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Nicaragua. La nature de la bataille pour le pouvoir

Il convient de rappeler la nature du pouvoir politique qui s’exerça au Nicaragua jusqu’à 1979 car on entend souvent dans les médias des politiciens de quelque époque que ce soit qui limitent la conceptualisation du pouvoir politique qui eut cours au Nicaragua à la "dictature de Somoza" . Plus comme une expression que comme un concept réel. Et je crois qu’il convient, je me répète, d’examiner de près ce que fut la dictature somoziste, pour comprendre ce qui s’est passé le 19 juiller 1979.

En premier lieu, la dictature avait un aspect d’ingérence. La dictature s’est installée et s’est maintenue pendant 45 ans, grâce aux Etats-Unis. Ceux-ci l’ont armée, ont facilité le commerce, ont fermé les yeux sur la corruption, ont entrainé les principaux dignitaires qui deviendront des meurtriers, lui ont offert la protection dans toutes les instances internationales, ont blanchi de tout soupçon les processus électoraux truqués, ont caché les restrictions aux libertés démocratiques.

Mais ce n’était pas seulement les Etats-Unis en tant que tels, c’est très important. Ils ont crée le dispositif militaire appelé Garde Nationale, et nommèrent un administrateur pour ce corps militaire, qui s’est trouvé être Anastasio Somoza Garcà­a, puis se trouvèrent être ses enfants. L’appareil militaire fut créé par les Etats-Unis et il y a des preuves de tout cela.

Cet appareil se chargea de maintenir le statut quo dans le pays, d’un point de vue politique mais également économique. En d’autres termes, il était le gendarme du système capitaliste. Et les grandes fortunes du pays se sont développées sous la protection de la dictature de Somoza. Bien sûr, cela n’a pas commencé avec Somoza, l’origine de ces enrichissements, par exemple, les fortunes des familles Cuadra, Chamorro, Lacayo, Pellas, ... remontent au XIXe siècle, elles ne sont pas nées avec Somoza, mais elles se sont fortement consolidées avec lui.

Cette classe de propriétaires terriens rejointe plus tard par certains secteurs financiers ou du bâtiment, a réussi à se constituer comme pouvoir économique, comme classe et comme segment de classe, grâce au régime militaire dictatorial de Somoza. Il y eut une alliance politique, économique et sociale entre cet appareil politico-militaire de la dictature somoziste, largement soutenu par les Etats-Unis, et l’appareil oligarchique, les grands propriétaires, les familles traditionnelles de ce pays. L’objectif fondamental de cet alliance était le soutien au régime capitaliste.

Ce n’était pas une simple alliance de personnes comme le pacte survenu entre un général conservateur Carlos Carlos Cuadra et Somoza, ou le pacte d’Emiliano Chamorro, ni un simple pacte pour la répartition des tâches dans le gouvernement. Fondamentalement, c’était l’expression d’un pacte économique implicite, dont l’axe fondamental était la garantie de l’enrichissement des plus riches à travers l’exploitation des travailleurs et plus spécialement avec le maintien d’une "armée" de paysans sans terres.

L’instrument politique de Somoza était le Parti Libéral. Ce n’est pas juste une dictature somoziste mais bien une dictature libérale-somoziste, la machine libérale était celle de Somoza, tout comme le Parti Conservateur était celui des grands propriétaires, des négociants, des exportateurs et des oligarques de ce pays.

C’était cela la véritable nature politique du pouvoir au Nicaragua, avec un élément supplémentaire : la hiérarchie catholique, qui comme l’a très bien rappelé dans ses derniers discours Daniel (NDT : Daniel Ortega, président du Nicaragua) a parrainé, béni et acompagné la sanglante répression de la dictature somoziste pendant toute sa durée. Le cardinal Miguel Obando a pris ses distances à la fin de la dictature, après l’attaque du Front Sandiniste de Libération Nationale (FLSN) de la maison de Chema Castillo, le 27 décembre 1974. Et c’est ce qui l’a fait divorcer de la hiérarchie dictatoriale, mais si Obando s’est séparé, les autres sont restés.

C’est ce conglomérat d’intérêts qui était donc au pouvoir. Ce n’était pas seulement Somoza et sa Garde Nationale. Non. C’était Somoza, les propriétaires terriens, les riches, la hiérarchie catholique, tous, appuyés par les Etats-Unis. C’était dans la nature des chose qu’ils détiennent tout. 85% des terres cultivables appartenaient à une poignée d’individus, moins de 50 000 personnes. C’est uniquement par cela que l’on peut expliquer les fortunes accumulées comme celle de la famille Pellas, par exemple.

