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Une contribution au débat des militants.

52e congrès de la CGT- Etre ou ne pas être ?

« Celui qui n’a pas d’objectifs, ne risque pas de les atteindre ! »
Sun Tzu (6e siècle av J-C)

Le 52e congrès de la CGT va t’il (enfin ?) permettre de débattre des causes véritables de cette torpeur qui s’est abattue sur le syndicalisme français.

Pourtant, un contexte national et international aux enjeux inédits impose à celui-ci le besoin de se hisser à la hauteur de ce qu’ils exigent. Cette nouvelle période qui n’est pas sans risques n’est pas non plus sans opportunités ! C’est ce que viennent de démontrer les métallos allemands ! Toute la CGT se doit de prendre la juste mesure de ces défis et assumer les responsabilités qui sont les siennes ! Le prochain congrès confédéral de 2019 à Dijon le permettra t’il ? Telle est la seule question qui vaille. !

1-Faire un bilan !

Aujourd’hui à contre-courant des réalités, certains dirigeants syndicaux semblent vouloir se rassurer en se réfugiant dans un immobilisme fait d’incantations, de bonnes intentions parfois de compromission et de stratégies aléatoires. Contrairement à ce que l’on vient de vivre en Allemagne où les travailleurs de la métallurgie ont imposé leur ordre du jour, le calendrier social en France est fixé par E. Macron, son gouvernement et le patronat, les syndicats s’y tiennent, CGT compris ! Le décalage entre ce conformisme fait parfois de placidité et les besoins des travailleurs est saisissant.

Il est de plus en plus préoccupant, car il touche à la crédibilité du syndicalisme, à son utilité, à sa réputation et donc à son existence en France et ailleurs, au fond à sa place dans la société ! Bien sûr l’affaiblissement de la CGT n’arrange pas les choses.

C’est bien sur les causes de cet affaiblissement auxquels il faut réfléchir pour agir en conséquences.

A t’on pris la juste mesure de cette « guerre sociale » à laquelle se livre le Capital fait de haine et de répressions sans précédents vis-à-vis de ceux qui sont à la tête des luttes ? Le but est pourtant de casser les avancées sociales, placer le syndicalisme en état perpétuel de défensive, imposer le recul social comme une évidence inéluctable à laquelle il faudrait se soumettre dans l’hypothétique retour à des jours meilleurs !

La raison principale de cette situation préjudiciable pour le monde du travail est due au fait que le Capital ne renonce jamais à ses objectifs destructeurs et au fait que le syndicalisme préfère nier cette réalité. On cause, en se revendiquant de la lutte des classes, mais on n’en tire aucune conséquence. Or, il ne suffit pas de constater la détresse des gens, « et voir dans la misère que la misère  », il faut prendre en compte l’antagonisme radical de la contradiction capital/travail. En est il ainsi ? C’est loin d’être évident !

Il est quand même remarquable que des économistes libéraux reconnaissent aujourd’hui la validité des analyses de Marx sur la nature de la crise du capitalisme mondialisé et ses inquiétantes perspectives(Patrick Artus pour Natixis) pendant que des syndicalistes se contentent du constat « ça va mal » !

Car au fond la lutte de classes tout le monde en parle même des milliardaires US comme Warren Buffet, mais pour le syndicalisme en termes d’actes concrets, de stratégie, cela signifie quoi ?

Va-t-on enfin réfléchir au bilan syndical de ces 30 dernières années, et pour ce qui concerne la CGT au prix à payer d’une mutation, d’un recentrage qui l’aura profondément déstabilisée et affaiblie. Considère-t-on cela comme une fatalité, ou encore par l’éternel formule censée tout expliquer : « c’est compliqué » Va t’on débattre des nombreux sujets auquel on s’est habitué à ne pas répondre et qui loin de mobiliser l’adhésion des militants comme des travailleurs provoquent de nombreuses interrogations, tout particulièrement de la part des jeunes.

2- Se réapproprier la CGT !

Va-t-on enfin rompre avec l’auto satisfaction, le ronron, les états d’âme, les formules creuses qui veulent tout dire et ne rien dire ? Va t’on par exemple préparer le congrès de la CGT en accablant les militants de directives et continuer à fonctionner selon le principe : « ceux qui décident, et ceux qui appliquent » ! Où va t’on considérer le congrès comme une opportunité et donner la parole à ceux qui la réclament ?

Une chose est certaine on ne répondra pas par la fuite en avant, le repli sur soi, encore moins par l’autisme, l’autoritarisme, l’obstination ou la cécité.

