RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Démocratie et contrôle des changes : L’exemple vénézuélien.





Janvier 2006


Une des raisons, parmi de nombreuses autres, de notre opposition à la Constitution européenne était la liberté de circulation des capitaux à tout jamais garantie. Nos détracteurs se défaussaient souvent de cet argument en affirmant qu’attenter à la liberté de circulation des capitaux signifiait un retour à l’autarcie. Les plus extrémistes des libéraux prétendaient même que cette « liberté » est un critère de démocratie ! Ces thuriféraires du marché ont sans doute oublié que c’est justement la sanglante dictature de Pinochet au Chili qui a constitutionnalisé la liberté de circulation des capitaux alors que le contrôle des changes était un des éléments constitutifs de la politique sociale du gouvernement régulièrement élu de Salvador Allende.

Le Venezuela affiche pour 2005 la plus forte croissance économique du continent américain avec un taux de 9%. Cette année fait suite à une croissance exceptionnelle de 17,9% en 2004 qui rattrapait le retard tout aussi exceptionnel des années 2002 et 2003 (-8,9% et -7,7%) [1]provoqué par le sabotage délibéré organisé par la direction de la compagnie pétrolière PDVSA et la tentative de coup d’état d’avril 2002 visant à renverser le Président Chavez avec le renfort de l’administration américaine et le support quasi-unanime de nos médias européens.

Contrairement à une opinion trop communément admise, cette reprise économique n’est nullement due à la hausse des prix du pétrole brut dans la mesure où la part du secteur pétrolier dans la composition du PIB a baissé entre 2003 et 2005 de 18% à 16%.


Il est, par contre, intéressant de noter que cette reprise de l’économie vénézuélienne se fait dans un contexte particulier, celui de l’instauration en février 2003 d’un contrôle des changes destiné à endiguer les fuites de capitaux estimées à l’époque à 1 milliard de dollars par mois pour des réserves de change de 12 milliards. La Banque centrale vénézuélienne a ainsi, depuis cette époque, la responsabilité de la totalité des changes avec l’extérieur avec un taux fixe qui est aujourd’hui stable à 2150 Bs pour 1 $ et des réserves de change de 30 milliards de dollars. Contrairement à ce qu’affirment les libéraux de tous poils, ce régime de parité fixe et de contrôle des changes n’a aucunement été préjudiciable aux échanges commerciaux : une augmentation en volume de 40% des importations en 2005 en est la confirmation la plus éclatante.

Cette reprise de l’économie a permis d’affecter 5,5 milliards d’euros à des programmes sociaux, renforcés par la participation notable de médecins cubains. Par ailleurs, PDVSA (dont la direction a été remaniée) a constitué un fonds de 85 millions d’euros pour financer des coopératives qui privilégient « les valeurs de solidarité, d’équité et de développement social de la communauté par rapport à celles de rentabilité ou de profit ». Des expériences intéressantes à suivre, notamment dans leurs implications écologiques.

Cette réalité vénézuélienne contredit tous les poncifs néolibéraux : loin de provoquer un isolement et une paupérisation du pays, le contrôle des changes a permis à un gouvernement régulièrement élu par ses citoyens de mettre en place une politique macroéconomique de développement social. Constitutionnaliser la liberté de circulation des capitaux revient à interdire à une démocratie de recourir au contrôle ou à une fiscalité des changes (Taxe sur les changes de type « Tobin »). Cela a pour implication pratique de soumettre aux diktats des marchés financiers tout gouvernement désireux de développer une politique sociale ou écologique : les détenteurs préféreront toujours transférer en masse les capitaux vers des cieux plus prospères.

Cela nous ramène à la signification de la monnaie : une créance sur une économie, sur une collectivité. Au nom de quel principe démocratique devrait-on autoriser à tout moment ses détenteurs de brader cette créance aux plus offrants ? N’est-il pas temps de réhabiliter ce projet d’International Clearing Union [2] que Keynes voulait mettre en place au sortir de la guerre en lieu et place du FMI, dans laquelle la monnaie ne pouvait être détenue que par des résidents et dans laquelle les parités entre monnaie reflétaient des balances commerciales équilibrées. L’exemple vénézuélien nous en montre toute son actualité.

Benoît Borrits, auteur du livre "Vers la démocratie économique" (éd. L’Harmattan).
benoit.borrits@wanadoo.fr..

[1La majeure partie des chiffres ici cités proviennent des statistiques publiées par la Banque Centrale du Venezuela : www.bcv.org.ve.

[2Chambre de compensation internationale.


URL de cet article 3527
  

Même Thème
Venezuela – Chronique d’une déstabilisation
Maurice LEMOINE
A la mort de Chávez, et afin de neutraliser définitivement la « révolution bolivarienne », les secteurs radicaux de l’opposition ont entrepris d’empêcher à n’importe quel prix son successeur Maduro, bien qu’élu démocratiquement, de consolider son pouvoir. Se référant de façon subliminale aux « révolutions de couleur », jouissant d’un fort appui international, ils ont lancé de violentes offensives de guérilla urbaine en 2014 et 2017 (45 et 125 morts), dont une partie importante des victimes, contrairement à ce (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Le Prix Nobel de la Paix, la journaliste Maria Ressa, a déclaré que ce que faisaient Julian Assange et Wikileaks n’était pas du vrai journalisme. Ce qui me fait dire que le Prix Nobel est à la paix et au journalisme ce que le Concours de l’Eurovision est à la musique. »

Viktor Dedaj

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.