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L’emprisonnement du Langage

photo : Joseph Goebbels
Lorsque les mots perdent leur sens,
Les gens perdent leur liberté.

Confucius.

Les paroles volent, les écrits restent.
Seuls les actes comptent.

Ces expressions auraient tendance à nous faire oublier l’importance primordiale du langage.

Le langage, les mots, priment sur tout le reste. Ils façonnent notre perception du monde qui à son tour, influe sur tous nos actes.

Dans les 25 techniques de désinformation décrites sur le site www.vigli.org [1], beaucoup sont basées sur l’usage particulier de mots, d’expressions et mettent en évidence l’influence subtile, mais énorme, du langage sur nos psychismes.

Des groupes informés de cette toute-puissance des mots peuvent utiliser le langage pour influencer la population.

En 1992, l’International Food Information Council (IFIC) des États-Unis s’inquiète de la perception qu’a le public des biotechnologies alimentaires (exemple : OGM, nanotechnologies). Un vaste programme de recherche sera donc mis en place pour déterminer comment parler au public de ces technologies. Les recommandations du groupe de travail concerneront surtout le vocabulaire qu’il convient d’employer.

Des mots seront retenus pour leur charge positive et il sera fortement conseillé de s’en tenir à ceux-là . Par exemple : beauté, abondance, enfants, choix, diversité, terre, organique, héritage, métisser, fermier, fleurs, fruits, générations futures, travailler fort, amélioré, pureté, sol, tradition, entier.

D’autres, par contre, seront à proscrire absolument, notamment : biotechnologie, ADN, économie, expérimentation, industrie, laboratoire, machine, manipuler, argent, pesticides, profit, radiation, sécurité et chercheur [2].

Normand Baillargeon, dans son livre « Petit Cours d’Autodéfense Intellectuelle » [3], consacre tout son premier chapitre au langage : connotations positive ou négative, dénotations, imprécisions délibérées, ambiguïtés, accentuation, mots-fouines, jargon, pseudo-expertise, paralogismes formels, informels, généralisation, homme de paille

Le pouvoir du langage est énorme, d’autant plus grand lorsque les gens sont maintenus dans l’ignorance d’un tel pouvoir sur eux et dans l’ignorance de toutes ces techniques.
Sans s’en rendre compte, nos esprits sont l’enjeu d’une gigantesque bataille des mots, dont le but est la domestication de nos pensées.

« Il n’y a plus de pauvres, mais des gens de condition modeste, plus d’exploités mais des exclus, plus de classes mais des couches sociales. » [4]. Ces pirouettes linguistiques ne sont pas anodines, jamais. Elles ont toutes un objectif, celui de modeler nos pensées et de nous contrôler à notre insu.

« Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être. » [5].

Véritable petit guide pratique écrit en 1928 par le neveu étatsunien de Sigmund Freud, Propaganda, une livre d’Edward Bernays, expose cyniquement et sans détours les grands principes de la manipulation mentale des masses ou de ce que Bernays appelait « la fabrique du consentement » [6].

Noam Chomsky le résume bien : « La propagande est à la démocratie ce que la violence est à un Etat totalitaire. »

La propagande, le maniement de toutes les techniques de manipulation des masses par le langage et par le contrôle de l’image, permet à un Etat totalitaire de rester perçu comme une démocratie, tout en étant plus sévère, plus intrusif et plus impitoyable que la pire des dictatures.

C’est bien le cas des Etats-Unis, qui arrivent encore à se faire voir dans le monde comme un modèle de liberté, de tolérance et de chance pour tous, alors que depuis le 11 septembre 2001, dans les faits, ils ont suspendu les droits civiques de leurs habitants, permettent des arrestations arbitraires et des emprisonnements sans jugements [7], ont légalisé la torture, exportant même ses équipements en Europe [8], et encouragent l’usage de tasers [9] y compris sur des enfants, des femmes enceintes ou des vieillards [10].

Ici encore le langage a toute son importance. C’est lui qui domestique véritablement, beaucoup plus que n’importe quelle arme, nos esprits.

Le mot torture est remplacé par l’élégante et tolérable, presque noble, expression : technique virile d’interrogatoire.

"Lorsque vous vous lèverez pour votre liberté, nous nous lèverons avec vous." Dans son discours d’investiture, jeudi 20 janvier 2005, George W. Bush aura prononcé quarante-deux fois le mot "liberté".

