RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Colombie : le président Uribe extrade ses témoins gênants...

Alvaro Uribe est un politicien diablement habile. En extradant mardi vers les Etats-Unis les principaux chefs paramilitaires « démobilisés », le président colombien a réalisé un coup de maître.D’un unique geste, il a mis le masque de l’intransigeance et ravi son allié du Nord... tout en éloignant plusieurs témoins gênants. Ceux-là mêmes qui distillent depuis des mois les révélations sur les liens entre pouvoir, narcotrafic et assassinats politiques, au point de faire vaciller le chef de l’Etat. Chapeau l’artiste !

Aux Etats-Unis, Salvatore Mancuso et consorts - accusés de centaines de massacres, de plus de 15000 assassinats et de davantage encore de disparitions forcées - ne pourront être inquiétés que pour des délits liés à la drogue. Et quoi qu’en dise M. Uribe, les extradés ne risquent pas de recevoir beaucoup de visites de juges colombiens enquêtant sur les massacres (et encore moins des parties civiles).

Le coût des déplacements, la dispersion des extradés sur quatre Etats et les freins procéduraux devraient refroidir les ardeurs. Qu’on en juge : la justice colombienne n’a toujours pas obtenu les pièces de la condamnation aux Etats-Unis de Chiquita pour financement des « paras ». Dans l’autre sens, le procès l’an dernier de la société Drummond, devant une cour US, avait été torpillé par le refus de Bogota d’expédier certains documents...

Le message de M. Uribe aux « paras » demeurés au pays est clair : ceux qui ne sont pas satisfaits de leur sort et qui bavardent encourent l’extradition. Quant à ceux qui ont été expédiés, ils n’ont plus intérêt à poursuivre leurs révélations : ils ne feraient que susciter la curiosité des juges colombiens, sans attendrir leurs collègues étasuniens...

Bien sûr, rien ne dit que cette barrière juridico-géographique préservera indéfiniment le régime d’Alvaro Uribe. On ne peut exclure que le sentiment de trahison délie les langues. Mais la maison était en feu, et le président se devait de reprendre la main.

Depuis que la Cour constitutionnelle a modifié la loi de démobilisation des paramilitaires, les obligeant à parler s’ils veulent obtenir les réductions de peines initialement garanties par M. Uribe, le « processus de paix » s’est progressivement retourné contre son instigateur.

En près de deux ans d’enquêtes, la justice, la presse et les partis d’opposition ont commencé à mettre en évidence le réseau mafieux - dit « parapolitique » - qui dirige le troisième pays d’Amérique du Sud. Des dizaines d’« uribistes » - ministres, gouverneurs, députés, présidents de Chambre, fonctionnaires, etc. - sont tombés, et le chef de l’Etat a senti le souffle de la justice se rapprocher, lors de l’arrestation de son cousin Mario Uribe en avril dernier. Pis, son projet de seconde réélection, en 2010, commence à prendre l’eau, après l’éclatement fin avril de l’affaire Yidis Medina, du nom d’une ex-congressiste affirmant avoir vendu sa voix pour faire adopter la réforme constitutionnelle qui a permis la première réélection du président en 2006...

Politiquement, ces scandales à répétitions ont déjà coûté cher à M. Uribe, qui a vu son projet phare d’accord de libre commerce rejeté par le Congrès étasunien. Nul doute que l’extradition des « paras » pourrait adoucir la majorité démocrate comme elle ravit l’administration Bush, peu désireuse de voir éclaboussé son principal allié politique et militaire dans la région.Quant aux entreprises bananières nordaméricaines, elles ne doivent pas être mécontentes de savoir Mancuso aux mains des juges US anti-drogue : l’ex-porte-parole paramilitaire n’avait-il pas déclaré que Dole, Chiquita et compagnie avaient volontairement financé le travail antisyndical de ses troupes ?

Mieux vaut effectivement ne parler que trafic de coke !

LE COURRIER
http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&amp...

URL de cet article 6699
  

Même Thème
La rose assassinée
Loic RAMIREZ
Vieilles de plus de 50 ans, souvent qualifiées par les médias de narco-terroristes, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), restent avant tout une organisation politique avec des objectifs bien précis. La persistance de la voie armée comme expression ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’Histoire du groupe insurgé. En 1985, s’appuyant sur un cessez-le-feu accordé avec le gouvernement, et avec le soutien du Parti Communiste Colombien, les FARC lancent un nouveau parti politique : (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser.

Blaise PASCAL

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.