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Le Monde Diplomatique (juillet 2010)

Dans le numéro de juillet 2010 du Monde Diplomatique, Serge Halimi établit un rapprochement fort à -propos entre les retraites par capitalisation et la marée noire :

« Le 20 avril dernier, ni les investisseurs chinois ni les retraités britanniques ne soupçonnaient que la marée noire au large de la Louisiane les atteindrait aussi vite. Sur place, onze ouvriers d’une plate-forme pétrolière perdirent la vie ; les pêcheurs de la baie de Saint Louis, leur instrument de travail ; les populations du golfe du Mexique, la qualité de leur environnement et leurs pélicans bruns. De leur côté, beaucoup plus loin des zones sinistrées, les autorités de Pékin et les retraités britanniques allaient connaître un autre type de préjudice : leurs placements financiers sous forme d’actions de BP perdirent 48 % en deux mois. Les fonds souverains chinois " ceux du Koweït, de Singapour également " devraient manifester moins de passion pour les compagnies pétrolières occidentales. »

Par ailleurs, Halimi revient sur les mésaventures capitalistiques du Monde, propriétaire à 55% du Diplo : « Sous la houlette de Colombani, Plenel et Minc, ce quotidien a cherché à imposer son influence idéologique [en faveur du capitalisme financier] en constituant un gigantesque groupe de presse. Il a racheté des journaux et s’est endetté au-delà de toute raison. » Halimi garantit l’indépendance du Diplo « édité par une société distincte de celle du quotidien. »

Khadija Sharife explique « comment BP se joue de la loi » : « Il n’est pas sûr que BP parvienne un jour à nettoyer la marée noire déclenchée par l’explosion de sa plate-forme de forage Deepwater Horizon, le 20 avril dernier, face à La Nouvelle-Orléans. Jusqu’à 40 % des eaux du golfe du Mexique seraient menacées. Seule au banc des accusés, la société pétrolière a placé une part de ses profits sur un compte bloqué. Son procès, qui promet d’être long, fera-t-il la lumière sur les méthodes employées par l’industrie pétrolière, depuis plus de soixante ans, pour échapper à toute régulation ?

Au siège de la compagnie de forage pétrolier Transocean, dans le canton de Zoug (Suisse), l’explosion de Deepwater Horizon fut célébrée dans un hôtel de luxe. Le 14 mai 2010, trois semaines après l’explosion, le propriétaire de la plate-forme, évaluée à 650 millions de dollars avant l’accident, attendait de son assurance le versement d’un premier acompte de 401 millions pour la perte occasionnée. Dans la foulée, le patron de la firme, M. Steven Newman, décidait, lors d’une réunion à huis clos, d’accorder à ses actionnaires 1 milliard de dollars de dividendes. Bel optimisme… très raisonné. En effet, le droit maritime international considère les plates-formes pétrolières comme des navires, et les avocats de Transocean peuvent demander à limiter les responsabilités financières de la société dans la catastrophe à hauteur de la valeur post-accident de la plate-forme : à peine 27 millions de dollars. Une opération juridique fondée sur une loi de… 1851, le Limitation of Liability Act, qui permit aux propriétaires du Titanic, en 1912, de ne verser aux victimes que 95 000 dollars - la valeur des équipements de sauvetage et des barques des rescapés. » Et puis n’oublions pas qu’Obama fut le premier bénéficiaire des fonds versés par BP aux candidats à la présidentielle…

Pour Yves Quiniou, le capitalisme est, par essence, immoral : « En pleine crise financière, face à la désinvolture des grandes banques, les dirigeants des pays capitalistes tapaient du poing sur la table. Depuis, les promesses ont disparu. Seule reste la mystification. » En France, nous avons quelques idéologues de droite comme Comte-Sponville pour qui la morale n’a pas à se mêler du capitalisme, ce que dénonçait Marx, pour qui l’économie était constitué de pratiques permettant aux capitalistes d’exploiter les travailleurs, de les opposer les uns aux autres, de les faire souffrir.

Un intéressant article de Sebastian Jones sur les flopées d’experts qui envahissent les plateaux de télévision aux Etats-Unis, en oubliant de dire qu’ils sont par ailleurs appointés par des banques, des entreprises etc. La France connaît bien ces experts, tous professeurs d’université se gavant discrètement dans des conseiles d’administration (exemple : Christian de Boissieu, Daniel Cohen, Jean-Paul Betbèze etc.).

