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Leurs éoliennes... c’est du vent, par François Iselin.


[La solution énergétique écosocialiste implique comme préalable le démantèlement des centrales électriques fonctionnant avec des combustibles nucléaires et fossiles non renouvelables et le conditionnement durable de leurs déchets. Cette solution soutenable et souhaitable n’étant pas envisagée par les électriciens, l’éolienne ne constitue qu’une diversion servant à masquer les panaches de vapeur et de fumée des réacteurs thermiques existant et à venir. Car derrière ses gadgets « alternatifs », le choix énergétique du capital reste le nucléaire : la construction d’un nouveau réacteur n’est-elle pas programmée en coulisses à Flamenville ?]



solidaritéS, n°57 du 7 décembre 2004.



« Qui sème le vent récolte la tempête », dit-on et les promoteurs de gigantesques moulins hightech récoltent des bourrasques d’oppositions des populations censées devoir les héberger, soutenues y compris par des écologistes acquis jadis à l’exploitation de cette manne d’énergie renouvelable. A chaque nouveau projet d’implantation de ces méga turbines à hélice, les assemblées citoyennes se déchirent dans des débats sans fin. Les citoyens sont pris en tenaille entre les arguments « scientifiques » des ingénieurs proclamant les bienfaits de leurs machines et les objections d’écologistes conséquents qui en dénoncent l’absurdité.

En Suisse où la production d’électricité éolienne n’est actuellement que de 0.01% [1], le débat ne fait que commencer puisque l’Office Fédéral de l’Énergie a dénombré 3000 sites susceptibles d’accueillir des éoliennes qui ne couvriraient cependant qu’un dérisoire 3.5% de nos besoins en électricité ! [2]

Ainsi, une fois de plus les populations sont piégées par le lobby de l’énergie : « Si vous n’acceptez pas l’énergie « propre » de nos éoliennes c’est que vous êtes pour l’éclairage à la bougie, l’énergie sale du pétrole ou très sale du nucléaire ». Un article hargneux dénonçait précisément les écologistes lucides opposés autant à la filière nucléaire qu’a l’éolienne, les traitant de « girouettes [...] volant au secours de ce qu’il y a de plus ringard et passéiste ». [3] Chantage sournois, informations confisquées et tronquées, intérêts privés non avoués, corruption de fonctionnaires, promesses de ristournes mirifiques aux notables qui finissent souvent par trahir leurs administrés. On se retrouve dans la même situation que nous imposait jadis la CEDRA lorsqu’elle voulait stocker ses déchets radioactifs à Ollon ou le lobby nucléaire avec sa centrale nucléaire à Kaiseraugt. Bref, les « pour » venus d’en-haut avec leurs arguments « scientifiques » et leurs promesses dorées versus les « contre » d’en-bas avec leurs craintes intuitives, leur argumentation fragile, leurs pétitions, leurs manifs et leurs opposition vite taxée de refus du Progrès, de la Croissance, de l’Ecologie, de la Solidarité.

A titre d’exemple relevons l’opposition qui s’est manifestée l’été dernier à Visan/Vinsobres dans le Sud de la France lors d’une réunion publique d’information à propos du projet de construction de huit éoliennes par la société privée Ventura. Cette implantation devrait occuper plusieurs hectares pour une puissance de 12 à 16MW. Les éoliennes se trouveraient entre 500 et 700 mètres des premières habitations, leur construction durerait plusieurs mois et générerait des convois exceptionnels, chaque éolienne mesurerait 100 mètres de hauteur (35 étages !) et leurs fondations engloutiraient 250 m3 de béton... [4] . On comprend que l’association « Vent en Colère » qui défend les conditions de vie des habitants du lieu redoute les conséquences de ces monstres omniprésents, le bruit permanent de leurs gigantesques pales tournantes, longues de 30 mètres, l’hécatombe des oiseaux de passage et autres nuisances imprévisibles.

Mais les promoteurs ont réponse à tout et lorsqu’ils sont en peine d’arguments pour défendre les grandes faucheuses d’oiseaux, ils utilisent les statistiques implacables de leurs hommes de paille, tels l’idéologue social-libéral Bjørn Lomborg [5] : « Au Danemark, on estime qu’environ 30000 oiseaux meurent chaque année dans des collisions (sic) avec les éoliennes. Aux Etats-Unis, il y en a environ 70000. Ce chiffre peut sembler considérable, mais il ne l’est pas si on le compare au nombre d’oiseaux tués ailleurs [...] heurtés par des véhicules [...] aux vitres de construction [...ou par] les chats domestiques ». Pas d’états d’âme pour les oiseaux, éoliennes ou non, quoi qu’il en soit, ils sont condamnés à périr !