Pire encore, vouloir cadenasser une expression contradictoire avec la « pensée officielle de la direction » entraînerait de nouveaux déboires. La CGT n’en a pas les moyens, si tentés qu’un jour elle les a eus ! Son unité et sa cohésion sont à ce prix.

Il faut libérer la parole, qu’on en finisse avec les calculs mesquins d’appareil, le « politiquement correct  », « le pragmatisme  »les plans de carrière, les nom dits, les exclusions, la « professionnalisation  » rampante au détriment des valeurs du militantisme ?

Pourquoi faudrait-il accepter d’être traité avec condescendance comme si les militants de la CGT n’étaient pas majeurs et capables d’assumer pleinement leurs responsabilités, leurs choix, à tous les niveaux de l’organisation ?

Pourquoi faudrait-il accepter d’être dépossédé d’un droit d’inventaire légitime, s’en tenir à la délégation de pouvoir, au chèque en blanc et bannir la discussion franche sur les sujets dérangeants ?

Ne faut il pas créer les conditions partout d’une réappropriation de la CGT par ses adhérents eux mêmes ! Ne faut il pas que cela se reflète démocratiquement dans les discussions comme dans la désignation et l’élection des délégués, la composition de la future direction de la CGT, y compris dans le choix du secrétaire général ?

La CGT représente une somme d’intelligence et de dévouement, une histoire prestigieuse faite de valeurs et de principes qui devraient guider une ambition pour contribuer à cette mobilisation indispensable du monde du travail. N’est ce pas ce qui fait défaut ? N’est ce pas ce qui devrait être le véritable ordre du jour d’un congrès transparent, offensif, combatif et fraternel ?

A cette question légitime, va t’on répondre en bredouillant des formules creuses du type « c’est un problème  », cette rhétorique dont Philippe Martinez a pris l’habitude, ou clarifier ce qui doit l’être ? Un secrétaire général de la CGT doit défendre une vision ! On peine à savoir ce qui est la sienne. Entre diriger et gérer au jour le jour, on attend de la part des dirigeants de la CGT des choix clairs. A l’évidence on n’en est pas là ! On peut même être parfois stupéfait par l’inanité des leurs propos.

Voilà pourquoi, cela suppose de rompre avec les pratiques anciennes qui aboutissent à la confiscation du débat par quelques-uns et plus encore à des prises de décisions incertaines qui ne reflètent qu’en partie les choix démocratiquement exprimés.

Le syndicalisme doit changer c’est une évidence. Pour sa part le problème auquel la CGT est confrontée depuis des années est celui de son orientation, de son programme revendicatif, de sa stratégie ! Cela fait beaucoup ! Ses adhérents tout comme les travailleurs doivent savoir où elle se situe. On ne le sait plus vraiment !

3-Apporter des réponses aux questions qui se posent !

Il en est ainsi sans doute parce que l’on évite de parler de l’essentiel ?

*Dans ses rangs certains pensent qu’il faudrait accélérer « la mutation », « le recentrage  »et s’adapter. Cette approche est encouragée et soutenue par différents groupes de pression, fondations, centres de recherche et autres qui s’inquiètent et considèrent le syndicalisme en France et l’existence de la CGT comme une anomalie au regard de celui qui domine en Europe. Leur but serait de rendre celle-ci compatible avec cette vision d’un syndicalisme qui considère dorénavant le capitalisme mondialisé comme un horizon indépassable et la construction européenne comme une nécessité incontournable.

Ceci soulève une question à laquelle le congrès de la CGT se devrait de répondre : un autre capitalisme est il possible, un capitalisme qui serait plus moral, moins corrompu, moins autoritaire, moins dictatorial, plus démocratique, plus transparent, moins prédateur ? On sait que la CES, la CSI en rêvent et veulent donner au capitalisme un visage présentable. En soit leur démarche n’est pas sans cohérence avec leur pratique, mais au moins de leur part on sait ainsi à quoi s’en tenir !

Mais pour la CGT qu’en est il ? Il faut répondre clairement : son rôle peut il être d’humaniser le capitalisme ou doit elle en toute indépendance en prendre le contre-pied, en confrontant la logique du système lui même ? Faut-il s’accommoder de profits et de dividendes toujours plus élevés, de gâchis financiers faramineux, que l’on fait supporter au travail ?

C’est pourquoi et comme dans la recette du « pâté d’alouettes », faut-il continuer à parler de partage des richesses, des ressources quand le travail enrichit toujours plus le 1%, et que les inégalités explosent ?