Il y eu une rupture avec Somoza, à la fin du régime, pendant les trois dernières années, mais pas pour une divergence idéologique, politique, non par une prise de conscience que leur classe s’était enrichie et qu’elle avait renforcé la dictature somoziste, et que dans un élan de conscience sociale ils s’étaient dis : "pauvre gens, nous devons maintenant chercher à résoudre leurs problèmes" . Non.

Simplement, la rupture s’effectua parce que le Front Sandiniste devint de plus en plus fort à partir de 1974 et au rythme où allaient les choses, ce qui allait suivre serait une révolution totale dans laquelle cette classe allait tout perdre. Ils ont ainsi préféré se détacher de Somoza pour tenter d’échapper à la révolution. Sans succès. Certains tentèrent néanmoins de mettre en place le somozisme sans Somoza, un capitalisme sans la pouvoir de Somoza, mais ils échouèrent également.

Quand le peuple nicaraguayen se souleva d’août 1978 à juillet 1979, avec quelques interruptions, l’insurrection populaire détruisit l’ensemble du système institutionnel, politique, économique et social du pays. Et c’est le peuple qui en était le protagoniste. On oublia les noms de famille, les descendances, autres autres ...

C’est donc un fait majeur : c’est le peuple qui au Nicaragua a fondé un nouvel Etat, d’une nouvelle nature, avec de profondes racines démocratiques, et qui a initié un processus de libération économique. Ils avaient déjà obtenu la libération politique et ils commencèrent un autre chemin vers la libération économique. La composition de classe qui exerce le pouvoir politique changea également radicalement. Ce sont ici les raisons fondamentales de l’entrée en guerre des Etats-Unis contre le Nicaragua. Car la Révolution a mis à bas le modèle économique et politique qui avait permis aux Etats-Unis de mettre en oeuvre leurs schémas de domination sur presque toute l’Amérique Latine. Ils ont ainsi attaqué le Nicaragua parce qu’ils ne pouvaient permettre que leur pouvoir et leur hégémonie soient contestées et donnent naissance à un régime contraire au leur. Ainsi vint la guerre.

En 1990, contrairement à ce qui survint en 1979, le triomphe total des forces populaires menées par le FSLN, donnant naissance à un nouvel Etat et des nouvelles relations sociales dans le pays, contrairement à tout cela, on assista à un triomphe électoral des Etats-Unis, avec l’élection de Violeta de Chamorro, mais en aucun cas à une révolution. Violeta et les Etats-Unis voulaient certainement provoquer une contre-révolution en détruisant ce qui avait été construit, mais ils ne purent l’obtenir, pour différentes raisons.

D’abord parce que l’armée et la police n’était pas soumis à leur intérêt, par leurs racines sandinistes et populaires. Ensuite, par la résistance du peuple organisé, surtout des syndicats, car à cette époque certaines parties de la classe politique dominante du Front Sandiniste allait contre les luttes sociales. C’était un groupe de dirigeants du front qui faisait pression, mais la majorité non. Ce sont ceux-là même qui sont aujourd’hui membres du Mouvement de Rénovation Sandiniste (MRS), d’opposition.

Enfin, parce qu’ils n’avaient pas à eux seuls la majorité suffisante au Parlement pour changer la constitution. Leur victoire ne fut pas totale. Ils purent réinstaurer le capitalisme dans le pays, dans sa variante néolibérale, grâce à l’alliance avec les ramiristes, avec l’illusion que leur chef, Sergio Ramà­rez était le meilleur candidat à la présidentielle et qu’il allait certainement devenir président. Ce sont ceux-là qui créèrent les conditions institutionnelles du tournant néo-libéral en échange de postes dans les différentes structures de l’Etat, principalement dans la Cour Suprême de Justice ou au Conseil Suprême Electoral. Les ramiristes ouvrirent ainsi la porte à la privatisation de l’Etat tout entier et à la confiscation des droits sociaux du peuple et la transformation des gens en marchandises.

L’oligarchie récupéra donc tout son pouvoir dans l’économie nationale et dans la direction du pays, après avoir été écartée du pouvoir en 1979.