Des mots vidés de leur sens mais conservés, martelés, pour l’impact qu’ils ont sur la plupart de gens ignorants du pouvoir des mots et inconscients de leur emprisonnement.

« A force de répétitions et à l’aide d’une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent » [11].

Transformer un cercle en carré rien que par le pouvoir des mots ?

C’est de Joseph Goebbels, ministre nazi de l’information et de la propagande, un grand connaisseur de la question.

« L’effet le plus puissant [de la propagande nazie] ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu’on était forcé d’enregistrer par la pensée ou la perception. Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. » [12]

Pour Viktor Klemperer, professeur juif, survivant de la période nazie, le IIIe Reich n’a forgé que très peu de mots, mais il a « changé la valeur des mots et leur fréquence […], assujetti la langue à son terrible système, gagné avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret. »

Nous gouvernants, experts, présentateurs TV et journalistes, guides autoproclamés, ne font pas autre chose.

Ainsi peut-on vendre à ses peuples une guerre contre le terrorisme, une guerre sans fin, une guerre contre la grippe, une guerre préventive, et tout en la maintenant, tout en l’accentuant, être gratifié du Prix Nobel de la Paix, et tout en assassinant des civils, tout en détruisant l’habitat de populations affamées par des blocus, tout en torturant en usant de techniques qui n’ont rien à envier à celles de l’Inquisition, être quand même perçu comme le pays de la droiture et du bien.

C’est la répétition de mots choisis, l’association à des thèmes généraux positifs (héroïsme, patriotisme), et le recours aux émotions primaires (colère, chagrin) afin de court-circuiter la raison qui sont mises à profit.

Ce sont les tournures précises, les expressions, les mots eux-mêmes qui constituent la composante principale de tout cet arsenal de manipulation.

S’il faut diaboliser un ennemi que l’on se prépare à attaquer, chaque mot sera choisi soigneusement pour ses connotations négatives.

C’est surtout dans le quotidien, dans la vie de tous les jours, que les mots, expressions, tournures sont travaillés, utilisés pour nous faire accepter notre esclavage, nous faire consentir à des sacrifices injustes, nous faire tolérer notre exploitation ignoble par cette minorité de profiteurs qui arrivent à se faire passer pour indispensables et compétents.

Petit tour non exhaustif d’expressions modernes…

Elite n.f. (ancien p. passé de élire). Petit groupe considéré comme ce qu’il y a de meilleur, de plus distingué. D’élite : qui se distingue par de grandes qualités. Elite sportive, scientifique…

Très souvent, ce terme est employé dans notre société pour désigner ces personnes qui nous gouvernent ou ces privilégiés, immensément riches par naissance ou pillage, ces patrons, PDG, directeurs, CEO, puissants à la tête de toutes ces multinationales et corporations, habitués de clubs divers (Aspen Institute, Bilderberg Group, Trilatérale…), lesquels échappent à tout contrôle démocratique.

Ce qu’il y a de meilleur, de plus distingué…

Les seuls mots qui leur correspondent et qui reflètent la réalité sont :

Maffia (ou mafia) : association criminelle d’envergure, comparable par sa structure et ses procédés à la Mafia, organisation criminelle dont les activités, exercées par des clans familiaux soumis à une direction collégiale occulte, reposent sur une stratégie d’infiltration de la société civile et des institutions. Péjoratif : groupe occulte de personnes qui se soutiennent dans leurs intérêts par toutes sortes de moyens.

Caste : Groupe social qui se distingue par des privilèges particuliers, un esprit d’exclusive à l’égard des autres.

Clique : Groupe de personnes qui s’unissent pour intriguer ou nuire.

Associer un terme positif, élogieux même, à son image permet de détourner toutes les qualités liées à ce terme à son avantage. Ces gens n’ont rien d’une élite. Ce sont des mafieux.

Ministère de la santé.

« Les inventeurs de maladies » de Jörg Blech, et surtout « La guerre des médicaments » du Dr Dirk Van Duppen, vous apprendront que la santé, et tous les acteurs qui gravitent autour, est bien plus un business de la maladie.

Nos vies, nos santés sont des marchandises et les institutions officielles (ordre des médecins, des pharmaciens, agences de médicaments) et gouvernementales sont là pour intimider ou punir les soignants qui voudraient sortir des rangs, et pour légaliser cette prise en otage ignoble de nos santés. Lui donner du crédit.

Le dernier épisode, l’hystérie vaccinale à propos de la pandémie grippale fantasmée par les plus grands laboratoires de vaccins, montre bien à qui va l’allégeance des gouvernements [13].