La CGT ne doit elle pas ré affirmer clairement son anticapitalisme ? Sujet politique dira-t-on : et alors ? N’est ce pas non plus la responsabilité de la CGT de contribuer à ouvrir une perspective, donner confiance, redonner espoir. D’avoir déserter ce terrain n’a t’il pas contribuer à brouiller l’image qui est la sienne. La CGT a toujours nourri le débat politique depuis qu’elle existe. Quel bilan faut il faire depuis qu’elle s’en est distanciée. Quand la très politique Union Européenne assure son financement après l’avoir tenu sur les fonts baptismaux, la CES ne fait-elle pas de politique ?

*Autre question, faut il fonder notre vision en privilégiant la place et le rôle des individus, cette fausse liberté qui entretient les égoïsmes ou contribuer à une prise de conscience collective fondée sur des intérêts de classe à défendre en commun dans l’entreprise comme au niveau international ? Quel sens donnons-nous encore au concept de classe ouvrière, est il pertinent ?

Depuis toujours le Capital cherche à détruire les liens, les solidarités qui unissent les travailleurs entre eux. Ils ne ménagent pas ses efforts pour les diviser et les opposer entre eux.

La prétendue casse du code du travail que certains seraient près à négocier s’accompagne ainsi d’un discours démagogique qui vise à faire admettre qu’au fond, le salarié peut régler ses problèmes lui même ! C’est là un danger pour le syndicalisme lui-même parce que cela met en cause sa place mais aussi le sens, la légitimité, l’efficacité des luttes collectives qui sont les seules à contribuer au progrès social.

Il faut donc redonner du sens aux valeurs qui sont celles du monde du travail et qui passent par l’unité, la solidarité et l’action collective émancipatrice.

C’est aussi le cas de la référence à la « société civile »au détriment de « l’état  » jugé dorénavant suspect. N’est elle pas au fond une mystification dont on use et abuse en légitimant de manière systématique le rôle des individus qu’expriment le rôle grandissant des ONG engagées dans la défense des problèmes sociétaux ? ? Et si tel est le cas quel doit être le rôle, l’action et le type d’organisation qu’il faut privilégier, si comme syndicat et si comme elle le prétend la CGT se réclame de la lutte des classes ?

*Faut-il continuer d’ânonner cette formule suicidaire du « syndicalisme rassemblé  » qui se réduit à vouloir partager des positions quand l’on sait qu’elles sont inconciliables ? La CGT a besoin de se reconstruire par elle même en toute indépendance pas en association avec d’autres qui d’ailleurs n’en ont nullement l’intention.

*Faut-il s’en tenir aux journées d’action sans lendemain, excluant toute volonté de bloquer les secteurs stratégiques de l’économie, là où se concentre le pouvoir du Capital. Faut-il renoncer à la grève générale ce qui serait selon certains une conception désuète. Pourquoi serait-elle désuète ? Cela mérite une discussion. Faut-il se satisfaire de grèves par procuration ? Cela ne suffit pas d’applaudir au succès des métallos allemands, ne faut-il pas réfléchir au fait que leurs résultats sont à mettre au crédit d’une grève reconductible, massive et déterminée qui a coûté cher au patronat et lui a fait craindre la contagion.

*Nous sommes entrain de passer d’une « société de pauvres sans emploi à une société de pauvres avec emploi ». La précarisation et la flexibilisation se généralise, l’individualisation est légiférée avec la destruction du code du travail, le télétravail est devenu un système sans coup férir ; quels moyens humains et matériels se donne-t-on pour syndicaliser ces vastes secteurs laissés en déshérence et qui concernent des millions de travailleurs ? Et que faire en direction des chômeurs qui devraient être des travailleurs en devenir ?

*Professionnalisation, institutionnalisation du syndicalisme au détriment du militantisme. Le cas de la confédération est devenu caricatural avec la multiplication de collaborateurs souvent sans expérience concrète des luttes d’entreprise quand dans le même temps des organisations de proximité de la CGT sont dépourvues de moyens. Sans prôner un égalitarisme sans principes est il normal que des écarts de rémunérations soient aussi importants entre militants par delà leur responsabilités, voire comme on l’a vu avec la triste affaire T. Lepaon en arriver à maintenir de bien couteuses « rentes de situation ».

Soyons lucide, persévérer dans la voie qui fait l’impasse sur la clarification nécessaire de ces interpellations ne peut convaincre que ceux qui ont renoncé depuis longtemps à toute perspective de changement radical et qui gèrent souvent le provisoire pour leurs seuls avantages. Si au contraire on se situe dans une démarche de confrontation militante et syndicale avec le Capital, de rejet de celui-ci, il faut travailler dans la durée à la construction d’une alternative en cherchant à affaiblir partout ses positions et en premier lieu à l’entreprise. Là sont les priorités que doit faire partager et impulser la direction de la CGT.