Mais elle ne put détruire l’Etat lui-même que le peuple avait construit dans les années 80. Ainsi, avec toute cette réforme constitutionnelle que fit le ramirisme, Toño Lacayo et d’autres permettent la restauration du capitalisme, et privatisèrent tout, ils auraient même privatisé l’eau, seul bien alors encore dans les mains de l’Etat, si Ortega n’était pas arrivé au pouvoir en 2007.

Quand le Front Sandiniste gagna les élections en 2006, la classe hégémonique fut expulsée du pouvoir par les mêmes qui l’y avait porté en 1990. Mais ce qui se produisit fut différent de 79, Ortega gagna par la voie de la démocratie électorale existant dans le pays mais il ne put obtenir la majorité suffisante au Parlement pour pouvoir disposer des marges de manoeuvres suffisantes pour faire marche arrière sur toutes les réformes institutionnelles qui furent prises par la restauration du capitalisme

Ainsi, l’oligarchie n’est plus en poste politiquement, en alliance avec le libéral-somozisme, mais ce triptyque oligarchie, somozisme et libéraux détient aujourd’hui encore une large part du pouvoir dans le pays, économique, médiatique, ecclésiastique. Avec derrière eux, toujours, les yankees.

Depuis qu’il est revenu au pouvoir en 2007, le Front Sandiniste a conservé un des avantages qui avait permis aux sandinistes au début des années 90 que l’Etat révolutionnaire ne soit pas totalement détruit, cet avantage étant l’armée et la police, qui malgré toutes les tentatives de l’opposition, a pu se maintenir, résister, avec de nombreux problèmes internes, avec une large dispersion mais qui ont fondamentalement résisté et ne sont pas encore tombés dans les mains étasuniennes.

Avec cet énorme avantage, Ortega a pu assurer rapidement son pouvoir et mettre en oeuvre son programme de gouvernement. Il ne disposait pas de la force qu’il avait en 79, mais disposait néanmoins d’un élan suffisant pour mettre en pratique son discours dont l’axe principal était de mettre le peuple, et surtout les plus pauvres, au coeur des politiques et de l’Etat.

Qu’est-il arrivé ? En convertissant l’Etat en un instrument pour mieux redistribuer les richesses -instrument qu’il est aujourd’hui encore nécessaire de perfectionner- tout en lançant un programme de développement du pays, contraire aux intérêts oligarchiques, il a mené les politiques inverses de celles attendues par libéral-somoziste et les Etats-Unis. De manière à ce que même si la première année fut une année d’essai et de navigation à vue, il est clair qu’un partie de l’appareil de pouvoir délogé en 2006 a débuté sa campagne de harcèlement et de destruction le 10 janvier 2007 (NDT : : date de l’entrée en fonction de Daniel Ortega). On peut regarder les quotidiens d’alors et les preuves y sont clairement affichées. Connaissant la nature de l’administration dont Ortega était à la tête, ils réunirent peu à peu différents secteurs, comme la hiérarchie catholique qui avait été neutralisée jusqu’à décembre dernier, en les rèunifiant à la résistance oligarchique contre le projet populaire.

C’est en substance la situation actuelle. Nous ne pouvons feindre l’ignorance ou la folie. Il y a ici un origine de classe, de l’oligarchie et de ses alliés, en tant qu’ennemis du sandinisme, expression du pouvoir populaire. Ce sont deux projets antagoniques, d’un point de vue idéologique et pratique. Cet affrontement ne date pas d’aujourd’hui mais de la période coloniale, quand les espagnols nous envahirent, et qui trouve son expression politique sous diverses formes. Dans la conjoncture actuelle, elle se trouve dans les instruments médiatiques qui sont financés et aux mains de l’oligarchie.

Ce n’est pas la seule manière d’apparaitre. Il y a également la hiérarchie catholique implantée dans les secteurs patronaux. Et on trouve aussi ce sentiment dans certains secteurs populaires, de moins en moins certes mais qui existe encore. Cette voix est minoritaire du fait du caractère largement populaire de ceux qui accompagnent ce que cette opposition appellent la "dictature" , sont de plus en plus isolés, mais cela ne veut pas dire que tout le monde s’opposent à eux. Ils ont fait des progrès impressionnants

Alors, que se passe-t-il ? Ces forces oligarchiques, cette alliance de secteurs de classe, les propriétaires terriens, les banquiers, les négociants, les exportateurs, le squelette du somozisme, tous ont un projet commun : récupérer le pouvoir politique, pour pouvoir à nouveau s’enrichir sur le dos du peuple.