Pas à vous qui les placez pourtant là où ils sont.

Ne parlez plus de Ministère de la Santé, hormis en Pologne peut-être, mais bien de Ministère de la Maladie.

Ministère de la défense

Harold Pinter nous le dit assez justement :

« L’administration américaine est un animal sauvage et sanguinaire. Les bombes sont les seuls mots qu’elle sait utiliser. »

Quand ce ne sont pas des vaccins.

Les Etats-Unis, mais pas seulement, ont une Défense très meurtrière.

Ministère de la Guerre est plus approprié.

Sécurité nationale

Ce mot est sorti à toutes les sauces et fait partie des expressions favorites de nos élites, pardon, de nos mafieux, membres des cliques et castes qui nous gouvernent.

C’est pour nous vendre leurs lois anti-terroristes, donner carte blanche à leurs Ministères de la Guerre, et faire imposer par leurs Ministères de la Maladie leur principe de précaution.

La Sécurité Nationale est en réalité la Sécurité des Multinationales, des firmes privées et de leurs patrons tout-puissants.

Mais par ce terme, les mafieux arrivent à persuader les petites gens qu’ils ont à coeur leur sécurité.

Ma préférée est la très actuelle cure d’austérité

Cure n.f. (lat. cura, soin). Traitement par un procédé, un médicament comme on dirait d’une cure d’amaigrissement ou de désintoxication.

Quel bel emballage pour finalement vous dire que c’est vous, petites gens, qui allez payer pour le renflouement des banques irresponsables et arrogantes, tout en continuant, vous avez intérêt, à rembourser à ces mêmes banques vos prêts immobiliers qu’elles vous ont octroyé avec de l’argent qu’elles n’avaient pas.

Allez comprendre.

Laissez cela aux élites, pardon, aux mafieux, membres de tous ces clubs, cliques et castes.

Beaucoup se diront sans doute qu’avec un nom pareil, cette austérité (recul de l’âge des retraites, gel voire diminution des salaires, atrophie de la fonction publique, diminution des pensions) est nécessaire et ne peut faire que du bien.

Les mots, correctement choisis, les tournures de phrases, les expressions, arrivent à nous faire gaiment supporter notre esclavage. Ils arrivent même à nous faire croire que nous ne sommes pas esclaves, mais libres.

« Petit cours d’autodéfense intellectuelle », « LQR la propagande au quotidien », « Propaganda », tous les trois, vous coûteraient beaucoup moins qu’une place pour un des matchs de la Coupe du Monde Football, j’en suis certain.

Une chose n’est dangereuse que lorsque nous ignorons son pouvoir de nuisance.

Pascal Sacré

P.S. : A tous les écrivains du Grand Soir, et d’ailleurs, n’utilisez plus jamais ces mots, élite, ministère de la santé, ministère de la défense, sécurité nationale, cure d’austérité dans vos écrits, et joignez vos efforts pour dépister toutes ces chaînes invisibles, tentatives sournoises de domestiquer nos esprits, au quotidien.

Pouvez-vous transmettre aux rédactions du Monde, du Figaro, de Libération, du Point, du Soir, de la Libre Belgique… ?

Merci.

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Sources :

[1] http://www.vigli.org/desinfo.htm

[2] S. Rampton et J. Stauber, Trust Us, We’re Experts, chap.3.

[3] Petit Cours d’Autodéfense Intellectuelle, Normand Baillargeon, Lux Editeur, 2006.
[4] LQR, la propagande du quotidien, Eric Hazan, Editions Raisons d’Agir, 2006, Dos de Couverture.

[5] Johann Wolfgang Von Goethe

[6] Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie, Edward Bernays, Editions La Découverte, Zones, 2007.

[7] Environ une personne sur 100 est actuellement incarcérée aux Etats-Unis.
http://www.futurquantique.org/?p=4700

[8] http://www.futurquantique.org/?p=4718

[9] Le Taser : instrument de torture moderne :
http://www.futurquantique.org/?p=273

[10] Don’t Taze My Granny !
http://www.lewrockwell.com/blog/lewrw/archives/60261.html

[11] Petit Cours d’Autodéfense Intellectuelle, Normand Baillargeon, Lux Editeur, 2006, p. 19.

[12] LTI, la langue du IIIe Reich, carnets d’un philologue, traduit par Elisabeth Guillot, 1996.

[13] H1N1 : Le contrat de la Honte :
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=19020

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