*Faut il enfin, réduire l’internationalisme syndical à un catalogue de bonnes intentions sans identifier les responsabilités de l’impérialisme ? Faut il se taire sur la folie nucléaire de Washington ? Faut il renoncer à débattre des affiliations de la CGT à la CES et à la CSI ces piliers du syndicalisme d’accompagnement, aussi silencieux et impuissants sur les grèves en Allemagne, en Grèce qu’elles le sont en France, quand ce n’est pas pire ? Faut-il ou non faire le choix de travailler avec tous, indépendamment des affiliations internationales ou non ?

Travailler au niveau des groupes multinationaux en Europe et dans le monde, bien sûr, mais si cela ne repose pas sur une activité, en termes d’utilité pour les luttes qu’elle peut être l’effet réel pour la construction des rapports de force. Par ailleurs et comme on le voit fréquemment cela ne devient il pas un moyen d’intégrer les syndicats aux objectifs mis en œuvre par le patronat lui-même ? Faut-il s’en accommoder ?

Ces enjeux, ces défis appellent des réponses !

4- Débat respectueux et ingérence !

Plutôt que de contribuer à ce débat certains à l’extérieur de la CGT font le choix de l’anathème, des jugements de valeur grossiers et provoquants, de l’insulte. L’arrogance, fait mauvais ménage avec le souci de convaincre et de faire progresser la réflexion.

C’est le cas de Jean-Marie Pernot ancien secrétaire général de la Fédération des finances CFDT, qui se présente comme chercheur. Il a été invité, ou il s’est invité dans les débats internes de la CGT. Il s’inquiète de voir ses militants se poser des questions sur les orientations du syndicalisme en général et de leur confédération en particulier. Sans doute fait-il partie de ces observateurs qui n’aiment la CGT que lorsqu’elle est affaiblie ! Dans un long texte de 8 pages qui se veut une réponse à une réflexion sur « Où en est internationalement la CGT ?” il se livre à une critique caricaturale et à la technique éprouvée de l’amalgame. Pour lui en effet hors la CES et la CSI point de salut !

Dans une logique implacable il dresse son réquisitoire ! Vous exprimez des différences, voire des désaccords, vous vous posez des questions sur les raisons de l’affiliation de la CGT à la CES et à la CSI, vous prenez en compte comme un fait, l’existence de la FSM, etc. C’est la preuve que vous êtes un « stalinien  » (sic) et pire que vous voulez comme il l’écrit tout en nuances, ressusciter « des morts-vivants  » (re-sic).

Un spectre hante les nuits de Pernot : la FSM, cette « survivance stalinienne  » comme il l’affirme ! Chercherait-il à nous faire peur ? Ce manque de respect est affligeant et incroyablement méprisant vis-à-vis de ceux qui se battent chaque jour dans des conditions difficiles et font preuve d’un courage quotidien ! Comme conception du débat, c’est le grand bond en arrière !

Comme toujours la forme est révélatrice du fond. La sienne est directement héritée de la guerre froide dont l’auteur a visiblement conservé la nostalgie. Faut- il lui rappeler que l’URSS est morte il y a 30ans.

Cela ferait sourire si son texte n’était bourré de contre-vérités, qui ne sont pas sans interroger sur le sérieux des recherches de l’auteur. Sa démonstration « binaire » envisage le mouvement syndical international qu’en termes d’opposition radicale, un camp contre l’autre, l’autre étant bien sûr« le musée des horreurs ». Outre que cela ne correspond à aucune sorte de réalité et témoigne d’une profonde ignorance, Pernot clot par avance tout espèce d’échange respectueux et civilisé. « Avec une analyse aussi fine, il ne fait pas de doute que l’unité d’action est en marche » dit il ! En effet ! A vouloir trop prouver, l’ex-gauchiste se prend les pieds dans le tapis.

Ainsi, de manière assez obsessionnelle il annonce l’adhésion à la FSM d’organisations CGT qui n’ont pris aucune décision à ce sujet ! Il évoque le rôle, selon lui exemplaire du « Labor Global Institute  » de Genève dont il serait intéressant qu’il nous dise comment et par qui il est financé pour s’ingérer en toute « indépendance  » dans les activités syndicales, celles notamment des pays d’Europe de l’Est !