Le second facteur d’union est l’appui des Etats-Unis. Quoi que fasse Ortega, il s’affrontera inévitablement à cette alliance. Ils vilipendent en permanence le leadership du Front Sandiniste, ainsi que dans son ensemble le sandinisme et ses réalisations. Les mêmes vont trouver des excuses ailleurs pour se justifier. Sachant pertinemment depuis mars 2008 qu’ils allaient perdre les élections municipales de novembre suivant, ils ont donc entrepris leur campagne pour dénoncer des fraudes, autre manière d’éluder une raclée électorale qui leur ferait perdre toute légitimité. Ils ont atteint leur objectif à l’extérieur, mais dans le pays absolument pas, ils n’ont aucun soutien concret sinon eux-même au Nicaragua.

A mesure que le projet politique du Front Sandiniste avance sur le terrain, et que chacun des programmes du gouvernement s’accomplit, ils voient diminuer les possibilités de se maintenir comme alternative de pouvoir. Ils en sont pleinement conscients et n’ont donc d’autre solution que de se radicaliser et de rechercher l’affrontement là où ils espèrent que le gouvernement fera une erreur qui leur redonnera leur prestige.

Mais comme nous l’avons déjà dit, dans ce processus, le Front Sandiniste a émergé comme force hégémonique dans la société, par son leadership, accompagné par les réalisations concrètes dont chacun est conscient de l’impact. Dans cette situation, les forces politiques du somozisme et de l’oligarchie entrent en crise. Par leur déroute de 2006 et 2008, par leurs disputes sur leur leadership, ils se voient abandonnés par leur électorat, qui commence à dire "regardez, les sandinistes ne sont pas si horribles que ce qu’on nous avait dit. Ils nous accordent un crédit ! Je suis allé au centre de santé et ils m’ont donné tout le nécessaire !" , c’est un point très positif. Ces personnes commencent à ouvrir les yeux et abandonner leurs anciennes structures mentales et du même coup les alternatives partisanes.

De plus, si on ajoute à cela la corruption et tout ce que l’on sait, la droite, l’oligarchie nicaraguayenne n’a finalement plus aucun instrument politique efficace qui lui donnerait un capital politique suffisant pour disputer des élections et avoir une quelconque possibilité de gagner en 2011. Ils le savent, ils n’ont ni candidat, ni parti.

Nous en arrivons au troisième facteur qui est l’absence de projet. Fondamentalement, ils n’ont pas d’idées sur la manière de résoudre les problèmes du pays, qui constituent une alternative à celles du Front Sandiniste. Ils n’ont aucune idée de la manière de résoudre les problèmes du Nicaragua, de faire une politique différente bénéficiant à la population. Et s’ils n’en n’ont pas c’est tout simplement parce qu’il ne peuvent en avoir, car leurs intérêts de classes ne peuvent pas leur permettre de penser à cela.

Les gringos, qui ne sont pas pour autant idiots et qui ont une large expérience de conspiration, savent que c’est un combat à mener sur le long terme. Chaque bataille, qu’ils ont voulu mener sur le court terme pour discréditer et éventuellement évincer du pouvoir le gouvernement fut un échec. Ils ne peuvent pas gagner des nouvelles municipalités, ils n’ont pas pu durant toute cette année. Ils cherchent donc de nouvelles voies.

Ils ne parient pas forcément sur 2011 (prochaine élection législative), ils parient sur la rénovation de la force politique qui les représente pour avoir un minimum de prise sur le Parlement qui sera élu en 2011. Leur action véritable interviendrait à l’horizon 2016 puisqu’ils savent qu’ils perdront de toutes façons en 2011. Mais pour pouvoir gagner des forces d’ici là , ils doivent aller à l’affrontement, en permanence, en provoquant et c’est ce qu’ils vont continuer à faire. La marche du 21 novembre prochain en est une des expressions. Après viendra Noël et ils recommenceront en Janvier 2010.

Certains voudraient que les sandinistes se tiennent cois, que nous laissions faire. Mais dans leur situation désespérée pour construire une alternative de pouvoir, la droite et l’oligarchie, n’ont rien d’autre à faire que d’utiliser ce qu’ils ont : utiliser jusqu’à l’usure la publicité et la propagande. Mais si les sandinistes leur permettent de simplement occuper l’espace, cela va devenir ingérable. Souvenons-nous de ce qui s’est passé au Venezuela, avec une opposition qui est de la même nature de classe qu’ici au Nicaragua, qui a commencé à occuper les espaces publicitaires, puis les espaces publics, et qui a construit ainsi l’opposition politique et la conspiration.