Serge Govaert explique pourquoi il est simpliste de classer les populistes flamands à l’extrême droite, même s’ils ont su capitaliser les frustrations sociales dans un pays de plus en plus coupé en deux.

Les économistes Gérard Duménil et Dominique Lévy analysent, au sommet de l’échelle sociale, l’alliance entre les cadres supérieurs (des salariés bien peu touchés par la crise) et les actionnaires.

Le Diplo revient sur la tournée parisienne triomphale de Chomsky en France et propose de longs extraits des échanges entre le linguiste et les diverses assistances auxquelles il s’est adressé.

Pour Thomas Keenan et Eyal Weizman, Israël est perpétuellement en quête d’un nouvel ennemi : « Loin d’être une simple bavure, l’attaque contre la flottille humanitaire confirme le tournant radical pris par les autorités israéliennes vis-à -vis du droit humanitaire international et des organisations de défense de la personne. » A ce propos, Alain Gresh rend compte du dernier livre de Régis Debray, A un ami israélien. On ne peut superposer, écrit Debray, « le rescapé de 1945 au Robocop de 2010, et donc faire admettre le camp de réfugiés d’aujourd’hui au nom du camp de concentration d’hier. » Debray relève que « c’est aux seuls Palestiniens que la communauté internationale pose des conditions. » Il faut désormais admettre que la création d’un État palestinien est nécessaire non parce qu’elle « sauvera » Israël, mais parce qu’elle est conforme à la justice et à l’universalisme.

Ibrahim Warde dresse de manière très subtile le portrait de deux Français qui gagnent (à défaut d’Anelka et de Ribéry) : Jérôme Kerviel, de la Société Générale, et Fabrice Tourre, de Goldman Sachs.

Bruno Tinel analyse sèchement le dernier livre de Jacques Attali, cet auteur qui écrit plus vite que les lecteurs ne peuvent le lire. Toujours les mêmes ritournelles au service du patronat : l’austérité, seul moyen d’éviter la faillite, la famine et le chaos. « Ne pas s’interdire de privatiser partiellement [pourquoi partiellement ?] la Sécurité sociale », surtout ne pas remettre en cause les politiques monétaires restrictives, et ne pas se scandaliser qu’à propos de la dette publique (qui serait de 20 points inférieur si la pression des prélèvements fiscaux et n’avaient pas baissé), ce soit les pauvres qui rémunèrent les riches. Attali, « conseiller de tous les princes depuis trente ans [quand on est de Neuilly, on n’est pas de Noeux-les-Mines] a participé aux grands choix de politique économique et de société qui nous ont conduit à ce résultat. Il propose d’aller plus loin encore. »

Jacques Levesque observe « la valse confuse entre Moscou et Téhéran ». La décision des États-Unis et de l’Union européenne d’adopter des mesures unilatérales contre Téhéran a soulevé de vives critiques du côté russe, mettant en lumière la complexité des rapports entre la Russie et l’Iran.

Pour Demba Moussa Dembélé, le franc CFA est en sursis. « La permanence d’un certain néocolonialisme jette le doute sur la réalité de l’autonomie acquise en 1960. Symbole de cette dépendance, le franc CFA, aujourd’hui rattaché à l’euro, est de plus en plus contesté. »

Jérôme Tubiana observe un « poker menteur au Soudan ». Chef d’État faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, Omar Al-Bachir a été réélu le 26 avril dernier. Il semble conserver une influence dans son pays et sur le continent africain. La crise au Darfour s’enlise.

Laurence Mazure décrit la « ruée vers l’or en Colombie », qu’elle oppose à ce qui se passe en Bolivie où Evo Morales veut améliorer le niveau de vie de la population en exploitant les ressources naturelles du pays.

David Camroux et Philip Golub reflètent sur les événements de Thaïlande qui témoignent de failles profondes dans la société et d’un ébranlement de la royauté.