Traiter de la crise du syndicalisme en France, en Europe, dans le monde aujourd’hui en expliquant ce qu’était la FSM des années 60, et accorder un certificat de bonne conduite à la CISL (aujourd’hui CSI), est stupéfiant et insultant. En particulier à l’égard de la mémoire des victimes syndicales des dictatures sanglantes d’Amérique Latine, du Soudan d’Indonésie ou d’ailleurs vis-à-vis desquelles la CISL (CSI) a fait preuve d’un silence complice, pour ne pas dire plus.

Faut il le répéter, la question n’est pas d’en appeler à adhérer à la FSM mais d’inviter chaque militant à prendre en compte sans a priori, sans ostracisme, la réalité syndicale internationale telle qu’elle est, qu’elle nous convienne ou non et pour faire en sorte de la transformer ! C’était le but de cette contribution au débat, qui a tant déplu à Pernot.

Notre chercheur fait également des découvertes. Pour lui, les syndicats chinois ne fonctionnent pas comme les nôtres. En effet et alors ? Faut-il pour autant les ignorer et les condamner quand le syndicalisme international est caractérisé par une extrême diversité d’histoire et de pratique. Qu’en est il de l’AFL-CIO aux USA ? En fait Pernot considère les conceptions syndicales occidentales comme un prêt-à- porter exportable, un modèle unique, qui devrait s’appliquer partout.

Pernot à cette prétention typiquement occidental de définir le monde, à la manière d’un microsillon rayé « la voix de son maitre  ». Pourtant les résultats en sont contestables, pour le moins. A ses yeux sans doute, seuls les prétendus « experts, chercheurs »occidentaux ont hérité du droit de prendre des décisions et de délivrer des expertises pleinement qualifiées sur des sujets aussi importants à savoir si les syndicats en Chine, à Cuba ou ailleurs sont des syndicats digne de ce nom ! Voilà pourquoi Pernot « hurle à la lune  », se frappe la poitrine avec des accents moralisateurs et insulte ceux qui luttent, pour finir par nier les évidences

On aimerait savoir comment il envisage le renouveau du syndicalisme international ? A travers un match de catch ? La manière dont D. Trump à l’habitude d’aborder les problèmes, serait il à ce point contagieux ?

Au fond ne retrouve-t-on pas dans le propos sectaire de Pernot, cette arrogance occidentale, ce « fardeau de l’homme blanc » dont parle le poème de Rudyard Kipling » (The White Man’s Burden, 1899) en charge morale d’amener la civilisation au reste du monde, par définition sauvage ! Selon Pernot cela devrait s’appliquer également aux syndicats qui représentent des centaines millions de syndiqués et de travailleurs mais dont les orientation seraient à ses yeux non conformes à la « doxa » de la CES et de la CSI.

“Malgré tout, malgré leurs limites et leur formalisme, les régimes occidentaux sont plus supportables aux travailleurs que les régimes autoritaires parce qu’au moins, y demeure la possibilité d’y lutter contre l’arbitraire et l’injustice” ose t-il !

Macron, Guattaz et Laurent Berger de la CFDT ne le démentiraient pas ! Les syndicalistes qui en Europe ou aux USA mais aussi dans le reste du monde sont victimes de la répression, des violences de la police et de la justice apprécieront son sens de la mesure. Pour Pernot, la mise en cause du droit de grève en Grèce ne serait donc qu’une péripétie parfaitement supportable. Il suggère sans doute de la négocier, comme on le ferait du poids des chaînes !

En fait Pernot s’intéresse plus à sa parole qu’au sort des travailleurs et à l’avenir du syndicalisme.

Il serait intéressant de savoir ce que pense la direction de la CGT d’un texte qui au fond est aussi insultant à son égard qu’il l’est à l’égard des militants de la CGT ?

5-Idéologie et dogmatisme ?

Compte tenu du nombre de sujets en suspens et vis-à- vis desquels une clarification s’impose, le 52e congres CGT va représenter un enjeu d’importance. Le récent CCN de février 2018 a mis en évidence une diversité d’approches comme de réponses. C’est là une réalité qu’il faut assumer !

La CGT à les ressources d’anticiper, de combler ce fossé qui n’a cessé de s’accroître entre son sommet et sa base, et que révèle entre autre ses revers électoraux comme son état d’organisation ? Pour cette mise en mouvement nécessaire, elle a besoin d’unité dans ses rangs, comme de volonté politique. Le 52e Congrès se doit d’y contribuer en tirant toutes les leçons des succès comme des échecs. Pas l’un sans l’autre !

