qu’il a même surpris le Département du Trésor américain, qui a gelé la transaction sous le soupçon de violation de l’embargo américain.

Le gouvernement cubain, cependant, était en train de démêler le plan. La fille de Milanes, Suylen Milanes, a déclaré que des fonctionnaires sont arrivés la veille du festival et l’ont averti qu’elle était associée avec des personnages peu recommandables. Ils lui ont même montré ses copies de courriers électroniques échangés avec Bozic, qu’ils qualifièrent de suspect, a-t-elle raconté dans une interview. Son père a refusé de commenter.

Plus tard, Creative se lança dans un plan encore plus audacieux - persuader un organisme cubain de prendre part au prochain festival EXIT en Serbie via un membre de la famille Castro.

Bozic avait rencontré la fille de Raul Castro, Mariela, directrice du Centre National d’Education Sexuelle.

Lors d’une conversation avec Creative, Bozic lança l’idée d’un partenariat avec elle, ce qui fit l’effet d’une bombe. « Wow ... c’est hallucinant pour moi de penser que nous pourrions travailler avec la propre fille de Raul, » écrivit un responsable.

Mariela Castro a déclaré à AP que son institut avait envoyé deux représentants au festival, mais ne s’était pas impliqué davantage parce que le festival « n’avait rien à voir avec le travail que nous faisions. »

VIVA CUBA LIBRE !

De retour à La Havane, Los Aldeanos ont été invités à se produire à Rotilla, le festival annuel de musique électronique à Cuba, en août.

Le festival de trois jours qui avait démarré comme une fête sur la plage près de La Havane en 1998 était devenu la plus grande fête de musique indépendante de Cuba.

En août, Rotilla connut une affluence record - environ 15 000 personnes. Les Aldeanos ne se sont pas retenus, lacérant les représentants du gouvernement de jurons en argot et narguant la police, qui était certainement présente.

« La police au lieu de me faire la détester, m’inspire pitié, parce que ce sont des mange-merde qui ne se rendent même pas compte qu’ils sont victimes du système. Viva Cuba libre », a assené un membre du groupe.

La foule a applaudi.

Pour Creative, ce fut un triomphe - mais de courte durée.

En 2011, les soupçons des autorités compliquaient les opérations. Mais malgré les signes évidents que les Cubains avaient un œil sur eux, l’équipe a continué à prendre des risques - et à refaire les mêmes erreurs.

Même à Miami, où ils avaient fait venir Monzon par avion pour une réunion en avril, ils étaient inquiets d’être surveillés par l’intelligence cubaine. Utset a dit qu’il allait se faufiler dans un bureau loué pour ne pas être vu avec ses co-conspirateurs,

Sans surprise, Monzon fut arrêté à son retour à Cuba. Son ordinateur et une clé USB furent saisis - et là encore, les conspirateurs ne savaient pas s’ils contenaient des données compromettantes.

Ils ont néanmoins persisté, en montant un système financier complexe pour financer secrètement les artistes de TalentoCubano.

Bozic voulait que Creative donne de l’argent à un ami croate, qui le « donnerait » à une organisation caritative d’un ami britannique. Cette organisation enverrait alors l’argent à Monzon pour les musiciens - sans en informer le conseil d’administration.

Mais la chance de Creative commençait à s’épuiser. Le plan s’écroula peu de temps avant l’effondrement de tout le programme Hip-Hop.

Lorsque le matériel qui avait été confisqué lui fut rendu, Monzon remarqua un contrat qu’il avait négligé et qui indiquait clairement ses liens à la fois avec Creative et la société écran panaméenne.

Ils étaient grillés.

Le péché originel

En 2010, le festival Rotilla semblait être un triomphe sur lequel ils pouvaient s’appuyer. Mais avant le festival suivant, les autorités cubaines ont informé les organisateurs qu’elles en prenaient le contrôle.

Un responsable de Creative a averti que les Cubains savaient que Bozic et ses partenaires « recevaient de l’argent d’USAID » et tentaient de saper le gouvernement comme ils l’avaient fait avec Milosevic en 2000.

Le festival Rotilla avait une origine indépendante, mais les documents montrent que Bozic et le festival EXIT le soutenaient depuis 2006, une période pendant lequel il avait énormément grossi.

Dans une interview dimanche à La Havane, le fondateur de Rotilla, Michel Matos, a dit qu’il était fier de son rôle dans Rotilla, mais qu’il a été choqué d’apprendre que le Serbe travaillait pour USAID et a dit qu’il n’accepterait jamais sciemment de l’argent américain de gens qui avaient des arrière-pensées.

« Si je reçois de l’argent du gouvernement américain pour une action culturelle, ce n’est pas seulement avec le gouvernement cubain que j’aurai des problèmes » a-t-il dit. « J’aurai des problèmes avec les Cubains. »

« C’est comme le péché originel, » a-t-il expliqué.

Silvio Rodriguez était tout aussi surpris.

« Je n’aurais jamais imaginé qu’un programme comme celui-ci pouvait exister », a dit le troubadour. « Quand vous découvrez que vous êtes au centre d’une conspiration, c’est choquant. »

Rotilla avait été exactement ce que le gouvernement américain avait cherché à produire : une initiative organique, culturelle, indépendante du gouvernement. Au lieu de cela, USAID a fourni aux fonctionnaires cubains une raison pour y mettre fin.

Rapidement, Aldo a constaté qu’il était impossible de gagner sa vie comme un rappeur à Cuba. Le gouvernement a intensifié la censure, a-t-il dit dans des interviews récentes, empêchant Los Aldeanos de se produire. Aujourd’hui, la scène hip-hop cubaine qui a culminé avec Los Aldeanos a disparu.

Aldo, qui a maintenant 31 ans, a déménagé à Tampa (Forida, USA - NdT). Il se produit toujours, mais sa musique est moins tranchante.

Il a refusé de discuter d’avoir été la cible du projet. « J’ai la conscience tranquille » a-t-il déclaré à AP.

Adrian Monzon a déménagé à Miami, où il travaille maintenant à Papa John’s. Monzon a refusé de commenter son rôle.

Bozic, le Serbe, a poursuivit d’autres projets en Tunisie, Ukraine, Liban et Zimbabwe. Il a refusé de commenter son opération cubaine.

Xavier Utset, le cerveau derrière le « Twitter cubain » et le projet Hip-Hop, a refusé de commenter. Il a quitté Creative pour un emploi avec le gouvernement américain.

Il travaille maintenant pour USAID.

DESMOND BUTLER,
MICHAEL WEISSENSTEIN,
LAURA WIDES-MUNOZ et ANDREA RODRIGUEZ

Traduction "version US à prendre avec certaines pincettes, mais encore un plan... râpé, (évidemment)" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» http://www.nbcmiami.com/news/local/US-Agency-Infiltrated-Cubas-Undergr...
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Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un isoloir. On voit (...)
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