Quand le docteur Gustavo Porras par exemple déclare "les rues appartiennent au peuple" , ceux qui sont en face savent bien à quoi fait référence le docteur. Il ne dit pas que seul le peuple peut manifester, le peuple qui est majoritairement sandiniste, il ne dit pas cela. C’est un code politique, une affirmation purement idéologique et politique et ils savent ce que cela signifie. Et nous n’allons pas permettre qu’ils usent de cette caution populaire pour mettre en oeuvre leur conspiration dans la rue. Je sais que le gouvernement a toutes les informations nécessaires sur l’ensemble de la conspiration, sur des armes de combat, sur des petites bombes et d’autres choses ... l’information est suffisante. Et une montagne de plans similaires ont déjà été neutralisés, en silence, des montagnes de plans. Ils le savent et savent qu’ils peuvent tous être découverts un à un et qu’ils ne pourront plus se relever ensuite.

Pour ce qui concerne la Police et l’Armée, si elles avaient été aussi dociles qu’on le dit, cela ferait longtemps qu’il y aurait eu des actes de barbarie. Mais les forces armées voient que l’on conspire, qu’on essaye de planifier, en silence, dans les hautes sphères.

Ici l’on parle de la bataille pour le pouvoir. On ne peut plus continuer à croire dans l’illusion que le pouvoir se trouve seulement dans les élections tous les 5 ans. La bataille pour le pouvoir se joue quotidiennement. Si les sandinistes se démobilisent un jour, eux battront le pavé et leur lutte grandira. Si on trouvait des sandinistes démobilisés, angoissés, enfermés chez eux, eux occuperaient les rues et et tenteraient de prendre le pouvoir.

Y aura-t-il des incidents violents ? Je répugne la violence mais elle est inévitable. La police pourra faire tout ce qui est en son pouvoir pour l’éviter, c’est inévitable. Un incdent ici ou là . Je m’amuse d’entendre et de lire toutes ces organisations de défense des droits de l’homme, et qui parlent des journalistes persécutés ici ... et je me rappelle que pendant les dernières élections municipales, le premier journaliste attaqué et la première camoniette incendiée, c’était celle de la Nueva Radio Ya (sandiniste). Des incidents comme celui-ci sont de ceux que souhaite généraliser la droite, des escarmouches de ce type servent à semer la terreur dans le camp sandiniste.

Nous, sandinistes, nous ne pouvons avoir peur. Au contraire, nous avons le pouvoir politique, et nous devons le défendre. La défense du pouvoir ne se fait pas seulement avec des décisions institutionnelles, ni avec des réalisations gouvernementales. Elle se fait dans la rue, avec le peuple mobilisé. C’est un part de l’essence du pouvoir elle-même. Un pouvoir qui se définit seulement par les institutions est un pouvoir faible. Le pouvoir politique se renforce à mesure qu’il gagne le soutien de la population, et que la population manifeste ce soutien. Sinon le pouvoir s’affaiblit et finit par mourir.

C’est aujourd’hui la situation dans laquelle se trouvent les nicaraguayens. Certains ont peur, d’autres non. Et l’opposition en profitent au maximum. Les médias ont intérêt à grossir au maximum le moindre incident, parce qu’ils ont besoin d’exciter les haines, d’embraser une partie de la population, pour qu’ils les suivent, pour qu’ils puissent avoir une force et ils ne l’ont pas encore obtenu, il n’y arriveront pas.

Le programme de gouvernement d’Ortega est exclusivement consacré à améliorer les conditions de vie de la majorité pauvre, en utilisant certes certains ressorts du système capitaliste, car c’est celui-ci qui a cours aujourd’hui. L’idée est en premier lieu de restituer les droits de la population et ensuite qu’elle arrête d’être à l’agonie, à la survie, qu’elle puisse au moins manger, pour qu’elle garde l’espérance. Et ces deux choses créent la conscience pour ensuite avoir une majorité suffisante qui s’exprimera en 2011 et le processus pourra alors aller plus loin. Mais malgré cela, il y a la situation actuelle, et il faut faire avec.