Dans son rapport au récent CCN Philippe Martinez souligne « Comme nous le faisons en France nous refusons un syndicalisme idéologique et dogmatique qui cliverait le monde syndical en deux blocs irréconciliables. Car le syndicalisme ne se mesure pas dans la teneur et la virulence des discours ».

Cela signifie quoi ? Cela s’adresse à qui ? Pas d’idéologie, cela est peut-être très « en vogue », mais mériterait d’être clarifié. Veut-on nous dire que nous n’avons plus besoin d’idéologie ? Mesure t’on ce que cela signifie ? Et pourquoi pas dorénavant, plus de théorie ?

Soutenir les principes de lutte de classes comme le fait la CGT, est-ce idéologique ou non ? Les réaffirmer est ce dogmatique ? Parler de capitalisme, d’impérialisme est ce idéologique et dogmatique ?

Quand la CGT à adhéré à la CES et à la CSI, elle à fait un choix ! Il était politique ? Il était idéologique ? Le fait de l’avoir fait compte tenu qu’il serait hasardeux de considérer ces organisations comme de lutte de classes signifie t’-il que nous mêmes y avons renoncé ? N’était-ce dès lors pas un choix idéologique de notre part ? Cela ne mérite t’il pas aujourd’hui d’en faire un bilan, comme de tout choix stratégique plutôt que d’affirmer des formules du genre « nous assumons nos affiliations à la CES et à la CSI  », qui sont comme chacun sait des organisations ni idéologiques, ni dogmatiques ! Et puis enfin, c’est qui nous ? On a peur de quoi ?

Y a t-il oui non dans le monde syndical des options différentes ? Par exemple que faut-il penser de la conception syndicale dominante aux USA où l’on défend l’association capital/travail ? Est ce idéologique ? Cela n’a pas empêché la CGT de faire la preuve dans le passé qu’elle était capable de travailler sur des coopérations syndicales aussi bien aux USA avec des fédérations de l’AFL-CIO qu’avec les syndicats de Chine. Pas plus pour les uns que pour les autres, nous avons fait le choix d’une approche « politique, idéologique et dogmatique ».

En fait ce sont nos affiliations à la CES et la CSI qui figent de façon sélective nos rapports au mouvement syndical international ? Or et les exemples ne manquent pas, ces 2 organisations ont adopté depuis longtemps la « rhétorique revancharde  » de ce qui est à leurs yeux la seule vision de l’histoire et de l’organisation du monde, celle dominante que propage les médias pour le compte du Capital. . La CGT y adhère t’elle ?

Philippe Martinez semble avoir oublier qu’au 45e congrès de la CGT en 1995, la CGT accueillait 110 délégations étrangères de différentes affiliations internationales , les syndicats de Chine et même l’AFL CIO pour la première fois ! Pour le 52e congrès ayons donc l’ambition de faire mieux encore ! Travailler avec tous n’implique nullement l’abandon de nos positions de principes ni l’adhésion aveugle à celle de nos partenaires.

C’est ensemble de manière indépendante qu’il faut travailler au renouveau du syndicalisme international et cela suppose de n’exclure personne a priori. En se domaine, nous n’en sommes pas là, d’où l’intérêt d’en parler sans complexes et sans arrogance au prochain Congres de la CGT.

6- Un syndicalisme CGT du 21e siècle !

Un syndicalisme CGT du 21e siècle se doit d’ouvrir une perspective différente que celle qui fonctionne et a dominé jusqu’à présent. Pour la CGT cela ne saurait signifier un affadissement, ou une dilution de ses principes, ou une prise de distance avec son histoire.

Cela exige de faire valoir une analyse de classe conséquente face à la crise systémique de la mondialisation capitaliste. Un syndicalisme de classe capable d’expliquer les raisons des tensions internationales et de ne plus se réfugier dans l’apparence des choses, la superficialité et l’air du temps. C’est dire, ce que doit être le rôle de la CGT et par conséquent les responsabilités qu’elle se doit d’assumer, et devra de toute façon assumer dans l’avenir, si elle veut utilement être à la hauteur de ce qu’attendent d’elle
les travailleurs en France et dans le monde.

