L’ART SUBTIL DE LA PROVOCATION
De tout temps et quelle qu’ait été, la police, elle a toujours été un instrument de répression mais aussi de provocation.
Provoquer c’est, pour le pouvoir, déclencher une action illégale, qu’il ne peut assumer ouvertement, qu’il attribue publiquement à l’adversaire et dont il espère le rejet par l’opinion publique.
Montrer la violence, arrêter, juger, condamner,… a une double fonction :
- punir celles et ceux qui osent,
- dissuader toute action de contestation,
Une action non violente, massive et qui dure est parfaitement insupportable pour le Pouvoir, surtout si elle est populaire… il faut absolument la détourner et la dénaturer. C’est là qu’intervient la provocation.
La provocation policière c’est, utiliser soit des membres de la police « déguisés » en manifestants (vous en avez un excellent exemple dans la photo en fin de texte) et qui « agressent leurs collègues » en espérant entraîner de vrais manifestants, soit c’est s’acheter - pécuniairement - des provocateurs - non membres de la police - ou faire en sorte, en exerçant un chantage sur de petits délinquants (remises de peines, abandon de poursuites,…), qu’ils jouent le rôle de provocateurs.
Seuls les naïfs peuvent croire qu’une police qui se dit « républicaine » n’aura jamais recours à ce genre de procédé… L’Histoire - et même l’Histoire de ces derniers jours - nous éclaire abondamment sur ce dont elle est capable.
Une fois la provocation accomplie, la violence consommée, le coeur des « bien- pensants » a beau jeu de jouer les vierges effarouchées devant une opinion publique qu’elle essaye de manipuler.
PROVOCATION ET VIOLENCE SOCIALE
Mais va-t-on me dire, il n’y a pas que des provocateurs-policiers qui provoquent des incidents violent. C’est tout à fait exact !
Il est vrai que les jeunes, dits « des banlieues », exclus, méprisés, socialement désintégrés, victimes du racisme, de l’exclusion de l’emploi, traqué par les flics, victimes des contrôles au faciès, « accidentellement » renversés par la Police… qui se débrouillent comme ils peuvent pour survivre, sont tout à fait disposés à ne prendre aucun gant avec une société qui leur réserve un tel sort. Un moment de mobilisation sociale est aussi pour eux un moment d’expression qu’ils font avec « ce qu’ils savent faire »,… on peut même dire un « moment d’exister socialement ». Il n’est pas question de justifier la forme de leur expression,… d’un point de vue politique, absurde,… mais d’en comprendre le sens profond,…ce qu’elle exprime,… ce à quoi se refuse le Pouvoir.
Et même si ces faits étaient - en partie - l’oeuvre de ces jeunes (ce qui n’est pas toujours le cas) - quel sens y a-t-il de les présenter systématiquement comme des personnage « hors scénario » social, des « extra sociaux » qui n’appartiennent finalement pas à la société des gens ordinaires (donc « respectables »)… une manière de les « surexclure » ? Jeter l’anathème sur eux c’est faire preuve d’une incompréhension totale, ou d’un refus de reconnaissance, du degré de décadence de notre société, de notre système,… car ils sont aussi un symptôme de la dégradation sociale que nous vivons aujourd’hui.
La violence policière s’articule parfaitement avec cette violence sociale, celle des exclus, des méprisés, des ghettoïsés … et les mercenaires du pouvoir ne s’y sont pas trompés quand ils se « déguisent en jeunes de banlieues » (voir photo). La provocation policière exploite cette fracture sociale.
Une fois accepté socialement, médiatiquement le terme générique de « casseur », alors on peut faire impasse sur l’essentiel et ne s’en tenir qu’à l’écume de la réalité sociale,… écume largement entretenue par les médias.
L’OMERTA SOCIALE
De tous ces faits, que chacun peut facilement constater, rien dans les médias, rien dans la classe politique, rien dans les syndicats. Rien bien évidemment dans les organisations syndicales policières, grandes donneuses de leçon de civisme… sauf quelques rares individus que l’on fait vite taire et que l’on marginalise.
Il y a comme une sorte de consensus visqueux, un « républicanisme » naïf qui attribue à la Police les valeurs - tout à fait théoriques - attribuées à la République (?). La République est devenue une sorte de mythe, dont on oublie un peu rapidement qu’elle « couvre » et légitime un système d’exploitation, d’exclusion, et que pour se faire « respecter » elle utilise des mercenaires qui sont sa force de frappe…
Que la classe politique fasse silence sur de telles pratiques, on peut le comprendre. Parasite de la société elle a tout intérêt à ce que l’ordre actuel soit par tous moyens assuré. Mais que dire de l’attitude du bon peuple, de nous ?
De même que pendant des siècles il se rendait dévotement à la messe, craignait Dieu et faisait confiance au clergé, aujourd’hui il adopte la même attitude à propos de ce que l’on veut lui faire croire : il vote, croit les politiciens et est persuadé que la Police est là pour le protéger. Il va même jusqu’à être compréhensif à l’égard des « robocops » qui le brutalisent en disant qu’ « ils ne font qu’obéir aux ordres »… grandeur charitable des âmes simples !. Quand à ceux qui les commandent, les politiciens, il - le peuple - est prêt à revoter pour eux… ce qui se reproduit d’ailleurs à chaque élection… grandeur et servitude du masochisme !
Un tel aveuglement, entretenu par tout ce qui constitue les « faiseurs d’opinion » ne peut aboutir qu’à un désastre social, à une impasse illustrée aujourd’hui par des manifestations à répétition dont le pouvoir se fout totalement et donnant lieu à de ridicules polémiques sur les chiffres, de vaines protestations et à terme à un écoeurement général générateur de… violence sociale.
Ainsi la boucle est bouclée mais… rien n’est résolu.
Octobre 2010 Patrick MIGNARD
Voir aussi :
« VIOLENCE ET CHANGEMENT SOCIAL »
« LUTTE SOCIALE ET REPRESSION »