Même optique pour Xavier Monthéard : « En mai 2010, la capitale était le théâtre d’affrontements entre les chemises rouges et le pouvoir. Au total, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été tuées, plus de mille blessées. » Alors qu’en mai 2010 le metteur en scène thaï Apichatpong Weerasethakul recevait, à Cannes, la Palme d’or, la capitale thaïlandaise était le théâtre d’affrontements entre les « chemises rouges » et le pouvoir. Au total, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées, plus de mille blessées. A l’origine de ces manifestations de masse, les « rouges » ne capitulent pas, malgré la répression. Que cherchent-ils ? Dans le camp des « chemises rouges », que l’armée se prépare à envahir, Laem se réjouit, tranquillement assis sur une natte élimée : « Maintenant, chacun comprend ce qui se passe vraiment en Thaïlande. Nous n’avons plus rien à expliquer. Un grand merci aux "chemises jaunes" , au coup d’Etat de 2006, et longue vie à la reine ! » Comme son fin visage d’intellectuel le suggère, Laem est un activiste rompu à la rhétorique. « Quand les "chemises rouges" ont marché sur Bangkok en mars, leur but était simplement d’obtenir la dissolution du Parlement. Depuis le massacre du 10 avril , la cible a changé. La monarchie a tombé le masque. Mais nous ne pouvons aller plus loin maintenant. Nous ne sommes pas prêts. Imaginez que vous entriez sur un ring en pensant affronter quelqu’un de votre niveau, et que vous vous trouviez face à Mike Tyson. Vous n’êtes pas prêt ! Vous devez retourner vous entraîner. Car le roi, c’est Mike Tyson. »

Hugo Hamilton dresse un portrait intimiste de son pays, l’Irlande : « Après deux décennies qui se sont résumées à une folle virée shopping durant laquelle notre imaginaire s’est mué en fantasme de consommateur, les principes de nos pères fondateurs sont de retour dans le débat médiatique. Qu’attendons-nous réellement de l’avenir ? »

Pour Cédric Gossart, « les technologies vertes poussent à la consommation ». « Début juin, le Conseil pour l’innovation énergétique américaine - une « boîte à idées » fondée par M. Bill Gates et par le patron de General Electric, M. Jeff Immelt - a demandé au président Barack Obama de tripler les dépenses de recherche sur les énergies propres. Afin notamment de ne pas se laisser distancer par la Chine. Mais les technologies « vertes » n’ont pas toujours les effets escomptés sur l’environnement… Votre fournisseur d’eau vous propose d’adopter un comportement écologique en passant à la facturation électronique. On économisera ainsi le papier, fait-il valoir. Et puisque, ce faisant, l’entreprise réduira ses frais, elle vous fera profiter de tarifs plus attractifs. L’écologie rejoindrait donc l’économie, pour le plus grand bénéfice de tous ! Mais au fait… ces prix plus bas ne vous inciteront-ils pas à arroser votre pelouse, ou à prendre plusieurs bains par semaine ? Est-ce toujours aussi écologique ? Ce paradoxe, les économistes l’appellent « effet rebond ». C’est peu dire qu’il assombrit les perspectives de l’économie « verte ». En France, trente-cinq millions de vieux compteurs électriques seront prochainement remplacés par des compteurs « intelligents ». A Lyon, une des zones tests de cette opération, les fournisseurs d’électricité installeront chez leurs clients (avec leur permission) des boîtiers leur permettant de contrôler à distance la consommation, à la seconde près, dans l’espoir que cette surveillance conduise à une réduction du montant de la facture . Les économies pour le fournisseur " plus besoin de techniciens allant relever les compteurs " devraient de surcroît provoquer une baisse des prix. Finis les conflits autour du radiateur parce que des frileux ont monté en douce le thermostat du salon ! »

Une approche décalée de Jacques Denis sur « le grand cirque des festivals musicaux » : Standardisation des goûts, emprise progressive des financements privés puisque diminution des financements publics, une culture de moins en moins démocratisée.

Philippe Rivière revient sur une initiative méconnue de Salvador Allende das le domaine de la cybernétique. Une initiative malheureusement interrompue par le coup d’État.

Alain Gresh explique comment le consensus, l’embaumement médiatique et l’amnésie politique ont récupéré Mandela. Il est loin, le « terroriste », « l’allié des communistes ». oublié celui qui expliquait que c’était toujours l’oppresseur qui déterminait la forme de la violence (Chomsky conseillait aux militants, dans les années soixante, de ne pas porter de casque car la police n’attendait que ça et taperait encore plus fort). Oubliée la France giscardienne qui vendait des armes au régime raciste. Oubliée la signature par Chirac en 1976 de la construction par Framatome de la première centrale nucléaire de l’apartheid. Oublié le jeune David Cameron se rendant en Afrique du Sud en 1989 à l’invitation d’un lobby anti-sanctions…

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