Pourquoi croyez vous que l’alliance olgarchie-somoziste a recours aux forces étrangères ? Parce qu’elle n’a aucune prise au Nicaragua. Personne ne fait attention à elle. C’est possible que les gens soient dégoûtés, mais personne ne se marie avec des personnes de ce groupe oligarchique. Ils pourraient faire partie du peuple, avoir une partie des pauvres avec eux et ingénument contre le gouvernement, mais ils n’y a rien de la sorte. Il y a une fracture radicale.

Il faut à cela ajouter de points supplémentaires. L’an passé nous avons vu une débâcle du capitalisme, à la fois économique et sociale mais surtout idéologique. Le capitalisme s’est maintenu sans le discours politique qui pouvait convaincre les gens qui ce système est LE système, le capitalisme néolibéral. Orphelins d’idées, ils recourent désormais aux quatre coins du monde à la force. Coup d’Etat au Honduras, bases militaires en Colombie et au Panama, nids de radars au Costa Rica ... ils suivent la voie militaire dans ces pays d’Amérique Latine où ils n’ont plus les possibilités politiques de récupérer à court terme le pouvoir. Et ils sont prêts à tout, jusqu’à mettre en déroute la Convergence (de gauche) au Chili pour faire gagner l’extrême-droite. Il y a un mois, ils auraient effectivement pu gagner, aujourd’hui, il n’y a plus que 6 points d’écarts et il y aura un second tour, nous verrons bien alors ce qui arrivera. C’est possible que ça se passe comme au Brésil. Mais si les candidats des yankees perdent, ce pouvoir d’extrême drote a l’assurance qu’il aura le feu vert s’il souhaite utiliser la voie de la force, l’option militaire, l’option de la subversion, de la conspiration, c’est certain.

Ainsi donc, dépourvu d’idées, de tout ce discours mensonger qu’ils ont semé dans la population, que le marché est Dieu, ce que personne ne croit, le peuple sait quand on lui ment. Dépourvu de ce discours, répété continuellement par tous leurs outils médiatiques, qui sont totalement dévalorisés, discrédités, ils suivent désormais l’option de la force. Et la dé-qualification, la diabolisation de tous les processus politiques progressistes en Amérique Latine, n’a qu’un objectif : faire peur au peuple.

Au Nicaragua, nous l’avons répété de nombreuses fois, les premières élections libérées de la peur qui ont eu lieu dans le pays, durant toute son histoire sont celles de l’année dernière. Cela a pour conséquence la rupture - historique - du bloc le plus homogène qui existait dans le paysage électoral nicaraguayen, que l’on peut qualifier d’anti-sandiniste. Et ce bloc qui est parvenu par le passé à rassembler plus de 50% de la population est aujourd’hui réduit à une infime minorité, tout au plus 15% de l’électorat. C’est une victoire des réalisations du Front Sandiniste pendant ces trois années. La victoire est idéologique, désormais, le bloc anti-sandiniste est cassé, dilué.

Il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui ne sont pas sandinistes, c’est certains, mais c’est autre chose que d’être anti-sandiniste. Toute cette alliance oligarco-somoziste croit toujours qu’utiliser ce discours anti-sandiniste leur permettra de mobiliser en premier et d’obtenir un capital politique ensuite, mais ils se trompent du tout au tout car les dispositions objectives pour qu’un tel discours ait une portée concrète n’existe pas, il n’y a aucune raison que cela soit ainsi

Il y a beaucoup de gens pour qui Daniel (Ortega) est antipathique, nous n’allons pas le nier Mais il n’y a pas de haine maladive, inspirée par une peur ou par rancoeur qui existait avant. C n’est pas ce qui se passe dans tous les secteurs de la société. Il y a un secteur qui sera toujours anti-sandiniste, oligarchie-somozisme, mais dans les classes populaires cela n’existe pas. Et c’est leur plus grosse erreur de persister à croire qu’il vont arriver à quelque chose ainsi.

Désormais, on voit émerger ces ’’légalistes" et faire marche arrière sur tous ces discours. Savez-vous qu’il y a une semaine encore Montealegre (parti libéral) disait : "s’ils tuent l’un d’entre nous, nous en tuerons deux des leurs, c’est (ce 21 novembre) une marche contre la dictature d’Ortega" . Aujourd’hui, les mêmes sont en conférence de presse et déclarent "nous ne sommes anti-rien. Nous proposons, nous voulons la paix, la concorde, la démocratie" . Cela ressemble presque à une comptine pour enfants, mais c’est évidemment autre chose qu’ils souhaitent réellement.