Jean-Pierre Page

Jean-Pierre Page a travaillé à Air France, il a été secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Val de Marne (1979-1990), membre de la commission exécutive confédérale de la CGT(1981-2000), responsable du département international de la CGT(1991-2000). Il est l’auteur de plusieurs livres dont « Camarades, je demande la parole ». Investig’Action éditions, 2016

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COMMENTAIRES  

19/02/2018 18:17 par Chris

"Faut il renoncer à débattre des affiliations de la CGT à la CES et à la CSI ces piliers du syndicalisme d’accompagnement, aussi silencieux et impuissants sur les grèves en Allemagne, en Grèce qu’elles le sont en France, quand ce n’est pas pire ? Faut-il ou non faire le choix de travailler avec tous, indépendamment des affiliations internationales ou non ?"

Les enjeux du débat sont posés. Enfin de façon claire.
Oui, l’affiliation à la CES aliène clairement les possibilités d’action de la Cgt. C’est un constat EVIDENT et LIMPIDE. Combien de fois lors de nombreuses manifestations n’a t-on pas dénoncé le responsable original des lois rétrogrades et anti-sociales, l’omnipotente commission européenne ?

Oui, les adhérents de la Cgt doivent s’approprier leur vision de ce que doit être le combat social et les moyens de l’exercer. Sortir du carcan de la CES ne veut pas dire s’isoler, mais bien au contraire s’inspirer des combats des camarades qui partout dans le monde luttent contre les ravages du capitalisme, c’est la possibilité de s’ouvrir à l’international, bien davantage que dans le cadre serré (et subventionné) d’une CES "pilier du syndicalisme d’accompagnement"... du patronat européen.

19/02/2018 22:23 par dan

Je pense effectivement que la CGT n’a pas sa place à la CES car cette organisation, grassement financée par les fonds européens, a pour but de lier les organisations syndicales à une construction européenne ultra libérale et contraire fondamentalement aux intérêts des travailleurs. C’est un fil à la patte que s’est volontairement mis la CGT, ce qui l’empêche de prendre des positions claires sur les institutions européennes et ses traités qui sont mortifères pour les droits des travailleurs puisqu’ils imposent aux gouvernement de saborder tous les acquis sociaux sur l’hôtel de la sacrosainte idéologie de la "concurrence libre et non faussée". Et c’est ainsi que tous les mouvements sociaux échouent les uns après les autres car les gouvernement contre lesquels ces mouvement sont dirigés ne gouvernent plus réellement, ils n’ont plus la main ! Ainsi, n’étant plus capable de faire bouger les lignes, la désaffection des travailleurs vis-à-vis de la CGT, mais pas que, est grandissante.
Donc reprenons les choses en main à la base, revenons à la charte d’Amiens, arrêtons de faire du sociétal à la place du social et ciblons les véritables obstacles à la résolution des problèmes revendicatifs. Oui il faut le dire clairement, l’Europe (c’est à dire la construction européennes et ses institutions technocratiques et anti-démocratiques qu’il faut qualifier comme un système totalitaire au service de l’oligarchie ) n’est aucunement la solution, c’est au contraire le véritable problème.

20/02/2018 01:27 par Obligatoire

La CGT ne fera rien si ce n’est que de faire semblant comme son rôle le lui impose depuis sa création. N’oublions pas que la CGT est comme FO, c’est à dire que ces faux syndicats sont des outils du MEDEF. La CGT et FO furent créés par la Synarchie des années 30 afin de diluer le pouvoir des syndicats populaires tant par le nombre d’adhérents en collectant une partie des travailleurs mais aussi tant pour dissoudre la représentativité de la force de négociation des syndicats populaires, les vrais. Aujourd’hui nous pouvons constater que FO signe très souvent avec le patronat. Pour exemple, si autour d’une table de négociation il y a trois syndicats dans une entreprise, comprenez qu’avec la CGT et FO, le vrai syndicat populaire est rendu minoritaire au point que les propositions du patronat seront validées. Voir l’histoire de Georges Albertini
http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-mais-qui-etait-georges-albertini-125337870.html

La Synarchie de la banque WORMS
http://dondevamos.canalblog.com/archives/2007/10/24/6638102.html
g

23/02/2018 16:00 par Max Stirner

" Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. "
Sun Tzu (6e siècle av J-C)

