RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Samir Amin : « La chute de Morsi doit être considérée comme une victoire du peuple »

Économiste franco-égyptien et président du Forum mondial des alternatives, Samir Amin livre son analyse des derniers événements politiques survenus dans le pays.

Les militaires viennent d’écarter le président islamiste Mohamed Morsi. Cela vous surprend-il ?

Samir Amin. La chute de Morsi et du régime des Frères musulmans était tout à fait prévisible. Depuis des mois, tous les Égyptiens disaient qu’il fallait refaire un 25 janvier, date du début de la révolution égyptienne de 2011, pour nous débarrasser de la clique des Frères musulmans au pouvoir qui continuaient la même politique que celle de Moubarak, mais en plus violent, de mépris jusqu’à l’extrême de la démocratie. Une campagne de signatures a été organisée par un mouvement de jeunes pour demander le départ de Morsi. Elle a réuni 22 millions de signatures. Lorsque le nombre de signatures a dépassé les 10 millions, aucun média occidental ne l’a signalé. Si on en avait collecté la moitié dans un État comme le Venezuela, que n’aurait-on pas entendu ! Cette campagne annonçait la manifestation du 30 juin. Celle-ci a réuni dans toute l’Égypte, selon la police, 16 millions de participants. C’était encore plus impressionnant que les plus grands rassemblements de janvier et février 2011.

Comment l’expliquez-vous ?

Samir Amin. Cela signifie qu’entre les Frères musulmans, d’une part, et le reste de l’opinion, d’autre part, l’équilibre a été complètement bouleversé. Si effectivement il y a un an, au moment où Morsi a été soi-disant élu, le peuple égyptien paraissait divisé en deux (50 % pour les Frères musulmans et 50 % opposés à des degrés divers), ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. En quelques mois, la dégringolade du pouvoir a été totale. Morsi et les Frères musulmans ont fait la pire politique économique et sociale qui puisse être, encore pire que celle de Moubarak. Dans ces conditions, la chute de Morsi et des Frères musulmans doit être considérée comme une victoire du peuple égyptien.

Même si pour certains, elle revêt la forme d’un coup d’État ?

Samir Amin. Les États-Unis et l’Europe voudraient remettre en place Morsi. Pour les États-Unis, il n’y a pas meilleur serviteur que les Frères musulmans parce que c’est un gouvernement totalement impotent. C’est leur meilleure carte. C’est la raison pour laquelle, ils continueront d’évoquer la légitimité électorale de Morsi. Mais il faut savoir que les élections qui ont amené Morsi au pouvoir ont été truquées. La fraude a été gigantesque au profit des Frères musulmans. Ils ont distribué aux pauvres gens qu’ils ont fait venir pour voter pour eux, des cartons de vivres. Les Égyptiens n’ont pas pris au sérieux ces élections. Les juges égyptiens eux-mêmes se sont retirés des bureaux de vote parce qu’ils étaient occupés militairement par les Frères musulmans. Malheureusement, la Commission des observateurs internationaux n’a pas vu cette fraude. Ce régime ne bénéficie d’aucune légitimité démocratique. L’armée a proposé à Morsi un compromis qui consistait en un remaniement ministériel, soit une sorte de gouvernement d’union nationale. En refusant ce compromis, il a invité la seule puissance armée à le déposer. Je n’appelle pas cela un coup d’État même s’il y a eu intervention de la force armée.

Les Frères musulmans et les autres formations islamistes comme les salafistes sont-ils désormais hors-jeu ?

Samir amin. Ils ne peuvent pas remporter d’élections maintenant. C’est fini. Ils auront une représentation et peut-être même une représentation qui sera loin d’être négligeable. En réalité, leur électorat représente environ 15 % des Égyptiens. S’ils ont pu passer de 15 % à 60 %, c’est au prix d’une fraude gigantesque et d’un monopole des ressources financières. La réalité est qu’ils sont largement minoritaires.

Peut-on faire confiance à l’armée égyptienne ?

Samir Amin. L’armée n’est plus ce qu’elle était du temps de Nasser. Trente ans de corruption systématique pratiquée par la CIA ont créé un corps de dirigeants de l’armée totalement corrompu, qui fait partie aujourd’hui des nouvelles classes riches d’Égypte. Mais je ne crois pas que, cette fois, l’armée a demandé son avis aux États-Unis. La preuve, c’est que les États-Unis ont immédiatement dénoncé ce qui s’est passé et ont suspendu leur aide. Je n’exclus pas du tout qu’une bonne partie des officiers moyens de l’armée restent malgré tout des nationalistes, dans le bon sens du terme, et ne voient pas leur rôle comme celui d’un instrument de répression des masses populaires. L’armée a peut-être, dans ces conditions, choisi une attitude très sage. Maintenant, on verra la suite. C’est une victoire mais ce n’est pas la victoire finale.

Entretien réalisé par Damien Roustel

EN COMPLEMENT :

Egypte, Turquie, Iran : L’émergence avortée, Samir Amin

L’émergence ne se mesure ni par un taux de croissance du PIB élevé sur une période longue, ni par le fait que la société concernée ait atteint un niveau élevé de son PIB per capita. L’émergence implique bien davantage. Un pays n’est émergent que dans la mesure où la logique mise en œuvre par le pouvoir s’assigne l’objectif de construire et de renforcer une économie autocentrée (fut-elle ouverte sur l’extérieur) et d’affirmer par là même sa souveraineté économique nationale. L’émergence est aussi un projet politique et pas seulement économique.

SUITE : http://www.pambazuka.org/fr/category/features/82953

»» http://www.humanite.fr/monde/samir-amin-la-chute-de-morsi-doit-etre-co...
URL de cet article 21428
  

Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
Bernard GENSANE
Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un isoloir. On voit (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Dire que l’on ne se soucie pas de la protection de la vie privée parce qu’on n’a rien à cacher équivaut à dire que l’on ne se soucie pas de la liberté d’expression parce qu’on n’a rien à dire. » - Edward Snowden

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.