L’argument massue des promoteurs c’est le remplacement « indispensable et urgent » des énergies non renouvelables (pétrole, uranium), sales (gaz à effet de serre, déchets radioactifs) et dangereuses (accidents nucléaires) par des énergies innovantes, renouvelables, propres et gratuites. Cette argumentation semble cohérente, elle est pourtant totalement biaisée :


1. « L’éolien serait une énergie nouvelle »

Faux : comme toutes les autres formes d’énergie produites indirectement par le soleil, l’éolien d’aujourd’hui n’est qu’une « énergie ancienne rajeunie ». Les premiers moulins à vent dateraient de 1700 avant J-C. Vers 1100 les Croisés et les voyageurs de l’Occident sous-développé les auraient admirés au Moyen-Orient [6]. A titre d’exemple, la France comptait il y a deux siècles quelques 20000 moulins à vent. En effet, avant la révolution capitaliste productiviste, l’Europe ne carburait qu’au solaire, sous toutes ses formes et ses forces, dont celle de son rayonnement direct dardant les moindres recoins des terres habitées, celle de l’eau de mer que le soleil évapore et élève pour la précipiter dans les turbines hydrauliques, celle de l’air atmosphérique que le soleil met en mouvement ce qui donne l’énergie du vents qui actionne les moulins à vent où éoliens comme on les nomme aujourd’hui. Les êtres humains n’ont pas attendu les charbonniers, pétroliers, gaziers, et autres colporteurs de kilowatts nucléaires pour puiser sur place l’énergie dont ils avaient besoin, en user et en abuser puisque « Le soleil constitue une ressource 10000 fois supérieure à la consommation mondiale d’énergie » [7]. Si la bourgeoisie au pouvoir voulait vraiment exploiter le vent, cela ferait longtemps qu’elle se serait repentie de l’avoir abandonné.


2. « L’énergie éolienne serait indispensable »

Indispensable pour qui ? La priorité actuelle est d’une part de répondre aux attentes pressantes d’un milliard d’être humains toujours privés d’électricité et, seconde priorité, de réduire la consommation boulimique des populations prédatrices. Ceci ne sera possible que lorsque les citoyens boycotteront les marchands de kilowatt, de radiateurs électriques, de climatiseurs et autres palliatifs aux architectures aberrantes.

De plus, les besoins en électricité sont forts réduits par rapport aux besoins d’énergie thermique. En Suisse l’électricité ne représente que le 20% de l’énergie consommée. L’urgence actuelle n’est donc pas de produire du courant propre mais de la chaleur propre : « Le développement du solaire thermique [...) est une priorité absolue » [8]. Les éoliennes ne sont de fait « indispensables » qu’à l’accumulation capitaliste des constructeurs de ces machines, aux entreprises qui les montent et aux revendeurs de l’électricité que ces éoliennes produisent... gratuitement. Ces société privées qui se ruent sur l’or éolien et dont les titres flambent en bourse échappent de plus en plus à tout contrôle public. Il s’agit entre autres de Nordex AG, le plus grand fabricant allemand d’éoliennes, Jeumont, fabricant d’aérogénérateurs pour le compte du groupe nucléaire AREVA, Juvent SA qui fournit le 80% de l’énergie éolienne en Suisse...


3. « La production éolienne serait décentralisée »

Ce qui est décentralisé - comme toutes les énergies d’origine solaire - c’est le vent omniprésent sur notre Terre. Sa force permettrait donc d’approvisionner localement fermes, hameaux, villages et agglomérations sans avoir à déplorer les pertes dues au transport de l’électricité, les frais de construction et d’entretien des lignes à haute tension et des transformateurs. Cependant, les projets actuels centralisent ces productions décentralisées et privent de fait les populations équipées d’éoliennes de tout contrôle sur leur propre production.

Ceci dit, la puissance du vent est temporellement et géographiquement très variable. Son débit varie entre calme et tempête et des régions où le vent est abondant - crêtes et côtes - à celles où il s’essouffle. Ainsi, la mise en réseau a l’avantage de pouvoir approvisionner les régions où le vent souffle peu ou rarement. Mais cet avantage n’est qu’apparent puisque les sources d’énergie solaire peuvent être diversifiées. Ainsi, en ce qui concerne l’électricité solaire, la solution technique est double : diversification et décentralisation. Diversification, en jouant sur la complémentarité entre des trois principales formes d’énergie solaire : photovoltaïque, hydraulique et éolienne ce qui réduit la contrainte d’une mise en réseau ; décentralisation, en construisant de petites installations de captage locales, à taille humaine, gérées démocratiquement par les populations. Ceci n’a rien d’utopique comme le démontrent les rares réalisations qui ont réussi à contourner les lois du marché . [9]


4. « L’énergie éolienne serait économique »

Elle est certes gratuite au captage mais très chère à l’achat : au même prix que l’électricité nucléaire ! C’est qu’entre deux cette énergie passe par les dédales des « lois du marché ». C’est que les capitalistes tout en prêchant l’austérité n’ont pas perdu leur manie de se servir grassement au passage en construisant de gigantesques tours d’acier, en bétonnant leurs fondations, en fabriquant des pales en matériaux composites, en tirant des lignes à haute tension et en vendant chèrement ce courant à ceux qui pourtant possèdent le vent. Pour justifier de telles ponctions, ces Messieurs gonflent les devis et les subventions correspondantes ; pourtant, chacun de leurs monstres coûteux ne produit au mieux que 2 mégawatts de quoi approvisionner à peine 2000 foyers et ne fonctionneront au plus que quelques décennies.