27/02/2018 15:10 par AUBERT

Militant CGT depuis que je suis rentré dans l’activité professionnelle, je suis aujourd’hui après plus de 30 ans de militantisme fatigué de ce que je vois au delà même des positionnements internationaux. Dès le niveau Départemental, ce qui compte n’est pas la capacité de réfléchir, d’animer et d’organiser les luttes, juste l’obéissance verticale à un système dirigé du haut mais dont le haut lui même n’a aucune connaissance réelle de ce qui se passe en bas. La C.G.T est plombée par le poids Institutionnel qu’elle a pris au cour du temps et qui l’empêche, de congrès en congrès de produire de la rupture, là où le Capitalisme mondialisé a clairement rompu avec son mode d’organisation d’il y a 40 ans.
De fait la reproduction de l’appareil et de la structure de management prends le pas sur la réalité du syndicat et du travail tel qu’il est et non tel qu’on souhaiterait qu’il soit encore.
Il est sur que la déperdition syndicale militante, s’explique aussi par les transmutations de l’entreprise ("l’entreprise désintégré") et la "métropolisation des rapports sociaux" qui l’institutionnalise, avec toutes les violences patronales, qui se vengent ainsi de tout ce qu’ils ont été obligé de lâcher durant les trente glorieuses. Mais cela ne saurait justifier l’incapacité globale à se doter d’une analyse systémique et son corolaire stratégique et revendicatif.
A la différence c’est ce que fait l’U.G.I.CT depuis plus de 30 ans, posant les questions qui fâchent (Management) et développant de nouvelles formes de militantisme (Internet, Réseaux sociaux) tout en expérimentant de nouvelles formes d’organisation du salariat éclaté (entreprise étendue, bassin d’emplois etc.) en ciblant les I.C.T (Ingénieurs-Cadres-Technicien) qui sont au cœur du nouveau système d’accumulation, expliquant en retour la précarisation massive des Ouvriers-employés..

Dans cette analyse perturbante à plus d’un titre, il faut donc considérer que les I.C.T sont la première ligne de l’affrontement de classe et que de leur positionnement de masse, dépends l’avenir des mouvements sociaux et de fait, du mouvement ouvrier historique. Reconnaitre que l’on fait plus d’argent dans la finance et le marketing que dans la production, ne revient en aucun à dire que les ouvriers sont dépassés, mais à partir du capitalisme réel et non celui de la romance du passé. Dire cela n’est en aucun cas, remettre en cause la lutte des classes, ni à renier le fait que le capitalisme, comme système d’exploitation, est cause de toutes les violences du monde (immigration et guerres comprises), mais c’est analyser de manière lucide le système tel qu’il est.

Le congrès qui vient sera, j’en ai peur, un congrès pour seulement valider la Direction actuelle son "équilibre politique" et les interpellations militantes authentiques seront traitées à la marge...au nom du réalisme d’il ne faut pas décevoir Billancourt.
Pendant ce temps, le plus pire de tous les Capitalismes historiques, celui de la finance continue d’avancer au rythme du Gallop, ayant trouvé en Macron un Révolutionnaire authentique, d’une Révolution fondée sur le retour au point de départ, d’avant les statuts et des conventions collectives issues du code du travail de 1910.
En ce bi-centenaire de la naissance de Marx, il s’agit de relire le début de l’ouvrage les luttes de classes en France pour se rendre compte que "celui qui ne connait pas l’Historie est condamné à la revivre" et Macron en est le digne interprète : "Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de ville [1], il laissa échapper ces mots : « Maintenant, le règne des banquiers va commencer. » Laffitte venait de trahir le secret de la révolution.

Ce n’est pas la bourgeoisie française qui régnait sous Louis-Philippe, mais une fraction de celle-ci : banquiers, rois de la Bourse, rois des chemins de fer, propriétaires de mines de charbon et de fer, propriétaires de forêts et la partie de la propriété foncière ralliée à eux, ce que l’on appelle l’aristocratie financière. Installée sur le trône, elle dictait les lois aux Chambres, distribuait les charges publiques, depuis les ministères jusqu’aux bureaux de tabac". K.Marx

Je tiens à préciser que les efforts militants pour chercher à débattre du fond, en articulant vécu et analyse, sont à l’image des cris dans le désert...

27/02/2018 18:53 par Autrement

Moi aussi je pense que la CGT devrait prendre position politiquement, de façon plus énergique, au niveau national (il faut renverser ce pouvoir), et non seulement sur le terrain des revendications "syndicales". Voyons ce que donnera l’action des SNCF...
Il y a tout-de-même des "cris" qui s’entendent déjà (du moins en région) :
Vendredi dernier, le PDG de PSA Tavares a fait visiter l’usine PSA de Mulhouse au ministre de l’économie de Macron, Bruno Le Maire. Ils sont tombés sur des militants CGT de l’usine qui leur ont dit leurs quatre vérités. Tavares s’est eclipsé mais les militants ont pu dire leur fait au ministre et dénoncer ce gouvernement au service des riches et des patrons. Dix minutes visibles sur le site de France 3 Alsace ou sur Youtube : https://youtu.be/UU5yG6xxvUc

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