S’ils ont recours à ces discours, c’est parce qu’ils savent qu’ils échoueront par tous les autres moyens. Ils cherchent une autre emballage, et la première chose qu’ils disent c’est "la marche n’est pas partisane, nous ne voulons pas d’organisations politiques ici" . Aleman (figure de l’oligarchie) sortit furieux de cette réunion de presse et déclara : "pourquoi ? Nous n’allons pas nous discriminer nous-même, nous allons faire venir nos dirigeants, nous défilerons avec nos banderoles, nous verrons s’ils arriveront à nous expulser" . Aleman n’est pas fou, il sait que l’objectif est de construire une alternative a moyen terme, distincte du propre Parti Libéral Constitutionnaliste (PLC) car le PLC ne sert à rien pour affronter les sandinistes.

En résumé, l’alliance oligarchique somoziste sortie du pouvoir en 2007 est la même qu’en 1979. Le Front Sandiniste a de nombreux défis à assumer en étant au pouvoir. Le premier d’entre eux est de s’acquitter de son devoir au peuple et d’appliquer son programme. En agissant de la sorte, il gagnera un capital politique qui aura ensuite une expression électorale. Deuxièmement, c’est de faire ces choses, ces grandes projets du gouvernement sans que cela signifie une rupture radicale avec les Etats-Unis et l’oligarchie du pays, en termes économiques. C’est pour cela que le Front, va essayer de ne pas provoquer de tensions inutiles avec ce secteur qui reste le plus puissant.

Un exemple : la réforme des impôts. Le gouvernement a fait marche arrière parce que cette réforme pouvait accentuer les tensions ce qui n’était pas son objectif. Dans l’état actuel des choses, cette dispute du pouvoir et de l’espace public, la question de la rupture totale avec l’oligarchie et le capitalisme n’est pas à l’ordre du jour. Et il est dans l’intérêt du Front, dans la mesure du possible, d’éloigner les somozistes de cette oligarchie. A mesure qu’il obtient cette division, il ne les neutralise pas, mais il les isole, il diminue leur possibilité d’une alliance politique oligarchie - somozisme et il se maintient ainsi au pouvoir. C’est une décision intelligente. Peu importe que le COSEP ( patronat) revendique cela comme son triomphe, cela n’a aucune importance. C’est la décision politique la plus intelligente dans la situation actuelle.

Les bases fondamentales du pouvoir politique du Front Sandiniste ne sont pas les institutions, ne soyons pas naïfs, ce n’est pas le gouvernement, ni le Parlement, ni le Conseil Suprême Electorale ni la Cour Suprême. Rien de tout cela n’est la base fondamentale du pouvoir qu’exerce le Front Sandiniste. La base fondamentale c’est le peuple, les gens. Les gens organisés, et toujours plus nombreux, fruit de cette espérance qu’effectivement on peut faire autre chose que ce modèle oligarchique. Ce peuple qu’ils ont volé, pillé, humilié durant tant d’années, eux qui s’auto-proclament démocrates. A mesure que ces personnes ouvrent les yeux, ils grossissent les rang de l’organisation populaire, c’est cela la force du Front.

C’est là selon moi, le coeur de la différence entre le pouvoir politique que représente le Front Sandiniste et celui qui représente l’oligarchie. Ce pouvoir oligarchique est le simple pouvoir de l’argent, des intérêts de classe dominante, des Etats Unis au Nicaragua. Et celui du Front, sa nature, son essence, c’est l’expression du peuple organisé et c’est la seule qui le maintient sur pied.

La force du somozisme, quand il était au pouvoir dans ce pays, c’était ses institutions, qui faisait tomber sur les gens la force de la loi, la garde nationale, les tribunaux, tout, ils nous dépossédaient de tout. Et la force du Front c’était le peuple. Et c’est exactement la même chose aujourd’hui. Les institutions aident, mais elles ne sont pas l’essence du pouvoir qui réside dans la force du peuple organisé. Le reste, c’est juste du renfort mais ce n’est pas fondamental.

WILLIAM GRIGSBY

Transcription partielle du programme Sans Frontières de Radio La Primerà­sima, du jeudi 12 novembre 2009

Traduction : Grégoire Souchay pour http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article754&lang=fr

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Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
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Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un isoloir. On voit (...)
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