5. « Les aérogénérateurs seraient écologiques »

L’augmentation du bruit ambiant, les risques pour la faune, le bétonnage des terres, le goudronnage de routes d’accès aux chantiers n’a jamais été favorable à l’environnement. De plus, ces aérogénérateurs qui sont programmés pour fonctionner au mieux pendant 25 ans - plus réalistement 15 ans - constitueront de nouvelles ruines technologiques dont le coût du démantèlement reste à chiffrer et à financer : question « développement durable » on fait mieux !


6. « L’éolien serait la solution »

Telle que programmée par les détenteurs des moyens de production, la diversification énergétique a tout de l’emplâtre sur une jambe de bois. Ce ne sont pas 1000 ni 10000 éoliennes de plus qui mettront fin aux effets désastreux de la politique énergétique dominante. La solution énergétique écosocialiste implique comme préalable le démantèlement des centrales électriques fonctionnant avec des combustibles nucléaires et fossiles non renouvelables et le conditionnement durable de leurs déchets. Cette solution soutenable et souhaitable n’étant pas envisagée par les électriciens, l’éolienne ne constitue qu’une diversion servant à masquer les panaches de vapeur et de fumée des réacteurs thermiques existant et à venir. Car derrière ses gadgets « alternatifs », le choix énergétique du capital reste le nucléaire : la construction d’un nouveau réacteur n’est-elle pas programmée en coulisses à Flamenville ? [10]


7. « L’éolien crée des emplois »

La belle affaire ! En Allemagne « plus de 120000 personnes ont trouvé un emploi dans le secteur des énergies renouvelables [dont] 40000 dépendent du secteur éolien » [11]. Mais ces emplois ne servent qu’à procurer les salaires nécessaires à payer le prix exorbitant des biens de première nécessité ! En France, par exemple, 30% des logements sont chauffés à l’électricité, ce qui est comme on le sait aberrant, et 200000 familles se trouvent en difficulté de payement de leurs facture. [12]Alors faut-il soutenir la création d’emplois qui ne font qu’entretenir l’emballement productiviste ou mettre fin à ce cercle vicieux qui conduit la Planète à la catastrophe ? L’effet de serre et les canicules qui en découlent ont fait exploser la production de climatiseurs : faut-il pour autant saluer les emplois qui en découlent ?


8. Enfin, « L’éolien serait innovant »

Rien de cela : l’humanité n’a besoin que d’inventions nécessaires à sa survie. Pour ce faire il faudra réinventer l’invention. Elle découlera de l’action créatrice universelle, menée démocratiquement, en totale indépendance des intérêts particuliers et ne sera destinée à l’épanouissement des êtres humains et de la nature. « L’invention ne retrouvera l’utopie réelle qu’elle avait dans le ventre que lorsque l’économie basée sur la satisfaction des besoins remplacera celle basée sur le profit ». [13]

François Iselin


- Source : www.solidarites.ch



[124 Heures, 10.3.03. Le Courrier, 27.8.04.

[2Le Temps, 15.06.0 ?. Faute de place nous reviendrons sur l’éolien en Suisse.

[3Le Monde, « L’écolo-égoïsme est dans le vent », 01.07.04.

[4Presse locale de Visan/Vinsobre

[5« L’écologiste sceptique, le véritable (sic) état de la planète », le Cherche Midi, Paris 2004, p. 231. C’est un pavé de 700 pages et 4000 références - introduit et encensé par Claude Allègre lui même - sur le quel nous reviendrons.

[6« Les éoliennes Modernes », Pour la Science, août 1986

[7« Quels systèmes énergétiques pour le XXIe siècle », Production, tome 2, Université de Genève, 1999.

[8Le potentiel de l’énergie éolienne est remis en cause par un rapport parlementaire », Le Monde 06.12.01.

[9Voir quatre réalisations récentes sous le titre « Le petit éolien » dans La maison écologique, oct.-nov. 2004.

[10Le Monde 22.10.04.

[11ATTAC, S. Giegold et M. Arhelger : « Après le pétrole : quelles énergies ? », Grain de sable, 13.10.04.

[12Idem, J. Weber : « Energie : quelles alternatives ».

[13Ernst Bloch, Le Principe Espérance, tome II, Gallimard, Paris 1982 p. 259.


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